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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_588/2022  
 
 
Arrêt du 26 septembre 2023  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Moser-Szeless et Beusch. 
Greffier : M. Berthoud. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par M es Marc Hochmann Favre et Emmanuel Kilchenmann, 
recourante, 
 
contre  
 
1. CSS Assurance-maladie SA 
(également en tant que successeur en droit de Arcosana SA, INTRAS Assurance-maladie SA et Sanagate SA), Tribschenstrasse 21, 6005 Lucerne, 
2. CONCORDIA Assurance suisse de maladie et accidents SA, Bundesplatz 15, 6002 Lucerne, 
3. Atupri Assurance de la santé SA, 
Zieglerstrasse 29, 3007 Berne, 
4. Avenir Assurance Maladie SA, 
rue des Cèdres 5, 1920 Martigny, 
5. KPT Caisse-maladie SA, 
Wankdorfallee 3, 3014 Berne, 
6. Vivao Sympany SA, Peter Merian-Weg 4, 4052 Bâle, 
7. Easy Sana Assurance Maladie SA, rue des Cèdres 5, 1920 Martigny, 
8. EGK-Grundversicherungen, 
Brislachstrasse 2, 4242 Laufon, 
9. Helsana Assurances SA 
(également en tant que successeur en droit de Progrès Assurances SA et de Sansan Assurances SA), 8600 Dübendorf, 
10. SWICA Gesundheitsorganisation, Römerstrasse 38, 8400 Winterthour, 
11. Groupe Mutuel Assurances GMA SA 
(en tant que successeur en droit de Mutuel Assurance Maladie SA), 
rue des Cèdres 5, 1920 Martigny, 
12. Sanitas Krankenversicherung 
(également en tant que successeur en droit de Compact Assurances de base SA), 
Jägergasse 3, 8004 Zurich, 
13. Philos Assurance Maladie SA, 
rue des Cèdres 5, 1920 Martigny, 
14. Assura-Basis SA, 
Avenue Charles-Ferdinand-Ramuz 70, 1009 Pully, 
15. Visana AG, Weltpoststrasse 19, 3015 Berne, 
16. Agrisano Krankenkasse AG, 
Laurstrasse 10, 5200 Brugg AG, 
17. sana24 AG, Weltpoststrasse 19, 3015 Berne, 
18. vivacare AG, Weltpoststrasse 19, 3015 Berne, 
toutes agissant par santésuisse, 
Römerstrasse 20, 4500 Soleure, 
elle-même représentée 
par M e Valentin Schumacher, avocat, 
caisses-maladie intimées pour l'année statistique 2014 (assureurs du groupe I), 
 
1. CSS Assurance-maladie SA 
(également en tant que successeur en droit de Arcosana SA, INTRAS Assurance-maladie SA et Sanagate SA), Tribschenstrasse 21, 6005 Lucerne, 
2. CONCORDIA Assurance suisse de maladie et accidents SA, Bundesplatz 15, 6002 Lucerne, 
3. Atupri Assurance de la santé SA, 
Zieglerstrasse 29, 3007 Berne, 
4. Avenir Assurance Maladie SA, 
rue des Cèdres 5, 1920 Martigny, 
5. KPT Caisse-maladie SA, 
Wankdorfallee 3, 3014 Berne, 
6. Vivao Sympany SA, Peter Merian-Weg 4, 4052 Bâle, 
7. Easy Sana Assurance Maladie SA, rue des Cèdres 5, 1920 Martigny, 
8. EGK-Grundversicherungen, 
Brislachstrasse 2, 4242 Laufon, 
9. Helsana Assurances SA 
(également en tant que successeur en droit de Progrès Assurances SA et de Sansan Assurances SA), 8600 Dübendorf, 
10. SWICA Gesundheitsorganisation, Römerstrasse 38, 8400 Winterthour, 
11. Groupe Mutuel Assurances GMA SA 
(en tant que successeur en droit de Mutuel Assurance Maladie SA), 
rue des Cèdres 5, 1920 Martigny, 
12. Sanitas Krankenversicherung 
(également en tant que successeur en droit de Compact Assurances de base SA), 
Jägergasse 3, 8004 Zurich, 
13. Philos Assurance Maladie SA, 
rue des Cèdres 5, 1920 Martigny, 
14. Assura-Basis SA, 
Avenue Charles-Ferdinand-Ramuz 70, 1009 Pully, 
15. Visana AG, Weltpoststrasse 19, 3015 Berne, 
16. Agrisano Krankenkasse AG, 
Laurstrasse 10, 5200 Brugg AG, 
17. vivacare AG, Weltpoststrasse 19, 3015 Berne, 
toutes agissant par santésuisse, 
Römerstrasse 20, 4500 Soleure, 
elle-même représentée 
par M e Valentin Schumacher, avocat, 
caisses-maladie intimées pour l'année statistique 2015 (assureurs du groupe Il), 
 
