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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_218/2022  
 
 
Arrêt du 10 mai 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jametti, Présidente, Hohl et Rüedi. 
Greffier : M. Douzals. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Olivier Nicod, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
représenté par Me Alec Reymond, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
compétence à raison de la matière (art. 59 al. 2 let. b et art. 60 CPC); modification de la demande (art. 230 CPC), 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 4 avril 2022 par la Chambre des prud'hommes de la 
Cour de justice du canton de Genève 
(C/26550/2019-5; CAPH/48/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. D'avril 2006 à juin 2019, B.________ (ci-après: l'administrateur, le demandeur ou l'intimé) a été administrateur puis administrateur secrétaire de A.________ SA (ci-après: la société, la défenderesse ou la recourante). Il est également titulaire de la moitié des actions de la société-mère de la société.  
 
A.b. Du 1 er janvier 2009 au 30 décembre 2016, l'administrateur a été salarié de la société.  
Le 30 décembre 2016, l'administrateur et la société ont résilié le contrat de travail d'un commun accord. 
L'administrateur a néanmoins continué de travailler pour la société. 
 
A.c. Par courriel du 21 décembre 2018, la société a confirmé à son propre conseil fiscaliste qu'un bonus de 363'360 fr. était dû à l'administrateur et devait lui être versé en janvier 2019.  
Le 11 janvier 2019, la société a validé l'approche proposée par sa fiduciaire, consistant à inclure le montant de 363'360 fr. dû à l'administrateur dans la comptabilité de janvier 2019. 
Le 18 janvier 2019, la fiduciaire a indiqué à la société que le bonus de 363'360 fr. de l'administrateur aurait des répercussions sur le calcul des charges sociales. Plusieurs échanges de courriels sont intervenus sur cette question entre la fiduciaire et la société. 
 
A.d. Le 3 mai 2019, la société a résilié avec effet immédiat les rapports de travail la liant à l'administrateur, au motif de performances insuffisantes.  
Après que l'administrateur a indiqué à la société qu'il considérait que ledit congé était tardif et qu'il n'avait pas été précédé d'un avertissement, la société lui a notifié une nouvelle résiliation ordinaire du contrat de travail le 31 mai 2019 pour le 31 juillet 2019. 
 
B.  
Après que la tentative de conciliation a échoué, l'administrateur a déposé sa demande auprès du Tribunal des prud'hommes du canton de Genève le 15 avril 2020, concluant à ce que la société fût condamnée à lui verser divers montants pour une somme totale de 997'431 fr. 15, intérêts en sus, dont 363'360 fr. à titre de salaire variable pour l'année 2018, et à ce que le tribunal prononçât la mainlevée définitive de l'opposition formée par la société contre le commandement de payer qu'il lui avait fait notifier pour ce dernier montant. 
Le 8 décembre 2020, l'administrateur, se prévalant de pièces nouvellement produites par la fiduciaire de la société, a modifié ses conclusions, en ce sens que ses prétentions en paiement du salaire variable portaient en réalité sur l'année 2017 et non sur l'année 2018. En audience, il a expliqué que la confusion entre l'année 2017 et l'année 2018 s'expliquait par le fait qu'il n'avait initialement en sa possession que des échanges de courriels partiels se rapportant à l'année 2018 et que les discussions sur le versement de son bonus étaient intervenues durant toute l'année 2018. 
C.________, interrogé pour le compte de la société, a pris acte de la modification des conclusions. Il a précisé que le licenciement de l'administrateur s'expliquait uniquement en raison de la façon dont il s'était comporté. 
Par jugement du 9 mars 2021, le tribunal a déclaré recevables la demande et sa modification du 8 décembre 2020, condamné la société à verser à l'administrateur divers montants totalisant 482'647 fr. 10, intérêts en sus, invité la partie qui en avait la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles, et prononcé la mainlevée définitive de l'opposition litigieuse. 
Par arrêt du 4 avril 2022, la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève a, en substance, rejeté l'appel formé par la société. 
 
