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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_129/2023  
 
 
Arrêt du 30 mars 2023  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Hartmann. 
Greffier : M. Rastorfer. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Ange Sankieme Lusanga, 
recourant, 
 
contre  
 
Service de la population du canton du Jura, 
rue du 24-Septembre 1, 2800 Delémont, 
intimé. 
 
Objet 
Détention administrative en vue du renvoi de Suisse, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour administrative, 
du 24 février 2023 (ADM 11/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par décision du 8 avril 2021, le Service de la population du canton du Jura (ci-après: le Service cantonal) a révoqué l'autorisation de séjour de A.________, ressortissant kosovar né en 1987, et a prononcé son renvoi de Suisse. Cette décision est entrée en force. 
Par décision du 27 juin 2022, confirmée sur opposition le 13 octobre 2022, le Service cantonal a rejeté la demande d'autorisation de séjour au titre du regroupement familial déposée par A.________. Cette décision est également entrée en force. 
Le 13 décembre 2022, A.________ a déposé une demande d'asile, qui a été rejetée par décision du 31 janvier 2023 du Secrétariat d'Etat aux migrations. Le recours de l'intéressé auprès du Tribunal administratif fédéral a été déclaré irrecevable le 15 février 2023. 
 
B.  
Par décision du 24 février 2023, le Tribunal cantonal du canton du Jura (ci-après: le Tribunal cantonal) a rejeté le recours que A.________ avait interjeté contre la décision rendue le 18 janvier 2023 par le Tribunal de première instance du canton du Jura, confirmant la prolongation de la détention administrative en vue du renvoi de l'intéressé, initialement ordonnée du 8 décembre 2022 au 5 mars 2023, jusqu'au 2 juin 2023. 
 
C.  
Par courrier daté du 28 février 2023, A.________, agissant par son représentant, forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral contre la décision du 24 février 2023. Il conclut, outre à l'octroi de l'effet suspensif à l'exécution de son renvoi, à l'annulation de la décision attaquée et à sa libération immédiate; subsidiairement, au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il requiert également l'assistance judiciaire et, tout au moins implicitement, la désignation de son représentant en tant qu'avocat d'office. 
Par ordonnances des 1er et 8 mars 2023, la Présidente de la IIe Cour de droit public a notamment rejeté les requêtes de libération immédiate et d'effet suspensif, et a indiqué que la demande d'assistance judiciaire et de nomination d'un défenseur d'office serait traitée avec la décision sur le fond. 
Le Tribunal cantonal conclut au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée. Le Service cantonal dépose des observations et conclut au rejet du recours. Invité à se déterminer, le Secrétariat d'Etat aux migrations n'a pas réagi. Le recourant n'a pas déposé d'observations finales. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
La voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) est en principe ouverte à l'encontre des décisions cantonales en matière de mesures de contrainte (ATF 142 I 135 consid. 1.1.3). Déposé en temps utile (art. 100 LTF) et en la forme prévue (art. 42 LTF), à l'encontre d'une décision finale (art. 90 LTF) rendue par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF), par l'intéressé dont la détention administrative a été prolongée, de sorte qu'il remplit les conditions de l'art. 89 al. 1 LTF, le recours est en principe recevable. 
 
2.  
 
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF). Toutefois, les griefs de violation des droits fondamentaux sont soumis à des exigences de motivation accrue (cf. art. 106 al. 2 LTF). La partie recourante doit indiquer les principes constitutionnels qui n'auraient pas été respectés et expliquer de manière claire et précise en quoi ces principes auraient été violés (ATF 146 I 62 consid. 3; 142 II 369 consid. 2.1). Seuls les griefs répondant à ces exigences seront donc examinés.  
 
2.2. Pour statuer, le Tribunal fédéral se fonde sur les faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'ils n'aient été établis de façon manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst., ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause. Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (cf. ATF 145 V 188 consid. 2).  
 
 
3.  
Le litige revient à se demander si c'est à juste titre que le Tribunal cantonal a confirmé la prolongation de la détention administrative du recourant en vue de son renvoi de Suisse jusqu'au 2 juin 2023. 
 
