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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_277/2022  
 
 
Arrêt du 14 novembre 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jametti, Présidente, Kiss et May Canellas. 
Greffière : Mme Godat Zimmermann. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Nicolas Gillard, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
1. B.________, 
représenté par Me Yves Nicole, avocat, 
intimé, 
2. C.________, 
3. D.________, 
toutes les deux représentées par 
Me Antonella Cereghetti Zwahlen, avocate, 
intimées. 
Objet 
partage successoral; usufruit de disposition; 
mandat de gestion, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 7 avril 2022 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (JNO7.015356-211525, 184). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. E.________ est décédé le 26 octobre 1981. Par testament du 14 décembre 1976, il avait institué héritiers à parts égales ses quatre enfants - B.________, C.________, D.________ et A.________ - et légué à son épouse F.________ l'usufruit de l'entier de sa succession.  
 
A.b. Par procuration du 16 janvier 1982, C.________, D.________, A.________ et F.________ ont conféré à B.________ un mandat consistant notamment à les représenter dans la succession de E.________ "qui [était] intéressé pour une part dans la société G.________ SA (...) et dans la société H.________ SA (...), reprise par G.________ SA", ainsi qu'à entreprendre les démarches nécessaires pour déterminer la valeur des actions de E.________ dans ces sociétés en vue de l'inventaire officiel des biens de la succession.  
 
A.c. Selon l'inventaire de la succession de la Justice de Paix et le décompte de l'impôt sur les successions établis en juin, respectivement juillet 1982, l'actif de la succession de E.________ s'élevait à 425'033 fr.50; il comprenait des immeubles d'une valeur de 74'240 fr., une automobile valant 1'000 fr. ainsi que des "valeurs aux porteurs, fonds publics, obligations, créances hypothécaires, etc." pour un montant de 345'893 fr.50, l'inventaire ne précisant toutefois pas la provenance de ces avoirs. Les dettes de la succession s'élevaient à 119'641 fr.90. D'après ces documents, l'actif net successoral était de 305'391 fr.60 (425'033 fr.50 - 119'641 fr.90), soit 230'151 fr.60 après déduction des valeurs des immeubles par 74'240 fr. et de la voiture par 1'000 fr.  
 
A.d. Par convention du 25 février 1983, l'hoirie de E.________ - décrite comme composée de "F.________, D.________, C.________, A.________ et B.________" et représentée par ce dernier - a vendu à I.________, frère du défunt, 67 actions nominatives de G.________ SA pour le prix de 610'000 fr., valeur au 26 octobre 1981, date du décès de E.________. Après reprise de dettes à hauteur de 125'389 fr. par I.________, le solde du prix de vente des actions se montait à 484'611 fr. Par ailleurs, par le même acte, l'hoirie a cédé à I.________ le tiers d'un dossier de titres et créances auprès de la banque J.________ pour un montant de 6'790 fr., intérêts courus compris. Ces montants ont été versés sur un compte de l'hoirie, selon l'avis que la Banque J.________ a adressé le 25 février 1983 à B.________ en tant que représentant de l'hoirie.  
 
A.e. Par pacte successoral du 22 janvier 1986, F.________ a défini avec ses quatre enfants les règles de partage de sa propre succession et de celle de E.________. Les immeubles compris dans les deux successions ont été attribués à titre de règle de partage et leurs valeurs d'attribution respectives ont été fixées, de même que les soultes en découlant. Les parties reconnaissaient que, compte tenu des soultes, les lots étaient d'égale valeur et s'engageaient à ne pas contester les valeurs d'attribution quel que soit le sort des immeubles jusqu'au partage effectif. Les soultes seraient payées par B.________ dans les six mois suivant le décès de F.________. Les immeubles seraient attribués francs de gages immobiliers, toute dette hypothécaire existant lors du partage devant être payée au moyen des liquidités issues des deux successions. Le solde des biens provenant des deux successions, dont les valeurs bancaires, était partagé à parts égales entre chaque héritier, après paiement des frais et des impôts.  
 
A.f. En réponse à des demandes d'information de A.________, le conseil de F.________ a écrit le 31 août 1999 notamment les lignes suivantes :  
 
"Sur mon conseil, M. B.________ a jugé plus simple et propre, me semble-t-il, à mettre un terme à des discussions oiseuses : 
 
- de reconstituer auprès de [la banque K.________] un dossier de titres avec comptes annexes au montant entre les deux de 230'152 fr., soit correspondant aux actifs nets lors de l'ouverture de la succession de M. E.________. 
- de préciser au banquier, qui d'ailleurs lui a recommandé ce mode de faire, d'ouvrir ce compte au nom de Mme F.________ avec la mention usufruit. 
Ainsi, désormais, Mme F.________ : 
 
- retirera le produit de ce dossier de titres; 
- ne pourra pas, sauf accord des héritiers, toucher au capital." 
 
A.g. F.________ décédera le 19 juillet 2006, laissant pour héritiers ses quatre enfants. Elle avait désigné B.________ comme exécuteur testamentaire.  
 
B.  
 
