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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_488/2022  
 
 
Arrêt du 12 mai 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jametti, Présidente, Hohl et May Canellas. 
Greffier : M. Botteron. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
2. B.________, 
tous les deux représentés par 
Me Philippe Leuba, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
C.________ AG, 
représentée par 
Me Daniel Zbinden, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
société simple, principe de la confiance; connaissance de la société anonyme cocontractante; 
 
recours contre l'arrêt rendu le 26 septembre 2022 par la Ie Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg (101 2021 244). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. D.________ et E.________ entretenaient des rapports commerciaux depuis longtemps, le premier achetant des porcs au second et les lui revendant après une période d'engraissement. Les transactions étaient consignées sur des "Kontokarten", selon un système qui s'apparentait à un compte courant.  
En novembre 2006, D.________ a cédé à ses fils A.________ et B.________ ses biens immobiliers composant son exploitation agricole. Ces derniers les ont mis à disposition de leur père de 2007 à 2011. 
 
A.b. Un solde de factures impayées du commerce de porcs avec E.________, selon un récapitulatif du 3 juin 2009, s'élevait à 486'000 fr. en faveur de celui-ci. Un plan de remboursement a été négocié, comportant un premier versement de 60'000 fr. avant fin décembre 2009, puis treize versements de 30'000 fr. et un dernier versement de 36'000 fr. Seul le premier versement de 60'000 fr. a été effectué.  
Le solde de 426'000 fr. a fait l'objet d'une action en paiement, introduite par E.________ contre D.________ et A.________ et B.________ (ci-après: le père et ses deux fils) devant le Tribunal civil de l'arrondissement de la Sarine. En bref, ni la qualité de créancier de E.________, ni la qualité de débiteur du père n'étaient contestées. En revanche, les deux fils de ce dernier contestaient avoir formé avec lui une société simple et, partant, être solidairement débiteurs du solde. 
Le tribunal civil a condamné le père et ses fils à verser au demandeur le montant de 426'000 fr. avec intérêts. Cette condamnation est devenue définitive et exécutoire à la suite d'un arrêt de renvoi du Tribunal fédéral (arrêt 4A_513/2015 du 13 avril 2016), puis d'un second arrêt du Tribunal cantonal, confirmant le premier jugement, et enfin d'un arrêt final de rejet du Tribunal fédéral (arrêt 4A_253/2017 du 18 juin 2018). En bref, il a été considéré que le demandeur pouvait de bonne foi penser que les deux fils étaient également ses cocontractants parce que leur comportement laissait supposer qu'ils formaient une société simple avec leur père. 
 
B.  
 
B.a. En 2009, F.________, fils d'E.________, a fondé une raison individuelle "F.________,...", qui a repris les actifs et passifs du commerce de son père E.________, exploité sous le nom de E.________,..., respectivement E.________ & Söhne.  
Le 10 mai 2010, la société C.________ AG a repris les actifs et passifs du commerce de F.________. Celui-ci est l'actionnaire unique de la société et président du conseil d'administration, avec signature individuelle. Son père E.________, qui a continué à travailler pour la société anonyme, était également membre du conseil d'administration, avec pouvoir de signature individuelle, mais il a définitivement quitté le conseil d'administration le 18 avril 2016. 
Déjà avant la fondation de la société anonyme, F.________ travaillait étroitement avec son père, et ce depuis une dizaine d'années. 
 
B.b. La société anonyme a effectué trois livraisons de porcs les 10 novembre 2010 et 3 et 16 mars 2011, pour un montant de 187'071 fr. Ni la qualité de créancière de la société anonyme, ni le montant dû ne sont contestés.  
 
B.c. Le 13 décembre 2019, C.________ AG a ouvert une action en paiement contre les deux fils, par requête de conciliation, puis, le 10 juin 2020, elle a déposé sa demande devant le Tribunal civil de l'arrondissement de la Sarine, concluant à leur condamnation solidaire à lui payer le montant de 187'071 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 23 juin 2011. Même si elle n'assignait en justice que les deux fils, la société anonyme invoquait toujours que ceux-ci formaient avec leur père une société simple. Les défendeurs ont contesté l'existence d'une société simple et soutenu que les livraisons de porcs n'étaient destinées qu'à leur père.  
Par jugement du 21 mai 2021, le Tribunal civil a condamné solidairement les deux fils à payer à la société demanderesse le montant de 187'071 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 23 juin 2011. Il a admis que la demanderesse devait être protégée dans sa bonne foi, puisque, par ses organes, elle avait acquis la conviction que les deux fils formaient avec leur père une société simple. 
Statuant sur l'appel des deux fils, le Tribunal cantonal l'a rejeté et a confirmé le jugement de première instance. La motivation en sera reprise dans les considérants de droit. 
 
