Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_641/2022  
 
 
Arrêt du 25 janvier 2023  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Juge présidant, Muschietti et van de Graaf. 
Greffier : M. Rosselet. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Samir Djaziri, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
intimé. 
 
Objet 
Ordonnance de non-entrée en matière (violation du devoir d'assistance et d'éducation); qualité pour recourir, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice 
de la République et canton de Genève, 
Chambre pénale de recours, du 31 mars 2022 
(P/9579/2021 ACPR/224/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par ordonnance du 23 novembre 2021, le Ministère public de la République et canton de Genève a refusé d'entrer en matière sur la plainte pénale formée par A.________ en son nom propre, le 5 mai 2021, contre différents intervenants du Service de protection des mineurs (ci-après: SPMI) et de B.________ (ci-après: le foyer) pour violation du devoir d'assistance et d'éducation (art. 219 CP). 
 
B.  
Par arrêt du 31 mars 2022, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise a déclaré irrecevable le recours interjeté par A.________ contre l'ordonnance précitée. 
En bref, la cour cantonale a retenu les faits suivants. 
 
B.a. A.________ est la mère de la mineure C.________, née en 2006, dont elle avait déclaré avoir la garde exclusive ensuite de son divorce.  
Face à une péjoration de leur relation et à de nombreuses fugues de la mineure C.________ au cours des mois de septembre et octobre 2020, mère et fille avaient accepté la mise en place d'une Action Éducative en Milieu Ouvert (AEMO) par le SPMI en novembre 2020. 
Un placement en urgence en foyer avait été décidé le 16 décembre 2020, en accord avec la mineure C.________ et son père - chez qui elle vivait temporairement en raison des conflits avec sa mère -, car elle ne respectait pas le cadre des horaires et que sa situation scolaire était très compliquée. 
 
B.b. Dans sa plainte pénale du 5 mai 2021, A.________ alléguait que, depuis son placement en foyer, sa fille avait passé toute une partie de ses nuits " sur son téléphone " et ne se réveillait pas pour aller à l'école. Elle n'avait eu aucun soutien thérapeutique, se trouvait très souvent dehors le soir et avait commencé à consommer du cannabis ainsi que de l'alcool. Aucun contrôle sur les sorties tardives de sa fille et aucun suivi scolaire n'avaient été effectués par le foyer et le SPMI.  
En particulier, le 5 février 2021, en fin de journée, sa fille avait été prise en charge par des ambulanciers dans le cadre d'une suspicion d'abus sexuel et de consommation de toxiques, puis hospitalisée. Elle avait reçu la pilule du lendemain et un traitement préventif contre le VIH. De nouveau, le 3 avril 2021, sa fille s'était retrouvée dans une chambre d'hôtel avec d'autres jeunes aux alentours de 23h00. 
Il apparaissait ainsi que les intervenants du SPMI et du foyer avaient violé leur devoir d'assistance dans la mesure où ils n'avaient pas pris les mesures adéquates, au vu du comportement de la mineure, pour la protéger, mettant ainsi en danger son développement psychique et physique. 
 
B.c. Les 15 et 19 octobre 2021, la curatrice de C.________ et intervenante au SPMI, respectivement le directeur du foyer, avaient été entendus par la police sur les faits reprochés dans la plainte pénale du 5 mai 2021. Ils avaient contesté lesdits faits et exposé les diverses mesures entreprises à l'égard de la prénommée pour améliorer sa situation.  
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 31 mars 2022. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, principalement, à l'annulation de l'arrêt querellé, au constat de la recevabilité de son recours formé à l'encontre de l'ordonnance de non-entrée en matière du 23 novembre 2021 et au renvoi de la cause à la cour cantonale afin qu'une nouvelle décision soit rendue. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Aux termes de l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale ou qui a été privée de la possibilité de le faire est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Indépendamment des conditions posées par l'art. 81 al. 1 LTF, la partie recourante est aussi habilitée à se plaindre d'une violation de ses droits de partie équivalent à un déni de justice formel, sans toutefois pouvoir faire valoir par ce biais, même indirectement, des moyens qui ne peuvent être séparés du fond (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 5 et les références citées). 
La recourante fait grief à la cour cantonale de lui avoir dénié la qualité pour recourir contre l'ordonnance de non-entrée en matière et d'avoir, dans cette mesure, déclaré son recours irrecevable. A cet égard, elle dispose donc de la qualité pour recourir au Tribunal fédéral. 
 
