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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_856/2021  
 
 
Arrêt du 27 septembre 2023  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz, Hänni, 
Hartmann et Ryter. 
Greffière : Mme Jolidon. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me François Bellanger, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
1. Association B.________, 
représenté par Me Serge Fasel, avocat, 
2. Commission foncière agricole du canton 
de Genève, 
c/o AgriGenève, rue des Sablières 15, 1242 Satigny, 
intimés. 
 
Objet 
Droit foncier rural, révocation de l'autorisation d'acquérir, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de 
la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 21 septembre 2021 (ATA/9672021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ a, par acte notarié du 13 décembre 2011, acheté les parcelles nos xxxx et yyyy de la commune de U.________ et situées en zone agricole au prix de 109'584 fr., à l'Association B.________ (ci-après: l'Association). La Commission foncière agricole de la République et canton de Genève (ci-après: la Commission foncière agricole) avait autorisé cette vente, le 18 octobre 2011, dès lors que A.________ était exploitant à titre personnel et que le prix convenu n'était pas surfait. 
Par décision du 12 janvier 2021, la Commission foncière agricole a révoqué l'autorisation d'acquérir ces bien-fonds, délivrée à A.________ le 18 octobre 2011, et communiqué sa décision au registre foncier. L'intéressé avait fait valoir sa qualité d'exploitant à titre personnel pour obtenir cette autorisation, alors qu'il n'avait jamais eu l'intention de les exploiter et, de fait, ne l'avait jamais fait. 
A.________ a attaqué cette décision, par recours du 8 mars 2021 devant la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice). 
Parallèlement à cette procédure de révocation, la Commission foncière agricole a, le 11 mai 2021, ordonné la rectification du registre foncier, à savoir la réinscription de l'Association en tant que propriétaire des deux parcelles litigieuses. A.________ a recouru contre cette décision devant la Cour de justice, le 14 juin 2021; il requérait la jonction de cette procédure avec celle concernant la révocation de l'autorisation d'acquérir. 
 
B.  
 
B.a. La Cour de justice a, en date du 31 août 2021, rejeté le recours de A.________ à l'encontre de la décision de révocation de l'autorisation d'acquérir du 12 janvier 2021 de la Commission foncière. L'intéressé a attaqué cet arrêt devant le Tribunal fédéral (cause 2C_783/2021).  
 
B.b. Par arrêt du 21 septembre 2021, la Cour de justice a rejeté le recours de A.________ attaquant la décision du 11 mai 2021 relative à la rectification du registre foncier. Après avoir refusé de joindre les deux causes, elle a en substance rappelé que, si la rectification du registre foncier était exclue lorsqu'elle lèse des droits de tiers de bonne foi, en l'espèce aucune des parties ne pouvait être considérée comme un tiers de bonne foi; cela valait également pour l'Association; par conséquent, c'était à bon droit que la Commission foncière agricole avait "communiqué sa décision" du 12 janvier 2021 de révoquer l'autorisation d'acquérir au registre foncier; l'ordre litigieux du 11 mai 2021 de rectifier ce registre n'était que la conséquence de la décision de révocation du 12 janvier 2021.  
 
C.  
 
C.a. Agissant par la voie du recours en matière de droit public à l'encontre de l'arrêt du 21 septembre 2021 de la Cour de justice, A.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'ordonner la suspension de la procédure jusqu'à droit connu dans la cause 2C_783/2021, d'annuler l'arrêt attaqué, ainsi que la décision du 11 mai 2021 de la Commission foncière agricole ordonnant la rectification du registre foncier tendant à la réinscription de l'Association en tant que propriétaire des parcelles litigieuses, subsidiairement, de l'amener à rapporter par toutes voies de droit la preuve des faits invoqués à l'appui de son écriture.  
Le Président de la IIe Cour de droit public a, par ordonnance du 23 novembre 2021, prononcé la suspension de la présente cause, jusqu'à droit connu dans la cause (cause 2C_783/2021). 
 
