Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_975/2022  
 
 
Arrêt du 20 avril 2023  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Hänni et Hartmann. 
Greffier : M. Rastorfer. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Diana Tettü Pochon, avocate, 
recourante, 
 
contre  
 
Service de la population et des migrants du canton de Fribourg, 
Les Portes-de-Fribourg, route d'Englisberg 11, 1763 Granges-Paccot, 
intimé. 
 
Objet 
Droit de cité, établissement, séjour - ALCP - regroupement familial - ascendant à charge, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'Etat 
de Fribourg, I e Cour administrative, du 24 octobre 2022 (601 2022 45). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, ressortissante allemande née en 1938, est entrée en Suisse le 1er octobre 2021, afin de vivre avec sa fille, B.________, également originaire d'Allemagne et titulaire d'une autorisation d'établissement UE/AELE. 
Le 30 novembre 2021, B.________ a sollicité, au titre du regroupement familial, une autorisation de séjour en faveur de sa mère et a déclaré qu'elle et son mari subviendraient à son entretien. Elle a précisé que sa mère souffrait de problèmes de mémoire et qu'elle ne souhaitait pas placer celle-ci en institution. De fait, depuis son arrivée en Suisse, A.________ et le couple partagent un appartement de quatre pièces et demi. 
 
B.  
Par décision du 9 mars 2022, après avoir entendu A.________, le Service de la population et des migrants du canton de Fribourg (ci-après: le Service cantonal) a refusé de lui accorder une autorisation de séjour et a prononcé son renvoi de Suisse. Par arrêt du 24 octobre 2022, le Tribunal cantonal du canton de Fribourg (ci-après: le Tribunal cantonal) a confirmé la décision précitée. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, outre l'effet suspensif, d'annuler l'arrêt du 24 octobre 2022 du Tribunal cantonal, ainsi que la décision du 9 mars 2022 du Service cantonal, et de lui octroyer une autorisation de séjour; subsidiairement, de renvoyer la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants, respectivement sur les dépens. 
Par ordonnance du 30 novembre 2022, la Présidente de la II e Cour de droit public du Tribunal fédéral a admis la requête d'effet suspensif. 
Le Tribunal cantonal et le Service cantonal renoncent à se déterminer et se réfèrent aux considérants de l'arrêt attaqué, tout en concluant au rejet du recours. Le Secrétariat d'Etat aux migrations n'a pas réagi. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 333 consid. 1). 
 
1.1. Selon l'art. 83 let. c ch. 2 LTF, le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions relatives à une autorisation de droit des étrangers à laquelle ni le droit fédéral, ni le droit international ne donnent droit. Il suffit toutefois, sous l'angle de la recevabilité, qu'il existe un droit potentiel à l'autorisation, étayé par une motivation soutenable, pour que cette clause d'exclusion ne s'applique pas et que, partant, la voie du recours en matière de droit public soit ouverte (cf. ATF 147 I 89 consid. 1.1.1).  
 
1.2. En l'occurrence, la fille de la recourante, de nationalité allemande, vit en Suisse au bénéfice d'une autorisation d'établissement. En tant que membre de la famille d'un ressortissant de l'Union européenne établi en Suisse, la recourante est donc en principe habilitée à se prévaloir du droit au regroupement familial prévu par l'art. 3 par. 1 annexe I de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS 0.142.112.681) en relation avec l'art. 7 let. d ALCP pour potentiellement en déduire un droit à une autorisation de séjour (cf. arrêt 2C_433/2021 du 21 octobre 2021 consid. 1.2 et les arrêts cités), ce qui permet au recours d'échapper au motif d'irrecevabilité prévu à l'art. 83 let. c ch. 2 LTF. Il en va de même en tant que la recourante se prévaut de l'art. 24 par. 1 annexe I ALCP en lien avec l'art. 6 ALCP, qui garantit à certaines conditions aux personnes n'exerçant pas d'activité économique le droit de séjourner sur le territoire d'une partie contractante (cf. arrêt 2C_580/2021 du 4 octobre 2021 consid. 1.3 et les arrêts cités). La voie du recours en matière de droit public est donc en principe ouverte.  
 