2.  
La recourante se plaint d'une violation de l'art. 382 al. 1 CPP
 
2.1. Toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci (art. 382 al. 1 CPP). La notion de partie au sens de la disposition précitée s'apprécie à l'aune des art. 104 et 105 CPP (arrêt 6B_1105/2016 du 14 juin 2017 consid. 2.1), qui reconnaît une telle qualité à la partie plaignante notamment (art. 104 al. 1 let. b CPP).  
On entend par partie plaignante le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal ou au civil (art. 118 al. 1 CPP). On entend par lésé toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction (art. 115 al. 1 LTF). Selon l'art. 116 al. 1 CPP, on entend par victime le lésé qui, du fait d'une infraction, a subi une atteinte directe à son intégrité physique, psychique ou sexuelle. Le proche de la victime est défini à l'art. 116 al. 2 CPP. Il s'agit notamment des parents de celle-ci. Le droit d'un proche au sens de l'art. 116 al. 2 CPP de se constituer partie plaignante implique, ce que confirme la combinaison des art. 117 al. 3 et 122 al. 2 CPP, qu'il fasse valoir des prétentions civiles propres dans la procédure pénale (ATF 139 IV 89 consid. 2.2 p. 91). Pour bénéficier des droits procéduraux conférés par le CPP, ces prétentions doivent paraître crédibles au vu des allégués. Sans qu'une preuve stricte ne soit exigée, il ne suffit cependant pas d'articuler des conclusions civiles sans aucun fondement, voire fantaisistes; il faut, avec une certaine vraisemblance, que les prétentions invoquées soient fondées (ATF 139 IV 89 consid. 2.2 p. 92; arrêt 1B_512/2022 du 17 novembre 2022 consid. 3.1). 
Le Tribunal fédéral est lié par les faits retenus par l'arrêt entrepris (art. 105 al. 1 LTF), sous les réserves découlant des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de l'arbitraire (art. 9 Cst.; sur cette notion, cf. ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2 p. 81; 143 IV 241 consid. 2.3.1 p. 244) dans la constatation des faits. Le Tribunal fédéral n'examine la violation de droits fondamentaux que si ce moyen est invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de manière claire et détaillée (ATF 146 IV 114 consid. 2.1 p. 118). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2 p. 81; 146 IV 114 consid. 2.1 p. 118; 145 IV 154 consid. 1.1 p. 156). 
 
2.2. La cour cantonale a considéré que la fille de la recourante, mineure, était la seule titulaire du bien juridique protégé par l'art. 219 CP, à l'exclusion de sa mère.  
La recourante, qui agissait en son nom propre, ne détaillait nullement, dans son recours, les motifs pour lesquels elle s'estimait fondée à recourir, pour elle-même, contre l'ordonnance de non-entrée en matière s'agissant de l'infraction à l'art. 219 CP
À supposer que ce fut en raison de sa qualité de proche de la victime au sens de l'art. 116 al. 1 CPP, encore fallait-il qu'elle pût rendre vraisemblable qu'elle eût subi, du chef du comportement prêté aux mis en cause, des souffrances morales comparables à celles qui auraient été les siennes en cas de décès de sa fille. Or, la recourante n'avait jamais laissé entendre qu'elle aurait été elle-même directement atteinte par les agissements ou manquements qu'elle reprochait au SPMI et au foyer. 
Les développements de la recourante ne permettaient pas non plus de conclure qu'elle avait agi au nom de sa fille mineure (art. 106 al. 2 CPP), âgée alors de 15 ans, dont elle aurait disposé à tout le moins de l'accord tacite ou que cette dernière, par hypothèse, n'aurait pas été en mesure d'exercer ses droits strictement personnels de manière autonome. Au contraire, il était observé que le recours cantonal et la plainte pénale avaient été formés au seul nom de la recourante, sans qu'il fut possible d'en déduire qu'elle entendait représenter sa fille, laquelle n'avait au demeurant pas participé à la procédure pénale. Partant, l'on ne pouvait raisonnablement soutenir que la recourante agissait en représentation de sa fille (cf. arrêt attaqué, consid. 2.2.2 p. 6). 
 
2.3. En l'espèce, la recourante ne conteste pas que seule sa fille est titulaire du bien juridique protégé par l'art. 219 CP, de sorte qu'elle ne peut être considérée comme lésée (art. 115 al. 1 CPP) par cette infraction. La recourante ne critique pas non plus avoir agi en son nom propre et non comme représentante de sa fille. En revanche, elle allègue que, selon un courrier adressé au SPMI le 28 novembre 2020 joint à l'appui de sa plainte pénale du 5 mai 2021, la situation avec sa fille lui causerait beaucoup d'angoisse. Dans ces circonstances, il apparaissait, à tout le moins sous l'angle de la vraisemblance, qu'en tant que proche de la victime, elle pouvait émettre des prétentions civiles propres, de sorte que ce serait à tort que la cour cantonale lui aurait dénié la qualité pour recourir à titre personnel en lien avec l'art. 219 CP.  
En l'espèce, en tant que la recourante se prévaut d'angoisses en raison de la situation avec sa fille, elle invoque un élément qui ne ressort pas de l'arrêt entrepris, sans démontrer à satisfaction de droit (cf. art. 106 al. 2 LTF) l'arbitraire de son omission, de sorte que son argumentation est irrecevable. En outre, la cour cantonale n'a pas retenu le statut de victime de la fille de la recourante, sans que celle-ci ne critique cette constatation, l'autorité précédente se limitant à relever que même dans cette hypothèse, l'intéressée n'avait pas la qualité pour recourir en tant que proche au sens de l'art. 116 al. 2 CPP. Au demeurant, la simple allégation d'avoir subi des angoisses, sans autre développement, ne saurait suffire, même sous l'angle de la vraisemblance, à déterminer quelles prétentions civiles propres elle entendait soulever à l'encontre des mis en cause. En particulier, dans l'hypothèse d'une prétention en réparation de son tort moral, une telle allégation ne permet pas de comprendre en quoi l'atteinte prétendument subie atteindrait la gravité objective et subjective que la jurisprudence exige pour l'allocation d'une indemnité pour tort moral (cf. art. 49 CO; ATF 131 III 26 consid. 12.1 p. 29). Il s'ensuit que la recourante ne rend pas vraisemblable l'existence de prétentions civiles propres en raison des faits reprochés dans sa plainte pénale. C'est dès lors sans violer le droit fédéral que la cour cantonale a déclaré le recours cantonal irrecevable pour défaut de qualité pour recourir. Mal fondé, le grief doit être rejeté. 
 
3.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours. 
 
 
Lausanne, le 25 janvier 2023 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
Le Greffier : Rosselet