B.a. Par requête du 23 septembre 1999, A.________ a ouvert action en partage de la succession de son père.  
Par jugement du Tribunal civil du district d'Yverdon du 10 avril 2000, confirmé par arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 25 juin 2002, l'action en partage des valeurs bancaires de l'hoirie de E.________ a été admise. S'agissant du dossier de titres, l'arrêt cantonal retient que l'usufruit conféré à F.________ est un usufruit de disposition au sens de l'art. 772 al. 2 CC
Le 30 septembre 2002, Me L.________ a été désignée en qualité de notaire commise au partage de la succession de E.________ avec pour mission de stipuler le partage à l'amiable si faire se pouvait ou, à défaut, de constater les points sur lesquels portait le désaccord et faire des propositions en vue du partage. 
Me L.________ a rendu son rapport le 31 août 2004. Si elle indiquait avoir pu retracer l'évolution des biens de la succession depuis le décès de E.________, elle observait que les comptes de la succession ne laissaient pas apparaître le montant de 491'401 fr.89 dû par I.________ à la suite du rachat du capital-actions de G.________ SA selon la convention du 25 février 1983. Selon la notaire, cette somme correspondrait en réalité à la valeur des actions comprises dans l'inventaire, soit 289'406 fr., et à la plus-value réalisée lors de la vente des titres, soit 201'995 fr.89, laquelle aurait été directement attribuée à F.________. 
En définitive, Me L.________ était d'avis que l'avoir mis à disposition de B.________ avait été convenablement géré et proposait de partager le solde des fonds déposés auprès de la banque K.________ par 220'567 fr. selon les parts successorales. Elle observait toutefois que les dispositions du pacte successoral de 1986 - qui prévoyaient notamment que les immeubles seraient attribués francs de gage immobilier et que toute dette hypothécaire existant lors du partage serait payée au moyen des liquidités provenant des successions de E.________ et F.________ - s'opposaient au partage séparé des valeurs mobilières. 
Dans son rapport complémentaire du 11 mai 2005, Me L.________ a retenu le montant de 230'151 fr.60 pour quantifier "les espèces à gérer au jour du décès de E.________, soit le 26 octobre 1981". Ce montant s'obtient en déduisant de l'actif net successoral selon l'inventaire officiel (305'391 fr.60) les valeurs des immeubles (74'240 fr.) et de l'automobile (1'000 fr.). 
En conclusion, la notaire a "propos[é] d'attendre le décès de F.________ avant de procéder au partage global de la succession de feu E.________." 
 
B.b. Le 2 février 2007, B.________ a introduit une requête en partage successoral concernant la succession de sa mère décédée le 19 juillet 2006. Il y exposait que, contrairement à ses deux soeurs, A.________ n'avait pas approuvé l'inventaire et les comptes de la succession. Par la suite, A.________ a adhéré au principe du partage mais a rejeté formellement la proposition de partage successoral établie par son frère.  
Le 15 janvier 2008, la Présidente du Tribunal civil de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a désigné Me M.________ en qualité de notaire commis au partage de la succession de F.________, avec pour mission de stipuler le partage à l'amiable, si faire ce pouvait, ou, à défaut, constater les points sur lesquels portait le désaccord des parties ou faire des propositions en vue du partage. 
Me M.________ a rendu son rapport d'expertise le 8 mai 2009 et un rapport complémentaire le 18 août 2011. Il relevait notamment que le désaccord de A.________ portait principalement sur l'impossibilité pour elle d'accéder aux divers documents justifiant les dettes successorales et leur règlement, mais également sur certaines charges prises en compte par B.________. Selon l'expert, l'examen des pièces et documents justificatifs soumis lui permettait de conclure que, de manière générale, B.________ avait convenablement administré la succession de F.________; les produits et les charges comptabilisées correspondaient aux pièces justificatives. 
A la reprise de l'audience de jugement le 27 janvier 2012, les parties ont conclu une convention partielle partageant entre les quatre héritiers les immeubles, les titres et les comptes de l'hoirie auprès de la banque K.________; elles réservaient leurs droits quant aux soultes et la répartition des passifs de la succession qui feraient l'objet du jugement de partage final. 
B.________ a précisé ses conclusions en ce sens que les montants devraient être corrigés en tenant compte du fait que le capital déposé auprès de la banque K.________ ne lui était plus attribué mais réparti entre les quatre héritiers. D.________ et C.________ se sont ralliées à ces conclusions. 
Pour sa part, A.________ a conclu à leur rejet et, reconventionnellement, à ce que B.________ soit reconnu son débiteur de la somme de 100'000 fr. 
Par jugement partiel du 8 février 2012, la Présidente du Tribunal civil a pris acte de la convention précitée pour valoir jugement partiel dans le partage de la succession de feu F.________, décision exécutoire depuis le 12 mars 2012. 
 
B.c. Par jugement du 16 juillet 2013, la Présidente du Tribunal d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a joint les causes relatives aux deux actions en partage et prononcé le partage des biens de la succession de F.________. Elle a notamment dit que :  
 
- A.________ était débitrice de B.________ de la somme de 54'103 fr.95; 
- D.________ était débitrice de B.________ de la somme de 25'833 fr.; 
- C.________ était débitrice de B.________ de la somme de 33'253 fr. 
A.________ a interjeté appel. Par arrêt du 16 avril 2014, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a annulé le jugement du 16 juillet 2013 et renvoyé la cause à l'autorité précédente pour nouvelle instruction et nouveau jugement dans le sens des considérants. En particulier, l'instruction devait être complétée sur la question particulière de la vente des actions de G.________ SA en date du 25 février 1983. En effet, l'expertise de la notaire L.________ était insuffisante sur le point de savoir ce qu'il était advenu du produit de la vente des actions ainsi que sur les explications relatives à la diminution de l'actif de la succession de E.________. Par conséquent, la cour cantonale ne pouvait pas se prononcer sur la qualité de la gestion du patrimoine par B.________. 
A la suite de cet arrêt de renvoi, le notaire N.________, désigné en qualité d'expert, a rendu un rapport le 26 septembre 2016 et un rapport complémentaire le 23 mars 2017. 
Selon l'expert, l'inventaire des biens de la succession de E.________ est le suivant : 
ACTIFS 
immeubles 74'240 fr. 
autres valeurs 530'790 fr.50 
numéraire 900 fr. 
automobile 1'000 fr. 
créances 10'608 fr. 
Total des actifs 617'538 fr.50 
PASSIFS 
dettes - 1'860 fr.90  
TOTAL NET 615'677 fr.60 
L'actif net soumis à l'usufruit de F.________ s'élevait finalement à 540'437 fr.60 (615'677 fr.60 - [74'240 fr. + 1'000 fr.]), puisque les immeubles avaient été attribués à deux héritières dans le cadre du pacte successoral de 1986 et que la voiture avait été attribuée gratuitement à A.________. 
Le notaire N.________ obtient le montant de 530'790 fr.50 pour les "autres valeurs" de la manière suivante : 
 
