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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_367/2023  
 
 
Arrêt du 12 janvier 2024  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Viscione et Métral. 
Greffière : Mme Castella. 
 
Participants à la procédure 
1. Union du personnel du corps de police de Genève, route des Jeunes 12, 1227 Carouge, 
2. A.________, 
3. Syndicat de la police judiciaire, 
boulevard Carl-Vogt 17, 1205 Genève, 
4. B.________, 
tous les quatre représentés par M e Romain Jordan, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
Conseil d'Etat de la République et canton de Genève, rue de l'Hôtel-de-Ville 2, 1204 Genève, représenté par le Département des institutions et du numérique (DIN), rue de l'Hôtel-de-Ville 14, 1204 Genève, 
intimé. 
 
Objet 
Droit de la fonction publique, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 26 avril 2023 (A/234/2023-ABST ACST/17/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le Syndicat de la police judiciaire (SPJ) est une association dont le but statutaire est notamment la défense professionnelle de ses membres. Il a pour membres des inspecteurs et gradés de la police judiciaire, de l'état-major de la police et du commissariat de police. B.________ exerce la profession d'agent de police au sein de la police judiciaire.  
 
A.b. L'Union du personnel du corps de police (UPCP) est une association dont le but statutaire est de veiller au respect des droits syndicaux de ses membres, notamment par la défense de leurs conditions de travail et de leurs conditions salariales. Il a pour membres des fonctionnaires du corps de la police, de l'inspectorat de l'office cantonal des véhicules, des agents de détention, ainsi que des retraités de ces différents services. A.________ exerce la profession d'agent de police de proximité.  
 
B.  
 
B.a. Lors de sa séance du 3 novembre 2022, le Grand Conseil de la République et canton de Genève a adopté la loi 12'521 modifiant la loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol; RS/GE F 1 05). La modification est entrée en vigueur le 24 décembre 2022. Elle prévoit notamment que la police est composée de deux corps, à savoir la gendarmerie et la police judiciaire (art. 6 LPol).  
 
B.b. Le 21 décembre 2022, le Conseil d'Etat de la République et canton de Genève a adopté le règlement sur l'organisation de la police (ROPol; RS/GE F 1 05.01), qui est entré en vigueur le 24 décembre 2022. Il contient notamment un art. 9 relatif à la subdivision de la gendarmerie en quatre unités opérationnelles (unité routière, unité de secours, unité de proximité et unité diplomatique).  
 
C.  
Le SPJ, l'UPCP, B.________ et A.________ ont recouru contre ce règlement devant la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice de la République et canton de Genève, en concluant à son annulation. Ils faisaient principalement grief au Conseil d'Etat d'avoir adopté le règlement litigieux sans consultation préalable des syndicats ainsi que d'avoir violé le principe de la séparation des pouvoirs et celui de la légalité en adoptant un règlement contraire à la LPol. 
La Cour de justice a rejeté le recours en tant qu'il était recevable, par arrêt du 26 avril 2023. 
 
D.  
Le SPJ, l'UPCP, B.________ et A.________ interjettent un recours en matière de droit public contre cet arrêt. Ils en demandent, en substance, la réforme en ce sens que le ROPol soit annulé. A titre subsidiaire, ils demandent l'annulation de l'arrêt contesté et le renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour nouvelle décision. 
L'intimé s'est déterminé et conclut, en substance, à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. La juridiction cantonale a pour sa part renoncé à se déterminer, se limitant à renvoyer à l'arrêt entrepris. 
Les recourants ont pris position sur la réponse de la partie intimée et maintiennent leurs conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le recours a été interjeté dans les formes requises (art. 42 LTF) et en temps utile (art. 100 al. 1 LTF, l'art. 101 LTF ne s'appliquant pas lorsqu'une cour constitutionnelle cantonale a statué au préalable; ATF 137 I 107 consid. 1.4.4).  
 