1. CSS Assurance-maladie SA 
(également en tant que successeur en droit de Arcosana SA, INTRAS Assurance-maladie SA et Sanagate SA), Tribschenstrasse 21, 6005 Lucerne, 
2. CONCORDIA Assurance suisse de maladie et accidents SA, Bundesplatz 15, 6002 Lucerne, 
3. Atupri Assurance de la santé SA, 
Zieglerstrasse 29, 3007 Berne, 
4. Avenir Assurance Maladie SA, 
rue des Cèdres 5, 1920 Martigny, 
5. KPT Caisse-maladie SA, 
Wankdorfallee 3, 3014 Berne, 
6. Vivao Sympany SA, Peter Merian-Weg 4, 4052 Bâle, 
7. Easy Sana Assurance Maladie SA, rue des Cèdres 5, 1920 Martigny, 
8. EGK-Grundversicherungen, Brislachstrasse 2, 4242 Laufon, 
9. Helsana Assurances SA 
(également en tant que successeur en droit de Progrès Assurances SA et de Sansan Assurances SA), 8600 Dübendorf, 
10. SWICA Gesundheitsorganisation, Römerstrasse 38, 8400 Winterthour, 
11. Groupe Mutuel Assurances GMA SA 
(en tant que successeur en droit de Mutuel Assurance Maladie SA), 
rue des Cèdres 5, 1920 Martigny, 
12. Sanitas Krankenversicherung 
(également en tant que successeur en droit de Compact Assurances de base SA), 
Jägergasse 3, 8004 Zurich, 
13. Philos Assurance Maladie SA, 
rue des Cèdres 5, 1920 Martigny, 
14. Assura-Basis SA, 
Avenue Charles-Ferdinand-Ramuz 70, 1009 Pully, 
15. Visana AG, Weltpoststrasse 19, 3015 Berne, 
16. Agrisano Krankenkasse AG, 
Laurstrasse 10, 5200 Brugg AG, 
17. SUPRA-1846 SA, 
avenue de la Rasude 8, 1006 Lausanne, 
toutes agissant par santésuisse, 
Römerstrasse 20, 4500 Soleure, 
elle-même représentée 
par M e Valentin Schumacher, avocat, 
caisses-maladie intimées pour l'année statistique 2016 (assureurs du groupe llI). 
 
Objet 
Assurance-maladie, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal arbitral LAMal/LAA de l'Etat de Fribourg du 7 novembre 2022 (ARB 2019 5). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, docteur en médecine, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie d'enfants et d'adolescents, exploite à titre indépendant un cabinet médical à B.________. Elle pratique la psychothérapie déléguée depuis 2014. 
Le 9 février 2016, A.________ a été entendue par la Commission paritaire cantonale santésuisse - Société de Médecine du Canton de Fribourg (ci-après: la CPC) à propos du respect du principe de l'économicité du traitement. La CPC lui a fait savoir que ses statistiques 2014 présentaient un indice de coûts directs de 181, comparé à la valeur statistique de référence de 100, dépassant de beaucoup le seuil de 130 autorisé. 
Le 13 juillet 2016, les caisses-maladie énoncées dans le rubrum du présent arrêt sous "assureurs du groupe I" ont déposé une requête en conciliation devant la CPC contre A.________, en concluant au remboursement par cette dernière d'un montant à déterminer pour l'année statistique 2014 en raison de la violation du principe de l'économicité du traitement. Le 19 janvier 2017, les caisses-maladie énoncées dans le rubrum du présent arrêt sous "assureurs du groupe II" ont saisi la CPC d'une même requête pour l'année statistique 2015, alors que les caisses-maladie énoncées dans le rubrum du présent arrêt sous "assureurs du groupe III" ont agi le 17 janvier 2018 en déposant une troisième requête pour l'année statistique 2016, ces caisses étant également représentées par santésuisse. 
 
