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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_71/2023  
 
 
Arrêt du 3 août 2023  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Ryter. 
Greffière: Mme Jolidon. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Sven Engel, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
1. Commission cantonale de la responsabilité des collectivités publiques (CORESP), rue du Pommier 1, 2000 Neuchâtel, 
2. Canton de Neuchâtel, Château, 2001 Neuchâtel 1, représenté par Me Melvin L'Eplattenier, avocat, 
intimés, 
 
Département des finances et de la santé (DFS), Le Château, rue de la Collégiale 12, 2000 Neuchâtel. 
 
Objet 
Responsabilité de la collectivité publique, déni de justice, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit 
public, du 16 décembre 2022 (CDP.2022.197). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, ressortissant français né en 1987, a obtenu un diplôme de médecin et un titre postgrade en France. Le Département fédéral de l'intérieur a reconnu ces titres, le 30 mars 2016.  
Le 7 septembre 2016, A.________ a sollicité, par l'intermédiaire du Centre B.________, une autorisation d'exercer à titre dépendant, en qualité de médecin assistant, à compter du 12 septembre 2016. Le 27 septembre 2016, le Service cantonal de la santé publique de la République et canton de Neuchâtel (ci-après: Service cantonal de la santé) lui a répondu qu'une autorisation en tant que médecin assistant ne se justifiait pas, compte tenu de la reconnaissance des diplômes obtenue et l'a invité à déposer une demande d'autorisation de pratiquer à titre indépendant en qualité de médecin travaillant sous sa propre responsabilité. Après que A.________ eut procédé en ce sens, le Département des finances et de la santé de la République et canton de Neuchâtel (ci-après: Département de la santé) lui a octroyé l'autorisation requise. 
 
A.b. Le 28 avril 2017, A.________ a déposé une demande d'autorisation de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins pour sa future installation en cabinet de médecine générale du Centre B.________. Il indiquait qu'il avait passé plusieurs mois à la permanence de ce centre et avait constaté qu'il existait une réelle demande de médecins généralistes. En date du 9 mai 2017, la procédure a été suspendue dans l'attente des éléments nécessaires à établir le besoin de couverture des soins.  
Dans le cadre de l'instruction de cette demande, l'autorité compétente a prié l'intéressé de s'expliquer quant à la manière dont il avait facturé ses prestations durant les mois passés à la permanence dudit centre, alors qu'il ne bénéficiait pas de numéro code créancier. A.________ a répondu avoir facturé ses prestations sous le numéro du Dr C.________, son référent. Le 16 juin 2017, le Service cantonal de la santé l'a informé qu'au regard de cette façon de procéder et du fait qu'il n'était pas autorisé à facturer à la charge de l'assurance obligatoire des soins, une procédure visant le retrait de l'autorisation de pratiquer sous sa propre responsabilité était engagée. 
Après que A.________ eut fourni les pièces propres à établir le besoin de couverture des soins, le Département de la santé a décidé, en date du 3 août 2018, de maintenir la suspension de la procédure d'autorisation de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins jusqu'à droit connu dans celle relative à l'éventuel retrait de l'autorisation de pratiquer de l'intéressé. 
Le 18 septembre 2018, le Département de la santé a retiré l'autorisation du 9 mars 2017 de pratiquer dans le canton de Neuchâtel à A.________. Celui-ci a attaqué cette décision devant la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel (ci-après: le Tribunal cantonal). 
Par arrêt du 26 août 2019, le Tribunal administratif fédéral a annulé la décision incidente du 3 août 2018 maintenant la suspension de la procédure d'autorisation de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins et a renvoyé le dossier au Département de la santé, afin qu'il statue dans les meilleurs délais; il a jugé qu'en suspendant la procédure, ledit département avait violé le principe de célérité, de sorte qu'il avait commis un déni de justice. 
A.________ a été autorisé à pratiquer à la charge de l'assurance-maladie obligatoire, en date du 10 décembre 2019. 
Le Tribunal cantonal a, par arrêt du 24 janvier 2020, annulé la décision du 18 septembre 2018 du Département de la santé retirant l'autorisation de pratiquer sous propre responsabilité à l'intéressé. 
 
B.  
 