1.2. Le recours vise un acte normatif cantonal au sens de l'art. 82 let. b LTF. Lorsque le droit cantonal prévoit une voie de droit contre un tel acte, comme c'est le cas en l'espèce (art. 124 let. a Cst./GE [RS 131.234] et art. 130B al. 1 let. a de la loi cantonale genevoise du 26 septembre 2010 sur l'organisation judiciaire [LOJ; RS/GE E 2 05]), c'est la décision de l'autorité cantonale validant la norme qui doit être attaquée. Le recours devant le Tribunal fédéral n'en reste pas moins un recours contre un acte normatif. Partant, les exceptions à la recevabilité du recours en matière de droit public contre les décisions (art. 83 LTF) ne s'appliquent pas (ATF 149 I 81 consid. 3.3.4; 138 I 435 consid. 1.2; 136 I 49 consid. 1.1). Il s'ensuit que le présent recours en matière de droit public, dirigé contre l'arrêt de la Cour de justice du 26 avril 2023, est recevable conformément à l'art. 82 let. b LTF.  
 
2.  
 
2.1. La juridiction cantonale a laissé ouverte la question de la qualité pour recourir du SPJ et de l'UPCP, ainsi que de A.________ et B.________. L'intimé la conteste pour l'ensemble des recourants.  
 
2.2. Selon l'art. 89 al. 1 let. b et c LTF, lorsque le recours est dirigé contre un acte normatif cantonal, la qualité pour recourir appartient à toute personne dont les intérêts sont effectivement touchés par l'acte attaqué ou pourront l'être un jour; une simple atteinte virtuelle suffit, à condition toutefois qu'il existe un minimum de vraisemblance que le recourant puisse un jour se voir appliquer les dispositions contestées. Quant à l'intérêt digne de protection, il n'est pas nécessaire qu'il soit de nature juridique, un intérêt de fait étant suffisant (ATF 149 I 81 consid. 4.2; 147 I 136 consid. 1.3; 145 I 26 consid. 1.2; 144 I 43 consid. 2.1; 142 V 395 consid. 2). Une association ayant la personnalité juridique est habilitée à recourir soit lorsqu'elle est touchée dans ses intérêts dignes de protection, soit lorsqu'elle sauvegarde les intérêts de ses membres; dans ce dernier cas, il faut que la défense des intérêts de ses membres figure parmi ses buts statutaires et que la majorité de ceux-ci, ou du moins une grande partie d'entre eux, soit personnellement touchée par l'acte attaqué (ATF 145 V 128 consid. 2.2; 142 II 80 consid. 1.4.2; 137 II 40 consid. 2.6.4).  
 
2.3.  
 
2.3.1. En l'espèce, le SPJ et l'UPCP soulèvent les griefs de violation de la liberté syndicale (art. 28 Cst. et art. 11 CEDH) et de violation de leur droit d'être entendus (art. 29 al. 2 Cst.), au motif que le Conseil d'Etat ne les aurait pas consultés avant d'adopter le règlement litigieux. Sur le fond, ils soulèvent les griefs de violation du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst.) et du principe de la séparation des pouvoirs (art. 2 al. 2 Cst./GE). Ils font valoir, avec les autres recourants, que l'art. 9 al. 2 du règlement contesté prévoit une division de la gendarmerie en différentes unités, ce qui serait contraire à l'organisation prévue par la loi. Le fonctionnement "en silos" de la gendarmerie serait ainsi maintenu, alors que le législateur cantonal a voulu y mettre fin pour améliorer le fonctionnement de ce corps de police et les conditions de travail de ses membres.  
 
2.3.2. Le SPJ et l'UPCP sont tous deux constitués sous forme d'association au sens du code civil et ont pour but statutaire la défense des intérêts de leurs membres, lesquels sont dans leur grande majorité des agents de police (cf. arrêt 8C_789/2020 du 4 novembre 2021 consid. 1.2). Contrairement à ce que soutient l'intimé, les premiers juges n'ont aucunement constaté le contraire. Le SPJ et l'UPCP sont par ailleurs touchés par le règlement litigieux et disposent d'un intérêt digne de protection à recourir en tant qu'ils soulèvent les griefs de violation du droit d'être entendu et de violation de la liberté syndicale. Par ailleurs, A.________ est membre de la gendarmerie et est donc directement concerné par l'organisation de ce corps de police. Il dispose lui aussi d'un intérêt digne de protection au recours dans la mesure où il conteste la légalité de l'organisation prévue par le ROPol et soutient qu'elle empêchera l'amélioration des conditions de travail des membres de la gendarmerie, à laquelle il appartient, alors qu'il s'agirait de l'un des buts visés par la révision législative entrée en vigueur le 24 décembre 2022. La qualité pour recourir de B.________ est en revanche douteuse. Il n'est en effet pas membre de la gendarmerie, mais de la police judiciaire, qui n'est pas concernée par l'art. 9 al. 2 ROPol. La question de la recevabilité de son recours peut toutefois demeurer ouverte, compte tenu de ce qui suit.  
 