B.  
Le 12 août 2019, les caisses-maladie des trois groupes, agissant par santésuisse, ont assigné A.________ devant le Tribunal arbitral LAMal/LAA de l'Etat de Fribourg. Invoquant une violation du principe du caractère économique des prestations, elles lui ont réclamé la restitution à titre principal de 516'606 fr. pour l'année 2014, 430'127 fr. pour l'année 2015 et 403'057 fr. pour l'année 2016; subsidiairement pour ces trois années les montants de 324'084 fr., 273'600 fr. et 271'794 fr.; plus subsidiairement pour ces trois années les sommes de 234'519 fr., 225'049 fr. et 177'689 fr., suivant la méthode de calcul utilisée. 
Par arrêt du 7 novembre 2022, le Tribunal arbitral a admis partiellement la demande du 12 août 2019. Il a condamné A.________ à restituer aux demanderesses du groupe I un montant de 280'652 fr. 05 pour l'année 2014, à celles du groupe II un montant de 242'967 fr. 15 pour l'année 2015, et à celles du groupe III un montant de 234'545 fr. 65 pour l'année 2016. 
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt dont elle demande l'annulation. Elle sollicite l'attribution de l'effet suspensif à son recours. 
Les intimées concluent au rejet de la requête d'effet suspensif, ainsi qu'au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. La recourante s'est encore déterminée par écriture du 1 er mai 2023.  
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Même si la recourante se limite à prendre des conclusions cassatoires et en renvoi (à ce sujet ATF 137 II 313 consid. 1.3 et les références), son recours en matière de droit public, qui se caractérise comme un recours en réforme (art. 107 al. 2 LTF), est recevable. Les motifs du recours permettent de comprendre qu'elle requiert que la demande introduite par les caisses-maladie le 12 août 2019 soit rejetée, et donc sa libération de l'obligation de leur restituer la somme de 758'164 fr. 85 pour les années 2014 à 2016.  
 
1.2. A l'appui de son recours, la recourante produit un récapitulatif de ses charges et résultats d'exploitation relatifs aux années 2014 à 2018 établi par C.________ SA le 26 février 2021. Elle précise qu'elle n'ignore pas le sort réservé aux pièces nouvelles à ce stade de la procédure, mais qu'elle souhaite néanmoins apporter au Tribunal fédéral cet éclairage.  
Cette pièce ne résulte pas de l'arrêt attaqué et la recourante n'expose pas pour quel motif elle n'aurait pas pu la produire devant l'instance précédente. Elle est donc irrecevable (cf. art. 99 al. 1 LTF; ATF 143 V 19 consid. 1.2). 
 
2.  
Le recours en matière de droit public peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il statue par ailleurs sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'en écarter doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut pas être pris en considération. 
 
3.  
La juridiction arbitrale a exposé de manière complète les dispositions légales applicables, singulièrement l'art. 56 LAMal, ainsi que la jurisprudence y relative sur les méthodes admises pour établir l'existence d'une polypragmasie (notamment ATF 144 V 79; 137 V 43; 136 V 415). On rappellera, à sa suite, que les méthodes statistique et analytique ou une combinaison de ces deux méthodes sont admises par le Tribunal fédéral pour établir l'existence d'une polypragmasie ("Überarztung"). Si les tribunaux arbitraux restent en principe libres de choisir la méthode d'examen, la préférence doit néanmoins être donnée à la méthode statistique par rapport à la méthode analytique qui est en règle générale appliquée seulement lorsque des données fiables pour une comparaison des coûts moyens font défaut (cf. arrêt 9C_485/2022 du 20 juin 2023 consid. 3.2 et les arrêts cités). 
 