4.  
Dans un grief formel qu'il convient d'examiner en premier lieu (ATF 141 V 557 consid. 3), le recourant, invoquant les art. 29 Cst. et 6 CEDH, se plaint d'une violation de son droit d'être entendu et du droit à un procès équitable. Pour autant qu'on puisse le comprendre, il semble remettre en cause la notification de la décision du 11 [recte: 18] janvier 2023 du Tribunal de première instance du canton du Jura, en tant que celle-ci n'aurait pas été notifiée à son représentant de choix, Ange Sankieme Lusanga, mais à sa mandataire d'office, et se plaint d'ailleurs que ledit représentant n'ait pas été désigné comme avocat d'office par l'autorité précitée. Il en conclut que la décision du 24 janvier [recte: février] 2023 est "arbitraire" et doit être "annulée pour vice de forme". 
Il est douteux que la motivation du recourant, dont on peut d'ailleurs se demander si elle s'en prend réellement à la décision attaquée, remplit les exigences accrues de motivation imposées par l'art. 106 al. 2 LTF en matière de violation des droits fondamentaux (cf. supra consid. 2.1). Quoi qu'il en soit, on relèvera que, selon l'art. 17 de la loi jurassienne de procédure et de juridiction administrative et constitutionnelle du 30 novembre 1978 (CPA/JU; RS/JU 175.1), ne peuvent agir comme mandataires - et a fortiori comme mandataires d'office - dans les affaires soumises à la Cour administrative du Tribunal cantonal et au juge administratif notamment, que les avocats qui pratiquent le barreau en vertu de la loi concernant la profession d'avocat, ainsi que les mandataires professionnellement qualifiés, dont la liste est établie par la Cour administrative. Or, il ressort des constatations de la décision attaquée, que le recourant ne conteste pas sous l'angle de l'arbitraire et qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF; cf. supra consid. 2.2) que son représentant, Ange Sankieme Lusanga, ne remplit pas ces conditions. Le recourant ne se plaint également pas d'une application arbitraire de l'art. 17 CPA/JU sur ce point (sur le pouvoir de cognition du Tribunal fédéral en matière de violation du droit cantonal et les exigences de motivation à cet égard, cf. ATF 143 I 321 consid. 6.1). En considérant la mandataire d'office du recourant comme sa représentante et en lui notifiant la décision du 18 janvier 2023 plutôt qu'au représentant choisi par l'intéressé, qui ne remplissait par ailleurs pas les conditions pour être lui-même désigné comme avocat d'office, les juges cantonaux n'ont ainsi pas violé les art. 29 Cst. et 6 CEDH.  
 
5.  
Sur le fond, le recourant commence par contester la légalité de son renvoi et invoque à cet égard une violation des art. 2, 3 et 8 CEDH
Cette question ne fait toutefois pas l'objet de la présente procédure, qui porte uniquement sur la légalité de la détention administrative. Le juge de la détention ne peut revoir à titre préjudiciel une décision de renvoi que si celle-ci apparaît manifestement inadmissible, soit parce qu'elle est arbitraire, soit parce qu'elle est nulle (cf. ATF 130 II 56 consid. 2; arrêt 2C_448/2018 du 6 juin 2019 consid. 6.1 et les arrêts cités), ce que le dossier ne laisse pas apparaître et ce que le recourant ne démontre, quoi qu'il en dise, pas non plus. En effet, en tant qu'il semble soutenir que la décision de renvoi le concernant serait nulle, au motif qu'elle n'aurait pas tenu compte de sa demande d'asile, force est de constater que cette dernière a été déposée le 13 décembre 2022, soit plus d'un an et demi après la décision définitive de révocation de l'autorisation de séjour et de renvoi de l'intéressé du 8 avril 2021, de sorte que l'on ne voit pas comment elle aurait pu influer la validité de la décision de renvoi. En tout état de cause, l'intéressé sait parfaitement que sa demande d'asile a été rejetée par décision du 31 janvier 2023 du Secrétariat d'Etat aux migrations, dès lors que le recours interjeté contre celle-ci a été déclaré irrecevable par arrêt du 15 février 2023 du Tribunal administratif fédéral statuant en dernière instance, et qu'à cette occasion il a été jugé que ladite demande ne visait pas à obtenir une protection de la part des autorités suisses mais tendait exclusivement à permettre à l'intéressé de gagner du temps et de prolonger indûment son séjour en Suisse (cf. décision attaquée p. 8). Le grief, qui frise la témérité, doit être rejeté pour autant qu'il soit recevable. 
 
6.  
Invoquant les art. 10, 31 et 36 Cst., ainsi que 80 al. 6 LEI et 5 par. 1 let. f CEDH, le recourant affirme ensuite que l'exécution de son renvoi vers son pays d'origine est impossible. 
 
6.1. La détention administrative doit être levée si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). Dans ce cas, elle ne peut, en effet, plus être justifiée par une procédure d'éloignement en cours; de plus, elle est contraire à l'art. 5 par. 1 let. f CEDH (cf. ATF 130 II 56 consid. 4.1.1). Les raisons juridiques ou matérielles doivent être importantes, l'exécution du renvoi devant être qualifiée d'impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus. Tel est par exemple le cas d'un détenu présentant des atteintes à sa santé si importantes, que celles-ci rendent impossible son transport pendant une longue période (arrêt 2C_560/2021 du 3 août 2021 consid. 7.1 et l'arrêt cité). Sous l'angle de l'art. 80 al. 6 let. a LEI, la détention ne doit être levée que si la possibilité de procéder au renvoi est inexistante ou hautement improbable et purement théorique, mais pas s'il y a une chance sérieuse, bien que mince, d'y procéder (cf. ATF 130 II 56 consid. 4.1.3; arrêt 2C_468/2022 du 7 juillet 2022 consid. 4.1 et les arrêts cités).  
 