C.  
Contre cet arrêt, qui lui avait été notifié le 7 avril 2022, la défenderesse a formé un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral le 18 mai 2022. En substance, elle conclut à ce que l'arrêt entrepris soit annulé et réformé, en ce sens que la demande, subsidiairement la modification de la demande du 15 avril 2020, soit déclarée irrecevable et, plus subsidiairement, à ce que la cause soit renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
L'intimé conclut à l'irrecevabilité du recours, en ce qu'il conclut à l'irrecevabilité de la demande, et au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité. 
Les parties ont chacune déposé des observations complémentaires. 
La cour cantonale a indiqué ne pas avoir d'observation particulière à formuler. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Interjeté dans le délai fixé par la loi (art. 100 al. 1, art. 46 al. 1 let. a et art. 45 al. 1 LTF) par la défenderesse, qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF), et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue sur appel par le tribunal supérieur du canton de Genève (art. 75 LTF) dans une affaire civile de droit du travail (art. 72 al. 1 LTF) dont la valeur litigieuse dépasse 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF), le recours en matière civile est en principe recevable. 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 140 III 115 consid. 2; 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 133 II 249 consid. 1.4.3; 129 I 8 consid. 2.1). 
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3). 
 
2.2. Le Tribunal fédéral applique en principe d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal (ou à l'état de fait qu'il aura rectifié). Cela ne signifie pas que le Tribunal fédéral examine, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser. Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne traite que les questions qui sont soulevées devant lui par les parties, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 115 consid. 2, 86 consid. 2). Il n'est en revanche pas lié par l'argumentation juridique développée par les parties ou par l'autorité précédente; il peut admettre le recours, comme il peut le rejeter en procédant à une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4).  
Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 134 III 379 consid. 1.2; 133 III 446 consid. 4.1, 462 consid. 2.3). Il ne peut en revanche pas être interjeté pour violation du droit cantonal ou communal en tant que tel. I l est toutefois possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal ou communal constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à d'autres droits constitutionnels (ATF 138 I 1 consid. 2.1; 134 III 379 consid. 1.2; 133 III 462 consid. 2.3). 
 
2.3. Lorsque la décision attaquée comporte plusieurs motivations indépendantes dont chacune suffit à sceller le sort de la cause ou d'une partie de celle-ci, il appartient au recourant, sous peine d'irrecevabilité, de s'attaquer conformément aux art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF à chacune d'entre elles, et, pour obtenir gain de cause, de démontrer que ces motivations sont contraires au droit (ATF 142 III 364 consid. 2.4; 138 III 728 consid. 3.4; 136 III 534 consid. 2).  
 
3.  
Dans un premier temps, la recourante reproche à la cour cantonale de ne pas avoir retenu que le Tribunal des prud'hommes était incompétent à raison de la matière. Elle invoque une violation de l'art. 60 CPC et une application arbitraire de l'art. 1 al. 1 let. a de la loi du canton de Genève du 11 février 2010 sur le Tribunal des prud'hommes (LTPH; RS/GE E 3 10) et conclut pour ce motif à l'irrecevabilité de la demande. 
 
3.1.  
 
3.1.1. L'art. 59 al. 2 let. b CPC prévoit que la compétence du tribunal à raison de la matière est une condition de recevabilité de l'action. Le tribunal examine d'office si les conditions de recevabilité sont remplies (art. 60 CPC).  
L'art. 1 al. 1 let. a LTPH dispose que sont jugés par le Tribunal des prud'hommes les litiges découlant d'un contrat de travail, au sens du titre dixième du Code des obligations. 
 