1.3. Dans la mesure toutefois où la recourante invoque une violation de l'art. 20 de l'ordonnance du 22 mai 2002 sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'Union européenne et ses Etats membres, entre la Suisse et le Royaume-Uni, ainsi qu'entre les Etats membres de l'Association européenne de libre-échange (OLCP; RS 142.203), son recours est irrecevable.  
En effet, cette disposition, à l'instar de l'art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l'intégration (LEI; RS 142.20), ne confère pas de droit de présence en Suisse et relève des dérogations aux conditions d'admission, expressément exclues de la voie du recours en matière de droit public (art. 83 let. c ch. 5 LTF). Sur ce point, seul un recours constitutionnel subsidiaire serait ouvert. Or, la recourante ne formule pas de griefs formels équivalant à un déni de justice en lien avec l'art. 20 OLCP. Il n'y a partant pas lieu d'entrer en matière sur le recours s'agissant de cette disposition, même en tant que recours constitutionnel subsidiaire (cf. arrêt 2C_433/2021 précité consid. 1.3 et les arrêt cités). 
 
2.  
D'après l'art. 106 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral applique le droit d'office, sous réserve du principe d'allégation prévu à l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 142 I 155 consid. 4.4.5). Il conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf exception de l'art. 105 al. 2 LTF. Le recourant ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 145 V 188 consid. 2). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, le recourant doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 145 V 188 consid. 2). 
 
3.  
Le litige revient à se demander si c'est à juste titre que le Tribunal cantonal a confirmé la décision du Service cantonal du 9 mars 2022 refusant d'octroyer à la recourante une autorisation de séjour UE/AELE au titre du regroupement familial respectivement comme personne sans activité économique. 
 
4.  
La recourante se plaint d'un établissement manifestement inexact et incomplet des faits. 
 
4.1. En matière d'établissement des faits et d'appréciation des preuves, il y a arbitraire (art. 9 Cst.) si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (cf. ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1).  
 
4.2. La recourante reproche en substance au Tribunal cantonal de ne pas avoir tenu suffisamment compte du soutien médical et administratif que sa fille lui apportait avant son arrivée en Suisse, et d'avoir ainsi retenu à tort que la condition de l'entretien dans le pays de provenance n'était pas remplie, de sorte qu'elle ne pouvait pas être considérée comme un membre de la famille à charge. Elle lui fait également grief d'avoir considéré que sa situation financière ne lui permettait pas de subvenir par ses propres moyens à ses besoins en Suisse sans avoir recours à des prestations complémentaires, alors qu'elle avait des revenus mensuels de 2'755 fr. 40 et une fortune d'environ 38'238 fr., et d'avoir ainsi considéré à tort qu'elle ne remplissait pas les conditions à l'octroi d'une autorisation de séjour en tant que personne sans activité économique.  
Ainsi présentée, la critique de la recourante ne s'en prend pas à l'établissement des faits en tant que tel, mais bien plutôt à leur appréciation juridique sous l'angle des art. 3 et 24 annexe I ALCP, ce qui relève de l'application du droit, que le Tribunal fédéral examinera ci-après (cf. infra consid. 5 et 6). 
 
4.3. Pour le surplus, en tant que la recourante se plaint d'une appréciation arbitraire des faits en lien avec les conditions de l'art. 20 OLCP, sa critique ne sera, pour les raisons évoquées ci-dessus (cf. supra consid. 1.3), pas prise en considération.  
 
4.4. Le grief devant être rejeté, le Tribunal fédéral statuera donc sur la base des faits tels qu'ils ressortent de l'arrêt attaqué.  
 
