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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_177/2022  
 
 
Arrêt du 14 septembre 2022  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président, 
von Werdt et Bovey. 
Greffière : Mme de Poret Bortolaso. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Matthieu Genillod, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
représenté par Me Véronique Fontana, avocate, 
intimé. 
 
Objet 
droit aux relations personnelles (enfant de parents non mariés), 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre des curatelles du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 3 février 2022 (LQ21.009960-211795 18). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ et B.________ sont les parents non mariés de C.________, née en 2018. Le père a reconnu sa fille en février 2020.  
 
A.b. Dans un rapport du 1er mars 2019, la Direction générale de l'enfance et de la jeunesse (ci-après: DGEJ) a informé l'autorité de protection du district du Jura-Nord vaudois que la police cantonale vaudoise avait signalé la situation de l'enfant; les forces de l'ordre étaient intervenues à deux reprises au domicile de A.________ en raisons de violents conflits conjugaux (violences verbales et physiques du père à l'égard de la mère), en présence de C.________. A la suite d'une enquête préliminaire, la DGEJ avait néanmoins constaté que les parents avaient chacun leur logement, que l'enfant, qui se portait bien, vivait essentiellement avec sa mère, et que le père avait entamé un suivi auprès du Centre Prévention de l'Ale. La DGEJ a ainsi proposé de clore la procédure sans autre suite et d'informer le signalant ainsi que les parents qu'aucune action socio-éducative ne serait entreprise.  
 
B.  
Par courrier du 21 décembre 2021, B.________ a requis de l'autorité de protection la ratification de la convention fixant les droits parentaux de l'enfant, signée par les parties. 
Dite convention prévoyait que la garde de fait était confiée exclusivement à la mère et que, dans un premier temps, le droit de visite du père s'exerçait à raison de deux heures toutes les deux semaines par l'intermédiaire de Point Rencontre; afin de suivre l'évolution des relations personnelles entre l'enfant et son père et de rendre possible, à terme, un exercice libre et large du droit de visite, les intervenants de Point Rencontre devaient établir un compte-rendu régulier des visites à l'autorité de protection. La mère s'engageait pour sa part à favoriser la reprise de contact entre l'enfant et son père, de même que l'exercice du droit de visite. 
 
B.a. Après avoir informé les parties qu'elle ouvrait une enquête en fixation du droit de visite, la juge de paix du district du Jura-Nord vaudois (ci-après: la juge de paix) a ratifié la convention pour valoir ordonnance de mesures provisionnelles le 27 mai 2021.  
 
B.b. En audience, B.________ a conclu à pouvoir exercer son droit de visite jusqu'au 30 novembre 2021 à raison d'un jour par semaine, alternativement le samedi ou le dimanche, puis, dès le 1er décembre 2021, à raison d'un week-end sur deux du samedi matin au dimanche soir ainsi que durant la moitié des vacances scolaires.  
A.________ s'y est opposée, concluant à la fixation d'un droit de visite par le biais de Point Rencontre ainsi qu'à l'attribution d'un mandat d'évaluation à l'Unité évaluation et missions spécifiques (ci-après: UEMS) de la DGEJ. 
 
B.c. Par ordonnance de mesures provisionnelles du 14 octobre 2021, la juge de paix a notamment poursuivi l'enquête en fixation du droit de visite (I), confié un mandat d'évaluation à l'UEMS (II), dit que le droit de visite du père s'exercerait provisoirement par l'intermédiaire de Point Rencontre pour les quatre prochaines rencontres pour une durée maximale de deux heures, deux fois par mois, à l'intérieur des locaux (III), puis deux fois par mois, pour une durée maximale de trois heures, toujours par l'intermédiaire du Point Rencontre mais avec l'autorisation de sortir des locaux (IV) et déclaré l'ordonnance immédiatement exécutoire nonobstant recours (VIII).  
Statuant le 3 février 2022, sur le recours de B.________, la Chambre des curatelles l'a partiellement admis et a réformé le ch. IV de l'ordonnance en ce sens qu'à la suite des quatre premières rencontres, le droit de visite s'exercerait provisoirement par l'intermédiaire de Point Rencontre, deux fois par mois, d'abord et pendant trois mois, pour une durée maximale de trois heures avec l'autorisation de sortir des locaux, puis pendant trois mois supplémentaires, pour une durée maximale de six heures avec l'autorisation de sortir des locaux; le droit de visite s'exercerait ensuite provisoirement un jour par semaine le samedi ou le dimanche de 9h à 17 h. 
 
C.  
Agissant le 9 mars 2022 par la voie du recours en matière civile au Tribunal fédéral, A.________ (ci-après: la recourante) conclut à la réforme de l'arrêt cantonal en ce sens que le droit de visite de B.________ (ci-après: l'intimé) sur C.________ s'exercera provisoirement par l'intermédiaire de Point Rencontre, deux fois par mois, pour une durée maximale de six heures avec autorisation de sortir des locaux. 
La recourante requiert au préalable le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
Des déterminations sur le fond n'ont pas été demandées. 
 
