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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_820/2022  
 
 
Arrêt du 15 mai 2023  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, Denys et Koch. 
Greffière: Mme Kistler Vianin. 
 
Participants à la procédure 
Ministère public de la République 
et canton de Neuchâtel, 
passage de la Bonne-Fontaine 41, 
2300 La Chaux-de-Fonds, 
recourant, 
 
contre  
 
A._________, 
représenté par Me Jean-Daniel Kramer, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
Sursis à l'exécution de la peine, 
 
recours contre le jugement de la Cour pénale du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, du 5 mai 2022 (CPEN.2021.83). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 7 septembre 2021, le Tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz, à La Chaux-de-Fonds, a condamné A._________ pour délits et contraventions aux art. 19 al. 1 et 19a LStup, rixe (art. 133 CP) et délit manqué de contrainte (art. 22 et 181 CP) à une peine privative de liberté de douze mois, sous déduction de la détention avant jugement, sans sursis, peine partiellement complémentaire à celle prononcée par ordonnance pénale du 17 août 2018. Il a, en outre, renoncé, par opportunité, à prononcer une amende pour les contraventions et fixé à 1'000 fr. le montant de la créance compensatrice à la charge de A._________. 
 
B.  
Par jugement du 5 mai 2022, la Cour pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois a partiellement admis l'appel formé par A._________ contre le jugement de première instance. Elle a réformé ce dernier jugement en ce sens qu'elle a condamné l'appelant pour délits et contraventions aux art. 19 al. 1 et 19a LStup, pour rixe et pour délit manqué de contrainte à une peine privative de liberté de douze mois, sous déduction de la détention avant jugement, avec sursis pendant trois ans, peine partiellement complémentaire à celle prononcée par ordonnance pénale du 17 août 2018. Pour le surplus, elle a confirmé le jugement attaqué. 
En substance, elle a retenu les faits suivants: 
 
B.a. A U._________, entre le mois de janvier et l'été 2018, A._________ a vendu, en plusieurs fois, dix grammes de cocaïne à B._________. Dans la même ville, dans le bar C._________, entre l'hiver 2018 et septembre 2019, il a vendu quinze grammes de cocaïne à D._________.  
 
B.b. A U._________, le 27 janvier 2019, vers 19h20, A._________ a pris part à une rixe au cours de laquelle E._________ a reçu des coups de couteau qui lui ont occasionné deux plaies ouvertes à la tête ainsi qu'une plaie ouverte au niveau du bras gauche.  
 
B.c. A U._________, entre avril 2019 et mai 2019, A._________ a menacé, injurié et usé de violence et de pression envers B._________ dans le but de le contraindre à revenir sur les déclarations qu'il avait faites à la police.  
 
B.d. Entre 2017 et 2019, A._________ a été condamné, à quatre reprises, pour vol, séjour illégal, délit et contravention à la LStup, à des peines pécuniaires allant jusqu'à 120 jours-amende et à des peines privatives de liberté allant jusqu'à six mois, prononcées sans sursis. En outre, le 5 avril 2022, il a été condamné par la Cour pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois à une peine pécuniaire de 80 jours-amende à 30 fr., pour infractions aux art. 139 ch.1, 139 ch. 1/22 CP et 115 al. 1 let. b LEI, jugement non entré en force le jour des débats (5 mai 2022) devant la cour cantonale.  
 
