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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_423/2018  
 
Ordonnance du 30 juin 2023 
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Merz et Kölz. 
Greffière : Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
Commune d'Avusy, route du Creux-du-Loup 42, 1285 Athenaz (Avusy), représentée par Mes Romain Jordan et Stéphane Grodecki, avocats, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________ SA, représentée par 
Me Jean-Jacques Martin, avocat, 
intimée, 
 
Département du territoire du canton de Genève, case postale 3880, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
Exploitation d'une gravière; refus d'ordonner la remise en état des lieux, intérêt actuel, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton 
de Genève, Chambre administrative, du 26 juin 2018 (A/2114/2015-AMENAG, ATA/657/2018). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 15 janvier 1996, l'autorisation définitive de construire une installation fixe de recyclage, de concassage et de lavage de matériaux sur les parcelles n os 85, 86 et 87 de la commune d'Avusy sises en zone agricole a été délivrée à la société A.________ SA.  
Par prononcé du 3 septembre 1996, cette autorisation de construire a toutefois été annulée par la Commission cantonale de recours en matière de constructions, sur recours de la commune d'Avusy et d'associations. Le Tribunal administratif du canton de Genève puis le Tribunal fédéral ont confirmé l'annulation de cette autorisation de construire respectivement par arrêt du 5 août 1997 et par arrêt 1A.242/1997 du 13 février 1998. 
 
B.  
Entre novembre 2014 et mai 2015, la commune d'Avusy a demandé à plusieurs reprises qu'un délai soit imparti à A.________ SA pour cesser ses activités et pour remettre les parcelles dans un état conforme à la zone agricole. 
Par décision du 4 juin 2015, le Département de l'environnement, des transports et de l'agriculture du canton de Genève (ci-après: le Département) a refusé de suspendre les activités de A.________ SA sur les parcelles n os 85, 86 et 87 et d'ordonner l'évacuation des installations ainsi que la remise en état des lieux.  
Par jugement du 26 mai 2016, le Tribunal administratif de première instance du canton de Genève (ci-après: le TAPI) a admis le recours formé par la Commune d'Avusy contre cette décision et a renvoyé le dossier au Département de l'environnement, des transports et de l'agriculture pour nouvelle décision dans le sens des considérants, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP
Par arrêt du 26 juin 2018, la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a annulé ce jugement sur recours de l'exploitante et du Département et a rétabli la décision du 4 juin 2015. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, la Commune d'Avusy demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 26 juin 2018 et de confirmer le jugement du 26 mai 2016. 
 
D.  
Par ordonnance présidentielle du 7 février 2019, confirmée par les ordonnances des 10 juillet 2019 et 13 décembre 2019, la procédure devant le Tribunal fédéral a été suspendue jusqu'à droit connu sur le référendum cantonal déposé contre la loi n° 11976 adoptée le 2 novembre 2018 par le Grand Conseil genevois qui approuve la création d'une zone industrielle et artisanale exclusivement affectée à des activités de recyclage de matériaux minéraux sur les parcelles n os 85, 86 et 87 et qui rejette, dans la mesure de leur recevabilité, les oppositions formées à cette loi.  
Lors de la votation populaire du 29 novembre 2020, la loi n° 11976 a été rejetée. 
Par ordonnance présidentielle du 9 décembre 2020, l'instruction de la cause a été reprise. 
 
E.  
Par décision du 1 er octobre 2021, le Département du territoire du canton de Genève (ci-après: le Département) a ordonné la remise en état du site ainsi que la cessation des activités de A.________ SA selon un planning allant du 31 décembre 2021 au 31 décembre 2026.  
Par ordonnance du 6 avril 2022, la procédure au Tribunal fédéral a été suspendue jusqu'à droit connu sur la procédure de recours contre la décision du 1 er octobre 2021.  
Par jugement du 22 février 2023, le TAPI a confirmé la décision du 1 er octobre 2021 s'agissant de la cessation des activités et de la remise en état, mais a admis partiellement le recours déposé par A.________ SA s'agissant des échéances fixées et les a reportées de deux ans.  
Par ordonnance du 3 mai 2023, l'instruction de la présente cause a été reprise, sur requêtes de la recourante. A.________ SA et la commune recourante ont été invitées à se déterminer sur l'existence d'un intérêt actuel et pratique à l'annulation de la décision attaquée. 
La commune recourante a exposé que son recours avait toujours un objet indépendant de la procédure de recours contre le jugement du TAPI du 22 février 2023. A.________ SA a conclu au rejet du recours, faute d'intérêt actuel. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours dont il est saisi (art. 29 al. 1 LTF). 
 