1) le montant de 345'893 fr.50 retenu à ce titre dans l'inventaire de la Justice de Paix comprend notamment un montant de 284'080 fr. qui représente la valeur fiscale des 67 actions de G.________ SA figurant dans les actifs successoraux et un montant de 6'790 fr. qui correspond au tiers de la valeur d'un dossier de titres et créances; 
2) la valeur nette du produit de la vente des actions de G.________ SA selon convention du 25 février 1983 s'élève à 475'767 fr.; 
3) 345'893 fr.50 - [284'080 fr.+ 6'790 fr.] + 475'767 fr. = 530'790 fr.50. 
Dans son rapport du 26 septembre 2016, le notaire N.________ a émis des considérations sur la gestion des successions de E.________ et F.________. S'il lui semblait, à l'instar des deux autres notaires désignés comme experts, que B.________ avait "correctement géré les avoirs de la succession en produisant des décomptes particulièrement détaillés et en faisant en sorte que l'une ou l'autre des successions ne fasse pas l'objet de poursuites", l'expert constatait également que "le dossier dans son ensemble [était] particulièrement nébuleux". Il citait des exemples de ce manque de transparence dans la gestion (non conservation d'un inventaire complet des avoirs de la succession de E.________, impossibilité de savoir d'où proviennent les sommes prêtées par le fils à sa mère, absence d'explications pour les "incessants" mouvements entre différents dossiers de titres auprès de plusieurs instituts bancaires, etc.). Le notaire N.________ précisera que ses propos ne devaient pas être "interprétés comme une mise en cause de l'honnêteté" de B.________ et qu'il n'avait "jamais mis en doute la qualité de la gestion des actifs par [ce dernier], notamment pour ce qui touch[ait] à des placements". 
Par la suite, A.________ a réduit ses conclusions en paiement envers B.________ de 100'000 fr. à 83'968 fr. En tant qu'héritière de E.________ avec ses trois frère et soeurs, elle prétendait au quart de la différence entre les actifs mobiliers soumis à l'usufruit de F.________ restitués en 1999 par B.________ et leur valeur en 1981 à l'ouverture de la succession, soit un montant de 121'356 fr.25 (485'425 fr. : 4), dont elle déduisait 63'044 fr. qu'elle reconnaissait devoir à son frère dans le cadre du partage. 
Par jugement du 12 juin 2019, le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a notamment ordonné la jonction des deux causes (I) et prononcé le partage des biens de la succession de E.________ (II) et celui des biens de la succession de F.________ (III); il a dit que A.________ était débitrice de B.________ de la somme de 72'473 fr. 20, valeur échue (VII), que D.________ était débitrice de B.________ de la somme de 2'419 fr.60, valeur échue (VIII) et que C.________ était débitrice de B.________ de la somme de 2'419 fr.60, valeur échue. 
S'agissant de la différence de 310'286 fr. constatée par l'expert N.________ entre les avoirs soumis à l'usufruit de F.________ (540'437 fr.60) et le dossier de titres reconstituant en septembre 1999 les actifs nets de la succession (230'151 fr.60), le premier juge a considéré qu'elle ne pouvait donner lieu à une créance personnelle de A.________ envers B.________ découlant d'une éventuelle mauvaise gestion par celui-ci des avoirs soumis à l'usufruit de disposition de sa mère; il l'a qualifiée de dette de l'usufruitière envers ses quatre enfants, dont la créance avait été éteinte par confusion au moment du décès de leur mère. 
A.________ a interjeté appel de ce jugement. Elle reprenait notamment sa conclusion tendant à ce que B.________ soit reconnu son débiteur de 83'968 fr. 
Statuant par arrêt du 31 janvier 2020, la Cour d'appel civile a rejeté l'appel et confirmé le jugement du 12 juin 2019. 
 
C.  
 
C.a. A.________ a exercé un recours en matière civile (cause 5A_183/2020) contre cet arrêt. Elle concluait principalement à son annulation et au renvoi de la cause à la Cour d'appel civile pour nouvelle décision. Subsidiairement, elle sollicitait la réforme de l'arrêt cantonal, en ce sens que B.________ était son débiteur de la somme de 83'968 fr., valeur échue.  
Par arrêt du 6 septembre 2021, le Tribunal fédéral a admis le recours, annulé l'arrêt entrepris et renvoyé la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Admettant le grief tiré de la violation du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), il a renvoyé la cause à l'autorité précédente afin qu'elle se prononce, en indiquant clairement ses motifs, sur le moyen fondé sur la violation de l'art. 602 CC que la recourante avait invoqué dans son appel. Dès lors que le sort du recours s'en trouvait scellé, les autres griefs soulevés dans le recours n'ont pas été examinés. 
Statuant sur renvoi le 7 avril 2022, la Cour d'appel civile a à nouveau rejeté l'appel de A.________ et confirmé le jugement du 12 juin 2019, après avoir examiné et écarté le grief tiré d'une violation de l'art. 602 CC. Les considérants de cette décision seront exposés en tant que besoin dans la partie en droit du présent arrêt. 
 
C.b. A.________ (la recourante) forme un recours en matière civile contre cet arrêt, reprenant les conclusions qu'elle avait formulées dans son recours contre l'arrêt précédent de la Cour d'appel civile.  
Initialement attribuée à la IIe Cour de droit civil qui avait rendu l'arrêt de renvoi, la cause est traitée par la Ire Cour de droit civil pour des raisons de compétence interne. 
B.________ (l'intimé) propose le rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. 
La cour cantonale a déposé une prise de position motivée, dans le sens du rejet du recours. 
D.________ et C.________ (les intimées) ont expressément renoncé à une réponse. 
Dans d'ultimes observations, la recourante s'est déterminée sur la réponse de l'intimé et la prise de position de la cour cantonale. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Interjeté dans le délai fixé par la loi (art. 46 al. 1 let. a et art. 100 al. 1 LTF) par la partie qui a succombé dans ses conclusions condamnatoires (art. 76 al. 1 LTF), et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue sur appel par le tribunal supérieur du canton de Vaud (art. 75 LTF) dans une affaire civile (art. 72 al. 1 LTF) ne relevant ni du droit du travail ni du bail à loyer dont la valeur litigieuse s'élève au moins à 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est en principe recevable. 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 143 I 310 consid. 2.2; 141 IV 249 consid. 1.3.1; 140 III 115 consid. 2; 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3; 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 129 I 8 consid. 2.1). 
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3). 
 
