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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_278/2023  
 
 
Arrêt du 14 novembre 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Haag et Merz. 
Greffier : M. Parmelin. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourant, 
 
contre  
 
Direction générale de la fiscalité du canton de Vaud, 
Autorité de protection des données et de droit à l'information du canton de Vaud. 
 
Objet 
Loi sur l'information; accès à la liste des transferts immobiliers, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif 
et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 3 mai 2023 (GE.2022.0099). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Ayant constaté l'interruption de la publication en ligne des transferts immobiliers à compter du 10 mars 2022, A.________ s'est adressé à l'Inspectorat du registre foncier du canton de Vaud le 21 mars 2022 pour lui demander la transmission de tout document qui mentionne les raisons de l'interruption de cette prestation, de tout document qui mentionne que le Registre foncier peut se libérer de la charge confiée à lui par le législateur vaudois à l'art. 22 al. 1 de la loi cantonale sur le registre foncier (LRF; BLV 211.61) actuellement en vigueur, de tout document qui mentionne le lieu où sont publiés actuellement les transferts immobiliers ou acquisitions de propriété immobilière ainsi que la liste des transferts immobiliers ou acquisitions de propriété immobilière publiés entre le 10 et le 20 mars 2022. Il fondait sa demande sur la loi cantonale du 24 septembre 2002 sur l'information (LInfo; BLV 170.21). 
La Direction générale de la fiscalité du canton de Vaud a répondu à cette demande le 11 avril 2022. Elle a indiqué en substance que la cessation de la publication en ligne des transferts immobiliers faisait suite à différents abus constatés dans l'usage des données mises à disposition par ce canal. Elle exposait en outre que l'accès à la liste des transferts immobiliers était régi non pas par la LInfo, mais par le Code civil et l'ordonnance fédérale du 23 septembre 2011 sur le registre foncier (ORF; RS 211.432.1), qui le subordonnaient à l'existence d'un intérêt à la consultation. Elle a ainsi refusé de transmettre la liste des transferts immobiliers intervenus entre le 10 et le 20 mars 2022, faute pour le requérant d'avoir justifié de son intérêt à consulter un tel document et apporté des garanties suffisantes que le traitement des données serait effectué conformément à la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD; RS 235.1) et à la loi fédérale du 5 octobre 2007 sur la géoinformation (LGéo; RS 510.62). 
Par acte du 9 mai 2022, A.________ a recouru contre cette décision en concluant notamment à ce que la liste des transferts immobiliers intervenus entre le 10 et le 20 mars 2022 lui soit transmise. 
La Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal a rejeté le recours et confirmé la décision attaquée au terme d'un arrêt rendu le 3 mai 2023. 
 
B.  
Par acte du 3 juin 2023, A.________ recourt auprès du Tribunal fédéral en l'invitant, sous suite de frais et dépens, à annuler cet arrêt, à constater que les dispositions de la LInfo et de la loi fédérale du 17 décembre 2004 sur le principe de la transparence dans l'administration (LTrans; RS 152.3) sont applicables aux informations du registre foncier publiées ou à publier au titre de l'art. 970a CC et à renvoyer la cause à l'instance précédente pour qu'elle rende une nouvelle décision dans le sens des conclusions prises dans son recours au Tribunal cantonal du 9 mai 2022. 
Le Tribunal cantonal conclut au rejet du recours. La Direction générale de la fiscalité propose également de le rejeter dans la mesure où il est recevable. L'Autorité cantonale de protection des données et de droit à l'information a déposé des observations. 
Le recourant a répliqué. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
L'arrêt rendu en dernière instance cantonale par la Cour de droit administratif et public porte sur le droit d'accès à des informations détenues par le registre foncier dont le recourant prétend disposer de manière inconditionnelle en vertu de la LInfo et de la LTrans. Il s'agit par conséquent d'une cause de droit public au sens de l'art. 82 let. a LTF. Le recourant a participé à la procédure devant l'instance précédente et a un intérêt digne de protection à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause pour nouvelle décision, de sorte que la qualité pour recourir doit lui être reconnue (art. 89 al. 1 LTF). Le recours a au surplus été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), en sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
La Cour de droit administratif et public a considéré que la publicité du registre foncier était régie exclusivement par les règles du Code civil et ses dispositions d'exécution, à l'exclusion de la LInfo. Elle a laissé indécise la question de l'interprétation de l'art. 22 LRF aux motifs que les transferts de propriété ne faisaient pas partie des informations librement accessibles en vertu des art. 970 CC et 26 al. 1 ORF, que leur communication supposait l'existence d'un intérêt digne de protection et que l'autorité intimée avait à bon droit refusé de les transmettre au recourant dès lors que celui-ci n'avait en l'état pas justifié d'un tel intérêt. 
 