B.a. Le 28 août 2020, A.________ a saisi le Département de la santé d'une demande d'indemnisation à l'encontre de la République et canton de Neuchâtel, alléguant qu'il avait été entravé dans son installation en qualité de médecin indépendant, compte tenu de l'absence de décision dudit département due à la suspension de la procédure; il évaluait son dommage lié à l'ouverture retardée de son cabinet médical, entre septembre 2018 et fin février 2020, à un montant de 129'884 fr. qui correspondait à la différence entre le "salaire réalisé (net) " et un "salaire [de] médecin installé".  
La Commission cantonale de la responsabilité des collectivités publiques de la République et canton de Neuchâtel (ci-après: la Commission cantonale) a, par décision du 31 mai 2022, rejeté la requête d'indemnisation, en considérant notamment qu'il ne ressortait pas de l'arrêt du 26 août 2019 du Tribunal administratif fédéral que la décision du 3 août 2018 du Département de la santé de maintenir la suspension de la procédure d'autorisation de facturer à la charge de l'assurance obligatoire des soins du département était arbitraire, ce tribunal se bornant à exposer les raisons pour lesquelles ledit département n'avait pas correctement fait usage de son pouvoir d'appréciation pour suspendre la procédure. 
 
B.b. Par arrêt du 16 décembre 2022, le Tribunal cantonal a rejeté le recours de A.________ à l'encontre de la décision du 31 mai 2022 de la Commission cantonale. Il a en substance souligné que les parties admettaient que le déni de justice commis constituait un acte illicite mais a considéré que la décision du 3 août 2018 du Département de la santé n'engageait pas la responsabilité du canton, car elle ne pouvait pas être qualifiée d'arbitraire.  
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du 16 décembre 2022 du Tribunal cantonal, de dire que la responsabilité du canton de Neuchâtel est engagée et de renvoyer la cause à la Commission cantonale pour instruction complémentaire et décision sur le dommage subi; subsidiairement, de renvoyer la cause au Tribunal cantonal pour une nouvelle décision dans le sens des motifs exposés dans le recours. 
Le canton de Neuchâtel conclut, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours, dans la mesure où il est recevable. La Commission cantonale a expressément renoncé à déposer des observations. Le Tribunal cantonal se réfère à son arrêt et conclut au rejet du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
 
1.  
Le litige concerne la responsabilité étatique fondée sur la loi neuchâteloise du 29 septembre 2020 sur la responsabilité des collectivités publiques et de leurs agents (loi sur la responsabilité, LResp/NE; RS/NE 150.10). La cause relève donc du droit public. Elle peut en principe faire l'objet d'un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral (art. 82 let. a LTF), dès lors qu'elle n'a pas trait au domaine de la responsabilité de l'Etat pour les activités médicales, pour lequel la voie du recours en matière civile est exceptionnellement ouverte (cf. art. 72 al. 2 let. b LTF; ATF 133 III 462 consid. 2.1). 
Dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu par une autorité judiciaire cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) et formé par le destinataire de l'arrêt attaqué qui a un intérêt à recourir (art. 89 al. 1 LTF), le présent recours est en principe recevable, la valeur litigieuse dépassant la limite de 30'000 fr. prévue à l'art. 85 al. 1 let. a LTF en matière de responsabilité étatique. Le mémoire a, par ailleurs, été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF). Il convient donc d'entrer en matière. 
 
2.  
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF). Il est possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à d'autres droits constitutionnels (ATF 137 V 143 consid. 1.2; 133 III 462 consid. 2.3). Le Tribunal fédéral n'examine toutefois le moyen tiré de la violation d'une norme de rang constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé par le recourant, à savoir exposé de manière claire et détaillée (art. 106 al. 2 LTF; cf. ATF 143 II 283 consid. 1.2.2; 142 II 369 consid. 2.1). Il y procède en se fondant sur les faits constatés par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces faits n'aient été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). 
Le Tribunal fédéral ne revoit l'interprétation et l'application du droit cantonal que sous l'angle de l'arbitraire (art. 9 Cst.). Il ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci se révèle insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, ou si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. Il ne suffit pas que la motivation de la décision critiquée soit insoutenable; encore faut-il que celle-ci se révèle arbitraire dans son résultat. En outre, il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution que celle adoptée par l'autorité intimée serait concevable, voire préférable (ATF 148 II 106 consid. 4.6.1; 146 II 111 consid. 5.1.1; 145 II 32 consid. 5.1 et les arrêts cités). 
 