2.2. Le Tribunal fédéral applique en principe d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal (ou à l'état de fait qu'il aura rectifié). Cela ne signifie pas que le Tribunal fédéral examine, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser. Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne traite que les questions qui sont soulevées devant lui par les parties, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 86 consid. 2, 115 consid. 2). Il n'est en revanche pas lié par l'argumentation juridique développée par les parties ou par l'autorité précédente; il peut admettre le recours, comme il peut le rejeter en procédant à une substitution de motifs (ATF 137 II 313 consid. 1.4; 135 III 397 consid. 1.4).  
 
3.  
Par son arrêt du 6 septembre 2021, le Tribunal fédéral a annulé la décision attaquée en raison d'une violation du droit d'être entendu et a renvoyé la cause à la cour cantonale uniquement afin qu'elle examine le grief tiré d'une violation de l'art. 602 CC; il ne s'est pas prononcé sur les autres arguments développés par la recourante à l'encontre de la décision entreprise. 
Dans son arrêt sur renvoi, la cour cantonale expose que la recourante n'a pris aucune conclusion en restitution des actions et titres existant au moment du décès de E.________ qui seraient demeurés en la seule possession de l'intimé, rendant ainsi sans portée l'argument fondé sur l'art. 602 CC selon lequel tout membre de l'hoirie en possession de valeurs de la succession devait restituer celles-ci pour le partage. Au surplus, examinant l'affaire sous l'angle d'un acte de disposition ou de dépréciation des valeurs de la succession par un seul héritier, l'autorité précédente nie toute prétention de l'hoirie de E.________ envers l'intimé qui serait fondée sur la responsabilité pour acte illicite ou sur l'enrichissement illégitime. 
Pour le reste, la cour cantonale reprend, quasiment à l'identique, les considérants de son arrêt précédent excluant une prétention des héritiers de E.________ contre l'intimé fondée sur la responsabilité de ce dernier en tant que mandataire chargé de la gestion de la succession de leur père. 
 
4.  
Au préalable, il convient, dans cette affaire à l'apparence complexe, de préciser le cadre du litige, qui porte à ce stade sur l'éventuelle responsabilité de l'intimé dans la gestion des avoirs de la succession de E.________. 
A titre principal, la recourante invoque la responsabilité du mandataire fondée sur l'art. 398 al. 2 CO. A son sens, elle dispose avec ses co-héritiers d'une prétention en dommages-intérêts contre l'intimé, lequel aurait mal géré les biens successoraux en tant que mandataire de l'hoirie (créance de l'hoirie elle-même) ou de l'usufruitière (créance héritée de la mère). 
Au surplus, la recourante fait valoir que, même si l'hoirie n'a pas confié de mandat de gestion à l'intimé, la responsabilité de ce dernier serait engagée en tant que gérant d'affaires sur la base de l'art. 420 CO, applicable à l'héritier qui agit seul, en violation de l'obligation de disposer en commun des biens de la succession résultant de l'art. 602 al. 2 CC
La recourante fait valoir, dans le cadre du partage, sa quote-part (1/4) de la créance de la communauté héréditaire. 
Sa thèse, fondée sur les éléments suivants, peut se résumer ainsi : 
 
1) L'intimé a géré les avoirs de la succession de son père, en particulier l'argent déposé en 1983 sur un compte au nom de l'hoirie à la suite de la vente des actions de G.________ SA et de titres divers, qui composaient la majeure partie des biens successoraux. 
2) En 1999, interpellé sur sa gestion par la recourante, l'intimé a "reconstitué" les actifs de la succession soumis à usufruit en ouvrant un compte "en usufruit" au nom de l'usufruitière, sur lequel il a déposé des titres d'une valeur de 230'152 fr., correspondant selon lui (et selon l'inventaire de la Justice de Paix de 1982) à l'actif successoral net (hors immeubles et voiture). 
3) D'après l'inventaire dressé par le notaire N.________ et repris dans l'état de fait de l'arrêt attaqué, l'actif net de la succession s'élevait à 540'437 fr.60, abstraction faite des immeubles et de la voiture, soit une différence de 310'286 fr. par rapport à l'inventaire de la Justice de Paix et au dossier de titres transféré en 1999 par l'intimé sur un nouveau compte de l'usufruitière. 
A suivre la recourante, le montant de 310'286 fr. constituerait le dommage subi par l'hoirie de E.________ ou par l'usufruitière. 
4) Faute de documents probants fournis par l'intimé, l'expert N.________ n'a pas pu retracer le parcours des avoirs confiés à l'intimé - essentiellement le produit de la vente des actions - entre la convention de février 1983 et l'ouverture du compte soumis à usufruit en 1999; le notaire a constaté notamment que, pendant cette période, l'intimé avait mélangé les avoirs successoraux avec les siens propres et ceux de tiers. 
5) En étant incapable de justifier une différence de plus de 300'000 fr. entre les actifs successoraux confiés et les actifs restitués en 1999, l'intimé aurait violé ses obligations contractuelles de reddition de compte et de restitution (art. 400 CO) et très vraisemblablement de gestion (art. 398 CO). Au demeurant, l'obligation de rendre compte et de restitution résulterait également des dispositions applicables à la gestion d'affaires sans mandat (art. 419 ss CO). 
6) S'agissant du lien de causalité entre la violation de ces obligations et le dommage allégué, l'exécution imparfaite de l'obligation de restitution suffirait, en l'absence de reddition de compte, à fonder l'obligation de réparation de l'intimé. 
 
5.  
Il est constant que les avoirs dont la gestion est contestée par la recourante sont les valeurs mobilières de la succession de E.________ décédé en 1981, composées principalement des 67 actions nominatives de G.________ SA qui seront vendues en 1983. Il est établi par ailleurs que la succession était soumise à l'usufruit de la veuve du défunt, selon l'art. 473 CC
 