5.  
Au fond, la recourante se prévaut d'une violation tant de l'art. 3 par. 1 annexe I ALCP que de l'art. 24 par. 1 annexe I ALCP
Bien que l'art. 3 par. 1 annexe I ALCP, en lien avec l'art. 7 let. d ALCP, ne confère aux membres de la famille d'un ressortissant UE/AELE ayant un droit de séjour en Suisse qu'un droit dérivé à une autorisation de séjour (cf. ATF 144 II 1 consid. 3.1; arrêts 2C_771/2021 du 15 septembre 2022 consid. 4.5; 2C_184/2021 du 26 août 2021 consid. 3.6), alors que l'art. 24 par. 1 annexe I ALCP en lien avec l'art. 6 ALCP leur confère, pour autant qu'ils soient eux-mêmes des ressortissants UE/AELE, un droit de séjour originaire en Suisse (cf. ATF 144 II 113 consid. 4.2; arrêts 2C_580/2014 du 4 octobre 2021 consid. 1.3 et les arrêts cités; 2C_536/2016 du 13 mars 2017 consid. 2.1), toujours est-il que l'art. 24 par. 1 annexe I ALCP a vocation à s'appliquer de manière subsidiaire par rapport aux autres droits de séjour prévus par l'ALCP (cf. ATF 133 V 265 consid. 7.3.1; arrêts 2C_837/2017 du 15 juin 2018 consid. 5.2; 2C_243/2015 du 2 novembre 2015 consid. 3.4.1). Cela ressort au demeurant expressément du texte de cette disposition, en ce qu'elle concerne le droit au séjour des ressortissants UE/AELE "qui ne bénéficie[nt] pas d'un droit de séjour en vertu d'autres dispositions [de l'ALCP]" (cf. arrêt 2C_1102/2013 du 8 juillet 2014 consid. 4.1).  
Il convient, dès lors, d'examiner en premier lieu si la recourante remplit les conditions posées par l'art. 3 par. 1 annexe I ALCP et, si tel n'est pas le cas, si elle peut ensuite se prévaloir d'un droit de séjour en Suisse sur le fondement, subsidiaire, de l'art. 24 par. 1 annexe I ALCP
 
6.  
La recourante soutient pouvoir bénéficier d'un droit de séjour au titre du regroupement familial avec sa fille et le mari de celle-ci fondé sur l'art. 3 par. 1 annexe I ALCP en lien avec l'art. 7 let. d ALCP. 
 
6.1. Selon l'art. 3 par. 1 annexe I ALCP, en relation avec l'art. 7 let. d ALCP, les membres de la famille d'une personne ressortissant d'une partie contractante ayant un droit de séjour ont le droit de s'installer avec elle, à condition que celle-ci dispose d'un logement approprié. Sont notamment considérés comme membres de la famille, quelle que soit leur nationalité, les ascendants de cette personne ou ceux de son conjoint qui sont à sa charge (art. 3 par. 2 let. b annexe I ALCP).  
 
6.1.1. La qualité de membre de la famille "à charge" résulte du soutien du membre de la famille tel qu'assuré matériellement par le ressortissant UE/AELE bénéficiant du droit de séjour en Suisse (ATF 135 II 369 consid. 3.1 et les arrêts cités; arrêts 2C_771/2021 du 15 septembre 2022 consid. 4.2; 2C_184/2021 du 26 août 2021 consid. 3.2). Ce qui importe, c'est de savoir si, compte tenu de sa situation économique et sociale, le parent ascendant est en mesure de subvenir lui-même à ses besoins essentiels, ou s'il est tributaire de moyens financiers supplémentaires apportés par le titulaire du droit de séjour (cf. ATF 135 II 369 consid. 3.1; arrêts 2C_771/2021 précité consid. 4.3; 2C_184/2021 précité consid. 3.2 et les arrêts cités). S'agissant des ascendants qui ne résident pas déjà en Suisse ou qui n'y séjournent qu'en tant que touristes au moment de la demande, c'est la nécessité du soutien matériel apporté dans leur pays d'origine ou de provenance par le ressortissant UE/AELE séjournant en Suisse au moment du dépôt de la demande qui est déterminant (cf. ATF 135 II 369 consid. 3.1 et 3.2; arrêts 2C_433/2021 précité consid. 5.1 et les arrêts cités; arrêt 2C_757/2019 du 21 avril 2020 consid. 4.2; MARC SPESCHA, in Kommentar Migrationsrecht, 5e éd. 2019, n° 14 ad art. 3 annexe I ALCP). En d'autres termes, le regroupement familial d'un ascendant provenant de l'étranger présuppose un soutien matériel par le regroupant existant au préalable dans le pays d'origine ou de provenance (cf. MARTINA CARONI ET AL., Migrationsrecht, 5e éd. 2022, n° 1015 p. 409; PETER UEBERSAX ET AL., Migrationsrecht in a nutshell, 2021, p. 119). Ce n'est que si l'ascendant séjourne légalement en Suisse depuis plusieurs années déjà qu'il convient de se baser sur le soutien matériel qu'il reçoit effectivement dans ce pays (cf. ATF 135 II 369 consid. 3.2; arrêts 2C_771/2021 précité consid. 4.3; 2C_757/2019 précité consid. 4.2 et les arrêts cités).  
 