C.b. Par arrêt du 7 septembre 2022, le Tribunal fédéral a rejeté le recours de A.________ à l'encontre de l'arrêt du 31 août 2021 de la Cour de justice portant sur la révocation de l'autorisation d'acquérir (cause 2C_783/2021). La position des autorités précédentes était conforme au droit, car l'intéressé avait fourni de fausses informations à la Commission foncière agricole dans sa demande d'autorisation d'acquérir les parcelles en cause, à savoir qu'il entendait cultiver les parcelles convoitées; non seulement il n'avait jamais cultivé les biens-fonds qu'il avait achetés mais il n'avait jamais eu l'intention de le faire; de plus, il avait donné ces fausses informations dans le but d'obtenir l'autorisation qui lui aurait été sinon refusée.  
 
C.c. Le juge instructeur a, dans une ordonnance du 10 novembre 2022, décidé de la reprise de la procédure dans la présente affaire.  
Après avoir reçu les observations de la Commission foncière agricole, qui concluait au rejet du recours, et pris connaissance de l'arrêt du 7 septembre 2022 du Tribunal fédéral, A.________ a déclaré maintenir son recours et a persisté dans ses conclusions. L'Association conclut au rejet du recours. La Commission foncière a précisé ses précédentes observations. L'Office fédéral de la justice a fait savoir qu'il soutenait l'arrêt attaqué. A.________ s'est encore prononcé par écriture du 20 mars 2023. 
 
 
Considérant en droit :  
 
 
1.  
 
1.1. Le recours en matière de droit public a été déposé en temps utile (art. 100 LTF) et en la forme prévue (art. 42 LTF) à l'encontre d'un arrêt final (art. 90 LTF) rendu, dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF), par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). La cause traite de la réinscription de l'Association en tant que propriétaire des parcelles litigieuses en lieu et place de l'intéressé, qui détient en conséquence la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF). Le recours est ainsi recevable.  
 
1.2. Toutefois, la conclusion tendant à l'annulation de la décision du 11 mai 2021 de la Commission foncière agricole est irrecevable. En effet, en raison de l'effet dévolutif complet du recours auprès de la Cour de justice (art. 67 et 69 de la loi genevoise du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative [LPA; RS/GE E 5 10]), l'arrêt de cette autorité se substitue aux prononcés antérieurs (ATF 136 II 539 consid. 1.2).  
 
2.  
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF). Sauf dans les cas cités expressément à l'art. 95 LTF, le recours devant le Tribunal fédéral ne peut en revanche pas être formé pour violation du droit cantonal en tant que tel. Il est néanmoins possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à d'autres droits constitutionnels (ATF 145 I 108 consid. 4.4.1 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral n'examine toutefois le moyen tiré de la violation d'une norme de rang constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; cf. ATF 142 V 577 consid. 3.2). 
Le Tribunal fédéral procède en se fondant sur les faits constatés par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces faits n'aient été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente (cf. art. 97 al. 1 LTF) doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées (art. 106 al. 2 LTF) et la correction du vice susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (arrêt 1C_46/2023 du 14 août 2023 consid. 3.1). 
 
3.  
Le litige porte sur l'ordre de rectifier le registre foncier prononcé à la suite de la révocation de l'autorisation d'acquérir les parcelles nos xxxx et yyyy de la commune de U.________ octroyée au recourant, celui-ci ayant fourni de fausses informations dans le but de d'obtenir cette autorisation (cause 2C_783/2021). 
 
4.  
 
4.1. Le recourant prétend que la prescription de l'art. 72 al. 3 LDFR relative à la rectification du registre foncier est atteinte, plus de dix ans s'étant écoulés depuis l'inscription de l'acte de vente. Selon lui, une rectification du registre foncier ne pourrait intervenir qu'en présence d'un acte juridique nul, ce qui impliquerait que la décision de révocation de l'autorisation d'acquérir soit entrée en force. Avant cette entrée en force, le registre foncier ne pourrait pas être rectifié.  
 
