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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_152/2022  
 
 
Arrêt du 1er novembre 2022  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Hohl, Présidente, Kiss et Niquille. 
Greffier : M. Douzals. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Philippe Girod, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
1. B.________, 
représentée par Me Olivier Carrard, avocat, 
2. C.________, 
représenté par Me Thomas Barth, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
responsabilité des membres du conseil d'administration (art. 754 CO); dommage subi par la société (art. 756 al. 1 CO); prescription (art. 760 al. 1 CO); suspension de la prescription (art. 134 al. 1 ch. 6 CO), 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 24 février 2022 par la Chambre civile de la 
Cour de justice du canton de Genève 
(C/25051/2012; ACJC/266/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. La société A.________ SA (ci-après: la société, la demanderesse ou la recourante) est propriétaire de parkings dans le canton de Genève, qu'elle exploite par la Société D.________ Sàrl (ci-après: la société exploitante).  
En 2005 et 2006, elle était administrée par B.________ (ci-après: l'administratrice, la défenderesse ou l'intimée) et son capital-actions était détenu à hauteur de 25 % par l'administratrice, de 25 % par son époux, E.________, et de 50 % par F.________, qui était représentée par son époux, G.________. Le 25 juillet 2008, C.________ (ci-après: le défendeur ou l'intimé) a remplacé sa mère, l'administratrice, en qualité d'administrateur de la société. 
Suite au décès de E.________ en mars 2010, la société est détenue à hauteur de 50 % par F.________, de 25 % par B.________ et de 25 % par l'hoirie de feu E.________, composée de ses trois fils, soit H.________, I.________ et C.________. 
 
A.b. Le 30 juin 1981, la société exploitante a pris à bail les parkings de la société pour un loyer annuel de 21'000 fr. Ce contrat a été renouvelé le 1 er octobre 1991 pour un loyer annuel de 52'000 fr. et le 1 er juillet 2001 pour un loyer de 48'300 fr. par an, la société exploitante étant autorisée à apposer des enseignes publicitaires. Depuis 2000, E.________ et H.________ sont les associés-gérants de la société exploitante.  
Le 16 novembre 1981, la société a notamment loué une partie des parkings à la société J.________ pour un loyer annuel de 90'000 fr., réévalué à 132'000 fr. en 2004. Dans un premier temps, le loyer était versé à la société exploitante qui, après déduction de ses frais, le reversait à la société sous la forme d'une redevance fixe. À compter du 1er janvier 2005, J.________ a versé son loyer directement à la société, celle-ci devant reverser une redevance à la société exploitante. 
 
A.c. De nombreux courriers ont été échangés entre l'administratrice et G.________ à propos du montant de cette redevance, sans qu'un accord ne puisse être conclu.  
Lesdits courriers ont été discutés et lus lors de réunions de travail en décembre 2004 et mars 2005 lors desquelles l'administratrice, G.________, C.________, E.________ et H.________ étaient présents. Lors de l'une de ces séances, G.________ a présenté une convention d'exploitation devant être conclue entre la société et la société exploitante mais cette convention n'a pas été approuvée. 
 
A.d. Après que l'administratrice lui a envoyé le projet de convention d'exploitation, K.________ SA, réviseur de la société, lui a répondu le 28 juillet 2005 qu'elle estimait que la société n'aurait pas convenu les mêmes conditions avec un tiers véritable, dans la mesure notamment où elle mettait à disposition de la société exploitante des locaux dont elle pourrait tirer un revenu et où elle ne percevait pas tous les revenus, en particulier ceux des horodateurs.  
Le 21 septembre 2005, l'administatrice, C.________, G.________, H.________ et le réviseur se sont réunis pour notamment discuter du " Projet de convention SI-Sàrl suite courrier SI/K.________ ". 
 
A.e. Le 10 janvier 2006, l'administratrice, représentant la société, et la société exploitante ont conclu une convention d'exploitation (ci-après: la convention) dont la teneur était similaire au projet soumis au réviseur de la société. Dite convention prévoyait notamment que la société confiait à la société exploitante l'exploitation et la maintenance des parkings pour une durée renouvelable de huit ans dès le 1er janvier 2006, que la société exploitante verserait à la société une mensualité de 7'033 fr. et que la société exploitante pouvait installer un automate d'encaissement à son profit et poser des panneaux publicitaires.  
 