C.  
Contre cet arrêt, qui leur a été notifié le 30 septembre 2022, les deux fils ont interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral le 28 octobre 2022, concluant à sa réforme en ce sens que l'action en paiement est rejetée; subsidiairement, ils concluent à l'annulation de cet arrêt et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Ils invoquent tout d'abord l'appréciation arbitraire des preuves (art. 97 al. 1 LTF et 9 Cst.) et la violation de l'art. 8 CC, et ensuite, à titre subsidiaire, la violation de l'art. 543 CO et de la protection de la bonne foi. 
La demanderesse intimée conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. 
Les parties n'ont pas déposé d'observations complémentaires. 
La cour cantonale a informé qu'elle n'avait pas d'observations à formuler. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), par les défendeurs qui ont succombé dans leurs conclusions libératoires (art. 76 al. 1 LTF), contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu sur appel par le tribunal supérieur du canton de Fribourg (art. 75 LTF), dans une affaire civile (art. 72 al. 1 LTF), dont la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est en principe recevable. 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
 
2.2. Sous réserve de la violation des droits constitutionnels (art. 106 al. 2 LTF), le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal ou, cas échéant, à l'état de fait qu'il aura rectifié. Il n'est toutefois lié ni par les motifs invoqués par les parties, ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale; il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en procédant à une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4 et l'arrêt cité).  
 
3.  
Dans l'arrêt attaqué, la cour cantonale a commencé par rappeler la motivation de son arrêt du 19 avril 2017 et celle de l'arrêt du Tribunal fédéral du 18 juin 2018 (arrêt 4A_253/2017), rendus dans la précédente affaire concernant le solde de factures de 426'000 fr. dû à E.________ (cf. Faits A.b). En bref, elle y avait retenu que la confiance du tiers, E.________, devait être protégée parce que les comportements respectifs des fils, qui étaient apparus de manière soutenue aux côtés de leur père dès juin 2006, dans le cadre des relations commerciales entretenues de longue date entre les deux familles de A.________ et de E.________, manifestaient de façon suffisamment claire l'existence d'une société simple en rapport avec le commerce de porcs dès juin 2006. En s'impliquant aussi bien dans le paiement des factures que dans le plan de règlement par tranches, les fils, désormais propriétaires des locaux abritant le commerce lui-même, avaient démontré vis-à-vis de l'extérieur leur participation à l'entreprise. 
Ensuite, en ce qui concerne les trois livraisons de novembre 2010 et mars 2011 présentement litigieuses, la cour cantonale a considéré que le fait que le créancier soit désormais la société anonyme, et non plus E.________ personnellement, ne changeait rien à la bonne foi dans l'apparence de société simple créée par les débiteurs, soit le père et ses deux fils. 
D'une part, la bonne foi de E.________ - qui pouvait croire en l'existence d'une société formée par le père et ses deux fils dans le cadre de la précédente procédure - est transposable à la société anonyme pour les livraisons en question: d'un côté, son fils F.________ travaillait étroitement avec lui depuis une dizaine d'années avant la fondation de la société anonyme; de l'autre, E.________ avait continué à travailler pour la société anonyme, dont il était membre du conseil d'administration, au bénéfice de la signature individuelle. 
D'autre part, la bonne foi est demeurée inchangée entre le moment déterminant pour la créance de 426'000 fr., soit le 3 juin 2009, et la période des livraisons de 187'071 fr., soit entre novembre 2010 et mars 2011, puisque la cour avait déjà admis que le père et ses fils avaient, par leurs comportements persistants, créé l'apparence d'une société simple de juin 2006 à juin 2009 et que ce n'est que près de deux ans après, le 9 mai 2011, soit postérieurement aux livraisons en cause, que l'un des fils (A.________) avait écrit à E.________ pour lui dire qu'il n'était pas concerné par cette affaire et qu'il fallait s'adresser directement à son père. Durant la période déterminante, le père et ses deux fils présentaient l'apparence d'être organisés en société simple. 
La cour cantonale a ensuite réfuté les griefs des défendeurs appelants. Sur le dernier de ceux-ci, elle a souligné "au surplus que, contrairement à ce qu'avancent les appelants, l'intimée n'a jamais affirmé dans ses mémoires ou lors de la séance du 14 janvier 2021 avoir entretenu une relation contractuelle avec D.________ exclusivement. "Tout au contraire, E.________ et F.________ ont, de manière constante, déclaré avoir toujours été persuadés que les appelants et leur père exploitaient ensemble leur commerce d'engraisseur". 
 
