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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
2C_1108/2013  
   
   
 
 
 
Arrêt du 17 juillet 2014  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Zünd, Président, 
Aubry Girardin et Donzallaz. 
Greffière : Mme Jolidon. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Jean-Daniel Kramer, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Etablissement cantonal d'assurance  
et de prévention, 
intimé, 
 
Chambre d'assurance immobilière.  
 
Objet 
Refus d'indemnité, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, 
Cour de droit public, du 24 octobre 2013. 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
 A.________ est propriétaire d'un hangar à tourbe sis sur l'article yyy du cadastre de U.________. Cet immeuble est assuré auprès de l'Etablissement cantonal d'assurance et de prévention du canton de Neuchâtel (ci-après: l'Etablissement cantonal ou l'assureur) pour une valeur à neuf de 153'504 fr. 
 
 Le 7 mars 2009, ce bâtiment s'est partiellement effondré. Dans la déclaration de sinistre du 17 mars 2009, A.________ a indiqué que cet événement avait été causé par un glissement ou le poids de la neige sur le toit. Elle précisait qu'une semaine auparavant, elle avait déblayé les toits des immeubles se trouvant sur sa propriété et avait estimé que celui du hangar n'était pas trop enneigé. 
 
 A.________ a fourni à l'Etablissement cantonal un devis du 16 avril 2009 relatif à la reconstruction du bien se montant à 93'249 fr. Relevant que, durant la période considérée, seuls des édifices ayant présenté des faiblesses en rapport avec leur âge ou leur conception avaient été endommagés, l'assureur a proposé, en date du 15 mai 2009, d'indemniser l'intéressée à hauteur de 80'000.- fr., ainsi que de prendre en charge les frais de déblais jusqu'à 8'000.- fr. au maximum. A.________ a refusé au motif que le coût des travaux serait finalement plus élevé que prévu, la commune de U.________ interdisant la construction de nouveaux bâtiments à un seul pan de toit. Sur la base d'un nouveau devis s'élevant à 126'000 fr., A.________ a demandé à être indemnisée à hauteur de 85 % du dommage, ce qui correspondait au pourcentage proposé par l'Etablissement cantonal pour le premier devis. Elle a donc requis le versement de 107'100 fr., augmentés de 8'000 fr. pour les frais de déblais. Par courrier du 27 avril 2010, l'assureur a confirmé sa prise de position du 15 mai 2009. Il a considéré que la vétusté du hangar avait très largement contribué au dommage; il acceptait néanmoins d'entrer en matière sur une indemnisation équivalent environ au 50 % de la valeur à neuf du hangar, soit 80'000 fr., en précisant que cette somme ne correspondait pas à un pourcentage du devis de reconstruction initial, mais à une indemnité maximale. 
 
 A.________ émettant une nouvelle prétention, l'Etablissement cantonal a mandaté B.________, afin de procéder à une expertise. Selon le rapport du 28 mai 2010, établi par C.________, ingénieur HES en construction bois, le sinistre du 7 mars 2009 était consécutif à des défauts de construction, respectivement au non-respect des règles de l'art de construire, ainsi qu'à un manque d'entretien malgré des signes précurseurs. L'assureur, par courriers des 17 juin et 24 septembre 2010, a alors exclu toute indemnisation, concluant que le dommage subi n'était pas dû aux éléments naturels. 
 
B.   
La Chambre d'assurance immobilière a, par décision du 29 août 2012, confirmé le refus de l'Etablissement cantonal. Elle avait au préalable requis une nouvelle expertise de D.________, ingénieur civil EPFL-SIA du bureau E.________ SA, dont le rapport du 21 octobre 2011 et le complément du 21 mars 2012 confirmaient en grande partie les conclusions de l'expertise précédente et concluaient à des défauts de construction. 
 
 Par arrêt du 24 octobre 2013, le Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel a rejeté le recours de A.________. Après avoir constaté que le droit d'être entendu de l'intéressée n'avait pas été violé, cette autorité a estimé que le dommage litigieux, dû selon les experts à une déformation du bâtiment préexistante au sinistre, n'était pas prévisible. Dès lors, l'autorité précédente n'était pas fondée à refuser toute indemnisation sur la base de l'art. 25 let. b de la loi neuchâteloise du 29 avril 2003 sur la prévention et l'assurance des bâtiments (LAB ou la loi sur l'assurance des bâtiments; RS/NE 863.10) selon lequel les dommages prévisibles, qui auraient pu être évités par des mesures appropriées, ne sont pas couverts. En revanche, l'assureur pouvait exclure une indemnisation sur la base de l'art. 25 let. a LAB, les dégâts n'étant pas dus à une action d'une violence extraordinaire, puisque le poids de la neige sur le toit du hangar n'était pas excessif. Finalement, en proposant initialement le versement de 80'000 fr. pour ensuite refuser tout dédommagement, l'assureur n'avait pas violé le principe de la bonne foi. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, de dire que l'Etablissement cantonal doit lui allouer une indemnité d'au moins 80'000 fr. et prendre en charge les frais inhérents aux déblais à hauteur de 8'000 fr.; subsidiairement de renvoyer l'affaire au Tribunal cantonal pour instruction complémentaire afin qu'il soit, en particulier, procédé à l'audition de témoin requise. 
 
