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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_305/2023  
 
 
Arrêt du 22 décembre 2023  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président, 
Kölz et Hofmann. 
Greffier : M. Fragnière. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Stephen Gintzburger, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, p.a. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD. 
 
Objet 
Détention pour des motifs de sûreté, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 8 juin 2023 (347 - PE23.004372-LAS). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 5 mars 2023, le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne (ci-après: le Ministère public) a ouvert une instruction pénale contre A.________ pour rupture de ban (art. 291 CP). L'affaire a été attribuée à la Procureure B.________.  
Par ordonnance du 7 mars 2023, le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud (ci-après: le TMC) a placé A.________ en détention provisoire pour une durée maximale de six semaines, soit jusqu'au 14 avril 2023. 
 
A.b. Le 3 avril 2023, le Ministère public a demandé au TMC la mise en détention pour des motifs de sûreté de A.________. Au pied de cette requête, le Procureur C.________ a apposé sa signature sous la mention "Pr B.________".  
Par ordonnance du 12 avril 2023, le TMC a ordonné la mise en détention pour des motifs de sûreté de A.________ jusqu'au 25 juillet 2023 au plus tard. 
 
B.  
Par arrêt du 8 juin 2023, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonale vaudois a partiellement admis le recours formé par A.________ contre l'ordonnance du TMC du 12 avril 2023, qu'elle a réformée en ce sens que la détention pour des motifs de sûreté était ordonnée jusqu'au 30 juin 2023 au plus tard. Elle a en revanche écarté le moyen tiré de la prétendue invalidité de la demande de mise en détention pour des motifs de sûreté que le recourant entendait fonder sur le fait que cette demande avait été signée par un autre procureur à la place de la Procureure chargée de l'affaire. 
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 8 juin 2023. Il conclut, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens que soit constatée l'illicéité de la détention pour des motifs de sûreté subie du 15 avril 2023 au jour de sa libération, soit le 26 juin 2023. À titre subsidiaire, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Il sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire. 
Par ordonnance incidente du 26 septembre 2023, la IIe Cour de droit pénal a rejeté la demande d'assistance judiciaire de A.________. 
Invités à se déterminer sur le recours, tant la cour cantonale que le Ministère public y ont renoncé. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre une décision relative à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP (ATF 137 IV 22 consid. 1). 
La recevabilité du recours en matière pénale dépend notamment de l'existence d'un intérêt juridique actuel à l'annulation de la décision entreprise (art. 81 al. 1 let. b LTF). L'existence d'un tel intérêt est admise lorsque le recours tend à la constatation du caractère illicite de la détention (arrêt 1B_369/2013 du 26 février 2014 consid. 1 non publié in ATF 140 I 125).  
 
2.  
 
2.1. Le recourant fait grief à la cour cantonale d'avoir violé les art. 80 al. 2, 110 al. 1 et 229 al. 1 CPP en considérant que la demande de mise en détention pour des motifs de sûreté avait été valablement adressée le 3 avril 2023 par le Ministère public. La Procureure B.________ étant en charge de la direction de la procédure, il soutient que le Procureur C.________ n'aurait eu ni la compétence ni la prérogative de signer, pour cette dernière, la demande de mise en détention pour des motifs de sûreté. Selon lui, faute d'être valablement signée, cette demande ne respecterait pas la forme écrite prescrite aux art. 80 al. 2, 110 al. 1 et 229 al. 1 CPP et partant serait nulle, de sorte que sa détention pour des motifs de sûreté serait illicite.  
 
2.2.  
 
2.2.1. Conformément à l'art. 229 al. 1 CPP, la demande de mise en détention pour des motifs de sûreté doit être adressée par le ministère public au tribunal des mesures de contrainte en la forme écrite (cf. art. 110 al. 3 CPP). L'acte pour lequel la forme écrite est exigée doit être daté et signé (art. 110 al. 1 in fine CPP). La signature doit être apposée de manière manuscrite sur le document écrit en cause (ATF 142 IV 299 consid. 1.1).  
 