D.  
Par ordonnance présidentielle du 4 avril 2022, l'effet suspensif a été attribué au recours quant aux trois mois supplémentaires liés à l'exercice du droit de visite de six heures par l'intermédiaire de Point Rencontre, de même que quant au droit de visite d'un jour par semaine. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les conditions du recours en matière civile sont ici réalisées (art. 72 al. 2 let. b ch. 6, 75 al. 1 et 2, 76 al. 1 let. a et b, 90 et 100 al. 1 LTF), étant précisé que la cause n'est pas de nature pécuniaire. 
 
2.  
 
2.1. La décision entreprise porte sur des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF; la partie recourante ne peut ainsi dénoncer que la violation de droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés par le recourant (" principe d'allégation ", art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'ils ont été expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée (ATF 147 I 73 consid. 2.1; 146 III 303 consid. 2; 142 III 364 consid. 2.4). Le recourant qui se plaint de la violation d'un droit fondamental ne peut donc se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en instance d'appel, où l'autorité de recours jouit d'une libre cognition; il ne peut, en particulier, se contenter d'opposer sa thèse à celle de l'autorité cantonale, mais doit démontrer ses allégations par une argumentation précise (ATF 134 II 349 consid. 3; 133 II 396 consid. 3.2). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4; 140 III 264 consid. 2.3).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Dans l'hypothèse d'un recours soumis à l'art. 98 LTF, le recourant qui entend invoquer que les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ne peut obtenir la rectification ou le complètement des constatations de fait de l'arrêt cantonal que s'il démontre la violation de droits constitutionnels, conformément au principe d'allégation susmentionné (cf. supra consid. 2.1). Le recourant ne peut se limiter à contredire les constatations litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre appréciation des preuves; il doit indiquer de façon précise en quoi ces constatations sont arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3). Une critique des faits qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 145 IV 154 consid. 1.1; 141 IV 249 consid. 1.3.1).  
 
3.  
La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir arbitrairement établi les faits, ce qui l'aurait conduit à appliquer arbitrairement l'art. 273 CC
 
3.1.  
 
3.1.1. Aux termes de l'art. 273 al. 1 CC, le père ou la mère qui ne détient pas l'autorité parentale ou la garde ainsi que l'enfant mineur ont réciproquement le droit d'entretenir les relations personnelles indiquées par les circonstances. Le droit aux relations personnelles est considéré à la fois comme un droit et un devoir des parents, mais aussi comme un droit de la personnalité de l'enfant, qui doit servir en premier lieu l'intérêt de celui-ci; dans chaque cas, la décision doit donc être prise de manière à répondre le mieux possible à ses besoins, l'intérêt des parents étant relégué à l'arrière-plan (ATF 142 III 617 consid. 3.2.3; 141 III 328 consid. 5.4; 131 III 209 consid. 5; arrêt 5A_654/2019 du 14 mai 2020 consid. 3.1 et les références).  
Si les relations personnelles compromettent le développement de l'enfant, le droit d'entretenir ces relations peut être retiré ou refusé en tant qu' ultima ratio (art. 274 al. 2 CC; arrêt 5A_699/2021 du 21 décembre 2021 consid. 6.1 et la jurisprudence citée). Si le préjudice engendré pour l'enfant par les relations personnelles peut être limité par la mise en oeuvre d'un droit de visite surveillé ou accompagné, le droit de la personnalité du parent concerné, le principe de la proportionnalité, mais également le sens et le but des relations personnelles, interdisent la suppression complète du droit auxdites relations (ATF 122 III 404 consid. 3c; arrêt 5A_68/2020 du 2 septembre 2020 consid. 3.2); l'une des modalités particulières à laquelle il est envisageable de subordonner l'exercice du droit de visite, par une application conjointe des art. 273 al. 2 et 274 al. 2 CC, peut ainsi consister en l'organisation des visites, avec ou sans curatelle de surveillance, dans un lieu protégé spécifique, tel un Point Rencontre ou une autre institution analogue (arrêts 5A_962/2018 du 2 mai 2019 consid. 5.2.2; 5A_478/2018 du 10 août 2018 consid. 5.2.2 et la jurisprudence citée).  
Comme le retrait ou le refus du droit aux relations personnelles selon l'art. 274 CC, l'établissement d'un droit de visite surveillé nécessite des indices concrets de mise en danger du bien de l'enfant. Il ne suffit pas que celui-ci risque abstraitement de subir une mauvaise influence pour qu'un droit de visite surveillé soit instauré; il convient dès lors de faire preuve d'une certaine retenue lors du choix de cette mesure. (ATF 122 III 404 consid. 3c; arrêts 5A_68/2020 du 2 septembre 2020 consid. 3.2; 5A_654/2019 du 14 mai 2020 consid. 3.1; 5A_191/2018 du 7 août 2018 consid. 6.2.2.1 et les références). Le droit de visite surveillé tend à mettre efficacement l'enfant hors de danger, à désamorcer des situations de crise, à réduire les craintes et à contribuer à l'amélioration des relations avec l'enfant et entre les parents. Il constitue en principe une solution provisoire et ne peut donc être ordonné que pour une durée limitée. Il convient toutefois de réserver les cas où il apparaît d'emblée que les visites ne pourront pas, dans un proche avenir, être effectuées sans accompagnement (arrêts 5A_874/2021 du 13 mai 2022 consid. 4.1.1; 5A_191/2018 précité ibid. et les références). 
 