5.1. Conformément au principe de spécialité, l'usufruit sur un patrimoine (cf. art. 745 al. 1 CC) n'a pas pour objet le patrimoine lui-même, mais se fractionne en autant d'usufruits qu'il y a de choses ou de droits dans le patrimoine. Chacun de ces usufruits est soumis aux règles correspondant à l'objet sur lequel il porte (PAUL-HENRI STEINAUER, Les droits réels, tome III, 5e éd. 2021, n. 3768 p. 116).  
L'art. 772 CC prévoit le quasi-usufruit sur les choses consomptibles, l'usufruit de disposition sur les choses non-consomptibles qui ont été estimées par les parties lors de leur remise à l'usufruitier et l'usufruit proprement dit dans les autres cas. Comme il s'agit de droit dispositif, chaque sorte d'usufruit peut porter sur chaque sorte de choses. Un usufruit proprement dit sur des choses consomptibles n'a toutefois guère de sens (DENIS PIOTET, Les droits réels limités en général, les servitudes et les charges foncières, in Traité de droit privé suisse, tome V/2, 2e éd. 2012, n. 506 p. 150; ROLAND M. MÜLLER, in Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch II, 7e éd. 2023, n° 8 ad art. 772 CC). 
L'usufruit confère à l'usufruitier, sauf disposition contraire, un droit de jouissance complet sur la chose (art. 745 al. 2 CC). Aux termes de l'art. 755 CC, l'usufruitier a la possession, l'usage et la jouissance de la chose (al. 1); il en a aussi la gestion (al. 2), pour laquelle il peut mandater un tiers (ALEXANDRA FARINE FABBRO, in Commentaire romand, Code civil II, 2016, n° 14 ad art. 755 CC). 
 
5.2. Dès le premier jugement du 10 avril 2000, les instances vaudoises ont toujours qualifié l'usufruit conféré à F.________ d'usufruit de disposition au sens de l'art. 772 al. 2 CC, ce qui n'a jamais été remis en cause par la recourante.  
Dans l'arrêt de renvoi du 16 avril 2014, la Cour d'appel civile précise que, faute d'indication quant à la portée de l'usufruit dans le testament de E.________, la présomption de l'art. 772 al. 2 CC s'applique, F.________ pouvant "librement disposer des choses mobilières estimées lors de leur remise" et devenant comptable de leur valeur estimée au début de l'usufruit (consid. 3c). 
Le juge de première instance - dont la décision fait l'objet du dernier appel de la recourante - est aussi parti d'un usufruit de disposition et en a tiré deux conséquences: premièrement, l'usufruitière, à l'exclusion des héritiers nus-propriétaires, était la seule habilitée, conformément à l'art. 755 al. 2 CC, à gérer les avoirs successoraux soumis à son usufruit et, partant, à pouvoir donner un mandat de gestion à l'intimé, avec la précision que le mandat confié à l'intimé par ses cohéritières et l'usufruitière selon la procuration du 16 janvier 1982 ne prévoyait de toute manière pas la gestion des biens par le mandataire; deuxièmement, la différence de 310'286 fr. invoquée comme dommage constituait une dette de l'usufruitière envers les héritiers de E.________, éteinte par confusion (art. 118 al. 1 CO) lorsque lesdits héritiers sont devenus eux-mêmes les débiteurs de cette obligation au moment du décès de leur mère. 
Dans l'arrêt attaqué, la cour cantonale se déclare liée par les considérants de l'arrêt de renvoi susmentionné qu'elle a elle-même rendu en 2014 et, en conséquence, ne revient pas sur la qualification de l'usufruit dont F.________ bénéficiait. Néanmoins, dans un passage alternant faits et hypothèses de manière peu claire, l'autorité précédente examine le cas comme si l'usufruitière n'avait pas eu un droit de disposition - parce que l'inventaire estimatif de la Justice de Paix ne procéderait pas d'un accord conventionnel - ou qu'elle n'avait pas fait usage de ce droit, demandant l'accord des nus-propriétaires pour procéder à un acte de disposition. Elle en déduit que l'intimé "a fait usage de la procuration délivrée [le 16 janvier 1982] par les nus-propriétaires conjointement à l'usufruitière pour gérer les actifs de la succession de E.________ soumis à l'usufruit" et retient ainsi, comme la recourante le soutenait, un mandat de gestion confié à l'intimé par l'hoirie. La cour cantonale reconnaît in fine que "le cas de figure de la confusion retenu par le président ne pourrait [alors] pas entrer en ligne de compte." En effet, la prétention litigieuse serait une créance en dommages-intérêts des héritiers mandants envers l'intimé mandataire, et non une créance des héritiers nus-propriétaires envers l'usufruitière, comme le premier juge l'avait admis.  
 