3.  
Le litige porte sur le point de savoir si la suspension de la procédure d'autorisation de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire de soins jusqu'à droit connu dans la procédure pouvant conduire à un éventuel retrait de l'autorisation de pratiquer de l'intéressé doit ou non être qualifiée d'arbitraire, ce qui engagerait la responsabilité du canton de Neuchâtel, en application de l'art. 5 al. 3LResp/NE. 
 
4.  
Selon le recourant, le Tribunal cantonal a violé son obligation de motiver l'arrêt attaqué (cf. art. 29 Cst.), en ne développant pas les motifs pour lesquels il n'a pas appliqué l'art. 5 al. 1 LResp/NE (cf. infra consid. 5.1). Il se serait contenté d'affirmer que le raisonnement du recourant, selon lequel le seul fait que le déni de justice représente un acte illicite aurait pour conséquence qu'il ouvre la voie de l'indemnisation au sens de l'article 5 al. 1 LResp/NE, ne pouvait être suivi, car cette thèse avait pour conséquence que la limitation de responsabilité introduite à l'article 5 al. 3 LResp/NE aurait été vidée de son sens, sans expliquer la raison pour laquelle tel serait le cas. 
 
4.1. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., implique notamment, pour l'autorité, l'obligation de motiver sa décision, afin que d'une part le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et d'autre part que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que la partie intéressée puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3; 142 I 135 consid. 2.1). Il ne doit toutefois pas se prononcer sur tous les moyens des parties; il peut se limiter aux questions décisives pour l'issue du litige (ATF 147 IV 249 consid. 2.4; 142 II 154 consid. 4.2).  
 
4.2. Le Tribunal cantonal a effectivement estimé que la présence d'un acte illicite ne suffisait pas à octroyer le droit à des prétentions, au sens de l'article 5 al. 1 LResp/NE; il fallait également que la condition de l'art. 5 al. 3 LResp/NE (arbitraire des décisions et jugements modifiés après recours) soit remplie; selon cette autorité judiciaire, faire abstraction de cette condition, quel que soit l'acte générateur du déni de justice, viderait l'art. 5 al. 3 LResp/NE de sons sens. Ce raisonnement, même s'il est succinct, est clair. D'ailleurs, l'intéressé l'a attaqué dans son recours devant le Tribunal fédéral (cf. infra consid. 5). Déterminer si cette subsomption est correcte relève de l'interprétation du droit cantonal et non de la motivation de l'arrêt attaqué. Par conséquent, le grief relatif à la violation du droit d'être entendu en lien avec l'obligation de motiver est rejeté.  
 
 
5.  
Le recourant invoque une application arbitraire de l'art. 5 LResp/NE, ainsi qu'une violation de l'art. 29 Cst. Il souligne que l'art. 5 al. 1 LResp/NE représente la règle de principe de la responsabilité des collectivités publiques et que l'art. 5 al. 3 LResp/NE constitue l'exception à ce principe. Selon lui, cette exception ne saurait s'appliquer lorsqu'il s'agirait, comme en l'espèce, de l'inactivité d'un juge ou d'une administration; le fonctionnement même des institutions se trouverait menacé si l'administré n'avait plus la menace de la responsabilité de l'Etat en cas de déni de justice pour faire avancer sa cause et obtenir une décision dans un délai acceptable; l'art. 5 al. 3 Cst. LResp/NE serait inapplicable en présence d'un tel déni, faute d'intérêts à protéger. 
 
5.1. L'art. 5 LResp/NE, disposition topique, prévoit:  
 
"1 La collectivité publique répond du dommage causé sans droit à un tiers par ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, sans égard à la faute de ces derniers. 
 
2 Elle ne répond pas des dommages résultant de décisions ou de jugements ayant acquis force de chose jugée. 
 
3 Les décisions et jugements modifiés après recours n'entraînent la responsabilité de la collectivité publique que s'ils sont arbitraires." 
 
 
5.2. Les juges précédents ont tout d'abord relevé que les parties ne contestaient pas la réalisation d'un acte illicite, à savoir le déni de justice constaté par l'arrêt du 26 août 2019 du Tribunal administratif fédéral dans le cadre de la procédure tendant à l'obtention d'une autorisation de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire. Puis, ils ont estimé que l'art. 5 al. 3 LResp/NE s'appliquait, à l'exclusion de l'art. 5 al. 1 de cette loi, quel que soit l'acte générateur du déni de justice.  
 