3.1.2. L'appréciation des circonstances de fait pour fixer le droit aux relations personnelles, c'est-à-dire la détermination de leur portée juridique, est une question de droit soumise à l'appréciation du juge (art. 4 CC; ATF 131 III 209 consid. 3; arrêts 5A_874/2021 précité ibid.; 5A_842/2020 du 14 octobre 2021 consid. 5.1; 5A_489/2019 du 24 août 2020 consid. 5.1 et la jurisprudence citée).  
 
3.2.  
 
3.2.1. Dans son ordonnance du 14 octobre 2021, se référant aux épisodes de violence dont l'intimé avait fait preuve en présence de sa fille, la juge de paix a estimé que, même si ceux-ci s'étaient déroulés plus de deux ans auparavant, elle n'était pas suffisamment renseignée et rassurée sur la capacité de l'intéressé à exercer son droit de visite sans médiatisation. Celui-ci devait ainsi continuer à se dérouler de manière limitée et encadrée dans un premier temps.  
 
3.2.2. La chambre des curatelles a relevé que le dernier épisode de violence constaté datait de janvier 2019 et que, depuis lors, aucun évènement de ce type n'avait été signalé. Sans minimiser les violences constatées et reconnues par l'intimé lui-même, il fallait relever que celles-ci n'avaient pas été exercées à l'encontre de la fillette et qu'en 2019 déjà, la DGEJ constatait que l'enfant se portait bien et qu'aucune action socio-éducative ne devait être mise en place. Aucun indice au dossier n'établissait que le bien de l'enfant serait menacé par les rencontres avec son père ou que celui-ci ne serait pas en mesure de s'en occuper; le manque de renseignements sur la situation du recourant n'était enfin pas avéré et ne changeait rien à ce constat. Dans la mesure où, selon les indications de l'UEMS, le rapport de celle-ci ne pourrait vraisemblablement être déposé avant plusieurs mois, et en l'absence d'éléments plaidant en faveur d'une mise en danger de l'enfant, le droit de visite du père devait être élargi progressivement pour être finalement libre à raison d'un jour par semaine.  
 
3.3. La recourante soutient essentiellement que les constatations de l'autorité cantonale selon lesquelles aucun élément remettant en cause la capacité du père de s'occuper de sa fille seraient insoutenables. Les éléments factuels sur lesquels elle se fonde relèvent cependant principalement de sa propre appréciation et ne sont pas de nature à faire apparaître arbitraires le raisonnement suivi par la juridiction précédente et le résultat auquel parvient celle-ci: l'on ne peut en effet sans autre déduire un désintéressement de l'intimé pour son enfant en raison de sa reconnaissance tardive, motivée par des considérations financières, ni le caractère déstabilisant du droit de visite pour la fillette du fait que celle-ci aurait besoin d'un certain temps d'adaptation pour nouer une relation avec son père. La référence récurrente de la recourante au rapport établi par la DGEJ en mars 2019 n'apparaît pas non plus décisive pour s'opposer à l'élargissement du droit de visite ordonné par la cour cantonale: les faits qui y sont relatés datent désormais de quelques années et, comme le souligne la cour cantonale sans contestation de la recourante, la violence de l'intimé n'a jamais été dirigée à l'encontre de l'enfant. L'on relèvera par ailleurs que l'intimé a donné en audience des renseignements sur sa situation personnelle (appartement, compagne) et professionnelle (engagement sur des chantiers) sans que la recourante démontre en quoi ceux-ci seraient insuffisants pour permettre l'exercice du droit de visite selon les modalités arrêtées par l'autorité cantonale. Certes, ainsi que le remarque la recourante, une enquête sociale est en cours; elle ne conteste pas cependant que, selon les indications fournies par le service en charge de son établissement, celle-ci est susceptible de prendre un certain temps, comme l'ont souligné les juges cantonaux pour justifier l'élargissement du droit de visite. Enfin et il s'agit là de la considération essentielle, la recourante ne nie pas qu'aucun indice au dossier n'établit que le bien de l'enfant serait menacé par les rencontres avec son père ou que celui-ci ne serait pas en mesure de s'en occuper.  
 
3.4. Vu ce qui précède, les modalités du droit de visite telles qu'arrêtées par la cour cantonale n'apparaissent pas arbitraires et doivent être maintenues.  
 
4.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. En tant que les conclusions de la recourante étaient d'emblée dépourvues de chance de succès, sa requête d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF) et les frais judiciaires mis à sa charge (art. 66 al. 1 LTF). Aucune indemnité de dépens n'est octroyée à l'intimé, qui a conclu sans succès au rejet de la requête d'effet suspensif (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La requête d'assistance judiciaire de la recourante est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre des curatelles du Tribunal cantonal du canton de Vaud et à la Justice de paix des districts du Jura-Nord vaudois et du Gros-de-Vaud. 
 
 
Lausanne, le 14 septembre 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : de Poret Bortolaso