A.f. Lors d'une réunion d'actionnaires s'étant tenue le 9 mai 2006 en présence de l'administratrice, de G.________, de E.________ et de H.________, l'administratrice a rappelé la réflexion qui avait été menée pour aboutir à la convention.  
Lors de l'assemblée générale de la société le 21 juin 2006, à laquelle G.________ a participé et lors de laquelle 100 % des actions étaient représentés, la question de la convention a de nouveau été évoquée et les comptes 2005 ont été approuvés à l'unanimité. 
 
A.g. En janvier 2007, G.________ est décédé.  
 
A.h. Le 28 février 2007, la société a tenu son assemblée générale ordinaire à l'occasion de laquelle toutes les actions étaient présentes ou représentées et les comptes 2006 ont été approuvés à l'unanimité.  
 
B.  
Par requête de conciliation du 20 novembre 2012, la société a conclu à la condamnation solidaire de l'administratrice et de C.________ au paiement de 800'000 fr., intérêts en sus. Après l'échec de la tentative de conciliation, la société a déposé sa demande le 4 juin 2013 auprès du Tribunal de première instance du canton de Genève. 
En substance, la société a allégué avoir subi un manque à gagner annuel de 100'000 fr. de 2006 à 2012 et un dommage complémentaire de 100'000 fr. en 2013. Ce dommage correspondait aux revenus accessoires (soit, en substance, les recettes liées aux horodateurs et aux panneaux publicitaires) auxquels l'administratrice, en signant la convention, avait décidé unilatéralement de renoncer en faveur de la société exploitante sans contreprestation pour la société. Selon elle, C.________ n'avait pas agi dans l'intérêt de la société car il n'était pas entré en matière sur l'étude de rentabilité d'un autre système d'exploitation des parkings sollicitée par les autres actionnaires. La société a avancé que ce n'était qu'en 2010, lorsque I.________, fils de E.________ et hoir de celui-ci, et L.________, fille de G.________ et de F.________, sont devenus administrateurs, que la teneur et les conséquences de la convention ainsi que les comptes de la société exploitante avaient pu être connus. Le 13 avril 2018, la société a augmenté sa prétention à 1'826'923 fr., intérêts en sus. 
Les défendeurs ont invoqué que l'action de la société était prescrite. 
Après avoir limité la procédure à la question de la prescription, le tribunal a, par jugement du 23 avril 2021, constaté que l'action était prescrite et a rejeté celle-ci. 
Par arrêt du 24 février 2022, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a, en substance, rejeté l'appel formé par la demanderesse. 
 
C.  
Contre cet arrêt, qui lui avait été notifié le 1er mars 2022, la demanderesse a formé un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral le 31 mars 2022. En substance, elle conclut à ce que l'arrêt entrepris soit annulé et réformé, en ce sens qu'il soit constaté que la prescription de la demande n'est pas acquise et que la cause soit renvoyée à la cour cantonale et, subsidiairement, à ce que des actes préparatoires soient effectués et que sa demande soit admise. 
Les intimés concluent chacun au rejet du recours. 
La recourante a déposé de brèves observations complémentaires. 
La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Interjeté dans le délai fixé par la loi (art. 100 al. 1 LTF) par la demanderesse, qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF), et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF; arrêt 5A_269/2014 du 17 mars 2015 consid. 1.1 et les arrêts cités) rendue sur appel par le tribunal supérieur du canton de Genève (art. 75 LTF) dans une affaire civile (art. 72 al. 1 LTF) dont la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est en principe recevable. 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 140 III 115 consid. 2; 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 133 II 249 consid. 1.4.3; 129 I 8 consid. 2.1). 
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3). 
 
2.2. Le Tribunal fédéral applique en principe d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal (ou à l'état de fait qu'il aura rectifié). Cela ne signifie pas que le Tribunal fédéral examine, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser. Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne traite que les questions qui sont soulevées devant lui par les parties, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 115 consid. 2, 86 consid. 2). Il n'est en revanche pas lié par l'argumentation juridique développée par les parties ou par l'autorité précédente; il peut admettre le recours, comme il peut le rejeter en procédant à une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4).  
 