3.  
Dans le cadre d'un contrôle abstrait d'un acte normatif cantonal, le Tribunal fédéral examine librement la conformité de l'acte aux droits constitutionnels, à condition que ceux-ci soient invoqués et motivés conformément aux exigences découlant de l'art. 106 al. 2 LTF. Il s'impose une certaine retenue eu égard notamment aux principes découlant du fédéralisme et de la proportionnalité; il n'annule les dispositions cantonales attaquées que si elles ne se prêtent à aucune interprétation conforme au droit constitutionnel ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre avec une certaine vraisemblance qu'elles soient interprétées de façon contraire à la Constitution et au droit fédéral. Pour en juger, il faut notamment tenir compte de la portée de l'atteinte aux droits en cause, de la possibilité d'obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante ainsi que des circonstances dans lesquelles ladite norme sera appliquée (ATF 148 I 160 consid. 2; 144 I 306 consid. 2; 143 I 1 consid. 2.3; 140 I 2 consid. 4). 
 
4.  
 
4.1. La liberté syndicale consacrée à l'art. 28 al. 1 Cst. prévoit que les travailleurs, les employeurs et leurs organisations ont le droit de se syndiquer pour la défense de leurs intérêts, de créer des associations et d'y adhérer ou non. Jurisprudence et doctrine distinguent la liberté syndicale individuelle de la liberté syndicale collective. La liberté syndicale individuelle donne au particulier le droit de contribuer à la création d'un syndicat, d'adhérer à un syndicat existant ou de participer à son activité, ainsi que celui de ne pas y adhérer ou d'en sortir, sans se heurter à des entraves étatiques. Quant à la liberté syndicale collective, elle garantit au syndicat la possibilité d'exister et d'agir en tant que tel, c'est-à-dire de défendre les intérêts de ses membres; elle implique notamment le droit de participer à des négociations collectives et de conclure des conventions (ATF 144 I 50 consid. 4.1; 143 I 403 consid. 6.1 et les références).  
De manière générale, la Constitution fédérale ne confère pas aux citoyens le droit d'être entendus dans une procédure législative (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 137 I 305 consid. 2.4). Une exception n'est admise que lorsque certaines personnes (destinataires dits "spéciaux") sont touchées de façon sensiblement plus grave que le plus grand nombre des destinataires "ordinaires", par exemple lorsqu'un décret de portée générale ne touche concrètement qu'un très petit nombre de propriétaires (ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les arrêts cités). Un droit d'être entendu dans une procédure législative peut cependant découler de certaines normes constitutionnelles particulières (ATF 137 I 305 consid. 2.4). Le Tribunal fédéral a notamment admis que la liberté syndicale (art. 28 Cst.), si elle ne confère pas aux organisations syndicales de la fonction publique le droit de participer au processus législatif portant sur le statut du personnel, leur accorde néanmoins celui d'être entendues sous une forme appropriée en cas de modifications législatives ou réglementaires touchant de manière significative les conditions de travail de leurs membres (ATF 144 I 50 consid. 5.3.2; 134 I 269 consid. 3.3.1; 129 I 113 consid. 3). Seul le syndicat en tant que tel, et non ses membres, a qualité pour se prévaloir d'une violation du droit d'être entendu découlant de la liberté syndicale collective (arrêts 8C_789/2020 du 4 novembre 2021 consid. 3.1; 8C_376/2020 du 4 décembre 2020 consid. 4.4). Les discussions menées avec une commission paritaire comprenant de nombreux membres proposés par un cartel intersyndical de la fonction publique peuvent constituer une forme appropriée de consultation (arrêt 8C_789/2020 précité consid. 3.4). 
Les recourants ne soutiennent pas, à juste titre, que l'art. 11 par. 1 CEDH relatif à la liberté d'association, comprenant également la liberté syndicale, irait, dans ce contexte, au-delà de l'art. 28 Cst. 
 