4.  
La question litigieuse n'est pas tout à fait la même dans les deux affaires. 
Dans l'affaire précédente, portant sur le montant de 426'000 fr., c'était la qualité pour défendre du père et de ses deux fils qui était litigieuse en relation avec le créancier E.________: se posait la question de savoir si, en vertu du principe de la confiance, le demandeur E.________ pouvait ou non comprendre qu'il avait noué une relation avec les trois défendeurs ou s'il ne s'était lié qu'avec le père seul. 
Dans la présente procédure, portant sur trois livraisons de porcs d'un montant de 187'071 fr., est litigieuse la qualité pour défendre des deux fils, eux seuls étant attraits en justice parce qu'ils formaient une société simple avec leur père, mais désormais dans leur relation avec la société anonyme créancière: se pose la question de savoir si la société demanderesse peut se prévaloir du principe de la confiance parce qu'elle s'est fiée au comportement du père et de ses deux fils pour en déduire qu'ils formaient une société simple. 
 
4.1. La société simple est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent d'unir leurs efforts ou leurs ressources en vue d'atteindre un but commun (art. 530 al. 1 CO). Leurs déclarations de volonté s'interprètent conformément aux principes généraux d'interprétation des manifestations de volonté (ATF 124 III 363 consid. II/2a; sur ces principes en général, cf. ATF 144 III 93 consid. 5.2; arrêt 4A_643/2020 du 22 octobre 2021 consid. 4). La qualification juridique du contrat ne dépend pas de la dénomination que les parties lui ont donnée; un contrat de société simple existe même si les parties ne connaissaient pas la qualification correcte de leur relation (arrêt 4A_491/2010 du 30 août 2011 consid. 2.3, non publié aux ATF 137 III 455; ATF 124 III 363 consid. II/2a; 116 II 707 consid. 2a; arrêts 4A_383/2007 du 19 décembre 2007 consid. 3.1; 4C.24/2000 du 20 mars 2000 consid. 3d).  
Selon la jurisprudence, le contrat de société simple n'est soumis à aucune forme et peut donc être passé par actes concluants (ATF 124 III 363 consid. II/2a; 116 II 707 consid. 2a; TERCIER/BIERI/CARRON, L es contrats spéciaux, 5e éd. 2016, n° 6896). Toutefois, pour qu'un tel contrat vienne à chef, il faut qu'au moins l'un des associés présumés ait eu la volonté de se lier juridiquement, car il n'est pas imaginable qu'un rapport contractuel naisse entre des parties alors qu'aucune d'elles ne le veut (arrêts 4A_513/2015 du 13 avril 2016 consid. 3.1; 4C.24/2000 du 28 mars 2000 consid. 3d; ATF 117 II 404 consid. 2). 
 
4.2. Si les associés présumés n'ont pas voulu conclure un contrat de société simple, qui pour les tiers est une res inter alios acta, il faut déterminer si le tiers pouvait penser de bonne foi que les associés présumés étaient ses cocontractants, parce que leur comportement laissait supposer qu'ils formaient une société simple. En effet, le principe de la confiance est également valable dans le droit des sociétés (arrêt 4A_513/2015 précité consid. 3.1; arrêt 4C.24/2000 précité consid. 4a; ATF 124 III 363 consid. II/2a et consid. II/2b; 116 II 707 consid. 1b).  
La confiance du tiers dans l'existence d'une société simple n'est protégée que si le comportement des associés présumés manifeste de manière suffisamment claire une participation à une telle société. 
Dès lors, même si le comportement des associés présumés ne correspond pas à leur volonté intime, ils pourront se voir opposer, par le tiers, la confiance qu'il a eue dans le fait qu'il avait traité avec la société simple, c'est-à-dire avec eux tous. 
En procédure, le juge doit donc rechercher, en premier lieu, si les intéressés ont conclu un contrat de société simple et, si une telle volonté fait défaut, si leur cocontractant pouvait, de bonne foi, déduire leur volonté de s'engager dans un tel contrat selon le principe de la confiance (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3). 
 
4.3. Il y a lieu d'examiner désormais la situation du tiers lorsqu'il est une société anonyme et qu'il manifeste sa volonté par ses organes.  
 