3.  
Dans un premier temps, la recourante conteste que la prescription soit acquise au motif que la cour cantonale aurait erronément déterminé le dies a quoet ainsi violé l'art. 760 al. 1 CO.  
 
3.1.  
 
3.1.1. L'art. 754 al. 1 CO prévoit que les membres du conseil d'administration répondent à l'égard de la société, de même qu'envers chaque actionnaire ou créancier social, du dommage qu'ils leur causent en manquant intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs.  
L'art. 756 al. 1, 1re phr., CO dispose que, pour le dommage causé à la société, la société et chaque actionnaire ont le droit d'intenter action. 
Aux termes de l'art. 760 al. 1 aCO, dans sa version antérieure au 1er janvier 2020 applicable en l'espèce, les actionsen responsabilité des art. 752 ss CO se prescrivent par cinq ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne responsable et, dans tous les cas, par dix ans à compter du jour où le fait dommageable s'est produit. 
 
3.1.2. Selon la jurisprudence, le lésé connaît suffisamment le dommage lorsqu'il apprend, touchant son existence, sa nature et ses éléments, les circonstances propres à fonder et à motiver une demande en justice (ATF 136 III 322 consid. 4.1; 131 III 61 consid. 3.1.1; arrêt 4A_495/2020 du 3 mai 2021 consid. 3.2.1 et l'arrêt cité). Le lésé n'est pas admis à différer sa demande jusqu'au moment où il connaît le montant absolument exact de son préjudice, car le dommage peut devoir être estimé selon l'art. 42 al. 2 CO (ATF 131 III 61 consid. 3.1.1; 114 II 253 consid. 2a; 111 II 55 consid. 3a; arrêt 4A_495/2020 précité consid. 3.2.1 et l'arrêt cité).  
Ainsi, le dommage est suffisamment défini lorsque le lésé détient assez d'éléments pour qu'il soit en mesure de l'apprécier (ATF 111 II 55 consid. 3a; 109 II 433 consid. 2; arrêt 4A_499/2014 du 28 janvier 2015 consid. 3.2). Le lésé est en mesure de motiver sa demande lorsqu'il connaît le montant réel (maximal) de son dommage. Il lui est en effet toujours loisible de réduire en tout temps ses conclusions en cours d'instance (art. 227 al. 3 CPC; arrêt 4A_509/2015 du 11 février 2016 consid. 3.2), s'il se révèle que sa demande était trop élevée (ATF 74 II 30 consid. 1c), en particulier s'il est parvenu à diminuer le dommage (arrêt 4A_495/2020 précité consid. 3.2.1 et les arrêts cités). 
Le lésé est tenu d'avoir un comportement conforme à la bonne foi (art. 2 CC); s'il connaît les éléments essentiels du dommage, on peut attendre de lui qu'il se procure les informations nécessaires à l'ouverture d'une action (ATF 109 II 433 consid. 2; arrêts 4A_495/2020 précité consid. 3.2.1; 4A_362/2020 du 22 janvier 2021 consid. 4.1.1 et les arrêts cités). 
Dans le cadre d'une action de la société à l'encontre d'un administrateur (art. 756 al. 1 CO), le lésé, soit la société, a connaissance du dommage et de son auteur lorsque l'assemblée générale est informée des faits déterminants (LINO HÄNNI, La responsabilité des administrateurs hors de la faillite de la société anonyme, 2017, p. 361 n. 980; DANIEL JENNY, Abwehrmöglichkeiten von Verwaltungsratsmitgliedern in Verantwortlichkeitsprozessen, 2012, p. 280 s. n. 473; BÜRGI/NORDMANN-ZIMMERMANN, Zürcher Kommentar, 1979, no 9 ad art. 760 CO). 
 