4.  
Le tribunal arbitral a constaté que la recourante pratiquait la psychothérapie déléguée depuis 2014 et que c'était depuis lors que ses indices dépassaient de loin ceux de son groupe de comparaison, lequel était composé de médecins titulaires du titre FMH en psychiatrie et psychothérapie d'enfants et d'adolescents (au total 20 médecins en 2014 et 2015, et 21 en 2016). Les médecins inclus dans ce groupe pratiquaient dans le canton de Fribourg et seules les prestations réalisées dans le cadre de leur activité indépendante facturées sous le numéro RCC correspondant entraient dans les statistiques. Comme le groupe de référence des psychiatres et psychothérapeutes pour enfants et adolescents du canton de Fribourg était doté de la même spécialisation que la recourante et que ces médecins exerçaient essentiellement, pour la quasi-totalité d'entre eux, cette spécialisation au sein de leur cabinet, les premiers juges ont considéré que la pratique de la recourante pouvait être comparée à ce groupe. Constatant que les indices globaux des statistiques RSS de la recourante étaient nettement supérieurs à celui des médecins de son groupe de comparaison et qu'ils dépassaient largement la marge de tolérance située entre 120 et 130 points (175 pour l'année 2014, 167 pour 2015 et 169 pour 2016), la polypragmasie était ainsi présumée pour les années en cause. Les juges arbitres ont précisé que la constitution d'un groupe de dix médecins pratiquant tous la psychothérapie déléguée dans le canton de Fribourg aboutirait à des résultats à peine différents (168, 158 et 164 points pour les trois années en cause); en outre, si l'on constituait un groupe de comparaison comprenant 68 médecins au niveau national formé de psychiatres et de psychothérapeutes pour enfants et adolescents qui factureraient au moins 100'000 fr. de psychothérapie déléguée, le résultat donnerait même des indices de coûts totaux par malade supérieurs chez la recourante (194, 183 et 192 points). Le tribunal a aussi retenu que l'offre modeste de psychothérapie à B.________, invoquée par la recourante et susceptible selon elle d'augmenter le nombre de patients par médecin, ne jouait pas de rôle significatif sur ses indices; la méthode statistique se fondait en effet sur le coût moyen par patient qui n'était pas directement lié au nombre de patients traités et au taux d'activité du médecin. 
Le Tribunal arbitral a ensuite examiné si des spécificités dans la pratique de la recourante justifiaient de s'écarter de la marge de tolérance de 30 % appliquée par les caisses-maladie, ce qu'il a nié. En particulier, concernant la pratique de la psychothérapie déléguée dont la recourante s'était prévalue pour justifier les coûts plus élevés par malade, il a admis qu'elle n'expliquait pas les coûts importants qui avaient été facturés à charge de la LAMal, mais qu'elle devait plutôt aboutir à une diminution des coûts. Quant au moyen tiré de la particularité du cabinet médical (le traitement de cas lourds et urgents), les premiers juges ont relevé que les assertions de la recourante ne reposaient ainsi sur aucune donnée chiffrée tangible ou élément de preuve susceptible d'expliquer des coûts beaucoup plus importants que ceux de ses confrères. Les rapports médicaux qu'elle avait produits à ce sujet ne permettaient pas de se faire une idée de la proportion que représentaient les cas en question par rapport à l'ensemble de ses patients, de sorte qu'ils n'étaient pas pertinents. Les juges cantonaux ont finalement procédé au calcul des montants à restituer par la recourante pour les trois années en cause. 
 