4.3.1. Pour mieux saisir la problématique de la société anonyme, il peut être utile d'examiner tout d'abord la question du tiers qui est représenté lors de la conclusion du contrat par un représentant.  
La représentation civile des art. 32 ss CO est une institution qui permet à une personne - le représentant - d'accomplir un acte juridique avec un cocontractant, qui produit effet pour une autre personne - le représenté. C'est la volonté exprimée par le représentant qui est déterminante pour la conclusion (et le contenu) du contrat (art. 1 CO). Les déclarations (Willensäusserungen) du représentant sont imputées au représenté conformément à l'art. 32 al. 1 CO, le représentant engageant également le représenté par ce qu'il savait (Wissen) ou devait savoir (Wissen müssen) (arrêts 4A_129/2021 du 9 août 2021 consid. 4.4.1.1; 4A_562/2019 du 10 juillet 2020 consid. 4; ATF 140 III 86 consid. 4.1; à propos des vices de la volonté à apprécier en la personne du représentant, cf. arrêt 4A_303/2007 du 29 novembre 2007 consid. 3.4.3). 
 
4.3.2. Lorsque le tiers - qui croit contracter avec une société simple - est une société anonyme, il est engagé contractuellement, notamment, par ses organes (art. 718 al. 1 CO; ATF 146 III 37 consid. 5). En vertu de l'art. 718 CO, comme d'ailleurs de l'art. 55 al. 2 CC, l'acte de l'organe est directement attribué à la personne morale comme son acte propre; autrement dit, les organes ne sont pas des représentants au sens des art. 32 ss CO, mais lorsqu'ils agissent, c'est la société elle-même qui agit (ATF 146 III 37 consid. 5.1.1). Les déclarations (Willensäusserungen), la connaissance (Wissen) et la connaissance attendue (Wissen müssen) de l'organe sont donc directement celles de la société anonyme (CHRISTOPH BÜHLER, in Zürcher Kommentar, Obligationenrecht Art. 698-726 und 731b OR, Zurich 2018, n. 39 ad art. 718 CO).  
Après avoir longtemps suivi la théorie de l'imputation absolue (Wissensvertretung), selon laquelle ce qui est connu d'un organe est réputé en toutes circonstances connu de la personne morale et des autres organes, le Tribunal fédéral, s'appuyant sur la doctrine récente, s'en est éloigné et en a relativisé la portée: il a estimé que si la personne morale ne doit pas tirer avantage de sa structure juridique et de son organisation effective, elle ne doit pas non plus, comparée à une entreprise individuelle, être entravée injustement dans ses rapports de droit civil fédéral. Il considère ainsi désormais que l'imputation à la personne morale doit intervenir seulement pour ce qui est connu de l'organe qui est au moins saisi de l'affaire, ou lorsque les informations acquises par un organe n'ont pas été transmises à un autre organe, en raison du défaut d'organisation de la société, ou encore lorsque des contacts préalables ont été noués par la société avec des tiers (arrêt 4C.335/1999 du 25 août 2000 consid. 5a, publié in SJ 2001 I 185 avec référence à l'ATF 124 III 418 consid. 1b; arrêts 2C_1082/2013 du 14 janvier 2015 consid. 6.2 et les références; 5C.104/2001 du 21 août 2001 consid. 4c/bb; 4C.44/1998 du 28 septembre 1999 consid. 2d/aa; parmi les auteurs récents, cf. ANNICK FOURNIER, Comment déterminer la connaissance d'une personne morale, in RSJ 2022 p. 1187 ss, p. 1192-1193; la même, L'imputation de la connaissance, thèse Fribourg, 2021, n. 672 ss; BÜHLER, op. cit., n. 38-40 ad art. 718 CO). 
 
4.4.  
 
4.4.1. En l'espèce, s'agissant de la confiance mise dans l'existence d'une société simple, la cour cantonale a constaté que, du comportement des fils défendeurs, qui étaient apparus de manière soutenue aux côtés de leur père dès juin 2006, E.________ avait pu, de bonne foi, déduire qu'ils formaient une société simple s'agissant du commerce de porcs qu'ils exerçaient, ce que le Tribunal fédéral n'avait pas jugé arbitraire. La cour cantonale a également constaté que cette confiance a perduré après la constitution de la société anonyme demanderesse en 2010, puisque ce n'est que le 9 mai 2011, soit postérieurement aux trois livraisons en cause, que l'un des fils avait écrit à E.________ pour lui dire qu'il n'était pas concerné par cette affaire et le renvoyait à s'adresser directement à son père.  
 