3.1.3. En vertu du principe de l'épuisement des griefs, le recours n'est ouvert qu'à l'encontre des décisions rendues par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF), ce qui signifie que les voies de droit cantonales doivent avoir été non seulement utilisées sur le plan formel, mais aussi épuisées sur le plan matériel (ATF 143 III 290 consid. 1.1). Lorsque l'autorité de dernière instance cantonale peut se limiter à examiner les griefs régulièrement soulevés, le principe de l'épuisement matériel veut que les griefs soumis au Tribunal fédéral aient déjà été invoqués devant l'instance précédente (arrêts 4A_245/2021 du 26 octobre 2021 consid. 4.1; 4A_40/2021 du 10 juin 2021 consid. 3.2 et les arrêts cités).  
Aux termes de l'art. 57 CPC, le tribunal applique le droit d'office. Cela ne signifie pas que la cour cantonale doive examiner toutes les questions de fait et de droit qui pourraient se poser. Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 311 al. 1 CPC s'agissant de l'appel, il appartient à l'appelant de motiver son appel. La même obligation incombe à l'intimé, qui doit soulever ses griefs dans sa réponse. Selon la jurisprudence, la cour cantonale n'est pas tenue, comme un tribunal de première instance, d'examiner toutes les questions de fait et de droit qui pourraient se poser lorsque les parties ne soulèvent pas de griefs correspondants en deuxième instance. À moins que la violation du droit ne soit manifeste, la cour cantonale se limitera en principe à examiner les griefs que les parties adressent à la motivation du premier jugement dans l'appel et dans la réponse. Ce sont les griefs des parties qui forment le cadre de l'examen de la cour cantonale; le jugement attaqué ne doit en principe être examiné que sur les points ainsi remis en cause. Toutefois, lorsque des questions de droit sont ainsi discutées, la cour cantonale revoit librement l'application du droit, n'étant liée ni par l'argumentation juridique développée par les parties ni par la motivation du tribunal de première instance (ATF 144 III 394 consid. 4.1.4; 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêts 4A_245/2021 précité consid. 4.1; 4A_40/2021 précité consid. 3.2 et les arrêts cités). 
 
3.2. La cour cantonale a relevé que l'action litigieuse avait été déposée par la société recourante et non par ses actionnaires et considéré qu'il convenait dès lors de savoir quand la société elle-même avait eu connaissance des éléments permettant d'apprécier le prétendu dommage allégué. Elle a rappelé que la société agissait, à l'époque des faits litigieux, par l'intermédiaire de ses organes, soit le conseil d'administration et l'assemblée générale, composés de l'administratrice, de E.________ et de F.________, représentée par G.________.  
Elle a jugé que la société, soit pour elle non seulement son administratrice mais également l'assemblée générale, avaient eu connaissance de toutes les circonstances propres à fonder son prétendu dommage et à motiver son action en justice au plus tard lors de l'assemblée générale du 28 février 2007. Dès lors, le délai de prescription quinquennal était échu le 28 février 2012, de sorte que l'action du 20 novembre 2012 était hors délai. 
Pour parvenir à cette conclusion, elle s'est fondée, d'une part, sur le fait que la " situation privilégiée " pour la société exploitante invoquée par la société existait déjà avant la conclusion de la convention du 10 janvier 2006. Comme le relevait un courrier du réviseur du 25 juin 2004, cette situation était non seulement connue mais également acceptée de tous les actionnaires de la société depuis des années. Bien que le réviseur eût averti la société d'un déséquilibre entre la société exploitante et la société, l'intention des protagonistes avait été de prévoir des montants identiques après l'adoption de la convention. Ainsi, le déséquilibre allégué ne découlait pas de la signature de la convention mais était connu et accepté tant par l'administratrice que par tous les actionnaires de la société. 
D'autre part, la convention prévoyait tant le principe de la facturation et le montant de la redevance versée à la société que le fait que les recettes issues d'horodateurs et des panneaux publicitaires seraient laissées à la société exploitante. Or, tant l'administratrice que l'ensemble des actionnaires de l'époque, soit entre 2005 et 2007, connaissaient les tenants et aboutissants de la convention, dans la mesure où ils avaient participé à son élaboration. En effet, la convention avait été discutée dans de nombreux courriers par l'administratrice et G.________ et cette correspondance avait été portée à la connaissance des actionnaires le 14 décembre 2004. L'administratrice et l'ensemble des actionnaires avaient par ailleurs participé aux réunions de travail consacrées à l'élaboration de la convention. De plus, le courrier du 28 juillet 2005 du réviseur de la société avait certes été envoyé à la seule administratrice, mais une réunion de direction s'était tenue le 21 septembre 2005 en présence des autres actionnaires, dont les discussions portaient précisément sur la suite à donner audit courrier; il ne pouvait donc raisonnablement être retenu que le contenu du courrier n'eût pas été porté à la connaissance des intéressés. Contrairement à ce que la société avait avancé, l'administratrice avait été transparente, donnant notamment lecture aux actionnaires de toutes les correspondances échangées avec G.________. En outre, la redevance dont la société exploitante était débitrice envers la société et son montant avaient été discutés lors des assemblées générales de la société des 21 juin 2006 et 28 février 2007 lors desquelles l'entier de l'actionnariat était représenté; l'ensemble des actionnaires et l'administratrice avaient donc connaissance, lors de l'élaboration de la convention et au plus tard lors de l'assemblée générale du 28 février 2007, du montant de la redevance et du fait que les recettes issues d'horodateurs et des panneaux publicitaires étaient laissées à la société exploitante. 
En outre, le seul fait que les revenus accessoires n'étaient pas chiffrés n'était pas déterminant, dans la mesure où il n'est pas nécessaire de connaître le montant exact du dommage, celui-ci pouvant être estimé. C'était du reste ce qu'avait fait la société en sollicitant le versement d'un gain manqué de 100'000 fr. par an sur la base d'une estimation et non de chiffres précis. 
 