6.1.2. Seul l'aspect matériel de l'entretien de l'ascendant entre en ligne de compte, et non les besoins sociaux (cf. arrêt 2C_771/2021 précité consid. 4.4 et les arrêts cités). L'entretien matériel peut également être fourni par des prestations en nature (cf. ATF 135 II 369 consid. 3.1; arrêt 2C_757/2019 précité consid. 4.4, faisant référence à MARCEL DIETRICH, Die Freizügigkeit der Arbeitnehmer in der Europäischen Union, 1995, p. 326 s., qui donne comme exemples la fourniture d'aliments ou la mise à disposition à titre gratuit d'un logement; cf. aussi MARC SPESCHA, op. cit., n° 11 et 14 ad art. 3 annexe I ALCP). L'existence d'un lien de dépendance effectif doit être prouvée (arrêt 2C_771/2021 précité consid. 4.4 et les arrêts cités). Sous cet angle, l'art. 3 par. 3 let. c annexe l ALCP permet d'exiger, pour les personnes à charge, une attestation délivrée par l'autorité compétente de l'Etat d'origine ou de provenance, confirmant qu'elles sont effectivement à la charge d'un ressortissant UE/AELE membre de leur famille séjournant en Suisse.  
 
6.1.3. A cela s'ajoute que le ressortissant UE/AELE résidant en Suisse doit avoir des ressources financières suffisantes pour continuer à assurer l'entretien nécessaire des membres de sa famille ou de celle de son conjoint, une fois que ceux-ci l'ont rejoint. Enfin, il faut qu'une vie familiale (sociale) ait effectivement existé avant le regroupement familial (cf. arrêt 2C_433/2021 précité consid. 5.1 et les arrêts cités).  
 
6.2. En l'occurrence, la recourante est entrée en Suisse le 1er octobre 2021, pays dans lequel, en tant que ressortissante européenne sans activité lucrative, elle pouvait y séjourner en tant que touriste sans autorisation durant 90 jours (cf. art. 2 par. 4 annexe I ALCP en lien avec l'art. 9 OLCP). A compter de ce moment-là, et à tout le moins depuis la décision du Service cantonal du 9 mars 2022 refusant de lui accorder une autorisation de séjour au titre du regroupement familial, elle vit en Suisse uniquement au bénéfice de l'effet suspensif attaché à la procédure de recours. Or, cette période n'est pas prise en compte dans la durée du séjour légal en Suisse (cf. ATF 137 II 1 consid. 4.3; arrêt 2C_96/2022 du 16 août 2022 consid. 4.1 et les arrêts cités). Dans ces circonstances, la recourante, qui ne prétend pas avoir déjà résidé en Suisse, ne se trouve pas, contrairement à la situation jugée dans l'ATF 135 II 369 consid. 3.2 (cf. supra consid. 6.1.1 in fine), légalement en Suisse depuis plusieurs années déjà. Il convient donc, pour le regroupement familial au sens de l'art. 3 annexe I ALCP, d'examiner la nécessité du soutien matériel de la recourante en Allemagne et, le cas échéant, l'octroi effectif d'un tel soutien par sa fille dans ce pays.  
 