3.1.2. L'existence d'un contrat de travail est un fait doublement pertinent, soit un fait déterminant pour la compétence du tribunal comme pour le bien-fondé de l'action (ATF 147 III 159 consid. 2.1.2; 142 III 466 consid. 4.1; arrêts 4A_393/2022 du 26 avril 2023 consid. 2.1.1; 4A_429/2020 du 5 mai 2021 consid. 2.1 et l'arrêt cité). Le tribunal n'est toutefois pas obligé de rendre une décision séparée sur la compétence (ATF 147 III 159 consid. 4.2).  
En présence de faits doublement pertinents, la jurisprudence prescrit de procéder de la façon suivante (ATF 147 III 159 consid. 2.1.2; 141 III 294 consid. 5.2; arrêt 4A_429/2020 précité consid. 2.1 et les arrêts cités) : 
 
- Lors de l'examen de la compétence, que le juge effectue d'office in limine litis, les faits doublement pertinents sont réputés vrais et n'ont pas à être prouvés. En s'appuyant sur les allégués, moyens et conclusions du seul demandeur, le juge doit toutefois rechercher si ces faits sont concluants, i.e. permettent de déduire juridiquement la qualification de contrat de travail, et partant la compétence matérielle invoquée.  
Si, à ce stade déjà, il aboutit à la conclusion qu'un tel contrat ne peut être retenu, le juge peut déclarer la demande irrecevable par décision séparée. S'il y renonce, le procès se poursuit normalement et le juge procède à l'administration des preuves. 
- Si, en examinant le fond de la cause, le juge réalise finalement qu'il n'y a pas de contrat de travail, il ne peut rendre un jugement sur la compétence mais doit rejeter la demande par une décision de fond, revêtue de l'autorité de la chose jugée. Le cas échéant, il doit examiner si la prétention repose sur un autre fondement; en effet, en vertu du principe jura novit curia (cf. art. 57 CPC), un seul et même juge doit pouvoir examiner la même prétention sous toutes ses " coutures juridiques " (arrêt 4A_429/2020 précité consid. 2.1 et les arrêts cités).  
 
3.1.3. Par le contrat individuel de travail, le travailleur s'engage, pour une durée déterminée ou indéterminée, à travailler au service de l'employeur et celui-ci à payer un salaire fixé d'après le temps ou le travail fourni (art. 319 al. 1 CO). Les éléments caractéristiques de ce contrat sont une prestation de travail, un rapport de subordination, un élément de durée et une rémunération (arrêt 4A_53/2021 du 21 septembre 2021 consid. 5.1.3 et les arrêts cités).  
S'agissant des rapports juridiques entre une personne morale et ses organes, singulièrement entre une société anonyme et les membres du conseil d'administration ou de la direction, ils peuvent relever à la fois du droit des sociétés et du droit des contrats. Sous ce dernier aspect, la tendance est plutôt de considérer que les directeurs sont liés par un contrat de travail et les administrateurs par un mandat ou un contrat sui generis analogue au mandat. En tous les cas, lorsque l'organe dirigeant exerce son activité à titre principal, le critère décisif en faveur du contrat de travail est le rapport de subordination, l'intéressé étant alors soumis à des instructions, par exemple du conseil d'administration (ATF 130 III 213 consid. 2.1; 128 III 129 consid. 1a/aa; arrêt 4A_500/2018 du 11 avril 2019 consid. 4.1 et les arrêts cités). Par définition, il n'existe aucun rapport de subordination lorsqu'il y a identité économique entre la personne morale et son organe dirigeant; un contrat de travail ne saurait ainsi lier une société anonyme et son actionnaire et administrateur unique (ATF 125 III 78 consid. 4).  
 