1.1. Dirigé contre une décision finale prise en dernière instance cantonale dans le domaine du droit public des constructions et de l'aménagement du territoire, le recours est recevable comme recours en matière de droit public conformément aux art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée.  
La qualité pour recourir de la Commune d'Avusy résulte de l'art. 89 al. 2 let. d LTF en relation avec l'art. 34 al. 2 let. c LAT. En effet, selon l'art. 89 al. 2 let. d LTF, ont qualité pour recourir les personnes, organisations et autorités auxquelles une autre loi fédérale accorde un droit de recours. Tel est le cas de l'art. 34 al. 2 let. c LAT qui permet aux cantons et aux communes de recourir à l'encontre des autorisations visées aux art. 24 à 24d LAT, à savoir pour des constructions sises, comme en l'espèce, hors zone à bâtir. 
La recevabilité du recours en matière de droit public est encore subordonnée à la démonstration d'un intérêt actuel et pratique à l'annulation de la décision attaquée (art. 89 al. 1 LTF; ATF 142 I 135 consid. 1.3.1). L'intérêt actuel est déterminé en fonction du but poursuivi par le recours, des conséquences et de la portée d'une éventuelle admission de celui-ci (cf. ATF 131 I 153 consid. 1.2; 118 Ia 488 consid. 2a). Il fait défaut en particulier lorsque la décision attaquée a été exécutée ou est devenue sans objet (ATF 125 II 86 consid. 5b) ou encore lorsque l'admission du recours ne permettrait pas la réparation du préjudice subi (ATF 127 III 41 consid. 2b; arrêt 1C_495/2021 du 5 septembre 2022 consid. 1.2 et les arrêts cités). 
Cet intérêt doit exister non seulement au moment du dépôt du recours, mais encore au moment où l'arrêt est rendu. Si l'intérêt actuel disparaît en cours de procédure, le recours devient sans objet, alors qu'il est irrecevable si l'intérêt actuel faisait déjà défaut au moment du dépôt du recours (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 et la jurisprudence citée). De cette manière, les tribunaux sont assurés de trancher uniquement des questions concrètes et non de prendre des décisions à caractère théorique, ce qui répond à un souci d'économie de procédure (ATF 140 IV 74 consid. 1.3.1). Ainsi, une partie qui n'est pas concrètement lésée par la décision ne possède pas la qualité pour recourir. 
La jurisprudence consent une exception à l'exigence de l'intérêt actuel au recours lorsque la contestation peut se reproduire en tout temps dans des circonstances identiques ou analogues, que sa nature ne permet pas de la trancher avant qu'elle ne perde son actualité et que, en raison de sa portée de principe, il existe un intérêt public suffisamment important à la solution de la question litigieuse (ATF 147 I 478 consid. 2.2; 146 II 335 consid. 1.3). 
 