 Le Tribunal cantonal se réfère à son arrêt et conclut au rejet du recours. L'Etablissement cantonal n'a pas déposé d'observations. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le présent litige porte, au fond, sur la prétention d'une indemnité fondée sur la loi sur l'assurance des bâtiments, soit sur une loi cantonale de droit public (art. 82 let. a LTF). Aucune des exceptions de l'art. 83 LTF n'étant réalisée, la voie du recours en matière de droit public est ouverte. 
 
 Au surplus, le présent recours remplit les conditions des art. 42 et 86 ss LTF et il est, par conséquent, recevable. 
 
2.  
 
2.1. La recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.). Elle estime que le Tribunal cantonal aurait dû procéder à l'audition de F.________, locataire du hangar. Cette autorité se serait, en effet, fondée sur les déclarations écrites du locataire contenues dans un courrier que celui-ci avait envoyé à la recourante ("Je passe tous les jours devant ce hangar, et à aucun moment je n'ai pensé que la quantité de neige accumulée nécessitait son déneigement... Même lorsque j'ai déneigé mes deux toits plats tout près de votre hangar, je n'ai pas remarqué une quantité exceptionnelle de neige.") pour arriver à la conclusion qu'il n'y avait pas eu, avant l'effondrement du bâtiment, de précipitations importantes et répétitives qui auraient empêché le déblaiement du toit. Selon la recourante, il aurait fallu requérir davantage de renseignements du locataire et non pas se baser uniquement sur ce courrier.  
 
2.2. L'effondrement du hangar a fait l'objet de deux expertises, soit celle demandée par l'Etablissement cantonal à C.________, puis celle requise par la Chambre d'assurance immobilière à D.________. Celui-ci, avant de rendre son rapport du 21 octobre 2011, s'est entretenu avec diverses personnes dont F.________. Il avait également en sa possession la lettre du locataire.  
 
 La recourante ne précise pas ce que l'audition de ce témoin aurait pu apporter de déterminant, alors qu'il s'était déjà exprimé par écrit dans la présente affaire et avait été entendu oralement par un des deux experts. De plus, un refus d'instruire ne viole le droit d'être entendu que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 p. 376; 136 I 229 consid. 5.3 p. 236). Or, la recourante ne démontre pas, ni ne prétend d'ailleurs, que tel serait le cas. Quoi qu'il en soit, au regard des éléments susmentionnés, le Tribunal cantonal était suffisamment renseigné sur les faits de l'affaire, de sorte que, procédant à une appréciation anticipée des preuves dénuée d'arbitraire, il pouvait renoncer à l'audition de F.________. 
 
3.   
La recourante soutient que les faits ont été constatés de façon manifestement inexacte. 
 
3.1. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours peut critiquer les constatations de faits à la double condition que ceux-ci aient été établis de façon manifestement inexacte, soit arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 135 III 397 consid. 1.5 p. 401), ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause, ce que le recourant doit rendre vraisemblable par une argumentation répondant aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 137 II 353 consid. 5.1 p. 356; 136 II 508 consid. 1.2 p. 511; 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 254 s.). Les critiques de nature appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves sont irrecevables (ATF 139 II 404 consid. 10.1 p. 445).  
 
3.2. En jugeant que la couche de neige sur le toit du hangar ne constituait pas une charge excessive et qu'elle était inférieure à ce que prévoit la norme SIA topique, le Tribunal cantonal serait, selon l'intéressée, tombé dans l'arbitraire. Pour arriver à cette conclusion, cette autorité se serait basée sur le rapport de D.________ qui se serait prononcé sur la base de photos et d'explications orales, sans avoir pu observer les décombres ni reçu d'informations précises sur l'état antérieur du bâtiment.  
 