2.1. Le recourant reconnaît que l'objet du litige consiste en la possibilité de lui communiquer la liste des transferts immobiliers ou acquisitions de propriété immobilière publiés entre le 10 et le 20 mars 2022. Il admet ainsi que la Cour de droit administratif et public n'avait pas à trancher la question de savoir si l'Inspectorat du registre foncier avait le droit de ne plus mettre en ligne les transferts immobiliers et si, ce faisant, il a violé l'art. 22 LRF. Cette question excède ainsi l'objet du litige, tout comme celle de savoir si l'Inspectorat du registre foncier a engagé, ce faisant, la responsabilité de l'Etat, et n'a pas à être examinée par la Cour de céans.  
Le recourant conteste que l'accès à la liste des transferts immobiliers échapperait au champ d'application de la LTrans et de la LInfo et serait soumis à la démonstration d'un intérêt légitime en vertu de l'art. 970 al. 1 CC. Il dénonce à ce sujet l'interprétation erronée qui aurait été faite de l'art. 4 let. b LTrans
L'art. 4 LTrans réserve les normes spéciales d'autres lois fédérales qui qualifient certaines informations de secrètes (let. a) et celles qui prévoient des conditions différentes pour l'accès à de telles informations (let. b). L'art. 15 LInfo introduit pareillement une réserve au principe du libre accès du public aux renseignements, informations et documents officiels détenus par les organismes soumis à la présente loi en faveur des dispositions d'autres lois qui restreignent ou excluent la transmission d'informations ou l'accès à des documents officiels, y compris les dispositions protégeant le droit d'auteur. 
L'art. 15 LInfo consacre, à l'instar de l'art. 4 let. b LTrans, le principe de la priorité des dispositions spéciales sur les dispositions générales. La détermination de la loi applicable ne saurait toutefois être réduite aux seuls adages, tels que "lex specialis derogat generali" et "lex posterior derogat priori", qui ne bénéficient pas d'une portée absolue. Savoir si et dans quelle mesure une norme juridique prime en tant que lex specialis doit être examinée dans chaque cas par voie d'interprétation (ATF 146 II 265 consid. 3.2; arrêt 1C_50/2015 du 2 décembre 2015 consid. 2.4 in ZBl 118/2017 p. 76 et les références citées); il n'est pas exclu qu'une règle spéciale cède le pas à une règle générale, selon sa place dans l'ordre juridique, la date de son adoption ou encore les intentions de ses auteurs (arrêt 1C_38/2016 du 13 mai 2016 consid. 2.5).  
En lien avec l'art. 4 let. b LTrans, le Conseil fédéral cite à titre exemplatif les dispositions particulières régissant les registres publics relatifs aux rapports juridiques de droit privé, notamment le registre du commerce, le registre foncier, le registre de l'état-civil et le registre dans le domaine de la propriété intellectuelle, qui déterminent à quelles conditions peut être soumise la consultation des informations qui y sont renfermées (Message relatif à la loi fédérale sur la transparence de l'administration du 12 février 2003, FF 2003 p. 1833, ch. 2.1.4). Cet avis est partagé en doctrine, notamment par les commentateurs de la LTrans (BERTIL COTTIER, in: Brunner/Mader (éd.), Handkommentar zum Öffentlichkeitsgesetz, 2008, n. 15 ad art. 4 LTrans; STEPHAN BRUNNER, Persönlichkeitsschutz bei der behördlichen Information der Öffentlichkeit von Amtes wegen: Ein Leitfaden, ZBl 111/2010 p. 618; CHRISTA STAMM-PFISTER, Basler Kommentar Datenschutzgesetz, Öffentlichkeitsgesetz, 3 è éd., 2014, n. 11 ad art. 4 LTrans), pour qui l'accès au registre foncier est spécifiquement défini par le Code civil en raison de son importance et de la confidentialité des données qu'il contient. L'art. 15 LInfo ne dit pas autre chose que l'art. 4 LTrans (cf. BERTIL COTTIER, in: Brunner/Mader, Handkommentar zum Öffentlichkeitsgesetz, 2008, n. 2 ad art. 4 LTrans), la divergence de rédaction relevée par le recourant n'ayant pas de portée significative, comme celui-ci l'admet d'ailleurs, en sorte que la Cour de droit administratif et public pouvait s'inspirer de la solution retenue dans la LTrans dans l'interprétation de la LInfo et retenir que l'accès aux données du registre foncier était réglementé exclusivement par les dispositions du Code civil sans faire preuve d'arbitraire ni violer le droit fédéral. Le recourant n'invoque aucun argument pertinent ou convaincant qui justifierait de s'en écarter. Le fait que le canton de Vaud a usé de la compétence conférée aux cantons par l'art. 970a CC de publier certaines données du registre foncier soustraites à la libre consultation, dont la liste des transferts immobiliers à laquelle le recourant souhaite avoir accès, ne rend pas pour autant applicables les règles de la LTrans et de la Linfo.  
La Cour de droit administratif et public n'a par conséquent pas violé le droit fédéral en considérant que l'art. 970 CC introduisait une règle spéciale au sens des art. 4 let. b LTrans et 15 LInfo et que la demande du requérant tendant à se voir communiquer la liste des transferts immobiliers et/ou des opérations d'acquisition immobilière intervenues entre le 10 et le 20 mars 2022 devait être examinée à l'aune des règles sur la publicité du registre foncier, à l'exclusion de la LInfo. 
 