1.2. En l'espèce, l'objet du litige est la décision du Département du 4 juin 2015 dans laquelle il refuse de suspendre les activités de A.________ SA et d'ordonner la remise en état des lieux. Or la décision du Département du 1 er octobre 2021 dans laquelle il ordonne la cessation des activités de A.________ SA et la remise en état des lieux porte sur le même objet que la décision du 4 juin 2015 et la remplace implicitement. Bien que la décision du 1 er octobre 2021 ordonne la remise en état du site ainsi que la cessation des activités de A.________ SA selon un planning allant du 31 décembre 2021 au 31 décembre 2026, la commune n'a pas déposé de recours à son encontre.  
Par ailleurs, le jugement du TAPI du 22 février 2023 qui a ordonné la cessation des activités de A.________ SA et la remise en état du site en reportant les échéances de deux ans remplace implicitement le jugement du TAPI du 26 mai 2016 qui a admis le recours contre la décision du 4 juin 2015 et a ordonné une cessation immédiate des activités de la A.________ SA. 
Etant intervenue dans la procédure devant le TAPI, la commune n'a pas non plus recouru contre le jugement du TAPI du 22 février 2023 qui a confirmé la décision du 1er octobre 2021 s'agissant de la cessation des activités et de la remise en état mais qui a admis partiellement le recours déposé par A.________ SA s'agissant des échéances fixées et les a reportées de deux ans. 
Dans ces circonstances, la commune ne peut plus se prévaloir du fait que les objets ne sont pas identiques car le jugement du TAPI du 26 mai 2016 avait ordonné une cessation immédiate des activités de la A.________ SA, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP: la commune aurait dû recourir contre la décision du 1er octobre 2021 pour demander une cessation immédiate des activités sous la peine menace de l'art. 292 CP ou du moins contre le jugement du TAPI du 22 février 2023. 
 
2.  
Dans ces conditions, le recours 1C_423/2018 qui a pour origine la contestation de la décision du 4 juin 2015 a perdu son objet. La cause doit être radiée du rôle. 
 
2.1. Dans un tel cas, il doit en principe être statué par une décision sommairement motivée sur les frais du procès devenu sans objet, en tenant compte de l'état de choses existant avant le fait qui met fin au litige (art. 72 PCF, par renvoi de l'art. 71 LTF) ainsi que de l'issue probable de celui-ci (ATF 125 V 373 consid. 2a). Si l'issue probable de la procédure n'apparaît pas évidente, il y a lieu de recourir aux critères généraux de la procédure civile, d'après lesquels les frais et dépens seront supportés en premier lieu par la partie qui a provoqué la procédure devenue sans objet ou chez qui sont intervenues les causes qui ont conduit à ce que cette procédure devienne sans objet (cf. ATF 118 Ia 488 consid. 4a; arrêt 2C_45/2009 du 26 mai 2009 consid. 3.1).  
 
2.2. En l'espèce, dans l'arrêt attaqué, la Cour de justice a annulé le jugement du TAPI du 26 mai 2016 et a rétabli la décision du Département du 4 juin 2015. Elle a considéré en substance que l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit devait céder le pas devant l'intérêt privé de l'intimée au maintien de l'exploitation litigieuse ainsi que, surtout, l'intérêt public que le projet de loi PL 11'976 puisse être mené à terme.  
Au terme d'un examen sommaire de la cause avant le fait qui met fin au litige, il apparaît que l'intérêt privé de l'intimée aurait difficilement pu primer sur l'intérêt public à la séparation entre le bâti et le non-bâti et sur l'intérêt de la commune à faire cesser une exploitation illicite sur son territoire, ce d'autant plus que ce point de vue avait déjà été confirmé notamment par l'arrêt du Tribunal fédéral 1A.242/1997 du 13 février 1998. S'ajoute à cela le respect de la volonté populaire depuis que la loi n° 11'976 a été rejetée lors de la votation populaire du 29 novembre 2020. 
Il convient par conséquent de mettre les frais de la procédure à la charge de l'intimée (art. 66 al. 1 LTF). La commune n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral ordonne :  
 
1.  
Le recours est sans objet et la cause est rayée du rôle. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 francs, sont mis à la charge de l'intimée. 
 
3.  
La présente ordonnance est communiquée aux mandataires de la recourante et de l'intimée, au Département du territoire du canton de Genève, à la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève, au Tribunal administratif de première instance du canton de Genève et à l'Office fédéral du développement territorial. 
 
 
Lausanne, le 30 juin 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Tornay Schaller