3.3. La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir, d'une part, considéré " en bloc " que l'ensemble du préjudice était connu dès le 28 février 2007. Elle soutient que la cour cantonale n'a, à tort, pas distingué les différents éléments du préjudice: tandis que la convention mentionnait l'existence d'un horodateur et de l'installation de panneaux de publicité, elle ne disait rien des recettes publicitaires. Ce n'est ainsi qu'au moment d'accéder aux comptes de la société exploitante que les nouveaux administrateurs auraient découvert au cours de l'année 2011 que celle-ci avait perçu plusieurs centaines de milliers de francs de recettes publicitaires et qu'il y avait eu plusieurs horodateurs dont la société exploitante avait perçu les bénéfices tout au long des années d'exploitation. Selon la recourante, la situation de déséquilibre constatée par son réviseur concernait la systématique générale de l'encaissement des loyers entre J.________, la société et la société exploitante et non les revenus accessoires représentant les éléments essentiels du préjudice.  
D'autre part, la recourante reproche à la cour cantonale de ne pas avoir apprécié la notion de dommage continu alors qu'elle allègue avoir plaidé cet argument au plan cantonal. 
 
3.4. À juste titre, la recourante ne remet pas en question la motivation de la cour cantonale, selon laquelle il n'était pas nécessaire qu'elle connût le montant exact du dommage, dans la mesure où elle pouvait l'estimer. Dès lors que tous les actionnaires connaissaient à l'époque de la signature de la convention les tenants et aboutissants de celle-ci, ils ont bien eu connaissance des éléments nécessaires pour ouvrir action au plus tard le 28 février 2007. Elle ne peut donc tirer argument du fait que de nouveaux administrateurs n'auraient découvert le préjudice que lors de la consultation des comptes de la société exploitante et qu'elle n'aurait donc pas pu agir en justice plus tôt.  
Par ailleurs, la recourante n'allègue ni n'établit que l'appréciation de la cour cantonale relative au courrier litigieux du réviseur serait arbitraire, de sorte que son argument est irrecevable. 
En outre, dans la mesure où la recourante n'établit pas, avec références précises au dossier, qu'elle aurait fait valoir devant la cour cantonale un grief relatif au dommage continu, elle ne satisfait pas au principe de l'épuisement des griefs (cf. supra consid. 3.1.3) et son grief est irrecevable. Pour le même motif, une violation de son droit d'être entendue ne saurait entrer en ligne de compte.  
 