4.4.2. Les recourants ne remettent pas en cause cette appréciation de ce que E.________ a pu comprendre selon le principe de la confiance.  
Seule doit donc être examinée la question de savoir si la connaissance de celui-ci peut être imputée à la société anonyme, connaissance qui doit s'apprécier nécessairement, comme on l'a vu, en la personne d'un organe. 
Il ressort des constatations de fait que, lors de la fondation de la société anonyme le 10 mai 2010, F.________ et son père sont devenus membres du conseil d'administration de C.________ AG, chacun avec signature individuelle. A l'époque des livraisons en cause (2010-2011), tant F.________ que son père E.________ étaient donc des organes de la société anonyme. Celle-ci peut dès lors se prévaloir comme des siennes propres tant des déclarations que de la connaissance de l'un ou l'autre de ses organes. 
C'est ainsi que l'on peut comprendre pourquoi la cour cantonale a admis que la "bonne foi" de E.________ était "transposable" à la société anonyme. En d'autres termes, la cour cantonale a admis que E.________, désormais organe de la société et toujours principal interlocuteur des défendeurs dans ce commerce de porcs - comme cela résulte d'ailleurs des citations dont se prévalent les recourants dans leur mémoire de recours - pouvait déduire, selon les règles de la bonne foi, des comportements respectifs du père et de ses fils que les trois contrats de livraisons en cause avaient été passés avec la société simple, c'est-à-dire avec les trois associés. Et la cour cantonale a admis que la connaissance de E.________ était imputable directement à la société anonyme. 
E.________ étant l'organe qui s'est occupé de ces livraisons, il n'est pas nécessaire d'examiner la question de la connaissance de l'autre administrateur, F.________. 
Selon le principe de la confiance, la société anonyme, par son organe E.________, pouvait donc, selon les règles de la bonne foi (principe de la confiance), déduire qu'elle était liée avec le père et les fils qui formaient ensemble une société simple. 
 
4.4.3. Dans leurs critiques, les recourants ne reviennent que sur deux points, traités dans la motivation supplémentaire de la cour cantonale ("au surplus").  
En tant qu'ils entendent déduire des déclarations faites par F.________ à l'audience du 14 janvier 2021 que la société anonyme n'a pas pu croire en 2010 et 2011 qu'elle traitait avec le père et ses fils en société simple, ils méconnaissent, d'une part, que la connaissance de E.________ suffit et, d'autre part, que, selon le principe de la confiance, c'est l'interprétation objective de leurs comportements qui est décisive pour savoir si le cocontractant pouvait en déduire qu'il traitait avec une société simple, cette question relevant du droit. Le grief d'appréciation arbitraire des preuves (art. 9 Cst. et 97 al. 1 LTF) est donc sans pertinence et on ne décèle aucune violation de l'art. 8 CC
Quant aux citations tirées des mémoires en justice de la société anonyme demanderesse, qui sont évidemment postérieures à l'époque de la conclusion des trois contrats de livraison, elles ne sauraient, à elles seules, conduire à une interprétation objective différente des manifestations de volonté, par actes concluants, du père et des deux fils au moment de leur conclusion. 
Dans un dernier grief, de violation de l'art. 543 CO et de la protection de la bonne foi, les recourants soutiennent que la société anonyme, créancière, devait, en cas de doute, clarifier la situation, autrement dit rechercher qui était véritablement son ou ses cocontractants. Ce faisant, ils perdent de vue que la question ne relève pas de la bonne foi de E.________, ni au sens de l'art. 3 al. 1 CC, ni au sens du droit à la protection de la bonne foi de l'art. 3 al. 2 CC, mais de l'interprétation objective de leur comportement et de celui de leur père dont tout cocontractant, placé dans les mêmes conditions que E.________, pouvait et devait raisonnablement déduire qu'ils étaient engagés. 
Vu les développements qui précèdent, on ne peut partager le sentiment du mandataire des recourants, qui, sur la base de faits différents, craint un détournement du système et des délais des art. 285 ss LP
 
4.5. Les conditions de la "représentation" de la société simple par un associé lors de ces trois livraisons, que ce soit au sens de l'art. 543 al. 3 CO ou de l'art. 543 al. 2 CO n'étant pas litigieuses, c'est à raison que la cour cantonale a confirmé le jugement de première instance et, partant, la condamnation des deux défendeurs à payer solidairement à la société anonyme demanderesse le montant de 187'071 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 23 juin 2011.  
 
5.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté et les frais et dépens mis à la charge de ses auteurs (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'000 fr., sont mis solidairement à la charge des recourants. 
 
3.  
Les recourants verseront à la société intimée une indemnité de 7'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la I e Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg.  
 
 
Lausanne, le 12 mai 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
Le Greffier : Botteron