5.3. Comme susmentionné, le Tribunal administratif fédéral a considéré que la décision du 3 août 2018 du Département de la santé de maintenir la suspension de la procédure d'autorisation de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire de soins, prononcée par le Département de la santé, jusqu'à droit connu dans la procédure (alors en cours) relative à un éventuel retrait de l'autorisation de pratiquer de l'intéressé, représentait un déni de justice.  
L'art. 5 al. 1 LResp/NE pose effectivement le principe de la responsabilité des collectivités publiques neuchâteloises. Quant à l'art. 5 al. 3 LResp/NE, il apparaît comme une clause particulière en cas de procédure judiciaire. Cette disposition constitue une clause limitative de la responsabilité prévue à l'art. 5 al. 1 LResp/NE pour les actions fondées sur des décisions et jugements modifiés après recours (arrêt 2C_158/2010 du 18 août 2010 consid. 2.4 i.f.). La seule condition posée à l'application de l'art. 5 al. 3 LResp/NE est la présence d'une décision modifiée à la suite d'un recours, décision qui doit être qualifiée d'arbitraire. Elle n'exclut pas du champ d'application de cette disposition les décisions qui seraient modifiées à la suite de la constatation d'un déni de justice et qui, selon le recourant, tomberaient alors sous le coup de l'art. 5 al. 1 LResp/NE. Il n'est, par conséquent, pas insoutenable de considérer que la décision du 3 août 2018 du Département de la santé de maintenir la suspension de la procédure d'autorisation de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire de soins, dont le Tribunal administratif fédéral a estimé qu'elle constituait un déni de justice, doit être examinée à l'aune de l'art. 5 al. 3 LResp/NE. 
En tant que le recourant soutient que l'art. 5 al. 3 LResp/NE ne s'applique pas en cas d'inaction de l'autorité concernée, c'est-à-dire en cas de retard injustifié à statuer (ce qui n'est pas le cas en l'espèce), il oublie que la présente affaire ne relève pas du contrôle abstrait d'une norme, mais bien d'un cas concret d'application et que le Département de la santé a bel et bien pris une décision, à savoir celle du 3 août 2018 maintenant la suspension de la procédure d'autorisation à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire. 
Au regard de ce qui précède, c'est sans arbitraire que le Tribunal cantonal a jugé que la présente cause relevait de l'art. 5 al. 3 LResp/NE et pas de l'art. 5 al. 1 LResp/NE. 
 
6.  
Dans la mesure où le recourant se plaint d'une violation de l'art. 29 Cst. (cf. supra consid. 5) pour les mêmes motifs que ceux décrits ci-dessus, ce moyen n'a pas de portée propre par rapport au grief portant sur l'application arbitraire du droit cantonal que l'on vient d'examiner. Par conséquent, il tombe à faux. 
 
7.  
L'intéressé estime que l'art. 5 al. 3 LResp/NE, selon lequel les décisions et jugements modifiés après recours n'entraînent la responsabilité de la collectivité publique que s'ils sont arbitraires, a été appliqué de façon arbitraire. 
 
7.1. Il s'agit donc d'examiner si le Tribunal cantonal a appliqué de manière insoutenable la jurisprudence fédérale relative à la notion d'arbitraire (cf. supra consid. 2). Le Tribunal fédéral s'interdit toutefois de restreindre son pouvoir d'examen à l'arbitraire au carré ("Willkür im Quadrat") (cf. ATF 116 III 70 consid. 2b; 112 Ia 350 consid 1; cf. arrêts 2D_2/2021 du 7 octobre 2021 consid. 4.1; 2C_964/2020 du 25 août 2021 consid. 3.1). Il examinera donc librement si les premiers juges ont correctement appliqué la notion d'arbitraire au sens de sa jurisprudence (arrêt 2C_158/2010 susmentionné consid. 2.5).  
 