5.  
Invoquant à la fois une appréciation arbitraire des preuves, une violation de son droit d'être entendue et un "abus" du pouvoir d'appréciation, la recourante reproche d'abord aux premiers juges d'avoir retenu à tort que les médecins de son groupe de comparaison présentent des caractéristiques similaires à sa pratique. A cet égard, elle fait valoir que l'instance précédente n'a pas pris la mesure des multiples témoignages produits qui la différencient du groupe de comparaison. Elle invoque le fait que les responsables de diverses institutions ont tous attesté sa grande disponibilité ainsi que son sérieux dans le traitement de situations de crises et de cas problématiques qui lui sont attribués en priorité, soit des cas complexes, lourds et urgents présentant des diagnostics hautement morbides et nécessitant une prise en charge très mobilisatrice. La recourante ajoute que l'offre est restreinte en pédopsychiatrie dans la région de B.________ et que le nombre d'hospitalisations des patients de moins de 19 ans a davantage augmenté (27 %) que celui des adultes (4 %), entre 2012 et 2016. Elle en déduit que sa pratique ne peut pas être comparée à celle de ses confrères, si bien que l'instance cantonale n'aurait pas dû appliquer la méthode statistique pour examiner le caractère économique de sa pratique mais la méthode analytique. Ensuite, la recourante affirme qu'il est manifestement insoutenable d'exiger la restitution d'un montant de 758'164 fr. 85 pour les années 2014 à 2016, car l'étendue du remboursement demandé avoisine son revenu net d'exploitation au cours de ces trois années; elle aurait ainsi travaillé en pure perte durant cette période. 
 
6.  
 
6.1. En ce qui concerne la violation de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.), la recourante soutient, sous l'angle de son droit à obtenir une décision motivée, que la juridiction cantonale n'a pas ou pas suffisamment examiné certains de ses griefs liés à la méthode applicable et les spécificités de sa pratique.  
 
6.2. Le droit d'être entendu consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. implique pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressée puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 III 65 consid. 5.2). L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 142 II 154 consid. 4.2). La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêt 1B_409/2021 du 3 janvier 2022 consid. 3).  
 
6.3. En l'occurrence, l'autorité précédente a exposé les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision. Elle a en particulier exposé les raisons pour lesquelles la méthode statistique devait être appliquée et pris position sur les particularités de la pratique médicale invoquées par la recourante. Aussi, l'arrêt attaqué permet de comprendre les motifs pour lesquels les premiers juges ont retenu que celle-ci avait fait preuve d'une pratique dispendieuse au sens de l'art. 56 LAMal. On ne saurait par conséquent considérer que la recourante s'est trouvée en situation d'être empêchée de saisir la portée de l'arrêt querellé et de l'attaquer utilement. Le seul fait que la motivation de l'arrêt entrepris ne réponde pas en détail à chaque grief du recours ne constitue pas une violation de son droit d'être entendue. Le grief de violation de l'art. 29 al. 2 Cst. doit par conséquent être rejeté.  
 
6.4. Pour le reste, en tant que la recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue en lien avec l'appréciation des preuves à laquelle a procédé le tribunal arbitral, ses arguments se confondent avec celui d'arbitraire, de sorte qu'il doit être examiné sous cet angle (arrêt 9C_485/2022 précité consid. 6.2 et la référence).  
 
7.  
 
7.1. En première instance, la recourante avait produit des témoignages écrits émanant de responsables de divers services de protection de l'enfance ainsi que de deux patients. Leurs auditions, destinées à établir sa disponibilité et le sérieux du traitement de situations de crises et de cas problématiques, étaient toutefois superflues. En effet, les faits que la recourante entend ainsi prouver quant à la qualité de son activité médicale n'ont aucune incidence pour apprécier le caractère économique des traitements prodigués. Quant aux attestations des cinq psychologues déléguées qui ont travaillé au service de la recourante, elles portent sur la nature de l'activité déployée et sur les qualités professionnelles de la recourante, mais ne permettent pas pour autant de mettre en évidence que la juridiction cantonale aurait fait preuve d'arbitraire en admettant que sa patientèle n'était pas fondamentalement différente de celle des médecins du groupe de comparaison. Dès lors, en l'absence de données concrètes ou d'indices pouvant expliquer des coûts beaucoup plus importants que ceux des confrères de la recourante, les juges arbitres pouvaient renoncer à donner suite aux mesures d'instruction requises ("témoignage du Service de l'enfance et de la jeunesse") et statuer en l'état par appréciation anticipée des preuves.  
 