C.  
Contre le jugement cantonal du 5 mai 2022, le Ministère public neuchâtelois dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il conclut, principalement, à la réforme du jugement attaqué en ce sens que A._________ est condamné à une peine privative de liberté de douze mois sans sursis. A titre subsidiaire, il requiert l'annulation du jugement attaqué et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouveau jugement. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
En application de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 3 LTF, l'accusateur public a qualité pour former un recours en matière pénale. Savoir quelle autorité au sein d'un canton constitue l'accusateur public est une question qui doit se résoudre à l'aune de la LTF. Ainsi, lorsqu'il existe un ministère public compétent pour la poursuite de toutes les infractions sur l'ensemble du territoire, seule cette autorité aura la qualité pour recourir au Tribunal fédéral. En revanche, savoir qui, au sein de ce ministère public, a la compétence de le représenter est une question d'organisation judiciaire, à savoir une question qui relève du droit cantonal (ATF 142 IV 196 consid. 1.5.2). 
Dans le canton de Neuchâtel, le ressort du ministère public s'étend au canton (art. 49 de la loi d'organisation judiciaire neuchâteloise [OJN/NE; RS/NE 161.1]). Le ministère public comprend un procureur général, qui dirige le ministère public, ainsi que des procureurs (art. 51 et 65 al. 1 OJN/NE). Le ministère public, malgré l'existence de parquets régionaux, ne connaît pas de morcellement territorial ou par matière. Le Ministère public de la République et canton de Neuchâtel, seul accusateur public, est par conséquent compétent pour recourir au Tribunal fédéral. Le point de savoir qui au sein de cette autorité est habilité à la représenter est réglé par le droit cantonal. Selon l'art. 35 al. 1 let. a de la loi neuchâteloise d'introduction du Code de procédure pénale suisse (LI-CPP/NE; RS/NE 322.0), le procureur général et le procureur qui a procédé en première instance ont qualité pour former recours (cf. arrêt 6B_681/2018 du 7 août 2018 consid. 1.2). 
En l'occurrence, le recours a été formé et signé par un procureur du Ministère public neuchâtelois ayant pris part aux procédures de première et de deuxième instances cantonales. Il est donc recevable sous cet angle. 
 
2.  
Le recourant dénonce une violation de l'art. 42 al. 1 CP dans la mesure où la cour cantonale a assorti du sursis la peine infligée à l'intimé. 
 
2.1. Le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP).  
Pour l'octroi du sursis, le juge doit poser un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit prononcer le sursis. Celui-ci est ainsi la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 p. 186; 134 IV 1 consid. 4.2.2 p. 6; arrêt 6B_849/2020 du 5 novembre 2020 consid. 2.1). Pour formuler un pronostic sur l'amendement de l'auteur, le juge doit se livrer à une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Il doit tenir compte de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère du prévenu et ses chances d'amendement. Il ne peut accorder un poids particulier à certains critères et en négliger d'autres qui sont pertinents (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 p. 185 s.; 134 IV 1 consid. 4.2.1 p. 5; arrêt 6B_147 /2021 du 29 septembre 2021 consid. 3.2). 
Le défaut de prise de conscience de la faute peut justifier un pronostic défavorable, car seul celui qui se repent de son acte mérite la confiance que l'on doit pouvoir accorder au condamné bénéficiant du sursis (arrêts 6B_154/2021 du 17 novembre 2021 consid. 7.1; 6B_147/2021 précité consid. 3.2 et les arrêts cités). Les antécédents pertinents doivent être pris en compte de manière significative dans l'établissement du pronostic; ils n'excluent toutefois pas nécessairement le sursis (arrêts 6B_696/2021 du 1er novembre 2021 consid. 5.2; 6B_617/2021 du 8 octobre 2021 consid. 1.3.1). Sont également à prendre en considération les circonstances personnelles jusqu'au moment du jugement, notamment les développements positifs qui ont pu avoir lieu depuis la commission de l'acte (nouvel emploi, nouvelle relation sentimentale stable, etc.; ATF 134 IV 140 consid. 5; 128 IV 193 consid. 3). 
Dans l'émission du pronostic, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation, de sorte que le Tribunal fédéral n'intervient qu'en cas d'abus ou d'excès de ce pouvoir (ATF 145 IV 137 consid. 2.2 p. 139; 144 IV 277 consid. 3.1.1 p. 281). 
 
2.2.  
 
2.2.1. La cour cantonale a admis que l'intimé n'avait pris aucunement conscience de la gravité de son comportement, que ses antécédents n'étaient pas négligeables et que ses précédentes condamnations sans sursis ne l'avaient pas dissuadé de récidiver. Elle a toutefois considéré que l'attitude de l'intimé avait changé. Premièrement, l'intimé n'avait plus commis d'infractions pendant trois ans (alors que durant la période entre 2017 et septembre 2019 il avait commis régulièrement des infractions). En deuxième lieu, il avait été engagé pour une durée indéterminée et à plein temps en qualité de monteur en fibre optique. Enfin, il s'était marié et pouvait compter sur le soutien de son épouse, ressortissante suisse et portugaise, qui travaille dans un centre de requérants d'asile.  
 