4.2. Les premiers juges ont considéré que les recourants ne sont pas des destinataires "spéciaux" au sens de la jurisprudence mentionnée ci-avant, qui pourraient se prévaloir d'un droit propre à être entendus sur le projet de règlement contesté indépendamment du droit constitutionnel à la liberté syndicale. Les recourants ne le soutiennent pas, de sorte qu'il n'y a pas lieu de revenir sur ce point.  
 
4.3.  
 
4.3.1. La juridiction cantonale a également considéré que les modifications contestées du ROPol ne touchent pas de manière significative les conditions de travail des membres du SPJ et de l'UPCP. En effet, ces modifications portent uniquement sur l'organisation générale de la police, à savoir la création d'un poste de commandant adjoint et l'organisation opérationnelle de la gendarmerie, soit des éléments relevant de l'organisation interne de la police qui n'affectent pas les droits et obligations des fonctionnaires de police en tant que sujets de droit. Partant, le SPJ et l'UPCP ne pouvaient pas exiger d'être consultés avant l'adoption du règlement.  
 
4.3.2. Le droit des organisations syndicales de la fonction publique à être entendues sous une forme appropriée, découlant de la liberté syndicale garantie par l'art. 28 Cst., ne porte pas sur toute modification législative ou réglementaire concernant directement ou indirectement leurs membres. La portée de la modification doit avoir une influence significative sur les conditions de travail de ces derniers. Tel est en principe le cas lorsque le statut même des membres de la fonction publique est modifié, en particulier lorsque les règles sur la conclusion, l'objet et la fin des rapports de travail, ou d'autres normes concernant les rapports entre l'employeur et les membres de la fonction publique sont adaptées (cf. art. 356 al. 1 et 2 CO). En revanche, les dispositions législatives ou réglementaires qui portent sur l'organisation de l'Etat, d'un département ou d'un service n'ont souvent qu'une portée moindre sur les conditions de travail et ne concernent pas directement les rapports juridiques entre l'Etat et les membres de la fonction publique. On admettra donc que leurs effets sur les conditions de travail sont généralement insuffisants pour ouvrir un droit des organisations syndicales d'être entendues préalablement sous une forme appropriée, découlant de la liberté syndicale garantie par l'art. 28 Cst. Demeurent réservées des situations dans lesquelles les effets de la réorganisation sur les conditions de travail seraient particulièrement importants.  
 
4.3.3. En l'espèce, la création d'un poste de commandant adjoint - qui n'est d'ailleurs plus remise en cause devant le Tribunal fédéral - ainsi que l'organisation de la gendarmerie en quatre unités opérationnelles ne concernent pas directement le statut des agents concernés. Comme toute norme d'organisation d'une administration, cela modifiera la manière quotidienne de travailler des personnes qui y sont engagées et les concerne davantage que d'autres citoyens (cf. consid. 2.3.2 supra). Cela ne suffit toutefois pas à considérer que le règlement litigieux a des effets significatifs sur leurs conditions de travail, au sens de la jurisprudence mentionnée ci-avant (cf. consid. 4.1 et 4.3.2 supra). On observera par ailleurs, quand bien même cela n'est pas ici déterminant, que le projet de loi 12'521 modifiant la LPol a été adopté après consultation du SPJ et de l'UPCP, représentés par B.________ et A.________. Ces derniers s'étaient déclarés favorables au projet, à l'élaboration duquel ils avaient participé en donnant leur avis sur de nombreux points. Ils s'étaient plus particulièrement exprimés sur l'organisation de la police et sur les raisons pour lesquelles ils estimaient que la division de la gendarmerie "en silos" n'était pas opportune. Le règlement contesté ayant été adopté par le Conseil d'Etat rapidement après l'adoption de la loi 12'521, celui-ci était bien informé, à l'issue des travaux législatifs, des modifications organisationnelles souhaitées par les syndicats recourants et de leur position sur les réformes en cours.  
Vu ce qui précède, le grief de violation de la liberté syndicale est mal fondé. 
 
5.  
 
5.1. Les recourants soulèvent le grief de violation des principes de la séparation des pouvoirs et de la légalité. Ils soutiennent que le règlement contesté réintroduit une organisation de la police "en silos", sans base légale et contrairement aux art. 4 al. 1 et 6 LPol, dont la modification par le Grand Conseil avait précisément pour but d'exclure un tel mode d'organisation.  
 