7.2. S'agissant du niveau de l'offre en pédopsychothérapie dans la région de B.________ invoqué par la recourante, il importe en définitive peu de savoir s'il est ou non plus faible que dans d'autres régions, car il n'a pas d'incidence significative sur les coûts moyens de la recourante, contrairement à ce qu'elle soutient. Sur ce point, il suffit de renvoyer aux considérations de la juridiction cantonale sur l'absence de relation, dans la méthode statistique, entre le coût moyen par patient et le nombre de patients d'un médecin.  
 
7.3. En ce qui concerne l'argumentation liée au nombre de situations de crises et de cas problématiques qui lui sont attribués en priorité par rapport à ses confrères, la recourante ne s'en prend pas à l'appréciation de la juridiction cantonale selon laquelle le médecin en cause n'avait pas démontré traiter davantage de cas d'urgence que ses confrères du groupe de comparaison. En particulier, le reproche que fait la recourante aux juges cantonaux de n'avoir pas examiné les cas concrets qu'elle avait produits n'est pas pertinent. Ceux-ci ont en effet retenu de manière convaincante que la production des rapports médicaux en question n'établissait pas le nombre plus élevé des patients soignés en urgence dont se prévaut la recourante.  
 
7.4. Dans ces conditions, l'inclusion de la recourante dans le groupe de comparaison composé de médecins titulaires du titre FMH en psychiatrie et psychothérapie d'enfants et d'adolescents, de même que le recours à la méthode statistique pour comparer les coûts moyens qui en découlent, ne prêtent pas le flanc à la critique.  
Que ce soit dans ce cadre où sous l'angle des particularités de la pratique médicale, le fait que la recourante délègue en partie les traitements psychothérapeutiques à un thérapeute non-médecin a été apprécié par le tribunal arbitral de manière circonstanciée et convaincante. A cet égard, la recourante ne critique pas les constatations des juges arbitres, selon lesquels même en ne prenant que les médecins pratiquant la psychothérapie déléguée dans le canton de Fribourg, dans le groupe de comparaison, le résultat ne serait pas plus favorable à la recourante. La psychothérapie déléguée ne constitue pas non plus une pratique particulière en l'occurrence, comme l'a retenu à juste titre la juridiction cantonale. La recourante cite en vain l'arrêt 9C_570/2015 du 6 juin 2016. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral n'a pas admis la manière de procéder concrète de la juridiction cantonale, qui a cherché à "neutraliser les traitements de psychothérapie déléguée" (consid. 7.3 de l'arrêt cité). Une telle démarche n'est pas en cause en l'espèce. 
 
7.5. Enfin, contrairement à l'argumentation de la recourante, l'étendue des remboursements afférents aux années 2014 à 2016 et les résultats nets d'exploitation durant cette même période n'ont aucun rapport entre eux et il n'y a pas lieu de les comparer. En effet, les montants à restituer sont calculés uniquement en fonction des honoraires perçus à tort en raison de la pratique dispendieuse de la recourante, singulièrement lors de la psychothérapie déléguée où le nombre d'heures autorisées par médecin et par année a été considérablement dépassé sans autorisation des caisses-maladie. A cet égard, la recourante semble oublier qu'elle répond, en tant que médecin délégataire, du caractère économique des tâches qu'elle confie à des auxiliaires (cf. ATF 130 V 377 consid. 7.1) et que la restitution porte sur la totalité des montants indûment facturés et pris en charge, indépendamment des conséquences financières que cela entraîne pour elle. Si l'on suivait le raisonnement de la recourante, les coûts liés à la pratique de la psychothérapie déléguée (dépassant le cadre du traitement avalisé par les assureurs-maladie) seraient soustraits à l'examen de leur économicité alors qu'elle les a elle-même générés et qu'elle doit ainsi en répondre, à défaut de quoi la ratio legis de l'art. 56 LAMal en serait vidée.  
Pour le surplus, le calcul des montants à restituer n'est pas contesté en tant que tel. Il suffit dès lors de renvoyer à l'arrêt attaqué, étant précisé que les premiers juges ont pris soin de déduire les coûts des prestations, au-delà de 40 séances, pour lesquelles il est établi qu'une garantie de prise en charge expresse des coûts avait été préalablement donnée par les assureurs. 
 