4.  
Dans un second temps, la recourante fait grief à la cour cantonale de ne pas avoir retenu que le délai de prescription était suspendu et d'avoir ainsi violé l'art. 134 al. 1 ch. 6 CO. Elle lui reproche également d'avoir violé l'art. 756 al. 1 CO en retenant qu'elle pouvait agir en justice au travers de son assemblée générale ou de tout actionnaire. 
 
4.1.  
 
4.1.1. L'art. 134 al. 1 ch. 6 CO dispose que la prescription ne court point et que, si elle avait commencé à courir, elle est suspendue tant qu'il est impossible, pour des raisons objectives, de faire valoir la créance devant un tribunal.  
Selon la jurisprudence, la suspension de la prescription instaurée par cette disposition suppose que le créancier soit empêché d'agir devant un tribunal par des circonstances objectives et indépendantes de sa situation personnelle (ATF 134 III 294 consid. 1.1; 124 III 449 consid. 4a; 90 II 428 consid. 9; arrêts 4A_148/2017 du 20 décembre 2017 consid. 4.2.3; 4A_618/2014 du 7 juillet 2015 consid. 5). 
 
4.1.2. Le droit d'être entendu garanti par les art. 29 al. 2 Cst. et 53 CPC, qui ont à cet égard la même portée, comprend notamment l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse apprécier la portée de celle-ci et exercer son droit de recours à bon escient. Pour satisfaire à cette exigence, il lui suffit d'exposer, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé son raisonnement (ATF 142 II 154 consid. 4.2; 138 I 232 consid. 5.1 et les arrêts cités; 133 III 439 consid. 3.3 et les arrêts cités).  
 
4.2. La cour cantonale a considéré que la société demanderesse avait certes été administrée de 2003 à 2008 par l'administratrice, qui avait signé la convention litigieuse et donc causé le prétendu dommage, de sorte qu'il n'était pas concevable qu'elle agît en justice à sa propre encontre. Toutefois, cet empêchement de la société d'agir en justice par son conseil d'administration était dû à sa propre organisation, et donc à une cause dépendante de sa situation personnelle. Il ne s'agissait dès lors pas d'un motif objectif propre à fonder une cause de suspension au sens de l'art. 134 al. 1 ch. 6 CO, étant rappelé que la nature objective de l'empêchement doit être interprétée restrictivement.  
La cour cantonale a par ailleurs relevé que le législateur avait expressément prévu ce cas de figure en permettant, à l'art. 756 al. 1 CO, à chaque actionnaire d'intenter l'action en responsabilité pour le dommage causé à la société. Dès lors, il existait une possibilité pour la société d'agir en justice au travers de son assemblée générale ou de tout actionnaire, ce que la société avait perdu de vue dans son argumentation. La cour cantonale a jugé que, si ni le conseil d'administration ni les actionnaires de l'époque n'avaient décidé d'entreprendre une telle action, leur décision liait la société, de sorte que le nouveau conseil d'administration devait se voir opposer l'exception de prescription. 
Dans la mesure où le délai de prescription de cinq ans n'avait pas été suspendu, il était arrivé à échéance au plus tard le 28 février 2012, de sorte que c'était à bon droit que le tribunal avait considéré que l'action, introduite le 20 novembre 2012 par la société demanderesse, était prescrite. 
 
4.3. La recourante argue, d'une part, qu'elle ne comprend pas ce que la cour cantonale a voulu dire par " cause dépendante de sa situation personnelle ". La motivation de l'arrêt entrepris est selon elle incomplète sur ce point, ce qui ne permettrait pas de déterminer en quoi sa " propre organisation " ne constituerait pas un motif de suspension de la prescription.  
D'autre part, elle avance que le dossier aurait révélé qu'une majorité ne pouvait être dégagée au sein de l'assemblée générale pour contraindre les administrateurs de l'époque à agir à leur propre encontre. En tout état de cause, elle allègue que la société elle-même ne pouvait pas agir, dès lors que les auteurs du prétendu dommage composaient le conseil d'administration. Selon la recourante, la cour cantonale a, à tort, omis d'apprécier la possibilité d'action intentée par l'assemblée générale ou par un actionnaire d'une façon concrète, soit en rendant vraisemblable que l'actionnaire connaissait le dommage dans l'ensemble de ses composants et que le devoir d'agir devait raisonnablement lui être opposé. 
En particulier, la recourante invoque que c'est en se fondant sur une appréciation manifestement incorrecte des faits sur deux points que la cour cantonale a jugé qu'elle pouvait agir en justice au travers de son assemblée générale ou de tout actionnaire. Premièrement, l'administratrice aurait disposé, avec son époux, de 50 % des actions et d'une " voix de vote privilégiée en sa qualité de présidente du conseil d'administration ", de sorte que tous les votes lors des assemblées générales qui allaient à l'encontre de la position de la famille de l'administratrice auraient été systématiquement stoppés. Secondement, il ressortirait de la procédure que G.________ était hospitalisé dès juillet 2006 et qu'aucun élément relatif à la société exploitante ne figurait dans les comptes de la société, de sorte qu'il lui était impossible de connaître le préjudice. 
 