5.3. L'usufruit de disposition a pour effet, au moment de l'acte de disposition, de rendre l'usufruitier propriétaire de la chose grevée et de remplacer le droit du nu-propriétaire par une créance tendant au versement d'une somme équivalente à la valeur d'estimation prévue (PAUL-HENRI STEINAUER, op. cit., n. 3742 p. 109). En d'autres termes, l'usufruit proprement dit sur une chose évaluée devient un quasi-usufruit si l'usufruitier use de son pouvoir de disposer (FARINE FABBRO, op. cit., n° 8 ad art. 772 CC).  
En l'espèce, le dommage prétendument subi par l'hoirie de E.________, suite à la violation du mandat de gestion qui résulterait de la procuration de janvier 1982, consiste en la différence entre l'actif successoral net (hors immeubles) établi par le troisième expert notaire et l'actif "restitué" en 1999 par l'intimé, lequel était constitué du dossier de titres déposé sur un compte nouvellement créé au nom de l'usufruitière. Il s'agit en fait de la perte de valeur des actifs de la succession entre le moment où ils auraient été confiés au mandataire par les héritiers et le moment où ils leur auraient été restitués. C'est le lieu de rappeler que le calcul de l'expert prend en compte la valeur des actions nominatives de G.________ SA - constituant l'essentiel des biens successoraux en jeu - telle qu'estimée rétroactivement au décès de E.________ dans la convention du 25 février 1983, c'est-à-dire leur prix de vente. 
Par la procuration du 16 janvier 1982, l'intimé s'est vu confier par ses cohéritières et l'usufruitière le mandat d'estimer la valeur des actions en cause. L'inventaire de la Justice de Paix ne mentionne pas ces titres, mais contient, sous une énumération de diverses sortes de créances non spécifiées, une évaluation globale des valeurs mobilières de la succession à hauteur de 345'893 fr.50. Il ne saurait donc être vu dans cet inventaire officiel un accord entre l'hoirie de E.________ et l'usufruitière sur la valeur des 67 titres composant l'essentiel des actifs de la succession. La seule évaluation spécifique de ces actions figure dans le contrat de vente de 1983 conclu par l'intimé qui représentait alors, sous la dénomination trompeuse "l'hoirie de E.________", les mêmes parties que celles de la procuration, soit sa mère et ses soeurs expressément désignées dans l'acte de vente. 
Or, si l'on admet, à l'instar de la cour cantonale, que l'usufruitière avait un droit de disposition sur les biens successoraux, y compris donc sur les actions en jeu, celles-ci ont nécessairement été soustraites, lors de la vente de 1983, du patrimoine de la succession, puis remplacées, au moyen d'une subrogation patrimoniale, par une créance des héritiers nus-propriétaires contre l'usufruitière, d'une valeur correspondant au prix de vente. En d'autres termes, l'usufruit de F.________ sur les actions s'est mué en quasi-usufruit sur le produit de la vente, avec l'accord des héritiers nus-propriétaires. Comme, dès la vente des actions, la situation des parties était identique à celle découlant d'un quasi-usufruit, l'usufruitière était propriétaire de l'argent obtenu en échange des titres (cf. art. 772 al. 1 CO). Que le produit de la vente ait été viré sur un compte "au nom de l'hoirie", dont l'usufruitière ne faisait juridiquement pas partie en tant que légataire, n'est pas déterminant, dès lors que la titularité d'un compte ne coïncide pas nécessairement avec la propriété des fonds déposés. 
Il s'ensuit que, en raison de l'usufruit de disposition dont leur mère bénéficiait, les héritiers nus-propriétaires n'étaient pas propriétaires de l'argent versé en exécution de la convention du 25 février 1983, de sorte qu'ils ne pouvaient pas en avoir confié la gestion à l'intimé. L'interprétation extensive que la cour cantonale donne à la procuration du 16 janvier 1982 se révèle incompatible avec le droit de disposition qu'elle reconnaît par ailleurs à l'usufruitière, sans être critiquée par la recourante, et qui a été exercé lors de la vente de 1983. Pour le reste, rien dans les termes de la procuration de 1982 ne laisse apparaître que l'hoirie avait chargé l'intimé de la gestion des avoirs de la succession soumis à l'usufruit de F.________, en dérogation à la règle de l'art. 755 al. 2 CC accordant le pouvoir de gestion à l'usufruitier. 
Dès lors qu'une éventuelle responsabilité de l'intimé fondée sur un mandat de gestion de l'hoirie n'entre pas en ligne de compte, les héritiers de E.________ et nus-propriétaires n'ont pas pu subir, lors de la création du compte en usufruit en 1999, un dommage lié à l'exécution imparfaite d'une obligation de restitution du mandant au sens de l'art. 400 al. 1 CO
En réalité, l'obligation de restitution incombait à l'usufruitière (cf. art. 772 al. 1 CC). Ce n'est qu'en 2006, au décès de leur mère (art. 749 al. 1 CC), que les nus-propriétaires étaient susceptibles de subir un dommage, si les actifs restitués étaient d'une valeur inférieure à la valeur des actions en cause. Mais il s'agirait alors d'une dette de la succession de l'usufruitière dont les héritiers se confondent avec les nus-propriétaires; elle serait ainsi éteinte par confusion (art. 118 al. 1 CO). 
 
5.4. Dans la troisième de ses thèses alternatives, la recourante soutient que, même en l'absence d'un mandat de gestion donné par l'hoirie, l'intimé répondrait envers celle-ci du prétendu dommage de 310'286 fr. en vertu des règles sur la gestion d'affaires sans mandat (art. 419 ss CO). Cette thèse se fonde sur la prémisse selon laquelle l'intimé possédait les actifs successoraux en tant que cohéritier et qu'il a agi seul, en violation de l'obligation de disposer des biens de la succession d'un commun accord (art. 602 al. 2 CC).  
Là aussi, la recourante fait fi de l'usufruit de disposition dont l'épouse bénéficiait sur la succession de son époux. En tant qu'usufruitière, F.________ avait la possession des avoirs successoraux et le droit de les gérer. Seule l'usufruitière, propriétaire des fonds résultant de la vente de février 1983, pouvait en transmettre la possession (dérivée) à l'intimé. Ce n'est donc pas en tant que membre de l'hoirie que l'intimé s'est trouvé en possession de l'argent qu'il a géré dès 1983. Contrairement à ce que la recourante prétend, l'intimé n'avait pas en 1999, juste avant l'ouverture de l'action en partage par la recourante, une obligation de restitution des avoirs successoraux fondée sur sa qualité de cohéritier. La recourante ne peut dès lors rien tirer, en faveur de sa thèse, des dispositions sur la gestion d'affaires. 
 
5.5. En conclusion, dans la mesure où la recourante fondait sa prétention sur un mandat de gestion de l'hoirie ou sur une obligation de restitution d'un héritier déduite de l'art. 602 CC, son action contre l'intimé ne pouvait être que rejetée, comme la cour cantonale l'a jugé à bon droit même si son raisonnement manque de clarté. Partant, les griefs du recours en rapport avec ces deux fondements tombent à faux. Sont concernés spécialement les moyens tirés d'une appréciation manifestement inexacte des faits, sous lettre B "Titres et liquidités", ainsi que d'une violation de l'art. 602 CC en lien avec l'art. 418 CO, sous chiffre V.  
 
6.  
En définitive, le seul fondement qui pourrait entrer en considération pour la prétention de l'hoirie que la recourante entend exercer seule est un mandat de gestion donné par l'usufruitière à l'intimé. En effet, une telle créance en dommages-intérêts pour mauvaise gestion des avoirs confiés appartiendrait aux actifs de la succession de F.________ dont la recourante est héritière avec ses frère et soeurs. 
 
6.1. La cour cantonale a nié toute prétention en dommages-intérêts fondée sur un éventuel mandat de gestion de l'usufruitière. Sur ce point, elle renvoie notamment au considérant consacré à l'action en responsabilité de l'hoirie en tant que mandante.  
Selon l'arrêt attaqué, qui ne mentionne aucune disposition légale, la responsabilité de l'intimé en tant que mandataire n'est pas établie à satisfaction. La cour cantonale constate certes une différence de valeur de 310'286 fr., résultant de la soustraction de la somme reconstituée en usufruit du montant des actifs existant à l'ouverture de la succession de E.________. Mais, selon les juges précédents, la recourante n'a pas prouvé l'existence d'un dommage imputable à l'intimé, à savoir que cette différence de valeur serait en lien de causalité avec une mauvaise gestion de la part de l'intimé, constituant une violation du mandat. Au contraire, les trois experts notaires n'ont pas relevé de "faute dommageable" de l'intimé dans la gestion des actifs. En conclusion, la cour cantonale considère que "le fait que l'intimé (...) ait tardé à reconstituer les valeurs en usufruit est le seul fait établi", mais que "sa causalité avec la différence de 310'286 fr. n'est en revanche en aucune façon appréciable au regard de l'état de fait". 
 