7.6. En conclusion, compte tenu de l'ensemble des éléments pris en considération par la juridiction arbitrale dans le cadre de l'administration et de l'appréciation des preuves recueillies, dont la recourante ne parvient pas à établir le caractère insoutenable ou autrement contraire au droit, le Tribunal fédéral n'a pas à s'écarter du résultat auquel est parvenue l'autorité précédente. Le recours est mal fondé.  
 
7.7. Vu l'issue du litige, la requête d'attribution de l'effet suspensif au recours n'a plus d'objet.  
 
8.  
 
8.1. Les frais de justice sont mis à la charge de la recourante qui succombe; ils sont fixés en fonction de la valeur litigieuse (art. 65 al. 2 et al. 3 let. b, 66 al. 1 LTF; ch. 1 du Tarif des émoluments judiciaires du Tribunal fédéral du 31 mars 2006, RS 173.110.210.1).  
 
8.2. Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe (art. 68 al. 1 LTF). En règle générale, aucuns dépens ne sont alloués à la Confédération, aux cantons, aux communes ou aux organisations chargées de tâches de droit public lorsqu'ils obtiennent gain de cause dans l'exercice de leurs attributions officielles (art. 68 al. 3 LTF).  
Les assureurs-maladie qui pratiquent l'assurance obligatoire des soins font partie des organisations chargées de tâches de droit public au sens de l'art. 68 al. 3 LTF (parmi d'autres: arrêt 9C_474/2022 du 5 juin 2023 consid. 5, destiné à la publication). Conformément à la jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 159 al. 2 OJ, les caisses-maladie représentées par un avocat qui obtenaient gain de cause devant le Tribunal fédéral dans une procédure concernant le caractère économique de la pratique médicale d'un médecin ("polypragmasie") avaient en principe droit à une indemnité de dépens (ATF 119 V 448 consid. 6b). Récemment, dans un arrêt 9C_259/2023 du 18 septembre 2023 consid. 7.3 destiné à la publication, le Tribunal fédéral a modifié sa jurisprudence en parvenant à la conclusion qu'elle était désormais inadaptée aux circonstances, eu égard notamment à l'entrée en vigueur de l'art. 56 al. 6 LAMal et des conventions entre les associations des médecins et des assureurs qui en ont résulté (sur les conditions d'un changement de jurisprudence ATF 148 V 174 consid. 7 et les références; 147 V 342 consid. 5.5.1). En particulier, le contrôle de l'économicité de l'activité des médecins pratiquant en cabinet a entraîné un nombre croissant de litiges dans cette matière et une pratique bien établie s'est développée. Par ailleurs, le nombre de petits assureurs-maladie a diminué à la suite d'un processus de concentration des caisses-maladie et les assureurs peuvent compter aujourd'hui sur l'aide de leurs associations pour mener à bien de tels procès. La complexité des questions juridiques qui se posent et une éventuelle surcharge de la collectivité publique ou de l'organisation chargée de tâches publiques ne suffisent plus guère à justifier une dérogation à l'art. 68 al. 3 LTF. Le fait que le litige concerne la polypragmasie ne justifie dès lors plus à lui seul de mettre l'allocation de dépens en faveur des assureurs-maladie à la charge du médecin succombant. Il sied néanmoins de réserver l'éventualité dans laquelle il apparaîtrait justifié de s'écarter de la règle de l'art. 68 al. 3 LTF pour d'autres motifs, tel qu'un comportement contraire aux règles de la bonne foi en procédure (arrêt 9C_259/2023 précité consid. 7.3.3). 
A défaut d'un tel motif, la conclusion des intimées tendant à l'octroi de dépens pour la procédure fédérale doit être rejetée. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 13'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal arbitral LAMal/LAA de l'Etat de Fribourg et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 26 septembre 2023 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Berthoud