4.4. Contrairement à ce qu'affirme la recourante, le raisonnement de la cour cantonale relatif à son organisation n'est pas incomplet. La cour cantonale a clairement exprimé son argument, selon lequel c'était en raison de la propre organisation de la société que celle-ci n'était pas en mesure d'ouvrir action, dans la mesure où son administratrice unique était la personne ayant prétendument causé le dommage à la société, où il n'était donc pas concevable qu'elle agît contre elle-même au nom de la société et où ce motif ne saurait être considéré comme objectif en tant qu'il relève de la composition des organes que la société a choisi de se donner. Pour autant qu'il faille lire dans son grief une violation de son droit d'être entendue par la cour cantonale, tel n'est donc pas le cas.  
S'agissant de la possibilité pour l'assemblée générale ou pour un actionnaire d'agir en justice, la recourante se fonde sur de nombreux faits qui n'ont pas été constatés par la cour cantonale et dont elle ne sollicite pas valablement le complètement dans son recours, de sorte que la Cour de céans ne peut en tenir compte. Elle a tenté de corriger ce vice dans sa réplique. Toutefois, une telle argumentation est tardive, dans la mesure où elle aurait déjà pu être présentée au stade du recours (ATF 135 I 19 consid. 2.2 et les arrêts cités) et où ladite réplique a été déposée après l'expiration du délai de recours (ATF 142 I 135 consid. 1.2.1). Partant, il ne peut en être tenu compte. 
Par ailleurs, la cour cantonale s'est fondée sur la connaissance qu'avaient tous les actionnaires, déjà bien avant la signature de la convention du 10 janvier 2006 et au plus tard lors de l'assemblée générale du 28 février 2007, des avantages dont bénéficiait la société exploitante (soit les recettes des horodateurs et des panneaux publicitaires) et a retenu que l'ensemble des actionnaires, dont G.________ et, par lui, son épouse, avaient connaissance des tenants et aboutissants de la convention. La recourante ne démontre pas en quoi l'appréciation de la cour cantonale serait arbitraire. Son grief, consistant à dire que ni l'assemblée générale ni un actionnaire de la société ne pouvaient agir en justice faute de connaître le préjudice, tombe donc à faux. 
Lorsqu'elle soutient que le fait qu'un actionnaire aurait pu ouvrir l'action sociale ne rendrait pas caduc le droit de la société d'agir, la recourante se limite à une pure affirmation, sans s'en prendre à la motivation de la cour cantonale selon laquelle le législateur avait pallié le cas de figure dans lequel l' administrateur et l'assemblée générale n'ont pas intérêt à ouvrir action en permettant à tout actionnaire d'ouvrir action seul. Son grief est en tout état de cause irrecevable, faute de motivation suffisante (art. 42 al. 2 LTF). 
Enfin, comme déjà mentionné et contrairement à ce que soutient la recourante, le fait qu'aucun actionnaire n'aurait connu le dommage dans l'ensemble de ses composants n'entraînerait de toute manière pas la suspension de la prescription, dans la mesure où l'art. 42 al. 2 CO permet de pallier cette problématique. 
Le grief doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. 
 
5.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. 
Les frais judiciaires et les dépens seront mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 16'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera aux intimés, créanciers solidaires, une indemnité de 18'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 1er novembre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Hohl 
 
Le Greffier : Douzals