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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_491/2022  
 
 
Arrêt du 18 août 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Müller et Merz. 
Greffier : M. Alvarez. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, représenté par Me Aba Neeman, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Commune de Port-Valais, case postale 28, 1897 Bouveret, 
Conseil d'Etat du canton du Valais, place de la Planta, Palais du Gouvernement, 1950 Sion. 
 
Objet 
Ordre de remise en état des lieux, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais du 29 juillet 2022 (A1 21 235). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 25 juillet 2012, B.A.________, frère de A.A.________, a déposé une demande d'autorisation de construire pour ériger une "halle industrielle en 3 modules contigus, un appartement et des bureaux" sur sa parcelle n o 3070. D'une surface de 1'700 m 2, ce bien-fonds est classé en zone industrielle R2 au sens de l'art. 107 let. c de l'ancien règlement communal des constructions de Port-Valais approuvé par le Conseil d'Etat du canton du Valais le 16 août 1995 (aRCC). Le 27 juillet 2012, la commune a signalé à B.A.________ que le projet ne respectait pas l'art. 107 let. c aRCC, qui prévoit l'interdiction des logements dans la mesure où ils ne sont pas indispensables à la surveillance des installations.  
Le 30 juillet 2012, le prénommé, par l'intermédiaire de son architecte, a fait parvenir au conseil communal un "projet de division de la parcelle n o 3070"; la parcelle serait fractionnée en trois parcelles distinctes "pour chacun des frères [A.________]". L'architecte précisait que la "construction deviendr[ait] donc 3 halles contigües, avec 3 propriétaires de parcelles différents. Par conséquent, chaque halle disposera d'un appartement de surveillance des installations [...]". Par décision du 13 septembre 2012, le conseil communal a refusé le projet tel que présenté, au motif notamment qu'il prévoyait trois appartements qui n'étaient pas indispensables à la surveillance des installations.  
Le 21 septembre 2012, B.A.________ a déposé une demande d'autorisation de construire portant sur une "halle industrielle et un appartement". L'autorisation a été délivrée le 10 janvier 2013. 
Lors de la visite des lieux du 30 novembre 2016, les autorités communales ont constaté des locaux dont l'aménagement n'était pas terminé, mais dont la conception pouvait laisser entrevoir un aménagement en appartements. Les responsables communaux ont alors rappelé au propriétaire que seul un logement permettant de garantir la surveillance de l'ensemble de l'immeuble avait été autorisé. 
 
B.  
Le 12 octobre 2017, le notaire C.________ a instrumenté un "acte de mutation de limites et de constitution de servitude"; au Registre foncier était dorénavant inscrits comme propriétaires les frères B.A.________ (parcelle n o 3070), A.A.________ (parcelle n o 3223) et D.A.________ (parcelle n o 3224).  
 
C.  
Le 1 er avril 2018, la commune a constaté que des travaux, à savoir l'aménagement d'un deuxième appartement, avaient été entrepris sans autorisation. Le 8 mai 2018, à la suite d'un entretien à ce sujet entre B.A.________ et le président de la commune, A.A.________ (propriétaire de la parcelle n o 3223) a déposé un dossier pour la mise à l'enquête d'un appartement sur sa halle contigüe, puis, sur invitation de la commune, une demande d'autorisation de construire pour effectuer un "changement d'affectation de bureaux à appartement".  
Par décision du 11 septembre 2018, le conseil communal a refusé l'autorisation de construire et ordonné la remise en état des lieux pour le 31 mars 2019. Après avoir en vain contesté cette décision devant le Conseil d'Etat, A.A.________ a, le 28 octobre 2021, recouru à la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais. Par arrêt du 29 juillet 2022, la cour cantonale a rejeté le recours, retenant pour l'essentiel qu'un seul logement était suffisant à assurer la surveillance de l'ensemble du complexe, si bien que le logement supplémentaire était contraire à l'art. 107 let. c aRCC. 
 