7.2. De manière générale, la décision de suspension d'une procédure relève du pouvoir d'appréciation du juge saisi; ce dernier procédera à la pesée des intérêts des parties, l'exigence de célérité l'emportant dans les cas limites (ATF 130 V 90 consid. 5; 119 II 386 consid. 1b; arrêt 9C_640/2021 du 15 juin 2022 consid. 3.2). Dans ce cadre le juge possède un large pouvoir d'appréciation. Il y a abus de ce pouvoir lorsque l'autorité, bien que restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui lui est conféré, se laisse guider par des considérations non objectives, étrangères au but visé par les dispositions applicables, ou viole des principes généraux du droit tels l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, la bonne foi ou la proportionnalité (cf. ATF 147 V 194 consid. 4.3; 143 V 369 consid. 5.4.1, III 140 consid. 4.1.3 et les arrêts cités). L'abus du pouvoir d'appréciation peut résulter de l'application arbitraire d'une norme dans une situation donnée. En revanche, n'importe quel abus du pouvoir d'appréciation ne peut d'emblée être qualifié d'arbitraire. D'une manière générale, l'arbitraire est admis moins facilement que la simple violation du pouvoir d'appréciation par le Tribunal fédéral (arrêts 2C_852/2011 du 10 janvier 2012 consid. 4.4; 2C_158/2010 susmentionné consid. 3.3).  
 
7.3. On peine à saisir l'argument du recourant, selon lequel le Tribunal cantonal ne pouvait pas se fonder sur l'arrêt 2C_158/2010 susmentionné. Dans cet arrêt traitant de l'art. 5 LResp/NE, le Tribunal fédéral a indiqué qu'au niveau fédéral le comportement d'un fonctionnaire ou d'un magistrat n'était illicite que lorsque celui-ci violait un devoir essentiel à l'exercice de sa fonction; la jurisprudence exigeait un arbitraire qualifié pour fonder la responsabilité de la Confédération à raison d'un acte juridique illicite annulé ou modifié à la suite d'un recours. Après avoir posé ce cadre, la Cour de céans a jugé que le renvoi de l'art. 5 al. 3 LResp/NE à la notion d'arbitraire, par opposition à la notion de "manifestement arbitraire" au niveau fédéral, n'interdisait nullement au juge neuchâtelois d'appliquer par analogie les principes déduits du droit fédéral, dès lors que ceux-ci étaient plus restrictifs que ce qui valait au niveau cantonal (arrêt 2C_158/2010 susmentionné consid. 3.1). L'avis de doctrine sur lequel se fonde le recourant (cf. FLORENCE AUBRY GIRARDIN, Responsabilité de l'Etat: un aperçu de la jurisprudence du Tribunal fédéral, in: Favre/Martenet/Poltier (éd.), La responsabilité de l'Etat, 2012, p. 113 ss, spéc. 131 ss) va dans le même sens et le Tribunal cantonal pouvait se baser sur la jurisprudence fédérale pour juger la présente cause.  
 
7.4. Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal cantonal, après avoir résumé l'arrêt 2C_158/2010 susmentionné relatif à l'art. 5 LResp/NE, a rappelé la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière d'abus du pouvoir d'appréciation et de responsabilité de la Confédération. Il a souligné que le Département de la santé, dans sa décision du 3 août 2018 maintenant la suspension de la procédure d'autorisation d'exercer à la charge de l'assurance obligatoire de soins jusqu'à droit connu dans la procédure portant sur un éventuel retrait de l'autorisation de pratiquer de l'intéressé, avait procédé à une pesée des intérêts et, dans ce cadre, avait pris en considération certains des intérêts qui devaient l'être pour décider de la suspension. Il en allait ainsi du risque de contradiction entre ces deux procédures, ainsi que du principe d'économie de procédure (qui incitait, à attendre la décision relative au retrait de l'autorisation de pratiquer, la détermination de l'existence d'un besoin de couverture des soins requérant un travail conséquent, quand bien même le Tribunal administratif fédéral avait jugé cet élément comme n'étant pas relevant). Selon les juges précédents, même si le Département de la santé avait abusé de son large pouvoir d'appréciation dans le poids donné à ces éléments, cela ne permettait pas pour autant de qualifier la décision de cette autorité d'arbitraire. Le Tribunal cantonal a aussi mentionné les arguments pris en compte par ledit département que le Tribunal administratif fédéral avait considéré que comme étant dénué de pertinence, à savoir l'art. 55a LAMal "Limitation du nombre de médecins qui fournissent des prestations ambulatoires" (qui n'avait pas pour but la protection de la santé publique mais la maîtrise des coûts de la santé), la diligence du Département de la santé dans la procédure en matière d'autorisation à facturer à la charge de l'assurance obligatoire, ainsi que le comportement du recourant dans cette procédure. Les juges précédents ont en conclu que, bien que le Tribunal administratif fédéral avait jugé qu'en conclusion la décision du 3 août 2018 avait été rendue en violation des principes valables pour une suspension, cela ne permettait pas encore de retenir qu'elle était constitutive d'arbitraire.  
 