6.2. Invoquant l'art. 97 al. 1 LTF, la recourante se plaint tout d'abord d'une appréciation manifestement inexacte des faits. A son sens, les juges précédents ne pouvaient, sauf à verser dans l'arbitraire, nier un manquement de l'intimé dans la gestion des avoirs en se fondant sur les expertises des deux premiers notaires, qui ne prenaient pas en compte la plus grande partie des avoirs gérés, à savoir le produit de la vente de février 1983. Selon la recourante, seules les constatations du troisième expert, mandaté précisément en raison du caractère incomplet des deux premières expertises, étaient déterminantes. Or, il ressortirait de celles-ci que l'intimé était incapable de rendre compte de sa gestion entre 1983 et 1999, de sorte qu'une appréciation détaillée des actes de gestion (placements, ventes, etc.) par l'expert était impossible. En résumé, la cour cantonale ne pouvait, sans faire preuve d'arbitraire, se fonder sur ces trois expertises, dont deux n'avaient plus de valeur probante, pour juger de la gestion des avoirs par l'intimé.  
Dans un deuxième temps, la recourante reproche à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 400 CO ainsi que l'art. 8 CC en lien avec l'art. 2 CC. A son avis, les juges précédents ne pouvaient pas - sans examiner préalablement le comportement de l'intimé sous l'angle des obligations de rendre compte et de restitution au sens de l'art. 400 CO - exclure la responsabilité de l'intimé fondée sur l'art. 398 CO en considérant, en application de l'art. 8 CC, que la recourante n'avait pas prouvé le lien de causalité entre une mauvaise gestion de la part du mandataire et la perte de valeur des actifs confiés, entre 1983 et 1999. En effet, comme l'intimé était le seul à pouvoir documenter le sort desdits actifs pendant cette période, la recourante se serait trouvée dans un état de nécessité quant à la preuve, de sorte que la cour cantonale aurait dû imposer à l'intimé, conformément au principe de la bonne foi, de collaborer activement à l'établissement des faits. Or, l'autorité précédente aurait dû constater, sur la base de la troisième expertise, que l'intimé n'avait pas conservé les documents permettant de retracer le sort des actifs entre 1983 et 1999 et qu'il avait mélangé ces actifs avec les siens et ceux de tiers. En droit, les juges vaudois n'auraient alors pu que conclure que l'intimé avait violé son obligation de rendre compte et qu'il était dans l'incapacité d'établir l'exécution de son obligation de restitution en 1999, ce qui suffirait pour qu'il doive réparer le dommage de 310'286 fr. correspondant à la différence entre le montant des biens confiés et le capital restitué en 1999. 
 
7.  
 
7.1. En premier lieu, on peut se demander si la recourante a la qualité pour agir seule contre l'intimé afin de faire valoir, pour sa part héréditaire, une prétention de l'hoirie de leur mère.  
En principe, les membres de la communauté héréditaire au sens de l'art. 602 CC forment une consorité matérielle nécessaire et doivent agir conjointement, conformément à l'art. 70 al. 1 CPC. Certes, l'une des dérogations admises au principe de la main commune réside dans le cas de l'action non-successorale contre l'un des héritiers, dont les demandeurs seraient alors les autres héritiers; en tous les cas, tous les héritiers doivent être parties au procès. Un membre de la communauté héréditaire peut aussi renoncer à agir ou déclarer se soumettre par avance à l'issue du procès (THOMAS WEIBEL, Praxiskommentar Erbrecht, 5e éd. 2023, n° 44 ad art. 602 CC; STÉPHANE SPAHR, in Commentaire romand, Code civil II, 2016, n° 52 ad art. 602 CC; FABIENNE HOHL, Procédure civile, tome I, 2e éd. 2016, n. 898 ss p. 154/155; NICOLAS ROUILLER, in Commentaire du droit des successions, Eigenmann/Rouiller éd., 2012, n° 52/53 ad art. 602 CC). 
Qu'en est-il dans le cas d'espèce, où les deux soeurs de la recourante, parties au procès, ne s'associent pas à la démarche de leur cohéritière ? La question ne mérite pas un plus ample examen dès lors que, de toute manière, la recourante n'a pas prouvé que sa mère mandante disposait d'une créance en dommages-intérêts envers son frère mandataire, comme exposé ci-après. 
 