3.3. Il est exact que D.________ n'a pas pu constater de visu l'importance de la couche de neige sur le toit du hangar puisqu'il a été mandaté bien après l'événement. Il s'est donc fondé sur des photos, sur l'expertise menée par C.________ et sur des discussions qu'il a entretenues avec différentes personnes, soit les moyens qu'il avait à disposition lorsqu'il a mené son enquête. A cet égard, il faut aussi signaler le courrier du locataire du hangar (cf. consid. 2.1). Ceci dit, la recourante est mal venue de prétendre maintenant que le poids de la neige était très important car elle a elle-même signalé, dans la déclaration de sinistre du 17 mars 2009, qu'elle avait déblayé, avec l'aide de son mari, les toits des immeubles se trouvant sur sa propriété et qu'elle avait alors constaté que le toit du hangar n'était pas trop enneigé. De plus, la recourante se contredit puisqu'elle prétend que le dommage litigieux est dû à des précipitations importantes et répétitives qui ne lui auraient pas permis de dégager le toit du bâtiment, alors qu'elle-même et le locataire ont mentionné avoir déblayé les toits de leurs immeubles respectifs. Compte tenu de ces éléments, on ne voit pas en quoi la conclusion du Tribunal cantonal pourrait être qualifiée d'arbitraire.  
 
3.4. L'intéressée estime que, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal cantonal, de nombreux bâtiments de la région ont connu le même sort que le hangar en cause. Elle en veut pour preuve un article de journal paru juste après les faits.  
 
 Si l'article de journal produit par la recourante (qui mentionne un ancien poulailler, une remise et un autre hangar) fait état d'au moins quatre toits écroulés, rien ne prouve que ces autres constructions étaient en bon état. L'autorité précédente a d'ailleurs retenu, à cet égard, que seuls des bâtiments présentant des faiblesses en rapport avec leur âge ou leur conception avaient subi des dommages importants. La recourante ne prétend pas que tel n'était pas le cas. On ne peut donc reprocher au Tribunal cantonal d'avoir fait preuve d'arbitraire sur ce point. 
 
4.   
Selon la recourante, le Tribunal cantonal aurait appliqué l'art. 25 let. a LAB de façon arbitraire. 
 
4.1. D'après cette disposition, les dommages qui ne sont pas dus à une action d'une violence extraordinaire ou qui résultent d'une action continue, tels que, par exemple, la pression du terrain, les effets du gel ou de l'humidité ne sont pas des dommages dus aux éléments naturels et ne sont pas couverts.  
 
 L'art. 69 du règlement d'exécution neuchâtelois du 1er décembre 2003 de la loi sur la préservation et l'assurance des bâtiments (RLAB; RS/NE 863.102) précise que les dommages dus au poids et glissement de la neige sur les toits sont couverts à condition que des précipitations importantes et répétitives n'aient pas permis à l'assuré de dégager le toit de son bâtiment. 
 
4.2. Il ressort des faits constatés par le Tribunal cantonal, et examinés ci-dessus, d'une part, que le sinistre est dû à des défauts de construction préexistants aux chutes de neige et, d'autre part, qu'il n'y a pas eu de précipitations importantes et répétitives qui auraient empêché l'intéressée de déblayer le toit du hangar. Partant, en considérant que les dégâts infligés à ce bien n'étaient pas couverts par l'assurance de l'intéressée, cette autorité n'est pas tombée dans l'arbitraire.  
 
5.  
 
5.1. Dans un dernier grief, la recourante invoque une violation du principe de la bonne foi (art. 9 Cst.). Elle fait valoir que l'Etablissement cantonal avait, dans un premier temps, accepté de l'indemniser à hauteur de 80'000 fr. alors qu'il savait que le poids de la neige n'était pas extraordinaire. Ainsi, malgré le fait que l'assureur connaissait des éléments qui lui auraient permis de ne rien verser, il n'avait émis aucune réserve. Ce n'est qu'après avoir finalement demandé une expertise qu'il a refusé toute indemnité.  
 
5.2. Ancré à l'art. 9 Cst., et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi permet à l'intéressé, lorsque certaines conditions cumulatives sont réunies, d'exiger que l'autorité respecte ses promesses et qu'elle évite de se contredire. Il faut notamment que l'intéressé se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice (ATF 131 II 627 consid. 6.1 p. 636 s.; 129 I 161 consid. 4.1 p. 170 et les références citées).  
 
5.3. A priori, cette disposition s'applique à la relation entre l'assuré et l'Etablissement cantonal, qui est un établissement autonome de droit public doté de la personnalité juridique (art. 2 al. 2 LAB). Il est en outre vrai que l'attitude de l'assureur peut paraître incohérente. Cependant, une des conditions cumulatives du principe de la bonne foi est que la personne concernée ait pris des dispositions auxquelles elle ne saurait renoncer sans subir de préjudice. Or, il n'apparaît pas que tel soit le cas en l'espèce; la recourante ne le prétend d'ailleurs même pas. Partant, le grief doit être rejeté.  
 
6.   
Compte tenu des considérants qui précèdent, le recours est rejeté. 
 
 Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'500 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, à l'Etablissement cantonal d'assurance et de prévention et à la Chambre d'assurance immobilière, ainsi qu'au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public. 
 
 
Lausanne, le 17 juillet 2014 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président :       La Greffière : 
 
Zünd       Jolidon