5.2.  
 
5.2.1. Le principe de la légalité, consacré à l'art. 5 al. 1 Cst., exige que les autorités n'agissent que dans le cadre fixé par la loi. Hormis en droit pénal et fiscal où il a une signification particulière, le principe de la légalité n'est pas un droit constitutionnel du citoyen. Il s'agit d'un principe constitutionnel qui ne peut pas être invoqué en tant que tel, mais seulement en relation avec la violation, notamment, du principe de la séparation des pouvoirs, de l'égalité, de l'interdiction de l'arbitraire ou la violation d'un droit fondamental spécial (ATF 140 I 381 consid. 4.4; 134 I 322 consid. 2.1).  
 
5.2.2. Le principe de la séparation des pouvoirs est garanti - au moins implicitement - par toutes les constitutions cantonales. Dans le canton de Genève, il l'est par l'art. 2 al. 2 Cst./GE. Il impose le respect des compétences établies par le droit constitutionnel en interdisant à un organe de l'Etat d'empiéter sur les compétences d'un autre organe. Il interdit en particulier au pouvoir exécutif d'édicter des dispositions qui devraient figurer dans une loi, cette attribution revenant au pouvoir législatif. L'exécutif cantonal doit en principe se limiter à adopter des dispositions d'exécution, comme la Constitution genevoise le prévoit d'ailleurs expressément (art. 109 al. 4 Cst./GE; ATF 138 I 196 consid. 4.1; 134 I 322 consid. 2.2; 130 I 1 consid. 3.1), à moins qu'il ne puisse se fonder sur une délégation législative adoptée par le législateur cantonal ou découlant directement de la constitution cantonale (cf. ATF 147 I 478 consid. 3.1.1; 138 I 196 consid. 4.1; 134 I 269 consid. 4.2). Le contenu du principe de la séparation des pouvoirs, en tant que droit constitutionnel cantonal au sens de l'art. 95 let. c LTF, découle ainsi en premier lieu du droit cantonal. Le Tribunal fédéral examine à cet égard librement l'interprétation des normes constitutionnelles cantonales pertinentes, mais vérifie uniquement sous l'angle restreint de l'arbitraire si les règles de répartition des compétences fixées par des normes cantonales de rang inférieur ont été respectées (cf. ATF 147 I 478 consid. 3.1.1; voir également arrêt 2C_414/2022 du 12 juillet 2023 consid. 5.2, destiné à la publication).  
 
5.3. Le ROPol est le règlement d'application de la LPol, édicté par le Conseil d'Etat conformément aux art. 64 LPol et 109 al. 4 Cst./GE. Les recourants ne contestent pas, sur le principe, que les dispositions d'organisation nouvellement adoptées par le Grand Conseil avec la loi 12'521 doivent faire l'objet de compléments dans le règlement d'application.  
 
5.4. Dans sa teneur en vigueur jusqu'au 23 décembre 2022, l'art. 4 LPol prévoyait ce qui suit, sous le titre "Organisation militaire":  
 
"1 La police est organisée militairement. 
2 Elle est dirigée par un commandant de la police (ci-après: commandant) nommé par le Conseil d'Etat." 
 
L'art. 6 LPol prévoyait par ailleurs ce qui suit, sous le titre "Composition de la police": 
 
"La police comprend: 
 
a) les services d'appui que sont: 
 
1° la direction des services d'état-major, 
2° la direction de la stratégie, 
3° la direction des ressources humaines, 
4° la direction du support et de la logistique, 
5° la direction des finances; 
 
b) les services opérationnels que sont: 
 
6° la direction des opérations, 
7° police-secours, 
8° la police judiciaire, 
9° la police de proximité, 
10° la police internationale, 
11° la police routière; 
 
c) les commissaires de police." 
 
La loi 12'521 a modifié ces dispositions, qui ont désormais la teneur suivante: 
 
"Art. 4 Organisation et hiérarchie 
 
1 La hiérarchie policière est pyramidale. 
2 La police est dirigée par une commandante ou un commandant de la police, nommé par le Conseil d'Etat. 
 
-..] 
 
Art. 6 Composition de la police 
 
1 La police, dirigée par une commandante ou un commandant, est formée des deux corps suivants: 
a) la gendarmerie; et 
b) la police judiciaire. 
 