D.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public A.A.________ demande principalement au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt attaqué en ce sens qu'il est renoncé à la remise en état de la parcelle n o 3223, respectivement à l'exécution forcée de cette décision. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'instance précédente, "voire au Conseil d'Etat ou à la Commission cantonale des constructions dans le sens des considérants de l'arrêt à rendre". Il requiert enfin l'octroi de l'effet suspensif, accordé par ordonnance du 11 octobre 2022. Le Tribunal cantonal, de même que le Conseil d'Etat, renoncent à se déterminer.  
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre une décision rendue en dernière instance cantonale dans le domaine du droit public de la police des constructions; dès lors qu'aucune des exceptions de l'art. 83 LTF n'est réalisée, il est recevable comme recours en matière de droit public conformément aux art. 82 ss LTF, sous réserve de la conclusion en renonciation à l'exécution forcée qui excède l'objet de la contestation (cf. ATF 142 I 155 consid. 4.4.2). Le recourant a pris part à la procédure de recours devant le Tribunal cantonal; il est particulièrement touché par l'arrêt attaqué, qui confirme l'ordre de remise en état des lieux ainsi que le refus d'autorisation. Il bénéficie à ce titre d'un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. La qualité pour recourir selon l'art. 89 al. 1 LTF doit ainsi lui être reconnue. Les autres conditions de recevabilité sont au surplus réunies, si bien qu'il convient d'entrer en matière, dans la mesure décrite ci-dessus. 
 
2.  
A titre de mesure d'instruction, le recourant requiert l'édition du dossier constitué par l'instance précédente. Celui-ci ayant été produit dans le délai imparti à cet effet, la requête est satisfaite. 
 
3.  
Dans une première partie de son écriture, le recourant présente son propre état de fait. Une telle manière de procéder, dans la mesure où les faits exposés s'écartent des constatations de l'instance précédente ou les complètent, sans qu'il soit indiqué que celles-ci seraient manifestement inexactes ou arbitraires (cf. art. 97 et 105 LTF), est irrecevable, le Tribunal fédéral n'étant pas une instance d'appel (cf. ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 140 III 115 consid. 2; 139 II 404 consid. 10.1). 
 
4.  
Selon le recourant, le refus d'autoriser son appartement en application de l'art. 107 let. c aRCC, et d'avoir sur cette base ordonné sa remise en état, entraînerait une violation de la garantie de la propriété ancrée à l'art. 26 al. 1 Cst. Le refus d'autoriser a posteriori un changement d'affectation - de bureau à habitation - contraire à la règlementation de la zone ne constitue cependant pas une atteinte particulièrement grave à la propriété foncière du recourant, celle-ci ne lui étant pas enlevée de force ni une utilisation de son bien conforme à sa destination rendue impossible ou beaucoup plus difficile (cf. ATF 140 I 168 consid. 4; 130 I 360 consid. 1.2). Son grief n'a dès lors pas de portée propre et se confond avec celui d'application arbitraire du droit communal, dont il se prévaut également (cf. ATF 147 II 70 consid. 3.5; 126 I 213 consid. 3a).  
 
4.1. L'art. 107 let. c aRCC définit pour la zone industrielle les constructions interdites: les logements dans la mesure où ils ne sont pas indispensables à la surveillance des installations.  
Appelé à revoir l'application ou l'interprétation d'une norme sous l'angle de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution éventuellement plus judicieuse paraît possible (ATF 144 III 368 consid. 3.1 et les arrêts cités). En outre, pour qu'une décision soit annulée au titre de l'arbitraire, il ne suffit pas qu'elle se fonde sur une motivation insoutenable; encore faut-il qu'elle apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 144 III 368 consid. 3.1 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral n'examine le moyen tiré de la violation de droits fondamentaux et du droit cantonal que si ce grief a été invoqué et motivé par la partie recourante, à savoir s'il a été exposé de manière claire et détaillée (cf. art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 I 73 consid. 2.1; 146 I 62 consid. 3; 144 II 313 consid. 5.1). 
 
4.2. Comme l'a expliqué la cour cantonale, l'art. 107 let. c aRCC pose des conditions strictes pour éviter de donner à la zone industrielle une affectation prépondérante à l'habitation (cf. arrêts 1C_53/2012 du 17 avril 2012 consid. 4.3; 1C_138/2010 du 26 août 2010 consid. 2.5; ALEXANDER RUCH, in Commentaire pratique LAT: Autorisation de construire, protection juridique et procédure, 2020, n. 85 ad art. 22 LAT), ce que le recourant ne discute d'ailleurs pas. Selon l'art. 107 let. c aRCC, la possibilité de prévoir un logement dans la zone industrielle est subordonnée à la condition que celui soit indispensable à la surveillance des installations. Or, en l'occurrence, la cour cantonale a expliqué qu'en raison de la configuration de la halle, qui ne comportait, selon les plans, qu'une seule entrée, la surveillance pouvait être garantie par un unique gardien. Le recourant le conteste et affirme qu'étant donné que la halle n'est pas en main d'un propriétaire unique, suite à la division parcellaire, "il semble[rait] évident qu'un seul gardien ne serait pas suffisant pour surveiller les installations". Ces affirmations sont cependant strictement appellatoires. Le recourant ne cherche en particulier pas à contredire la cour cantonale qui s'appuie sur la configuration de la halle qui ressort des plans, configuration dont il n'est pas arbitraire de déduire qu'un seul logement de gardien serait suffisant à la surveillance du complexe. La division en trois de la parcelle d'origine n'a d'ailleurs pas, à la lumière du dossier, entraîné de modifications de la halle telle qu'autorisée en 2013, si bien qu'on ne décèle pas qu'il en résulterait un accroissement des besoins de surveillance. Au demeurant, les plaintes du recourant quant à la nécessité de devoir s'entendre avec ses frères voisins pour les modalités de la surveillance relèvent de la commodité et sont, faute d'explications, sans influence sur le caractère prétendument indispensable d'un logement supplémentaire.  
Le grief est écarté. 
 
