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[AZA 1/2] 
 
1P.28/2001 
 
Ie COUR DE DROIT PUBLIC 
********************************************** 
 
26 janvier 2001 
 
Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président, 
Vice-président du Tribunal fédéral, Aeschlimann et Favre. 
Greffier: M. Zimmermann. 
___________ 
 
Statuant sur le recours de droit public 
formé par 
Armand Duriaux, Ernest Nicolet, Bernard Joye et Didier Cotting, tous à Chénens et représentés par Me Dominique Morard, avocat à Bulle, 
 
contre 
la décision prise le 28 décembre 2000 par la Ière Cour administrative du canton de Fribourg, dans la cause opposant les recourants à René Muller et Eric Bovet, tous deux à Chénens et représentés par Me Hervé Bovet, avocat à Fribourg, au Conseil communal de Chénens, au Préfet du district de la Sarine et au Préfet du district de la Glâne; 
 
(art. 84 al. 1 let. a, 85 let. a et 87 OJ) 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- La population de Chénens est divisée par un conflit qui a nécessité l'intervention des autorités cantonales et conduit à la démission des conseillers communaux Bernard Joye, Didier Cotting et Hubert Lutzelschwab. 
 
Le 3 octobre 2000, le Conseil d'Etat du canton de Fribourg a invité la commune à organiser une élection complémentaire au Conseil communal. Joye, Cotting et Lutzelschwab ont attaqué cette décision devant le Tribunal administratif du canton de Fribourg. Cette cause est pendante. 
 
Le 9 octobre 2000, le Conseil communal a fixé au 3 décembre 2000 les élections complémentaires. Joye, Cotting, Lutzelschwab, ainsi que Armand Duriaux, Ernest Nicolet et Jean Cuany (ci-après: Duriaux et consorts) ont attaqué cette décision auprès du Préfet de la Sarine. 
 
Le 23 octobre 2000, le Conseil communal, constatant qu'une seule liste portant les noms d'Eric Bovet et de René Muller avait été déposée dans le délai prescrit, a proclamé les deux candidats élus sans scrutin. Il a maintenu la date du 3 décembre 2000 pour l'élection du troisième siège à repourvoir, sans dépôt de liste et à la majorité simple. 
Duriaux et consorts ont recouru contre cette décision auprès du Préfet de la Sarine. 
 
Le 27 novembre 2000, le Préfet de la Glâne, remplaçant le Préfet de la Sarine qui s'était récusé, a admis le recours dirigé contre la décision du 23 octobre 2000. Il a annulé l'élection du 3 décembre 2000, ainsi que la proclamation de Muller et Bovet comme élus sans scrutin. 
 
Bovet et Muller ont formé contre cette décision deux recours de droit public (1P. 760/2000 et 1P.762/2000). Parallèlement, ils ont recouru auprès du Tribunal administratif. 
Celui-ci a suspendu sa procédure, le 7 novembre 2000, jusqu'à droit jugé sur les recours de droit public. 
 
Le 11 décembre 2000, le Président de la Ie Cour de droit public a suspendu l'instruction des causes 1P.760/2000 et 1P.762/2000, invité le Tribunal administratif à reprendre immédiatement sa procédure et rejeté la demande de mesures provisionnelles présentée par les recourants. 
 
Le 28 décembre 2000, le Tribunal administratif a repris sa procédure et accordé l'effet suspensif au recours de Bovet et Muller, avec la conséquence que ceux-ci pourront siéger au sein du Conseil communal jusqu'à droit connu sur le recours cantonal. 
 
B.- Agissant par la voie du recours de droit public pour violation des droits politiques au sens de l'art. 85 let. a OJ, Duriaux et consorts demandent au Tribunal fédéral d'annuler la décision du 28 décembre 2000. Ils soutiennent, en bref, que le Tribunal administratif ne serait pas compétent pour connaître du recours cantonal et que la décision attaquée porterait atteinte à leurs droits politiques. Ils se plaignent dans ce contexte d'une violation des art. 9, 30 et 34 Cst. Ils demandent en outre l'effet suspensif afin que Bovet et Muller ne siègent pas dans le Conseil communal jusqu'à droit jugé. 
 
Aucune mesure d'instruction n'a été ordonnée. 
Considérant en droit : 
 
1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 126 I 81 consid. 1 p. 83, 207 consid. 1 p. 209; 126 III 274 consid. 1 p. 275, 485 consid. 1 p. 486, et les arrêts cités). 
 
2.- a) Dans le cadre du recours pour la violation du droit de vote peuvent être attaqués tous les actes régissant les droits politiques, quelle que soit leur forme et indépendamment de l'existence d'un acte attaquable selon l'art. 84 OJ (ATF 123 I 97 consid. 1b/aa p. 100). Encore faut-il que l'acte attaqué touche directement l'exercice du droit allégué. 
Une simple atteinte indirecte, découlant de l'adoption ou de l'application de règles purement organisationnelles ne suffit pas (ATF 123 I 41 consid. 6d p. 47/48); seule est ouverte en ce cas la voie du recours de droit public pour la violation des droits constitutionnels des citoyens au sens de l'art. 84 let. a OJ (ATF 123 I 41 consid. 6b p. 46; ; 105 Ia 349 consid. 4a p. 360/361; cf. en dernier lieu, concernant le canton de Fribourg, l'arrêt G. du 5 décembre 2000). 
 