7.2. Dans le mandat de gestion, le gérant s'oblige à gérer, dans les termes du contrat, tout ou partie de la fortune du mandant, en déterminant lui-même les opérations boursières à effectuer, dans les limites fixées par le client (ATF 144 III 155 consid. 2.1.1 et les arrêts cités). Soumise aux règles du mandat (art. 398 al. 1 CO qui renvoie à l'art. 321e al. 1 CO; ATF 132 III 460 consid. 4.1; 124 III 155 consid. 2b), la responsabilité du gérant suppose, conformément au régime général de l'art. 97 CO, une violation des obligations qui lui incombent en vertu du contrat, un dommage, un rapport de causalité (naturelle et adéquate) entre la violation du contrat et le dommage, ainsi qu'une faute. Conformément à l'art. 8 CC, le mandant supporte le fardeau de l'allégation objectif ( objektive Behauptungslast) et le fardeau de la preuve ( Beweislast) des trois premières conditions, alors qu'il incombe au mandataire de prouver qu'aucune faute ne lui est imputable (arrêt 4A_72/2020 du 23 octobre 2020 consid. 5.3 et les arrêts cités).  
S'agissant de la première de ces conditions, le gérant est responsable envers le client de la bonne et fidèle exécution du contrat (art. 398 al. 2 CO; ATF 124 III 155 consid. 2b). La diligence requise s'apprécie au moyen de critères objectifs; on cherchera à déterminer comment un mandataire consciencieux, placé dans la même situation, aurait agi en gérant l'affaire en cause. Lorsque le gérant dispose d'un large pouvoir de gestion, il répond uniquement des pertes provenant d'opérations qui peuvent être qualifiées de déraisonnables, c'est-à-dire qu'un professionnel n'aurait raisonnablement et objectivement pas entreprises. S'il doit déployer la diligence due, le gérant ne garantit toutefois aucun résultat (arrêt 4A_72/2020 précité consid. 5.3.1). 
En ce qui concerne la deuxième condition, le dommage à réparer correspond à l'intérêt du client à l'exécution correcte du contrat (intérêt positif). Il peut résulter soit d'une gestion globalement irrégulière de l'ensemble du portefeuille en raison d'une stratégie de placement irrégulière, soit de certains placements contraires à la stratégie convenue (ATF 144 III 155 consid. 2.2 et les arrêts cités). Dans le premier cas, il faut procéder à la comparaison entre le résultat du portefeuille effectif, obtenu à la suite de la mauvaise exécution du contrat, et celui d'un portefeuille hypothétique, constitué et géré conformément au contrat pendant la même période. Dans le second cas, il ne faut prendre en considération que la partie du patrimoine concernée par les placements contraires à la stratégie convenue et déterminer la différence entre la valeur effective des placements irréguliers et la valeur hypothétique qu'ils auraient atteinte si le capital avait été investi conformément au contrat (ATF 144 III 155 consid. 2.2.1 et 2.2.2 et les arrêts cités). 
 
7.3. En tant qu'elle entendait faire valoir une prétention en dommages-intérêts de sa mère (mandante) envers son frère (gérant), la recourante devait prouver que la mandante avait subi un dommage en lien de causalité naturelle et adéquate avec un manquement du mandataire dans la gestion des fonds lui appartenant.  
Selon les faits établis dans l'arrêt attaqué, les liquidités remises à l'intimé à la suite de la convention de février 1983 s'élèvent à 491'401 fr. (484'611 fr. solde du prix de vente des actions + 6'790 fr. cession de titres). En 1999, l'intimé a ouvert un compte au nom de l'usufruitière sur lequel il a déposé des titres pour une valeur de 230'152 fr. La différence entre ces deux montants constitue-t-elle une perte subie par la mandante, en lien de causalité avec une gestion irrégulière de l'intimé ? 
D'après la cour cantonale, les expertises notariales ne laissent pas apparaître une mauvaise gestion de la part de l'intimé. 
Il est vrai que seule la troisième expertise pouvait apporter des éléments sur ce point, puisqu'elle a précisément été ordonnée après que la cour cantonale a constaté qu'elle ignorait le parcours du produit de la vente des actions. Cela étant, l'expert a certes relevé un défaut de documentation des opérations et un manque de transparence dans la gestion, notamment le groupement sous une même référence bancaire d'avoirs appartenant à plusieurs ayants droit. Cependant, il a expressément précisé ne mettre en doute ni l'honnêteté de l'intimé, ni la qualité de la gestion des actifs par l'intimé, notamment pour ce qui est des placements, ce qui ressort des faits de l'arrêt attaqué. Du reste, la recourante admet elle-même n'avoir pas prouvé que le gérant avait enfreint son devoir de diligence, en qualifiant la violation seulement de "très vraisemblable". 
A vrai dire, la recourante axe son argumentation sur la méconnaissance par le gérant de ses obligations de reddition de compte et de restitution, ce qui la dispenserait de devoir prouver une violation du devoir de diligence et un lien de causalité naturelle avec le dommage invoqué. 
En vertu de l'art. 400 al. 1 CO, le mandataire est tenu, à la demande du mandant, de lui rendre en tout temps compte de sa gestion et de lui restituer tout ce qu'il a reçu de ce chef, à quelque titre que ce soit. Le devoir de rendre compte, comme le devoir de restituer, ont pour but de garantir le respect de l'obligation de diligence et de fidélité du mandataire (art. 398 al. 2 CO) et de sauvegarder les intérêts du mandant. L'obligation de rendre compte doit permettre au mandant de contrôler l'activité du mandataire. Elle constitue le fondement de l'obligation de restitution et trouve ses limites dans les règles de la bonne foi (ATF 143 III 348 consid. 5.1.1; 146 III 435 consid. 4.1.3.1). 
En l'espèce, on ignore si et, le cas échéant, comment la mère mandante a demandé au fils mandataire de lui rendre compte de sa gestion de l'argent reçu en exécution de la convention de février 1983. 
Mais surtout il ne ressort pas de l'état de fait établi par la cour cantonale que le résultat de la gestion des fonds litigieux ne résiderait que dans les titres déposés sur le compte "en usufruit" ouvert en 1999. En d'autres termes, la différence entre les liquidités reçues par l'intimé en 1983 et la valeur des titres figurant dans le compte ouvert en 1999 ne constitue pas nécessairement une diminution du patrimoine de la mandante, à savoir un dommage dont il s'agirait d'établir le lien de causalité avec des opérations de placement ou autres, contraires au devoir de diligence du gérant. 
En ce qui concerne une éventuelle obligation de restitution, il faut rappeler, pour être complet, que c'est l'usufruitière qui avait envers les nus-propriétaires une dette du montant du produit de la vente de 1983, exigible à son décès, et non l'intimé mandataire qui aurait eu envers la mandante une obligation de lui restituer ce montant, indépendamment de sa responsabilité fondée sur l'art. 398 al. 2 CO
 
7.4. En conclusion, les juges vaudois n'ont violé ni les art. 2 et 8 CC ni l'art. 400 CO en mettant à la charge de la recourante la preuve d'un lien de causalité naturelle entre un comportement de l'intimé contraire à son devoir de diligence au sens de l'art. 398 al. 2 CO et un dommage de la mandante. Ils n'ont pas non plus apprécié arbitrairement les preuves en considérant que cette relation de causalité ne résultait ni des faits retenus ni d'aucune des trois expertises.  
 
8.  
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. 
La recourante prendra à sa charge les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et versera des dépens à l'intimé (art. 68 al. 1 et 2 LTF), mais non aux intimées qui ont renoncé à se déterminer. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 14 novembre 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
La Greffière : Godat Zimmermann