6.3. A cet égard, il ressort des constatations de fait non arbitraires de l'arrêt attaqué (cf. supra consid. 4), qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), que la recourante dispose d'un revenu mensuel de 2'704.09 euros (ce qui correspondait, au cours du change fixé au moment de l'arrêt attaqué, à 2'632 fr. 50) et que sa fortune s'élevait, au moment de la décision du Service cantonal du 9 mars 2022, à environ 38'238 fr. Si sa fille avait, lorsqu'elle vivait encore en Allemagne, mis en place une organisation lui permettant de continuer à vivre seule nonobstant ses problèmes de mémoire et ses difficultés à la marche - notamment en prenant progressivement en charge ses tâches administratives, en assurant le lien entre sa mère et le frère de celle-ci, qui était présent sur place, en lui rendant visite autant que possible et en organisant la présence d'une aide à domicile et d'une femme de ménage - aucun élément au dossier ne permettait de constater qu'elle s'était acquittée de factures pour sa mère, ni lui avait envoyé de l'argent ou lui avait fourni un logement. Une attestation de prise en charge au sens de l'art. 3 par. 3 let. c annexe I ALCP faisait également défaut.  
Dans ces circonstances, force est d'admettre, comme l'a retenu à juste titre le Tribunal cantonal, que l'intéressée était en mesure de subvenir elle-même matériellement à ses besoins essentiels en Allemagne au moment déterminant où elle a souhaité rejoindre sa fille. Le fait que celle-ci l'aidait dans ses tâches administratives et lui rendait visite autant que possible, n'est pas déterminant, dans la mesure où ces services en nature ne sauraient être assimilés à des prestations d'entretien pour les besoins essentiels, à l'instar du gîte et du couvert (cf. supra consid. 6.1.2). Il ne ressort par ailleurs pas des constatations cantonales que les coûts d'aide à domicile ou de femme de ménage, même si cette infrastructure a été organisée par sa fille, auraient été assumés par cette dernière. En définitive, il n'apparaît pas que la recourante était tributaire de sa fille pour assurer elle-même ses besoins fondamentaux lorsqu'elle était en Allemagne. 
 
6.4. Il résulte de ce qui précède que la recourante ne peut pas se prévaloir de la qualité de membre de la famille "à charge" au sens de l'art. 3 par. 2 let. b annexe I ALCP.  
Dans ces conditions, on ne saurait reprocher à l'autorité précédente d'avoir renoncé à examiner si la fille de la recourante ou le conjoint de celle-ci disposaient des ressources financières suffisantes pour continuer à assurer l'entretien nécessaire des membres de sa famille une fois l'intéressée arrivée en Suisse (cf. supra consid. 6.1.3). 
 
6.5. Pour le surplus, l'argumentation - du reste appellatoire et partant irrecevable (cf. supra consid. 2) - de la recourante quant à sa situation personnelle en cas de retour en Allemagne n'est pas pertinente pour déterminer si les conditions de l'art. 3 annexe I ALCP sont réalisées. Les éléments qu'elle invoque relèvent au demeurant de l'analyse du cas de rigueur au sens de l'art. 20 OLCP. Or, comme mentionné (cf. supra consid. 1.3), cette disposition ne peut être examinée par la Cour de céans.  
 
6.6. Le grief de violation de l'art. 3 par. 1 annexe I ALCP en relation avec l'art. 7 let. a ALCP est rejeté. Il convient partant d'examiner si la recourante peut, comme elle le soutient, se prévaloir d'un droit à demeurer en Suisse sur la base de l'art. 24 par. 1 annexe I ALCP en lien avec l'art. 6 ALCP (cf. supra consid. 5).  
 
7.  
La recourante invoque une violation de l'art. 24 par. 1 annexe I ALCP, en tant qu'elle considère que c'est à tort que le Tribunal cantonal a retenu qu'elle n'avait pas le droit à une autorisation de séjour fondée sur cette disposition, faute de disposer de moyens financiers suffisants pour ne pas devoir recourir à des prestations complémentaires. 
 
7.1. L'art. 24 par. 1 annexe I ALCP en lien avec l'art. 6 ALCP règle les conditions auxquelles les ressortissants UE/AELE, dont fait partie la recourante, qui n'exercent pas d'activité économique en Suisse ont droit à une autorisation de séjour dans ce pays.  
Selon l'art. 24 par. 1 annexe I ALCP, lesdits ressortissants UE/AELE reçoivent un titre de séjour d'une durée de cinq ans au moins, à condition qu'ils prouvent aux autorités nationales compétentes qu'ils disposent pour eux-mêmes et les membres de leur famille de moyens financiers suffisants pour ne pas devoir faire appel à l'aide sociale pendant leur séjour (let. a) et d'une assurance-maladie couvrant l'ensemble des risques (let. b). Le droit de séjour demeure tant que les bénéficiaires de ce droit répondent aux conditions précitées (cf. art. 24 par. 8 annexe I ALCP). 
 