6.2. Le recourant se prévaut tout d'abord de son mariage, célébré en 2018 avec une ressortissante suisse, en tant que raison juridique à l'impossibilité de l'exécution de son renvoi. On ne voit manifestement pas pourquoi cela serait le cas, et le recourant ne le démontre pas non plus, étant rappelé que l'intéressé a, après la décision du 8 avril 2021 prononçant son renvoi, formé une demande de regroupement familial rejetée par décision du 27 juin 2022 et confirmée sur opposition le 13 octobre 2022 (cf. supra consid. A). Ces deux décisions ont été rendues alors que le recourant était déjà marié. Le grief revient en réalité à s'en prendre à la légalité de ces décisions, ce qui, comme on l'a vu, sort de l'objet du litige (cf. supra 4). Il n'en sera donc pas tenu compte.  
 
6.3. Le recourant prétend ensuite que l'exécution de son renvoi dans son pays d'origine serait impossible en raison de l'absence d'un accord de réadmission entre la Suisse et le Kosovo, ainsi que du manque de vols spéciaux à destination de ce dernier pays.  
Or, non seulement un accord de réadmission entre la Suisse et le Kosovo, conclu le 3 février 2010 et entré en vigueur le 1er juin 2010 (RS 0.142.114.759) existe, mais un tel accord ne constitue quoi qu'il en soit pas une condition pour un renvoi forcé vers un pays donné, celui-ci pouvant être organisé au cas par cas avec le pays concerné (art. 5 de l'ordonnance fédérale du 11 août 1999 sur l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers [OERE; RS 142.281]). Quant à la question de savoir si des vols spéciaux à destination du Kosovo sont organisés, aucun élément ne permet de retenir que tel ne serait pas le cas selon la décision attaquée. Son argumentation appellatoire est partant irrecevable (cf. supra consid. 2.2). Il ressort au demeurant de la décision attaquée que l'intéressé a refusé de prendre en vol ordinaire vers le Kosovo en décembre 2022, ce qui indique que la navigation aérienne en lien avec ce pays semble ouverte. 
 
6.4. Au regard des éléments qui précèdent, le grief portant sur l'impossibilité de l'exécution du renvoi doit être écarté.  
 
7.  
Le recourant se plaint enfin d'une violation du principe de la proportionnalité, en ce qu'il considère que des mesures moins incisives que la détention en vue du renvoi auraient pu être prises. Il se réfère à cet égard aux art. 64e et 74 LEI
 
7.1. La mise en détention administrative du recourant repose sur l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI, qui prévoit qu'après la notification d'une décision de renvoi, l'autorité peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée si des éléments concrets font craindre qu'elle entende se soustraire au renvoi, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (ch. 3) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (ch. 4). Selon la jurisprudence, ces motifs sont réalisés en particulier lorsque l'étranger laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine. Comme le prévoit l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI, il faut qu'il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 et les arrêts cités).  
 
7.2. Il ressort des constatations non arbitraires de la décision attaquée, qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), que le recourant fait l'objet d'une décision de renvoi entrée en force qu'il n'a pas respectée, qu'il a en outre déclaré ne pas être d'accord de partir au Kosovo, qu'il n'a pris aucune mesure en vue d'organiser son départ de Suisse, qu'il a refusé de prendre un vol ordinaire en décembre 2022 à destination du Kosovo et qu'il a multiplié les démarches dilatoires afin de prolonger indûment son séjour en Suisse. Dans ces circonstances, les conditions posées à la détention administrative fondée sur l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI sont manifestement réunies.  
 
7.3. Le maintien en détention du recourant n'apparaît pas non plus contraire au principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst.; cf., à ce sujet, ATF 130 II 56 consid. 4.1.3 et les arrêts cités). D'une part, la durée de détention maximale de l'intéressé, y compris en tenant compte de la prolongation de celle-ci jusqu'au 2 juin 2023, n'atteint pas les six mois prescrits par l'art. 79 LEI et d'autre part, au regard de la véhémence croissante du recourant à s'opposer à son renvoi, on ne saurait, bien qu'il affirme le contraire, faire grief aux juges précédents de ne pas avoir remplacé la détention en vue du renvoi par une mesure moins incisive, notamment une assignation d'un lieu de résidence selon l'art. 74 LEI ou encore une obligation de se présenter régulièrement à une autorité ou de déposer des documents de voyage au sens de l'art. 64e let. a et c LEI. Il ne faut enfin pas perdre de vue qu'il suffirait au recourant de changer de comportement et d'accepter de monter dans un vol de retour pour son pays d'origine, dont rien ne permet d'indiquer que son organisation ne serait pas possible dans un délai raisonnable, pour mettre fin à la mesure de privation de liberté qu'il conteste.  
 
8.  
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. 
Le recours étant d'emblée dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire est rejetée (art. 64 al. 1 LTF), étant précisé que le représentant du recourant, qui n'est pas avocat (cf. supra consid. 4), n'aurait de toute façon pas pu être désigné comme avocat d'office. Succombant, le recourant supportera des frais judiciaires réduits (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au représentant du recourant, au Service de la population et au Tribunal cantonal du canton du Jura, Cour administrative, ainsi qu'au Secrétariat d'Etat aux migrations. 
 
 
Lausanne, le 30 mars 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
Le Greffier : H. Rastorfer