2 Les services d'appuis, placés sous l'autorité du chef d'état-major, facilitent l'action de la police et sont composés de: 
a) la direction des services d'état-major; 
b) la direction de la stratégie; 
c) la direction des ressources humaines; 
d) la direction du support et de la logistique; 
e) la direction des finances. 
 
3 Les commissaires de police forment un service transversal. 
 
4 L'état-major appuie la commandante ou le commandant dans la conduite de l'action de la police." 
 
 
5.5. L'art. 9 ROPol est rédigé comme suit:  
 
"Art. 9 Organisation opérationnelle 
 
1 La gendarmerie assure les prérogatives répressives tout en déployant une action préventive et dissuasive par une présence visible pour répondre aux missions énoncées à l'article 10 de la loi. 
 
2 Pour assurer ses missions, la gendarmerie est organisée en 4 unités opérationnelles: 
a) l'unité routière veille à la sécurité de la mobilité, assure la sécurité des usagères et usagers, surveille le trafic et contribue à la fluidité de celui-ci; 
b) l'unité de secours d'urgence garantit la sécurité publique, notamment par la réponse aux réquisitions, et pourvoit à la protection des personnes et des biens; 
c) l'unité de proximité déploie son action au profit de la sécurité de proximité, par sa visibilité et ses partenariats durables avec la population et l'ensemble des institutions publiques et privées, notamment les communes. Elle assure en outre la récolte du renseignement et agit dans le judiciaire de proximité et de voie publique. Pour répondre à sa mission de sécurité de proximité au sens de l'article 10, alinéa 1, de la loi, elle intègre des unités judiciaires de voie publique; 
d) l'unité diplomatique et aéroportuaire assure la sécurité des personnes, des biens et des lieux et accomplit les missions qui lui sont déléguées par la Confédération, notamment en matière de migration. 
 
3 La police judiciaire, selon l'article 11 de la loi, est un corps d'enquête et d'investigation, notamment compétent en matière de mesures préalables au sens de la section 9 du chapitre III de la loi. 
a) Elle traite les affaires transmises par les autres services de la police, répondant aux critères de l'article 11, alinéa 1, de la loi. 
b) Elle contribue aux dispositifs lors de grands événements ou d'événements particuliers, dans ses domaines de compétence. 
c) Elle participe au dispositif général de prévention dans les thématiques propres à son activité." 
 
 
5.6. Les recourants soutiennent qu'en supprimant la mention des différents services opérationnels dans l'art. 6 LPol, le législateur entendait exclure que le Conseil d'Etat puisse "recréer ces unités par voie réglementaire". L'absence de mention de ces différents services constituerait ainsi un silence qualifié de la loi.  
A l'appui de cette argumentation, les recourants se limitent, pour l'essentiel, à comparer l'ancienne et la nouvelle version de l'art. 6 LPol, à se référer à l'art. 4 al. 1 LPol, prévoyant une hiérarchie policière pyramidale, et à citer un court extrait du rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le projet de loi modifiant la loi sur la police, déposé devant le Grand Conseil genevois le 18 octobre 2022 (PL12521A; ci-après: rapport de la commission judiciaire et de la police) : 
 
"Sous l'angle des ressources et de l'efficacité de l'action de la police, les auditions ont mis en évidence une dégradation des conditions de travail des uniformes sur le terrain causée par une organisation en silos. Sous l'angle humain, l'organisation de la LPol ainsi que la formation à Savatan ont engendré une perte d'attractivité et de motivation des policiers voire une perte du sens des missions" (p. 220). 
 
 
5.7.  
 
5.7.1. D'un point de vue littéral, l'organisation de la gendarmerie en quatre unités opérationnelles, conformément à l'art. 9 al. 2 ROPol, n'est pas contraire à l'art. 6 LPol, tel qu'en vigueur depuis le 24 décembre 2022. Celui-ci prévoit l'organisation de la police en deux corps principaux, à savoir la gendarmerie et la police judiciaire, sans exclure formellement une subdivision de la gendarmerie en plusieurs unités. Le règlement respecte l'organisation de la police non plus en six services opérationnels distincts, dont la police judiciaire, mais en deux corps, la gendarmerie et la police judiciaire.  
 