4.2. L'art. 70 de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur le droit foncier rural (LDFR; RS 211.412.11) "Actes juridiques nuls" prévoit que les actes juridiques qui contreviennent aux interdictions de partage matériel, de morcellement des immeubles (art. 58 LDFR) ou aux dispositions en matière d'acquisition des entreprises et des immeubles agricoles (art. 61 à 69 LDFR) ou qui visent à les éluder sont nuls.  
Selon l'art. 71 LDFR "Révocation de l'autorisation", l'autorité compétente en matière d'autorisation révoque sa décision lorsque l'acquéreur l'a obtenue en fournissant de fausses indications (al. 1); la décision n'est plus révocable lorsque dix ans se sont écoulés depuis l'inscription de l'acte juridique au registre foncier (al. 2). 
L'art. 72 LDFR "Rectification du registre foncier" dispose: 
 
"1 Si l'inscription au registre foncier repose sur un acte nul, l'autorité compétente en matière d'autorisation ordonne la rectification du registre foncier après avoir révoqué l'autorisation (art. 71 LDFR). 
 
2 Si le conservateur du registre foncier apprend ultérieurement qu'un acte est assujetti à autorisation, il en informe l'autorité compétente en matière d'autorisation. 
 
3 La rectification du registre foncier prévue à l'al. 1 est exclue lorsque dix ans se sont écoulés depuis l'inscription de l'acte au registre foncier. 
 
4 (...) " 
 
 
4.3. Il apparaît, à la lecture des art. 71 al. 2 LDFR et 72 al. 3 LDFR, que l'application de ces deux dispositions doit être coordonnée. En effet, selon leur lettre, une décision de révocation d'une autorisation intervenue dans le délai de dix ans dès l'inscription de l'acte juridique au registre foncier (cf. art. 71 al. 2 LDFR) pourrait ne plus, passé ce délai, faire l'objet d'une transcription au registre foncier (cf. art. 72 al. 3 LDFR). Tel serait le cas dans l'hypothèse où, comme en l'espèce, l'ordre de rectification du registre foncier est donné postérieurement (et pas simultanément) à la décision de révocation de l'autorisation. Il va de soi qu'une situation donnant lieu à une telle insécurité juridique n'est pas souhaitable.  
 
4.4. Il convient d'examiner l'histoire de ces dispositions, afin de les interpréter.  
 
4.4.1. Le système prévu dans le projet du Conseil fédéral n'était pas celui de l'autorisation d'acquérir (cf. art. 61 LDFR), mais celui de l'opposition par l'autorité compétente à une acquisition prévue d'un immeuble ou d'une entreprise agricole (Message du 19 octobre 1988 à l'appui des projets de loi fédérale sur le droit foncier rural [LDFR] et de loi fédérale sur la révision partielle du code civil [droits réels immobiliers] et du code des obligations [vente d'immeubles] [FF 1988 III 972 ch. 223.3]; ci-après: le Message). Le passage d'un système à l'autre (procédure d'opposition à procédure d'autorisation) a été opéré lors de la phase parlementaire. La notion d'autorisation était toutefois déjà présente dans le projet initial (FF 1988 III 1063) et l'obtention d'une telle décision était nécessaire dans certains cas (exceptions aux interdictions de partage matériel et de morcellement, partage d'une entreprise agricole dans le cadre d'une succession, etc. [art. 61 du projet]).  
Le Message précise, en ce qui concerne l'art. 70 LDFR "Actes juridiques nuls" (art. 74 LDFR du projet), que les actes juridiques qui contreviennent aux interdictions de partage matériel, de morcellement ou d'enchères volontaires sont nuls. Ils ne produisent aucun effet juridique même si la nullité n'est constatée qu'ultérieurement (FF 1988 III 981). 
En relation avec l'art. 71 LDFR (art. 75 LDFR du projet) "Révocation de l'autorisation", le Message mentionne que, selon les principes généraux non écrits du droit administratif sur la stabilité juridique des décisions, une autorité administrative peut revenir sur sa décision lorsqu'il s'avère que celle-ci a été obtenue par de fausses indications. Pour des raisons de sécurité du droit, la possibilité de corriger la décision est limitée à dix ans à compter de l'inscription de l'acte juridique au registre foncier, ce délai correspondant à celui de la prescription ordinaire en cas d'inscription d'un immeuble au registre foncier sans cause légitime (art. 661 CC) (FF 1988 III 981). 
L'art. 72 al. 1 LDFR "Rectification du registre foncier" (art. 78 al. 1 LDFR du projet) avait la teneur suivante: 
 