2.2. L'art. 970a al. 1 CC, dans sa teneur en vigueur depuis le 1 er janvier 2005, dispose que les cantons peuvent prévoir que les acquisitions de propriété immobilière sont publiées. L'art. 22 al. 1 LRF charge le conservateur du registre foncier des publications prévues par l'art. 970a CC, lesquelles interviennent en principe dans un délai de deux mois dès le dépôt de la réquisition d'inscription au registre foncier. L'art. 22 al. 2 LRF mentionne les acquisitions, les mutations et les autres opérations qui ne sont pas publiées.  
Contrairement à ce que soutient le recourant, la cour cantonale n'a nullement estimé que dans la mesure où le canton de Vaud aurait renoncé à la publication d'office des transferts immobiliers, les art. 970a CC et 22 al. 1 LRF ne trouveraient plus à s'appliquer. Elle s'est bornée à reprendre les propos de la Direction générale de la fiscalité dont elle a ensuite mis en doute la pertinence s'agissant de l'interprétation faite de cette dernière disposition. Elle a considéré que la publication des données autorisées selon les art. 970a CC et 22 LRF ne dispensait pas pour autant le recourant de la nécessité de se prévaloir d'un intérêt digne de protection en se fondant à cet égard sur la jurisprudence publiée du Tribunal fédéral. 
En effet, selon un arrêt paru aux ATF 126 III 512 consid. 5a, celui qui demande à consulter le registre foncier ou l'établissement d'un extrait au sens de l'art. 970 al. 2 CC doit en principe aussi justifier d'un intérêt digne de protection lorsque le renseignement a trait à des données qui ont été publiées sur la base de l'art. 970a CC. Dans un arrêt ultérieur (postérieur à la modification de cette disposition) publié aux ATF 132 III 603, le Tribunal fédéral a confirmé que la faculté offerte aux cantons de publier certaines données ne pouvait avoir pour conséquence que celles-ci seraient ensuite librement accessibles (consid. 4.3.1). Ainsi, le fait qu'un justiciable demande des informations qui sont publiées, ou qui devraient l'être, en application de l'art. 970a CC ne le dispense pas de démontrer un intérêt légitime à les consulter (voir aussi, Paul-Henri Steinauer, Les droits réels, T. I., 4ème éd., 2007, p. 244, n. 778; MICHEL MOOSER, Commentaire romand, 2016, n. 10 ad art. 970 CC). 
Le recourant échoue à démontrer que cette jurisprudence ne s'appliquerait pas dans son cas au motif que dans les deux arrêts publiés, les requérants demandaient des renseignements qui allaient au-delà de la transmission d'informations librement disponibles. Au demeurant, les transferts immobiliers, qu'ils mentionnent ou non le prix de vente, ne font pas partie des données du registre foncier librement consultables selon l'art. 970 al. 1 CC. Il importe peu qu'elles puissent faire partie des données que les cantons sont autorisés à publier en vertu de l'art. 970a CC. Le Tribunal fédéral a clairement exclu une interprétation extensive de l'art. 970 al. 1 CC fondée sur l'adoption ultérieure de l'art. 970a CC
Cela étant, en considérant que les transferts de propriété ne faisaient pas partie des informations librement accessibles en vertu des art. 970 al. 2 CC et 26 al. 1 ORF et que leur communication supposait l'existence d'un intérêt digne de protection à leur consultation selon l'art. 970 al. 2 CC, la cour cantonale a tenu un raisonnement conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 132 III 603 consid. 4.3.1; 126 III 512 consid. 5a). Il importe à cet égard peu que celui-ci aurait pu avoir accès à ces informations par le biais de leur publication. 
Au surplus, le recourant ne prétend pas avoir fait valoir un intérêt particulier à se voir remettre la liste des transferts immobiliers et des opérations d'acquisition immobilières intervenues entre le 10 et le 20 mars 2022. 
 
3.  
Le recours doit par conséquent être rejeté aux frais du recourant qui succombe (art. 65 et 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au recourant, ainsi qu'à la Direction générale de la fiscalité, à l'Autorité de protection des données et de droit à l'information et à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 14 novembre 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Parmelin