7.2. L'art. 16 OLCP concrétise la condition des moyens financiers suffisants au sens de l'art. 24 par. 1 let. a annexe I ALCP, en faisant une distinction entre les ressortissants UE/AELE qui ne bénéficient pas d'une rente (en pratique principalement les étudiants et les chercheurs d'emploi; cf. MARTINA CARONI ET AL., op. cit, n° 1002 p. 403) et ceux ayant droit à celle-ci (en pratique principalement les retraités; cf. ibid.). Selon l'art. 16 al. 1 OLCP, les moyens financiers des premiers cités sont réputés suffisants s'ils dépassent les prestations d'assistance qui seraient allouées en vertu des directives "Aide sociale: concepts et normes de calcul" de la Conférence suisse des institutions d'action sociale (CSIAS), à un ressortissant suisse, à la demande de l'intéressé et compte tenu de sa situation personnelle. S'agissant des ayant-droit à une rente, l'art. 16 al. 2 OLCP précise que leurs moyens financiers sont réputés suffisants s'ils dépassent le montant donnant droit à un ressortissant suisse qui en fait la demande à des prestations complémentaires au sens de la loi fédérale du 19 mars 1965 sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité (depuis le 1er janvier 2008; loi fédérale du 6 octobre 2006 sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI [LPC; RS 831.30]), de telles prestations étant, dans le contexte particulier de l'art. 24 par. 1 annexe I ALCP, considérées comme de l'aide sociale (cf. ATF 135 II 265 consid. 3.6; arrêts 2C_534/2019 du 4 février 2020 consid. 3.2.13 et les arrêts cités, non publié in ATF 146 II 145). Cette assimilation découle du texte de l'art. 24 par. 1 let. a annexe I ALCP, tel que précisé par l'art. 16 al. 2 OLCP. Elle ne contredit pas le fait qu'en droit interne de telles prestations ne relèvent pas de la notion d'aide sociale (cf. arrêts 2C_121/2022 du 24 novembre 2022 consid. 4.1 et l'arrêt cité; 2C_205/2017 du 12 juin 2018 consid. 6.3 et les arrêts cités).  
Conformément à la jurisprudence, l'origine des fonds à disposition de la personne concernée ne joue aucun rôle, si bien qu'il ne faut pas se baser, lors de la détermination des moyens financiers suffisants au sens de l'art. 24 par. 1 let. a annexe I ALCP, uniquement sur les moyens dont dispose le requérant lui-même, mais également sur ceux qui lui sont fournis par des tiers, tels que les membres de la famille (cf. ATF 144 II 113 consid. 4.1; 142 II 35 consid. 5.1; 135 II 265 consid. 3.3; arrêt 2C_121/2022 précité consid. 4.1), pour autant que ces moyens soient effectivement disponibles et que l'engagement des tiers à les fournir soit crédible (cf. ATF 135 II 265 consid. 3.4 et 3.6; arrêt 2C_433/2021 précité consid. 5.4 et les arrêts cités). Ce qui importe, surtout, dans le cadre du droit au séjour fondé sur l'art. 24 annexe I ALCP, c'est que le requérant ne grève pas indûment les finances de l'Etat d'accueil lors de son séjour (cf. ATF 142 II 35 consid. 5.1; 135 II 265 consid. 3.3). Tel est le cas aussi longtemps qu'il ne recourt pas aux prestations complémentaires; s'il y fait appel, il ne remplit plus les conditions à la poursuite du séjour sur la base de l'art. 24 annexe I ALCP (cf. art. 24 par. 8 annexe I ALCP; cf. ATF 135 II 265 consid. 3.6 à 3.8; arrêt 2C_60/2022 du 27 décembre 2022 consid. 4.5 et les arrêts cités, destiné à la publication). 
 
7.3. En l'espèce, il n'est pas contesté que la recourante est au bénéfice d'une assurance-maladie comme l'exige l'art. 24 par. 1 let. b annexe I ALCP, de sorte qu'il convient uniquement d'examiner la condition des moyens financiers suffisants au sens de l'art. 24 par. 1 let. a annexe I ALCP. Dans la mesure où l'intéressée est rentière, l'existence de tels moyens doit être déterminée, conformément à l'art. 16 al. 2 OLCP, selon les dispositions de la loi fédérale sur les prestations complémentaires, dont il ressort en substance que le montant donnant droit à des prestations complémentaires est atteint, pour les personnes vivant à domicile, lorsque les dépenses reconnues (constituées notamment d'un forfait pour les besoins vitaux, ainsi que du loyer et des frais accessoires y relatifs, jusqu'à concurrence d'un montant maximal; cf. art. 10 LPC) dépassent les revenus déterminants (composés essentiellement des rentes versées et de la fortune, cette dernière ne pouvant toutefois dépasser 100'000 fr. pour les personnes seules; cf. art. 9a et 11 LPC).  
 