"Si l'inscription au registre foncier repose sur un acte nul et si celui-ci ne peut être autorisé ultérieurement, l'autorité compétente en matière d'autorisation ordonne la rectification du registre foncier". 
 
D'après le Message, cette disposition règle la procédure à suivre lorsqu'une acquisition a été inscrite à tort au registre foncier, que ce soit par inadvertance ou parce que les données sur le caractère de l'immeuble ne ressortaient pas de manière suffisamment précise des mentions et documents. Il précise que le 1er alinéa concerne les actes juridiques nuls en rapport avec la procédure d'autorisation (FF 1988 III 982 ss). 
 
4.4.2. La phase parlementaire a eu les conséquences suivantes.  
Le passage du système de l'opposition à celui de l'autorisation d'acquérir a induit la suppression de la disposition relative à l'invalidité des actes juridiques (art. 76 LDFR du projet), qui était la conséquence de l'admission d'une opposition, et la modification de l'art. 70 LDFR (art. 74 LDFR du projet) en ce sens que sont dorénavant nuls, non seulement les actes juridiques qui contreviennent aux interdictions de partage matériel et de morcellement des immeubles (art. 58 LDFR), mais également ceux qui contreviennent aux dispositions en matière d'acquisition des entreprises et des immeubles agricoles (art. 61 à 69 LDFR), ainsi que ceux qui visent à éluder ces dispositions. 
L'art. 72 al. 1 LDFR "Rectification du registre foncier" (art. 78 al. 1 LDFR du projet) a été modifié avec l'adjonction "après avoir révoqué l'autorisation (art. 71) " et un délai de dix ans pour procéder à la rectification du registre foncier en cas d'inscription d'un acte nul a été introduit à l'art. 72 al. 3 LDFR (cf. supra consid. 4.2 et 4.4.1). 
En ce qui concerne la prescription, le projet ne contenait que celle relative à la révocation de l'autorisation de l'art. 71 al. 2 LDFR. Il présentait une lacune dans la mesure où il ne mentionnait pas de délai de prescription respectivement de péremption pour la rectification du registre foncier en lien avec les actes nuls. Le délai de dix ans de l'art. 72 al. 3 LDFR n'est apparu que dans le cadre de la phase parlementaire. Lors de son introduction, la commission compétente n'a fourni aucune explication ("Hier beantragt die Kommission verfahrensrechtliche Modifikationen und Anpassungen. Die Kommission empfiehlt Ihnen einstimmig, dem neu vorgeschlagenen Text zuzustimmen. Es würde zu weit führen, wenn ich die Gründe dafür hier explizieren würde. Ich bitte Sie, dem Kommissionsantrag zuzustimmen" [BO 1990 CE 687; cf. aussi BO 1991 CN 149]). Ce délai est le même que celui qui avait déjà été fixé dans le projet du Conseil fédéral pour la révocation d'une autorisation. 
 
