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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_370/2022  
 
 
Arrêt du 16 août 2022  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux 
Denys, Juge présidant, van de Graaf et Hurni. 
Greffière : Mme Kistler Vianin. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Timothée Barghouth, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD, 
intimé. 
 
Objet 
Entrave aux services d'intérêt général, empêchement d'accomplir un acte officiel, violation simple des règles 
de la circulation routière; présomption innocence, 
droit d'être entendu, 
 
recours contre le jugement de la Cour d'appel 
pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud 
du 31 janvier 2022 (n° 95 PE19.020414-KEL). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 28 octobre 2021, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a reconnu A.________ coupable d'entrave aux services d'intérêt général, d'empêchement d'accomplir un acte officiel et de violation simple des règles de la circulation routière. Il l'a condamné à une peine pécuniaire de quinze jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans, et à une amende de 50 fr., la peine privative de liberté en cas de non-paiement fautif étant de un jour. 
 
B.  
Par jugement du 31 janvier 2022, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'appel formé par A.________ contre le jugement de première instance, qu'elle a confirmé. 
En résumé, elle a retenu les faits suivants: 
 
B.a. A U._______, sur le pont B.________, le 20 septembre 2019, entre 11h25 et 19h55, à l'appel du mouvement C._______, sans avoir obtenu d'autorisation formelle préalable, plusieurs manifestants, dont A.________, ont occupé la chaussée dudit pont par leur présence et des objets afin de bloquer la circulation. Des manifestants ont alors scandé des slogans au moyen de mégaphones. Le trafic des véhicules, notamment ceux d'urgence (police, pompiers, ambulances) et les bus de la ligne n° 16, a dû être dévié sur d'autres artères. Dans un premier temps, les forces de l'ordre ont demandé aux manifestants de quitter les lieux de leur propre chef. Face à leur refus, les agents de police ont dû évacuer les manifestants par la force, un par un.  
 
A.________ a été informé de la manifestation par le biais des réseaux sociaux, mais n'a pas participé à son organisation. Durant la protestation, à laquelle il a admis avoir participé du début à la fin, il n'a pas utilisé de mégaphone. Il a reconnu qu'il avait entendu, mais volontairement ignoré les injonctions de la police d'évacuer les lieux. 
 
B.b. A.________ est né en 1981 à V._______. Il a notamment oeuvré dans le bâtiment et l'industrie et fait des études dans le domaine de l'écologie. Il travaille actuellement à mi-temps en tant que coordinateur de projets en matière de durabilité au Centre W._______, à X._______. Il dit qu'il a été impliqué dans divers mouvements associatifs et politiques, notamment avec D._______, et qu'il a rejoint le mouvement C._______ après avoir observé les manifestations de Londres et ailleurs dans le monde. Il n'a pas d'antécédent inscrit au casier judiciaire suisse.  
 
B.c. Dans sa déclaration d'appel, A.________ a contesté le jugement de première instance dans son ensemble. Il critiquait sa condamnation pour entrave aux services d'intérêt général, empêchement d'accomplir un acte officiel et violation simple des règles de la circulation routière et concluait à son acquittement. Il requerrait la tenue de débats publics et réservait son argumentation à un stade ultérieur de la procédure d'appel. Le 5 janvier 2022, le Président de la Cour d'appel pénale cantonale a informé A.________ que son appel serait traité d'office en procédure écrite et lui a imparti un délai au 25 janvier 2022 pour compléter éventuellement sa déclaration d'appel. A.________ a requis une prolongation de délai au 20 mars 2022 au motif que le délai de recours au Tribunal fédéral contre les décisions du 5 janvier 2022 de la Cour d'appel pénale arrivait à échéance le 7 février 2022. Le Président de la Cour d'appel pénale lui a accordé un ultime délai au 28 janvier 2022 pour déposer un mémoire complémentaire, la déclaration d'appel étant déjà motivée. Le 28 janvier 2022, A.________ a fait valoir que la position de la Cour d'appel pénale était incompatible avec les principes de la bonne foi, de l'égalité des armes et des garanties d'un procès équitable, se réservant par ailleurs tous ses droits, dont celui de compléter sa déclaration d'appel ultérieurement.  
 
C.  
Contre le jugement cantonal du 31 janvier 2022, A.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il conclut, principalement, à l'annulation du jugement attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. Subsidiairement, il demande la suspension de la présente procédure jusqu'au dépôt de l'ensemble des recours dirigés contre les jugements rendus, ou à rendre, par la cour cantonale, dans les procédures portant sur les manifestations du 20 septembre 2019, la jonction de la présente cause avec l'ensemble des procédures de recours concernant les manifestations du 20 septembre 2019 ainsi que la réforme du jugement attaqué en ce sens qu'il est libéré des chefs de prévention d'entrave aux services d'intérêt général, empêchement d'accomplir un acte officiel et violation simple des règles de la circulation et acquitté de toute peine. En tout état de cause, il requiert qu'il soit constaté une violation de la légalité des peines (art. 7 § 1 CEDH), une violation du droit à un procès équitable (art. 6 § 1 CEDH), une violation de la présomption d'innocence (art. 6 § 2 CEDH), une violation de la liberté d'expression (art. 10 § 1 CEDH), ainsi qu'une violation de la liberté de réunion et d'association (art. 11 § 1 CEDH). Enfin, il sollicite l'assistance judiciaire. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dénonçant une violation de l'art. 406 al. 1 CPP et des art. 30 al. 3 Cst. et 6 § 1 CEDH, le recourant fait grief à la cour cantonale d'avoir traité son appel en procédure écrite. 
 