5.  
Le recourant se plaint encore d'une violation du principe de la bonne foi et du principe de la proportionnalité en lien avec la garantie de la propriété et de la liberté économique. 
 
5.1. L'autorité peut renoncer à un ordre de démolition, conformément au principe de la proportionnalité, si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit (ATF 132 II 21 consid. 6; 123 II 248 consid. 3a/bb). Celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe plus de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a; arrêt 1C_189/2022 du 13 janvier 2023 consid. 2.2). Dans ce contexte s'appliquent également les exigences accrues de motivation issues de l'art. 106 al. 2 LTF, rappelées au consid. 4.1 ci-dessus.  
 
5.2. Le recourant affirme avoir déjà démontré sa bonne foi "dans ses recours, puisque lorsqu'il est devenu propriétaire de la parcelle no 3223, les installations sises sur la parcelle étaient déjà existantes". Il n'aurait par ailleurs jamais été personnellement averti par la commune. Il n'aurait enfin pas personnellement procédé aux démarches administratives litigieuses. Ce faisant, il confond la violation du principe de la bonne foi (cf. ATF 143 V 95 consid. 3.6.2; 137 I 69 consid. 2.5.1) et l'établissement de sa propre bonne foi. Savoir si une personne a agi de bonne foi relève des faits, que le Tribunal fédéral ne revoit qu'aux conditions restrictives des art. 97 et 105 al. 2 LTF et pour peu que la critique réponde aux exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF (cf. ATF 145 V 188 consid. 2; 142 II 355 consid. 6; voir également consid. 3 ci-dessus). Or, en l'occurrence, et au mépris de ces exigences, le recourant se contente d'affirmations strictement appellatoires. Au surplus, pas plus que devant la cour cantonale, il ne se prévaut d'assurances qui lui auraient été données par les autorités communales s'agissant de la possibilité d'un second logement. Il faut au contraire retenir que les autorités communales ont dès 2013 exposé qu'un seul logement suffisait à assurer la surveillance et que, malgré de réitérés échanges à ce propos avec le frère du recourant - qui ne saurait ainsi se prévaloir de sa bonne foi - un deuxième appartement a été aménagé sans autorisation. Il apparaît au demeurant douteux, compte tenu des circonstances, que le recourant ait, comme il le sous-entend, lui-même ignoré l'existence de cette problématique. Quoi qu'il en soit, que les travaux litigieux aient prétendument été réalisés avant son acquisition du bien-fonds est sans influence sur la question de sa bonne foi, le recourant devant en tout état de cause se laisser opposer la mauvaise foi de son prédécesseur (cf. arrêt 1C_122/2016 du 7 septembre 2016 consid. 6.2.3 et les références).  
 
5.3. Enfin, en ce qui concerne la question de la proportionnalité à proprement parler, le recourant se contente de revenir sur le caractère censément indispensable à la surveillance du logement litigieux, nié sans arbitraire par la cour cantonale (cf. consid. 4.3 ci-dessus); il n'y a pas lieu d'y revenir. Au surplus, le recours ne contient aucune motivation ni démonstration du caractère prétendument disproportionné de l'ordre de remise en état, qui intervient dans l'intérêt public - d'ailleurs sur le principe reconnu par le recourant - "à préserver la vocation propre de la zone industrielle", à la suite d'une modification intervenue, sans droit, en toute connaissance de cause.  
 
5.4. Le grief est écarté.  
 
6.  
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité, aux frais du recourant, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (cf. art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais de justice, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à la Commune de Port-Valais, au Conseil d'Etat du canton du Valais ainsi qu'à la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais. 
 
 
Lausanne, le 18 août 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Alvarez