2.2.2. Le recourant reproche à la cour cantonale de s'être fondée pour poser le pronostic sur des critères dénués de pertinence, relativisant les critères pertinents que sont le défaut d'amendement et les antécédents. Pour le recourant, le manque d'amendement et de prise de conscience de la part de l'intimé et ses mauvais antécédents ne permettent pas d'espérer qu'une peine avec sursis suffira à le détourner durablement de la délinquance. Le recourant insiste sur l'absence de scrupules de l'intimé lors de la commission des infractions, relevant que l'intimé n'avait pas hésité à recourir à l'intimidation et à la violence pour parvenir à ses fins et que la rixe avait été initiée par un motif futile. Il constate également que les condamnations déjà prononcées, sans sursis, n'avaient pas dissuadé l'intimé de récidiver. Il écarte l'argument de la cour cantonale, selon lequel le recourant n'avait plus commis d'infractions pendant trois ans, au motif qu'un tel comportement correspond à ce que l'on peut attendre de tout à chacun et que l'écoulement du temps (qui peut être pris en considération dans la fixation de la peine) est sans influence sur le risque de récidive. Il rejette également l'argument, selon lequel l'intimé était désormais marié, au motif qu'il était déjà en couple lors de la commission d'au moins certaines des infractions reprochées. Enfin, il relève que le suivi d'une formation pour son avenir professionnel de même qu'une précédente activité lucrative en qualité d'aide maçon ne l'avaient pas empêché de commettre des infractions en parallèle.  
 
2.3. La cour cantonale s'est fondée sur l'évolution positive de l'intimé lors de ces trois dernières années pour admettre que le pronostic n'apparaissait pas défavorable. Il convient ainsi d'examiner dans un premier temps si l'intimé a réellement changé d'attitude. La réponse à cette question relève de l'établissement des faits, que le Tribunal fédéral ne peut réexaminer que lorsqu'il est entaché d'inexactitude manifeste (art. 97 al. 1 LTF), à savoir d'arbitraire. Le recourant conteste toute évolution positive de l'intimé. S'il est vrai que l'absence de commission d'infractions correspond à ce qui est attendu, il n'en reste pas moins que cela peut constituer le signe d'un changement d'attitude. Pour le surplus, lorsque le recourant soutient qu'une formation pour son avenir professionnel et une activé lucrative en qualité de maçon n'avaient pas empêché l'intimé de commettre des infractions en parallèle et que sa nouvelle activité est dès lors sans pertinence, il invoque un fait qui ne se trouve pas dans le jugement cantonal, de sorte que son argumentation est irrecevable. En conclusion, on peut admettre que la cour cantonale n'a pas versé dans l'arbitraire en admettant que l'intimé avait changé d'attitude en se fondant sur son nouvel emploi, son mariage récent et sur le fait qu'il n'avait plus commis d'infractions ces trois dernières années.  
Il faut ensuite se demander si la cour cantonale a donné une importance prépondérante à l'évolution positive de l'intimé par rapport aux autres éléments pertinents. Il est admis que les circonstances au moment du jugement sont un élément important à prendre en considération dans le pronostic (cf. consid. ci-dessus 1.1). La cour cantonale n'a pas méconnu les mauvais antécédents et le défaut d'amendement. Elle a considéré toutefois que le pronostic n'apparaissait pas défavorable compte tenu du changement de vie de l'intimé tant sur le plan professionnel que privé. De la sorte, elle n'a pas abusé du large pouvoir d'appréciation qui lui est accordé en la matière. Le grief tiré de la violation de l'art. 42 al. 1 CP est donc infondé. 
 
3.  
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
Il n'y a pas lieu de percevoir des frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). L'intimé, qui n'a pas été invité à se déterminer, ne saurait prétendre à des dépens. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour pénale du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel. 
 
 
Lausanne, le 15 mai 2023 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Kistler Vianin