4.5. Au regard du système mis en place, on constate ce qui suit. Les actes mentionnés à l'art. 70 LDFR "Actes juridiques nuls" sont des actes interdits ou soumis à autorisation (le partage matériel et le morcellement d'immeubles sont interdits ou alors peuvent exceptionnellement être autorisés et les acquisitions d'entreprises ou d'immeubles agricoles doivent être autorisées). L'acte juridique nul est celui qui contrevient à une interdiction légale. L'objet de la nullité au sens de cette disposition est l'acte juridique de droit privé (et pas l'autorisation). Dès lors qu'un acte est nul, il ne peut pas être inscrit au registre foncier. Dans la mesure où il y a tout de même été inscrit, à tort, le registre foncier doit être rectifié en application de l'art. 72 al. 1 LDFR. En ce qui concerne les actes soumis à autorisation, la nullité touche ceux pour lesquels l'autorisation requise a été refusée: le refus est la conséquence de la constatation que l'acte juridique en cause viole le droit foncier rural (BEAT STALDER, in Das bäuerliche Bodenrecht, 2e éd., 2001, nos 1-3 ad art. 70 LDFR) et ce refus les rend nuls (cf. arrêts 2C_20/2021 du 19 novembre 2021 consid. 4.2; 4A_260/2018 du 28 novembre 2018 consid. 2.2.2; 2C_39/2013 du 10 janvier 2014 consid. 6.3). En revanche, la nullité d'un acte ne touche pas celui pour lequel une autorisation a été accordée: une telle autorisation ne peut être révoquée qu'aux conditions de l'art. 71 LDFR, à savoir lorsqu'elle a été obtenue par de fausses indications (BEAT STALDER, op. cit., n° 6 ad art. 70 LDFR). Dans ce cas, la cause de la révocation n'est pas un acte nul mais les fausses informations fournies.  
L'art. 72 al. 1 LDFR "Rectification du registre foncier", tel que modifié lors de la phase parlementaire, porte à confusion. Dans le projet, son al. 1 faisait référence uniquement à la rectification due à un acte juridique nul, c'est-à-dire l'acte juridique de droit privé qui ne devait pas être inscrit au registre foncier et qui l'avait été à tort. Il ne mentionnait rien en relation avec la rectification résultant de la révocation d'une autorisation. L'ajout des termes "après avoir révoqué l'autorisation" (cf. supra consid. 4.4.2) avait certainement pour but de donner une base légale expresse à l'ordre de rectification du registre foncier émanant de l'autorité administrative qui a révoqué l'autorisation (cf., sur cette problématique, SCHMID-TSCHIRREN/STALDER, in Das bäuerliche Bodenrecht, 2e éd., 2001, n° 3 ad art. 72 LDFR) et c'est ainsi qu'il faut l'interpréter: la révocation de l'autorisation à la suite de sa captation par de fausses informations entraîne la rectification du registre foncier sur la base de l'art. 72 al. 1 LDFR (SCHMID-TSCHIRREN/ STALDER, op. cit., n° 5 ad art. 72 LDFR). En tant qu'il mentionne l'inscription reposant sur un acte nul, l'art. 72 al. 1 LDFR ne concerne, comme susmentionné, que les actes juridiques nuls qui ont été inscrits à tort ou par inadvertance au registre foncier, malgré le refus d'autorisation ou à la suite d'un acte élusif (SCHMID-TSCHIRREN/STALDER, op. cit., n° 4 ad 72 LDFR). De même, la prescription respectivement la péremption de l'art. 72 al. 3 LDFR ne vaut que pour ces actes juridiques (BEAT STALDER, op. cit., n° 10 ad art. 70 LDFR). Le Message démontre d'ailleurs que l'art. 72 LDFR ne visait pas les cas de révocation d'autorisation pour fausses indications, puisqu'il mentionne les inscriptions effectuées à tort à cause de données imprécises ou par inadvertance.  
Les actes pour lesquels une autorisation a été accordée tombent, pour leur part, sous le coup de l'art. 71 LDFR ("1 L'autorité compétente en matière d'autorisation révoque sa décision lorsque l'acquéreur l'a obtenue en fournissant de fausses indications. 2 La décision n'est plus révocable lorsque dix ans se sont écoulés depuis l'inscription de l'acte juridique au registre foncier."). Dans ce cas, l'autorisation ne peut être révoquée, dans le délai de dix ans depuis l'inscription de l'acte juridique au registre foncier, que si des fausses informations ont été données (si une autorisation a été délivrée à tort sans qu'il y ait captation au sens de l'art. 71 LDFR, elle ne peut pas être révoquée et l'acte juridique reste inscrit au registre foncier). Si ce délai a été respecté, la révocation donne lieu, comme susmentionné, à une rectification du registre foncier sur la base de l'art. 72 al. 1 LDFR. Le délai de l'art. 72 al. 3 LDFR ne s'applique pas dans une telle situation, compte tenu du fait qu'il ne vaut que pour l'inscription reposant sur un acte nul. Cette interprétation correspond à ce qui avait été prévu dans le projet du Conseil fédéral et permet d'éviter l'insécurité juridique susmentionnée. 
 