3.2. La cour cantonale a, en substance, retenu que, représentée par un avocat, la société s'était prévalue, dès le début du litige, des règles régissant le contrat de travail, qu'elle n'avait invoqué l'absence d'un tel contrat qu'après avoir succombé devant le tribunal et que l'attitude de la société recourante, qui n'avait contesté la compétence du tribunal à raison de la matière qu'au stade de l'appel, confinait à l'abus de droit, de sorte que son grief ne saurait être examiné.  
Quand bien même dût-il être examiné, elle a retenu que ce grief serait irrecevable faute de motivation suffisante. En effet, vu que le tribunal ne s'était pas déclaré incompétent d'entrée de cause et avait mené une instruction complète, il aurait dû, s'il avait admis que les rapports juridiques entre les parties ne relevaient pas du contrat de travail, examiner si le demandeur pouvait fonder ses prétentions sur un autre rapport obligationnel et trancher le litige sur la base des règles applicables audit rapport. Or, la cour cantonale a relevé que la société s'était limitée, sur ce point, à rappeler que les versements indus ou disproportionnés en faveur des membres du conseil d'administration " nécessitent un examen, à la lumière de l'art. 678 CO ". Elle a jugé que, ce faisant, la société n'avait en rien tenté de démontrer, sur la base des faits constatés par le tribunal, que les règles qui régissaient les rapports juridiques qu'elle entretenait avec l'administrateur ne permettaient pas d'octroyer à celui-ci les avantages qu'il réclamait. 
 
3.3. La recourante reproche à la cour cantonale, d'une part, d'avoir refusé d'examiner d'office la compétence à raison de la matière du tribunal et invoque une violation de l'art. 60 CPC.  
D'autre part, elle lui fait grief d'avoir interprété arbitrairement l'art. 1 al. 1 let. a LTPH en rejetant l'exception d'incompétence qu'elle avait soulevée. Elle soutient que la cour cantonale aurait dû constater que le tribunal aurait pu et dû estimer, sur la base de la demande de l'administrateur, que le contrat la liant à celui-ci n'était pas un contrat de travail et qu'il aurait dû déclarer dite demande irrecevable. En substance, elle avance que l'intimé était membre de son conseil d'administration d'avril 2006 à juin 2019 et actionnaire de la société détenant la recourante à hauteur de 50 %. Elle ajoute que l'intimé ne recevait aucune instruction de la part de ses coadministrateurs et qu'il donnait des ordres et des instructions à l'administratrice secrétaire de la société, D.________, et non l'inverse; cela découlerait tant des conversations WhatsApp produites par l'intimé, celui-ci ayant tenu, le 12 février 2019, des propos injurieux à l'égard de D.________, que du fait que celle-ci lui avait demandé son aval pour lui verser la somme de 335'270 fr. à titre de bonus pour l'année 2017. Enfin, la recourante allègue qu'au vu desdits échanges WhatsApp, l'intimé bénéficiait d'une liberté totale dans l'organisation de son temps de travail et qu'il n'était pas tenu de rendre compte de ses activités à quelque supérieur hiérarchique que ce soit, de sorte qu'il n'existait aucun rapport de subordination entre l'intimé et la recourante. 
 
3.4. Peut rester ouverte la question de savoir si, comme le soutient l'intimé, les conclusions de la recourante relatives à la compétence du Tribunal des prud'hommes sont irrecevables en tant qu'elles tendraient, de manière contraire à la théorie dite des faits de double pertinence, à l'irrecevabilité de la demande et non à son rejet. Le grief doit en effet être rejeté en tout état de cause.  
En effet, bien que la cour cantonale ait jugé que le comportement de la défenderesse recourante confinait à l'abus de droit en ce qu'elle avait invoqué pour la première fois devant elle, en appel, la prétendue incompétence du tribunal, elle a examiné le grief invoqué et considéré qu'il n'était pas recevable en raison d'une motivation insuffisante, le tribunal étant aussi compétent, s'il n'y a en définitive pas de contrat de travail, en vertu du principe jura novit curia (cf. supra consid. 3.1.2 in fine). Pour ce même motif, il n'y a pas d'arbitraire dans l'application du droit cantonal.  
 
4.  
Dans un second temps, la recourante fait grief à la cour cantonale d'avoir admis la modification des conclusions effectuée par le demandeur intimé le 15 avril 2020. 
 