b) La décision attaquée porte uniquement sur l'octroi de l'effet suspensif dans la procédure cantonale de recours. 
Même si cette décision a pour effet de permettre à Bovet et Muller de siéger dans le Conseil communal de Chénens, il ne s'agit là que d'une atteinte indirecte aux droits politiques des recourants, qui n'ouvre pas la voie du recours de droit public au sens de l'art. 85 let. a OJ
 
Reste à examiner le point de savoir si le recours, irrecevable à cet égard, pourrait être converti en recours de droit public au sens de l'art. 84 al. 1 let. a OJ
c) Le délai de l'art. 89 OJ est respecté et les recourants se plaignent de la violation de leurs droits constitutionnels, en relation avec l'atteinte alléguée à leur droit de vote. 
 
d) Selon l'art. 87 OJ dans sa teneur du 8 octobre 1999, le recours de droit public est recevable contre les décisions préjudicielles et incidentes sur la compétence et sur les demandes de récusation, prises séparément; ces décisions ne peuvent être attaquées ultérieurement (al. 1); le recours de droit public est recevable contre d'autres décisions préjudicielles et incidentes prises séparément s'il peut en résulter un dommage irréparable (al. 2); lorsque le recours de droit public n'est pas recevable selon l'alinéa 2 ou qu'il n'a pas été utilisé, les décisions préjudicielles et incidentes peuvent être attaquées avec la décision finale (al. 3). La novelle du 8 octobre 1999 a pour effet d'étendre le champ d'application de l'art. 87 OJ à tous les recours de droit public formés contre des décisions préjudicielles et incidentes, alors que l'ancien art. 87 OJ s'appliquait uniquement aux recours formés pour la violation de l'art. 4 aCst. (Message du 11 août 1999, FF 1999 p. 7145, p. 7160). 
 
La décision relative à une requête d'effet suspensif est de nature incidente (ATF 120 Ia 260 consid. 2b p. 264; 117 Ia 247 consid. 1 p. 248; 116 Ia 177 consid. 2a p. 179, et les arrêts cités). Prise pendant le cours de la procédure, elle ne représente en effet qu'une étape vers la décision finale (cf. ATF 123 I 325 consid. 3b p. 327; 122 I 39 consid. 1a/aa p. 41; 120 Ia 369 consid. 1b p. 372, et les arrêts cités). 
 
 
En l'occurrence, la décision attaquée ne cause pas aux recourants - contrairement à ce que ceux-ci prétendent - un dommage irréparable au sens de l'art. 87 al. 2 OJ, soit celui que la décision finale ne pourrait réparer (cf. ATF 126 I 207 consid. 2 p. 210; 122 I 39 consid. 1a/bb p. 42; 117 Ia 247 consid. 3 p. 249, 396 consid. 1 p. 398, et les arrêts cités). Une éventuelle annulation après coup de l'élection de Bovet et Muller remettrait certes en cause la validité de toutes les décisions prises par le Conseil communal dans l'intervalle. La collectivité n'est toutefois pas démunie des moyens de prévenir ce danger, puisque le Conseil communal est soumis à la haute surveillance de l'Etat, qui l'exerce par le Conseil d'Etat, le Département des communes, le Préfet et les autorités désignées par la législation spéciale (art. 143 de la loi cantonale sur les communes, du 25 septembre 1980 - LCo). En particulier, le Préfet peut assister aux séances du Conseil communal, avec voix consultative (art. 146 al. 3 LCo). Certaines décisions communales en matière de dépenses sont soumises à l'approbation de l'autorité cantonale (art. 149 LCo), laquelle dispose en outre d'un droit d'intervention (art. 150 LCo) et peut même placer la commune sous une administration exceptionnelle (art. 151 LCo). Rien ne permet de douter de l'attention avec laquelle les autorités cantonales veilleront à la bonne administration d'une commune en proie à des difficultés depuis plusieurs mois. 
 
 
e) Le recours, traité comme recours de droit public au sens de l'art. 84 al. 1 let. a OJ, est ainsi irrecevable au regard de l'art. 87 OJ. Il n'y a pas lieu d'entrer en matière, quoi qu'on puisse penser de la décision attaquée. 
 
3.- Le recours étant manifestement irrecevable, il se justifie de déroger à la règle qui prévaut en matière de recours formé pour la défense du droit de vote, et de mettre un émolument à la charge des recourants. En revanche, des dépens ne sont pas alloués aux intimés Bovet et Muller, qui n'ont pas été invités à répondre au recours dont le sort était scellé d'emblée (art. 159 OJ). La demande de mesures provisionnelles a perdu son objet. 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Déclare le recours irrecevable. 
 
2. Met à la charge des recourants, solidairement entre eux, un émolument judiciaire de 2000 fr. 
 
3. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens. 
 
4. Communique le présent arrêt en copie aux parties et au Tribunal administratif du canton de Fribourg, ainsi qu'au Conseil d'Etat du canton de Fribourg (partie intéressée). 
 
___________ 
Lausanne, le 26 janvier 2001 ZIR/col 
 
Au nom de la Ie Cour de droit public 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, 
 
Le Greffier,