4.6. L'interprétation et la coordination des art. 71 al. 2 et 72 al. 3 LDFR doivent également être opérées à l'aune de l'art. 661 CC. En effet, le Message, dans le commentaire de l'art. 71 LDFR "Révocation de l'autorisation", fait référence à cette disposition de droit privé (cf. supra consid. 4.4.1; FF 1988 III 981). D'après celle-ci, les droits de celui qui a été inscrit sans cause légitime au registre foncier comme propriétaire d'un immeuble ne peuvent plus être contestés lorsqu'il a possédé l'immeuble de bonne foi, sans interruption et paisiblement pendant dix ans.  
On ne saurait considérer que l'art. 72 al. 3 LDFR accorde une protection plus importante que celle du droit civil. Il s'ensuit que la possible différence d'échéance des délais des art. 71 al. 2 et 72 al. 3 LDFR, découlant du fait que l'ordre de rectification du registre foncier est donné postérieurement (et non pas simultanément) à la décision de révocation de l'autorisation, ne peut pas avoir pour conséquence de protéger le possesseur de mauvaise foi, c'est-à-dire en l'espèce la personne qui a obtenu une autorisation en fournissant de fausses indications. En conséquence, l'interprétation systématique corrobore l'interprétation historique: elle aboutit à juger que, à la suite de la révocation d'une autorisation effectuée dans le délai de dix ans de l'art. 71 al. 2 LDFR, le registre foncier doit pouvoir être rectifié (cf. art. 72 al. 1 LDFR), quand bien même l'ordre y relatif serait postérieur à l'échéance du délai de l'art. 72 al. 3 LDFR
 
4.7. En l'espèce, la Commission foncière agricole a, par décision du 12 janvier 2021, révoqué l'autorisation d'acquérir les immeubles octroyée au recourant en raison des informations erronées fournies par celui-ci. Le 11 mai 2021, elle a ordonné la rectification du registre foncier. Dès lors qu'il s'agit d'un cas de révocation d'autorisation, seul s'applique le délai de l'art. 71 al. 2 LDFR, à l'exclusion de l'art. 72 al. 3 LDFR. Le grief relatif à la violation de l'art. 72 al. 3 LDFR est donc mal fondé.  
 
5.  
 
5.1. D'après le recourant, les juges précédents ont violé l'art. 70 LDFR. Il souligne que la décision du 12 janvier 2021 de la Commission foncière révoquant l'autorisation d'acquérir les parcelles litigieuses fait l'objet d'une procédure de recours pendante devant le Tribunal fédéral et qu'une demande d'effet suspensif a été déposée. Il en conclut que "l'autorisation d'acquérir n'a pas été annulée à ce jour, de sorte que le contrat de vente conclu le 13 décembre 2011 entre l'Association et [lui-même] ne peut pas être qualifié de nul. [...] Partant, l'arrêt attaqué viole l'art. 70 LDFR".  
 