5.7.2. D'un point de vue historique et téléologique, l'extrait du rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le projet de loi modifiant la loi sur la police, cité par les recourants, ne permet pas de constater un silence qualifié du législateur, qui exclurait l'organisation de l'un des deux corps de police prévus par la loi en plusieurs unités opérationnelles. La volonté d'éviter une organisation du travail "en silos" n'exclut pas une telle subdivision, dès lors que les unités opérationnelles prévues par l'art. 9 al. 2 ROPol sont soumises non plus à l'autorité de six chefs ou cheffes de service placés sous la direction du commandant ou de la commandante, mais à celle d'un seul chef ou d'une seule cheffe de la gendarmerie faisant partie de l'état-major de la police à disposition du commandant ou de la commandante (art. 7 LPol). Les quatre unités de la gendarmerie sont ainsi placées sous une seule autorité, responsable devant le commandant ou la commandante de la police, plutôt que sous l'autorité de six personnes différentes, ce qui devrait favoriser la transversalité et l'entraide entre les différentes unités et correspond à la volonté exprimée notamment par les représentants de la Commission du personnel de la police (rapport de la commission judiciaire et de la police, p. 157 s.: "Il faudrait [...] un chef pour réunir les 4 entités. C'est pour cela que la création d'une gendarmerie apparaît importante [...], donc un chef qui dirige les 4 entités pour qu'il y ait un accord ensemble car actuellement chaque service travaille pour son propre compte et ils ne s'entraident pas").  
Il ressort par ailleurs des travaux législatifs que l'organisation "en silos" découlait largement, du point de vue des partisans de la réforme, de la suppression de la gendarmerie et de son remplacement par six services de police disposant chacun de leur état-major, en application de la LPol, dans sa version originale, en 2016 (rapport de la commission judiciaire et de la police, p. 14 s.: " L'idée est de rétablir la gendarmerie comme un ensemble dont les différents silos actuels constitueraient des missions et non plus des services séparés, en conservant la police internationale, la police de proximité, la police-secours et la police routière "). Auparavant, les différentes missions de la police étaient assumées par des unités intégrées à la gendarmerie, correspondant aux différentes missions de cette dernière (rapport de la commission judiciaire et de la police, p. 133 s., p. 149: " La gendarmerie, avant la LPol de 2016, était considérée par des unités, dont la brigade urbaine et suburbaine [BUS], aujourd'hui police-secours, la police de proximité et la brigade de navigation et de prévention, aujourd'hui la police routière "). La réintroduction de la gendarmerie avait pour but de mettre fin au cloisonnement excessif résultant de la création, par la LPol dans sa version adoptée en 2016, de services de police séparés avec des hiérarchies séparées (rapport de la commission judiciaire et de la police, p. 15: " [...] l'essentiel de la modification structurelle est contenu dans l'article 6 du projet, puisque les quatre silos [...] sont réunis dans le même corps et n'auront donc qu'une seule direction, alors qu'actuellement il y a quatre services séparés avec une hiérarchie séparée. [...] Pour ces services, le fait de ne pas pouvoir se renforcer mutuellement, à cause d'une hiérarchie séparée apparaît problématique "), et de revenir à l'organisation qui prévalait auparavant (rapport de la commission judiciaire et de la police, p. 18: " L'objectif de cet article est de revenir à l'organisation qui prévalait auparavant "). On ne peut donc pas déduire des travaux préparatoires que le législateur entendait exclure la création d'unités opérationnelles soumises à une direction commune au sein de la gendarmerie. On voit mal, enfin, en quoi la hiérarchie pyramidale prévue par l'art. 4 al. 1 LPol s'opposerait à la subdivision de la gendarmerie en quatre unités opérationnelles, au contraire. 
 
6.  
Les recourants évoquent encore plusieurs objectifs poursuivis selon eux par la révision de la LPol, sans toutefois motiver suffisamment leur recours à cet égard, notamment sans étayer précisément leurs allégations. Sur ces points, le recours ne répond pas aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF, de sorte qu'il n'y a pas lieu de les examiner plus avant. 
 
7.  
Vu ce qui précède, le recours est mal fondé dans la mesure où il est recevable. Les recourants supporteront les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Bien qu'il obtienne gain de cause, l'intimé n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge des recourants. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre constitutionnelle. 
 
 
Lucerne, le 12 janvier 2024 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
La Greffière : Castella