2.2.2. Selon l'art. 61 let. a CPP, l'autorité investie de la direction de la procédure est le ministère public, jusqu'à la décision de classement ou la mise en accusation. Cette disposition n'indiquant pas quelle personne assume la direction de la procédure au sein du ministère public compétent, il y a lieu de considérer qu'il s'agit non seulement du procureur en charge de l'affaire pénale, mais également de tout autre procureur qui serait habilité à le suppléer (PAREIN / BICHOVSKY, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2e éd. 2019, n° 6a ad art. 61 CPP; MOREILLON / PAREIN-REYMOND, in Petit commentaire, Code de procédure pénale, 2e ed. 2016, n. 4 ad art. 61 CPP; SCHMID / JOSITSCH, Praxiskommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 3e éd. 2018, n° 3 ad art. 61 CPP; FRISCHKNECHT / REUT, in Basler Kommentar, Strafprozessordnung/Jugendstrafprozessordnung, 3e ed. 2023, n. 5 ad art. 61 CPP). Il s'agit d'une question d'organisation judiciaire qui ressortit au droit cantonal (art. 123 al. 2 Cst. et 14 al. 2 CPP; cf. notamment art. 7 al. 4 du règlement genevois du Ministère public [RMinPub/GE; RS/GE E 2 05.40], art. 53 de la loi d'organisation judiciaire neuchâteloise [OJN/NE; RS/NE 161.1], art. 43 al. 8 de la loi jurassienne d'organisation judiciaire [LOJ/JU; RS/JU 181.1] et art. 6 du règlement du Ministère public du Valais [RS/VS 173.101]).  
 
2.2.3. Les mémoires de recours au Tribunal fédéral doivent indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuves, et être signés (art. 42 al. 1 LTF). En particulier, le recourant doit motiver son recours en exposant succinctement en quoi la décision attaquée viole le droit (cf. art. 42 al. 2 LTF). Le Tribunal fédéral ne connaît de la violation des droits fondamentaux que si ce moyen est invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de manière claire et détaillée (ATF 143 IV 500 consid. 1.1). La violation du droit cantonal ne constituant pas un motif pouvant être invoqué dans le recours en matière pénale (cf. art. 95 LTF), le Tribunal fédéral n'en examine l'application que sous l'angle de l'arbitraire (art. 9 Cst.), respectivement de la violation d'autres garanties constitutionnelles ou conventionnelles, à condition que ces griefs aient été soulevés dans le respect des exigences posées par l'art. 106 al. 2 LTF (cf. ATF 148 I 127 consid. 4.3; 145 IV 154 consid. 1.1; 143 IV 241 consid. 2.3.1).  
 
2.3. En l'occurrence, il ressort des faits retenus dans l'arrêt attaqué, qui lient le Tribunal fédéral (cf. art. 105 al. 1 LTF) et ne sont pas contestés, que le Procureur C.________ a signé la demande de mise en détention pour des motifs de sûreté du 3 avril 2023 pour la Procureure B.________, chargée de la direction de la procédure, laquelle lui avait demandé de procéder ainsi en son absence.  
 
2.3.1. Contrairement à ce que soutient le recourant, la jurisprudence du Tribunal fédéral qu'il invoque - selon laquelle une disposition de droit cantonal prévoyant la possibilité de faire signer les ordonnances pénales en matière de contravention par un chargé d'enquête en remplacement du procureur compétent n'était pas admissible (cf. arrêt 6B_845/2015 du 1er février 2016 consid. 5.1 non publié in ATF 142 IV 70) - ne peut pas être transposée au cas d'espèce.  
En effet, si l'art. 353 al. 1 let. k CPP prévoit que l'ordonnance pénale doit contenir la signature de la personne qui l'a établie, il en va différemment de l'art. 229 al. 1 CPP, qui dispose que la demande écrite de mise en détention pour des motifs de sûreté doit émaner du ministère public, soit de la direction de la procédure. Or, comme exposé ci-avant s'agissant de l'art. 61 let. a CPP (cf. consid. 1.2.2 supra), une telle demande peut non seulement être signée par le procureur assumant personnellement la direction de la procédure, mais également par tout autre procureur habilité à le suppléer.  
 
2.3.2. Le recourant n'indique à cet égard pas que l'acte de suppléance du Procureur C.________ en remplacement de la Procureure B.________ serait contraire au droit cantonal vaudois. Il échoue en tout état à démontrer que l'autorité précédente aurait violé le droit fédéral (soit en particulier les art. 110 al. 1 et 229 al. 1 CPP ainsi que l'art. 9 Cst. en lien avec le droit cantonal) en considérant que la demande de mise en détention pour des motifs de sûreté - signée par un procureur en remplacement de celle qui était chargée de la direction de la procédure - avait été valablement adressée par le Ministère public au TMC.  
 
2.4. Mal fondé, son recours doit dès lors être rejeté dans la mesure où il est recevable, sans qu'il soit nécessaire d'examiner plus avant les griefs du recourant dirigés contre la motivation alternative de l'arrêt attaqué par laquelle les juges cantonaux ont considéré que le moyen tiré de l'invalidité de la demande de mise en détention pour des motifs de sûreté était tardif.  
 
3.  
Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Ministère public de l'arrondissement de Lausanne et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale. 
 
 
Lausanne, le 22 décembre 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Abrecht 
 
Le Greffier : Fragnière