7.4. Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal cantonal a retenu que les rentes et allocations mensuelles de la recourante d'environ 2'632 fr. 50 ne lui permettaient "à l'évidence pas" de subvenir, par ses propres moyens, à ses besoins en Suisse, sans avoir recours à des prestations complémentaires. Il importait d'ailleurs peu que sa fille se fût engagée à couvrir les frais liés au séjour de l'intéressée, dans la mesure où seule la situation de cette dernière devait être prise en considération. Quant à la fortune de la recourante d'un peu moins de 40'000 fr., les juges précédents ont retenu que celle-ci ne "permet[tait] pas de combler le manque de ressources sur les moyen et long termes".  
On ne peut que s'étonner de l'argumentation lapidaire du Tribunal cantonal, qui n'a pas cherché à calculer les dépenses reconnues de la recourante et à comparer celles-ci avec ses revenus déterminants selon la LPC, afin de déterminer si la différence entre ces montants lui donnaient droit à des prestations complémentaires. Or, l'arrêt attaqué ne contient pas les éléments nécessaires pour procéder à un tel calcul, ne serait-ce que parce que les frais de logement de la recourante, qui incluent aussi les frais accessoires relatifs au loyer, ne sont pas établis, étant précisé que l'intéressée ne prétend pas être logée gratuitement et le contraire ne ressort pas de l'arrêt cantonal. En outre, les juges précédents se méprennent lorsqu'ils considèrent que l'aide financière que la fille de l'intéressée avait déclarée être prête à lui apporter en Suisse ne pouvait pas être prise en considération dans le cadre de l'examen des moyens financiers suffisants au sens de l'art. 24 par. 1 annexe I ALCP, cette affirmation allant à l'encontre de la jurisprudence ne posant aucune condition quant à l'origine des moyens financiers de la personne requérante (cf. supra consid. 7.2). De telles ressources de tiers doivent dès lors également être prises en compte, pour autant qu'elles soient crédibles et effectivement disponibles. 
 
7.5. En l'absence d'éléments de fait suffisants permettant au Tribunal fédéral de juger si les exigences de l'art. 24 par. 1 let. a annexe I ALCP en lien avec l'art. 16 al. 2 OLCP sont en l'espèce remplies, il y a dès lors lieu, en application de l'art. 107 al. 2 LTF, de renvoyer la cause à l'autorité précédente, afin qu'elle complète les faits s'agissant des moyens suffisants financiers au sens des dispositions précitées et rende une nouvelle décision quant au droit de séjour de la recourante sur cette base.  
 
8.  
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être admis dans la mesure de sa recevabilité, sans qu'il soit nécessaire de traiter les autres griefs soulevés par la recourante. L'arrêt du 24 octobre 2022 du Tribunal cantonal doit être annulé et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour instruction complémentaire et nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Succombant dans l'exercice de ses attributions officielles sans que son intérêt patrimonial ne soit en cause, le Service cantonal ne peut pas être condamné au paiement des frais de justice (art. 66 al. 1 et 4 LTF). Obtenant gain de cause avec l'aide d'une mandataire professionnelle, la recourante a droit à des dépens, à la charge du canton de Fribourg (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
L'arrêt du 24 octobre 2022 du Tribunal cantonal est annulé et la cause est renvoyée à cette autorité afin qu'elle complète l'instruction et rende un nouvel arrêt dans le sens des considérants. 
 
3.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4.  
Une indemnité de 2'000 fr., à payer à la recourante à titre de dépens, est mise à la charge du canton de Fribourg. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire de la recourante, au Service de la population et des migrants de l'Etat de Fribourg, au Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, Ie Cour administrative et au Secrétariat d'Etat aux migrations. 
 
 
Lausanne, le 20 avril 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
Le Greffier : H. Rastorfer