5.2. Dans la mesure où l'arrêt du Tribunal fédéral confirmant la révocation de l'autorisation d'acquérir les biens-fonds en cause est entré en force (cause 2C_738/2021), on peut se demander si le grief a encore un objet. Cela étant, comme on l'a vu ci-dessus (cf. supra consid. 4.5), l'art. 70 LDFR ne concerne que les actes juridiques qui ont fait l'objet d'un refus d'autorisation et les actes juridiques qui visent à éluder les interdictions de partage matériel, de morcellement des immeubles ou les dispositions en matière d'acquisition des entreprises et des immeubles agricoles. Les actes juridiques qui ont fait l'objet d'une autorisation ne tombent pas sous le coup de l'art. 70 LDFR mais de l'art. 71 LDFR qui permet la révocation pour fausses informations. En présence d'un tel comportement dolosif, la Commission foncière agricole révoque l'autorisation d'acquérir mais elle ne se prononce pas sur la nullité du contrat. En l'espèce, ladite commission a constaté que le recourant avait obtenu une autorisation d'acquérir les immeubles agricoles litigieux, en prétendant faussement qu'il allait exploiter les biens-fonds en cause, ce qui a induit la révocation de l'autorisation d'acquérir (cf. arrêt 2C_783/2021 du 7 septembre 2022 consid. 6). Ainsi, le grief relatif à la violation de l'art. 70 LDFR tombe à faux, cette disposition ne s'appliquant que si l'autorisation a été refusée, ce qui n'est pas le cas dans la présente cause.  
 
6.  
 
6.1. Selon le recourant, la Cour de justice n'a pas respecté le "principe de coordination", d'une part, en n'attendant pas, avant de rendre l'arrêt attaqué ayant trait à la rectification du registre foncier, que son arrêt du 31 août 2021 confirmant la révocation de l'autorisation d'acquérir, entre en force et, d'autre part, en refusant de joindre les deux causes. Cette façon de procéder l'aurait contraint à déposer le présent recours, afin d'éviter que l'arrêt attaqué n'entre en force, alors que la procédure parallèle portant sur la validité de la révocation de l'autorisation d'acquérir est encore pendante devant le Tribunal de céans.  
 
6.2. Le principe de coordination trouve application, le cas échéant, lorsque des autorités différentes doivent rendre des décisions dans des procédures également différentes. En droit foncier rural, tel est par exemple le cas de l'art. 4a ODFR (cf. SJ 2023 136, 2C_458/2021 consid. 4) qui impose, dans le cadre de certains types de procédure (dérogation à l'interdiction de partage matériel ou de morcellement, etc.), que l'autorité compétente en matière d'autorisation au sens de la loi sur le droit foncier rural ne se prononce que s'il existe une décision exécutoire fondée sur le droit de l'aménagement du territoire et constatant la légalité de l'affectation de la construction ou de l'installation. Or, en l'espèce, les décisions de révocation de l'autorisation d'acquérir et de rectification du registre foncier émanent de la même autorité. De plus, le recourant n'invoque aucune disposition légale qui imposerait de coordonner ces deux décisions. Quant à la jonction des causes devant la Cour de justice, il s'agit-là d'un point relevant de la loi de procédure administrative genevoise applicable devant cette autorité et le recourant ne se plaint pas de l'application arbitraire du droit cantonal, pas plus qu'il ne cite une disposition de ce droit (cf. supra consid. 2). En conséquence, le grief est rejeté.  
 
7.  
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). L'Association B.________ a droit à des dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Une indemnité de 3'000 fr., à payer à l'Association B.________ à titre de dépens, est mise à la charge du recourant. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant et à celui de l'Association B.________, à la Commission foncière agricole et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, ainsi qu'à l'Office fédéral de la justice. 
 
 
Lausanne, le 27 septembre 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente: F. Aubry Girardin 
 
La Greffière: E. Jolidon