Pour sa part, le recourant soulève que le Tribunal cantonal, en se fondant sur l'arrêt 2C_158/2010 susmentionné, a "envisagé d'appliquer" l'arbitraire qualifié, alors que, selon son texte clair, l'art. 5 al. 3 LResp/NE ne prévoirait que le simple arbitraire. En outre, il reprend les arguments cités par le Département de la santé pour suspendre la cause, discute de leur importance et critique celle que leur auraient accordé les juges précédents. 
 
7.5. Comme l'ont retenu à bon droit les juges précédents, si le Tribunal administratif fédéral n'a pas suivi le Département de la santé dans sa pesée des intérêts, il n'était pas insoutenable de considérer qu'il fallait attendre la décision dans la procédure en cours de retrait d'autorisation d'exercer sous sa propre responsabilité avant de se prononcer sur celle de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire. En effet, un retrait de celle-là aurait rendu, à tout le moins temporairement, une décision dans la seconde inutile. De plus, le retrait de l'autorisation de pratiquer se posait par rapport à la facturation à la charge de l'assurance obligatoire des soins effectuée par le recourant en utilisant le code créancier d'un autre médecin. La prise en compte du principe d'économie de la procédure en lien avec le degré de complexité de l'affaire ne peut pas non plus être qualifiée d'arbitraire, puisque selon le Département de la santé l'examen de l'existence d'un besoin de couverture des soins requiert un travail considérable. En outre, le fait que le Tribunal administratif fédéral a estimé que ledit département avait aussi abusé de son pouvoir d'appréciation en tenant compte d'éléments dénués de pertinence, à savoir la motivation en lien avec l'art. 55a LAMal, ainsi que les arguments relatifs au comportement du recourant et à l'absence de retard dû audit département ne rend pas pour autant la décision de l'autorité administrative insoutenable, ainsi que l'a estimé à bon droit le Tribunal cantonal. En effet, n'importe quel abus du pouvoir d'appréciation ne peut d'emblée être qualifié d'arbitraire, l'arbitraire étant admis moins facilement que la simple violation du pouvoir d'appréciation (cf. supra consid. 7.2). Or, si effectivement on ne perçoit pas le bien-fondé de la prise en considération, dans le cadre de la décision de suspension, du comportement du recourant et de la diligence du Département de la santé, ces deux éléments ne suffisent pas à rendre celle-ci arbitraire. Il sied encore de mentionner que, contrairement à ce que soutient le recourant, on ne peut pas prendre la décision de suspension uniquement dans sa globalité pour juger de son caractère ou non arbitraire: il faut examiner quels éléments ont été analysés dans ce cadre. En effet, il ne suffit pas que la décision se révèle arbitraire dans son résultat, il faut également que la motivation de la décision critiquée soit insoutenable (ATF 148 II 106 consid. 4.6.1; 145 II 32 consid. 5.1). En conclusion, c'est à bon droit que le Tribunal cantonal a estimé que la différence d'appréciation du Tribunal administratif fédéral quant à la pertinence des éléments retenus par le Département de la santé pour maintenir la suspension de la procédure d'autorisation de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire, qui a fait conclure au Tribunal administratif fédéral que la suspension n'était pas justifiée, ne permet nullement de qualifier la décision du 3 août 2018 dudit département d'arbitraire; on peut encore moins y voir la manifestation d'un arbitraire qualifié au sens de la jurisprudence du Tribunal fédéral (cf. supra consid 7.3).  
Le grief d'application arbitraire de l'art. 5 al. 3 LResp/NE est rejeté. 
 
8.  
Compte tenu de ce qui précède, le recours est rejeté. 
Succombant, le recourant supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens au canton de Neuchâtel (cf. art. 68 al. 3 LTF), quand bien même il est représenté par un avocat (cf. ATF 134 II 117 consid. 7; arrêts 1C_351/2022 du 20 janvier 2023 consid. 2.3; 2C_561/2018 du 20 février 2019 consid. 5; 2C_192/2015 du 1er août 2015 consid. 5). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'500 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant et à celui de la République et canton de Neuchâtel, à la Commission cantonale de la responsabilité des collectivités publiques (CORESP), ainsi qu'au Département des finances et de la santé et au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public. 
 
 
Lausanne, le 3 août 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente: F. Aubry Girardin 
 
La Greffière: E. Jolidon