4.1. Selon l'art. 227 al. 1 CPC, la demande ne peut être modifiée que si la prétention nouvelle ou modifiée relève de la même procédure et que l'une des conditions suivantes est remplie: la prétention nouvelle ou modifiée présente un lien de connexité avec la dernière prétention (let. a); la partie adverse consent à la modification de la demande (let. b). Dans la phase des débats principaux, la modification de la demande est soumise à une condition supplémentaire: elle doit reposer sur des faits ou des moyens de preuve nouveaux (art. 230 al. 1 let. b CPC).  
Il faut distinguer la simple clarification de conclusions de leur modification. La demande est notamment modifiée lorsque la demanderesse fait valoir de nouveaux allégués desquels il ressort que la demande n'est plus identique avec celle déposée à l'origine. En revanche, il y a identité de demandes lorsque les conclusions, l'état de fait et les " éléments juridiques " desquels sont déduites les prétentions sont identiques (ATF 136 III 341 consid. 4; arrêt 5A_621/2012 du 20 mars 2013 consid. 4.3.2 et l'arrêt cité). 
 
4.2. La cour cantonale a constaté que le demandeur avait allégué d'entrée de cause qu'un bonus de 363'360 fr. lui avait été octroyé pour l'année 2018 et conclu à ce que la société défenderesse fût condamnée à lui verser cette somme et qu'il avait modifié cette conclusion le 8 décembre 2020 en indiquant que ce montant se rapportait, en fin de compte, à l'année 2017. Elle a jugé qu'il n'en demeurait pas moins que les faits et les " tenants et aboutissants juridiques " à la base de la conclusion litigieuse avaient été introduits au procès en temps utile. Dans de telles circonstances, elle a considéré que la simple rectification de l'année pour laquelle le montant était réclamé ne saurait constituer une modification des conclusions au sens de l'art. 230 CPC, une telle assimilation relevant d'un formalisme excessif incompatible avec les règles de la bonne foi en procédure.  
La cour cantonale a également examiné la modification de la demande sous l'angle de l'art. 230 CPC et jugé que l'issue du litige n'en serait pas modifiée. 
 
4.3. La recourante considère que la modification de l'année mentionnée dans les conclusions de la demande ne saurait constituer une simple rectification matérielle. Selon elle, le demandeur intimé a réclamé, dans sa demande, un salaire variable pour l'année 2018 uniquement et fondait cette prétention sur l'existence d'un droit acquis au paiement d'un bonus du fait du versement d'un salaire variable en 2017; il n'avait, selon elle, jamais été question du versement d'un salaire variable pour l'année 2017. Partant, elle considère que les conclusions originales du demandeur n'étaient pas frappées d'une imprécision, d'un manque de clarté ou d'une erreur de plume nécessitant de procéder à une correction ou à une clarification.  
Elle soutient par ailleurs que les conditions de l'art. 230 CPC ne seraient pas remplies, dès lors qu'il n'existait pas de faits nouveaux permettant au demandeur de modifier ses conclusions. 
 
4.4. L'intimé indique qu'il s'est fondé sur l'engagement de la recourante ressortant des courriels des 21 décembre 2018 et 11 janvier 2019 pour demander à la société recourante le paiement de 363'360 fr.  
 
4.5. Il ressort des constatations de la cour cantonale que le demandeur intimé a toujours demandé le paiement du même montant à la même société pour les mêmes faits sans baser ses prétentions sur des nouveaux allégués. Dès lors que rien ne permet de constater que le demandeur intimé aurait tenté de faire valoir une prétention différente de celle originellement demandée, c'est à bon droit que la cour cantonale a retenu que le courrier du 15 avril 2020 ne constituait qu'une précision relative à l'année pour laquelle le salaire variable était dû et, partant, que dite précision était recevable et ne constituait pas une modification de la demande.  
Le grief doit être rejeté. 
 
5.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
Les frais judiciaires et les dépens seront mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 8'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 9'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 10 mai 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
Le Greffier : Douzals