1.1. La procédure d'appel est réglée par les art. 403 ss CPP. En principe, elle est orale et publique et se déroule selon les dispositions applicables aux débats de première instance (cf. art. 69 al. 1 et 405 CPP; ATF 139 IV 290 consid. 1.1 p. 291). Elle peut toutefois se dérouler selon une procédure écrite dans les cas visés à l'art. 406 al. 1 et 2 CPP. Cette disposition énumère exhaustivement les cas dans lesquels la juridiction d'appel peut traiter l'appel en procédure écrite. Ces cas sont soumis à des conditions strictes et la procédure d'appel écrite doit demeurer l'exception (ATF 147 IV 127 consid. 2.2.1 p. 131; 143 IV 483 consid. 2.1.1 p. 484; 139 IV 290 consid. 1.2 p. 292).  
 
En particulier, l'art. 406 al. 1 let. a CPP prévoit que la juridiction d'appel peut traiter l'appel en procédure écrite si seuls des points de droit doivent être tranchés (art. 406 al. 1 let. a. CPP). Il en découle que des débats doivent être tenus dès qu'une question de fait est litigieuse, sous réserve de l'accord des parties avec la procédure écrite (cf. art. 406 al. 2 CPP). La procédure ne peut pas être écrite si des preuves doivent encore être administrées (ATF 139 IV 290 consid. 1 p. 292). La remise en cause du jugement dans son ensemble implique une contestation tant des faits que du droit. Comme l'appelant n'est pas tenu de motiver sa déclaration d'appel (cf. art. 399 al. 3 CPP), le fait de conclure à l'acquittement suffit pour considérer qu'il remet potentiellement en cause les faits et, par conséquent, pour interdire la procédure écrite (ATF 139 IV 290 consid. 1.3 p. 293). 
 
1.2. En résumé, la cour cantonale a retenu que le recourant ne faisait valoir aucune constatation incomplète ou erronée des faits selon l'art. 398 al. 3 let. b CPP. Elle a relevé qu'il avait certes exposé que ses griefs portaient tant sur l'établissement des faits pertinents que sur le droit, après l'avis que la procédure d'appel serait écrite. Elle a toutefois considéré que tel n'était pas le cas, puisque le recourant ne contestait pas sa participation aux faits litigieux et qu'il admettait en particulier n'avoir pas obtempéré aux injonctions de la police et avoir dû être évacué par les forces de l'ordre (jugement attaqué p. 6).  
 
1.3. Dans sa déclaration d'appel, le recourant ne contestait certes pas sa participation à la manifestation litigieuse et ne faisait valoir aucune constatation incomplète ou erronée des faits selon l'art. 398 al. 3 let. b CPP. Son appel portait toutefois sur le jugement de première instance dans son ensemble. Le recourant contestait notamment sa condamnation pour entrave aux services d'intérêt général, empêchement d'accomplir un acte officiel et violation simple des règles de la circulation routière et se réservait expressément le droit de compléter ultérieurement sa déclaration d'appel, ce qu'il était autorisé à faire (cf. ATF 139 IV 290 consid. 1.3 p. 293). De la sorte, la cour cantonale devait admettre que le recourant remettait potentiellement en cause les faits (cf. ATF 139 IV 290 consid. 1.3 p. 293), et cela d'autant plus que l'état de fait retenu par le juge de première instance ne correspondait pas à ses déclarations (notamment en ce qui concerne l'opposition qu'il a manifestée lors de l'évacuation des lieux par la police, ainsi que la connaissance et l'attitude des autorités).  
 
Dès lors, la cour cantonale était amenée à trancher des questions qui relevaient également des faits, et non exclusivement du droit. Elle a donc violé l'art. 406 al. 1 let. a CPP en traitant en procédure écrite l'appel formé par le recourant. Celui-ci n'a pour le surplus pas donné son accord à une procédure écrite, puisqu'il a requis dans sa déclaration d'appel la tenue de débats publics; l'application de l'art. 406 al. 2 CPP n'entre donc pas en considération. Les griefs tirés de la violation de l'art. 406 CPP doivent en conséquence être admis, le jugement attaqué doit être annulé sur ce point et la cause doit être renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle instruction et nouveau jugement, étant précisé que des débats devront être tenus. Au vu du sort du recours, les autres griefs du recourant deviennent sans objet. 
 
2.  
Le recours doit être admis, le jugement attaqué doit être annulé et la cause doit être renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle instruction et nouveau jugement. 
ll peut être procédé au renvoi sans ordonner préalablement un échange d'écritures. En effet, vu la nature procédurale du vice examiné, le Tribunal fédéral n'a pas traité la cause sur le fond et n'a ainsi pas préjugé de l'issue de la cause (cf. ATF 133 IV 293 consid. 3.4.2 p. 296; arrêt 6B_248/2019 du 29 mars 2019 consid. 3). 
 
Le recourant obtient gain de cause. Il ne supporte pas de frais (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). Il peut prétendre à de pleins dépens (art. 68 al. 1 LTF). La requête d'assistance judiciaire et la demande de suspension sont sans objet (art. 64 al. 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis, le jugement attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle instruction et nouveau jugement. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le canton de Vaud versera au conseil de A.________ une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 16 août 2022 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
La Greffière : Kistler Vianin