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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_580/2022  
 
 
Arrêt du 26 avril 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Kiss, juge présidant, Hohl et May Canellas. 
Greffier: M. O. Carruzzo. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Alexandre Zen-Ruffinen, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
1. B.________, 
représenté par Me Marc Cavaliero, avocat, 
ainsi que par Me Serge Vittoz, avocat, 
2. Fédération Internationale de Football Association, 
intimés. 
 
Objet 
arbitrage international en matière de sport, 
 
recours en matière civile contre la décision rendue le 21 novembre 2022 par le Tribunal Arbitral du Sport. 
 
 
Faits :  
 
A.  
Statuant par décision du 13 octobre 2022, la Chambre de Résolution des Litiges de la Fédération Internationale de Football Association (FIFA) a condamné le défendeur A.________ (ci-après: le club) à payer au joueur de football B.________ le montant de 765'000 euros, intérêts en sus, et a interdit au club d'enregistrer de nouveaux joueurs, au niveau national et international, au cours de deux périodes consécutives d'enregistrement. 
 
B.  
Le 3 novembre 2022, le club a transmis au Tribunal Arbitral du Sport (TAS) une déclaration d'appel, laquelle a été envoyée exclusivement par courrier électronique. Le même jour, il a payé une avance de frais de 1'000 fr. 
Par lettre du 14 novembre 2022, le greffe du TAS a fixé un délai de trois jours à l'appelant pour prouver que la déclaration d'appel avait été adressée par courrier ou téléchargée sur sa plateforme de dépôt en ligne ("e-filing"), tout en relevant qu'un tel envoi n'était pas intervenu à ce jour. 
Par courrier électronique du 15 novembre 2022, l'appelant a demandé au TAS de pouvoir bénéficier du service de dépôt en ligne et a exposé les raisons pour lesquelles il estimait que son appel était recevable. 
Le 21 novembre 2022, le Greffe du TAS a signifié aux parties un refus de procéder concernant l'appel déposé par le club, en précisant que l'avance versée par celui-ci serait remboursée moyennant communication de ses coordonnées bancaires. Ce refus tenait au non-respect des exigences prévues par l'art. R31 al. 3 du Code de l'arbitrage en matière de sport (ci-après: le Code), lequel énonce ce qui suit: 
 
" La requête d'arbitrage, la déclaration d'appel et tout autre mémoire écrit, imprimé ou sauvegardé sur support numérique, doivent être déposés par courrier au Greffe du TAS par les parties en autant d'exemplaires qu'il y a d'autres parties et d'arbitres, plus un exemplaire pour le TAS, faute de quoi le TAS ne procède pas. S'ils sont transmis par avance par télécopie ou par courrier électronique à l'adresse électronique officielle du TAS (procedures@tas-cas.org), le dépôt est valable dès réception de la télécopie ou du courrier électronique par le Greffe du TAS mais à condition que le mémoire et ses copies soient également déposés par courrier, ou téléchargés sur la plateforme de dépôt en ligne du TAS, le premier jour ouvrable suivant l'expiration du délai applicable, comme mentionné ci-dessus. " 
Le TAS a relevé que la décision attaquée avait été notifiée aux parties le 17 octobre 2022 et que le délai d'appel avait expiré le 7 novembre 2022. Or, le club, qui avait adressé sa déclaration d'appel au TAS le 3 novembre 2022 par courrier électronique, n'avait pas transmis un exemplaire de son mémoire par courrier ni téléchargé celui-ci sur la plateforme de dépôt en ligne le premier jour ouvrable suivant l'expiration du délai applicable. 
 
C.  
Le 21 décembre 2022, le club (ci-après: le recourant) a formé un recours en matière civile, assorti d'une requête d'effet suspensif et de mesures provisionnelles, aux fins d'obtenir l'annulation de la décision du 21 novembre 2022. 
La demande d'effet suspensif et de mesures provisionnelles a été rejetée par ordonnance du 8 février 2023. 
La FIFA (ci-après: l'association intimée) a proposé le rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. 
B.________ (ci-après: le joueur intimé) a conclu au rejet du recours. 
Invité à répondre au recours, le TAS a conclu à son rejet. 
Le recourant a répliqué spontanément suscitant le dépôt d'une duplique de la part du TAS. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
D'après l'art. 54 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision a été rendue dans une autre langue (ici l'anglais), il utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant le TAS, le recourant s'est servi de l'anglais, tandis que, dans les mémoires qu'elles ont adressés au Tribunal fédéral, les parties ont employé le français respectant ainsi l'art. 42 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 70 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.; RS 101; ATF 142 III 521 consid. 1). Conformément à sa pratique, le Tribunal fédéral rendra, par conséquent, son arrêt en français. 
 
2.  
Le recours en matière civile est recevable contre les sentences touchant l'arbitrage international aux conditions fixées par les art. 190 à 192 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291), conformément à l'art. 77 al. 1 let. a LTF
Le siège du TAS se trouve à Lausanne. L'une des parties au moins n'avait pas son siège en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont donc applicables (art. 176 al. 1 LDIP). 
 
3.  
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 138 III 46 consid. 1). 
 
3.1. Le recours en matière civile visé par l'art. 77 al. 1 let. a LTF n'est recevable qu'à l'encontre d'une sentence, qui peut être finale (lorsqu'elle met un terme à l'instance arbitrale pour un motif de fond ou de procédure), partielle, voire préjudicielle ou incidente. En revanche, une simple ordonnance de procédure pouvant être modifiée ou rapportée en cours d'instance n'est pas susceptible de recours. Est déterminant le contenu de la décision, et non pas sa dénomination (ATF 143 III 462 consid. 2.1).  
En l'occurrence, le TAS a refusé de procéder respectivement de traiter l'affaire qui lui était soumise, en raison du non-respect des exigences de forme prévues par l'art. R31 al. 3 du Code. Il ne s'agit ainsi pas d'une simple ordonnance de procédure susceptible d'être modifiée ou rapportée en cours d'instance mais bel et bien d'un acte qui s'apparente à une décision d'irrecevabilité clôturant l'affaire pour un motif tiré des règles de la procédure. Peu importe que la décision querellée revête ici la forme d'une lettre et qu'elle émane du Greffe du TAS plutôt que d'une formation arbitrale (arrêts 4A_416/2020 du 4 novembre 2020 consid. 2.2; 4A_556/2018 du 5 mars 2019 consid. 2.2; 4A_238/2018 du 12 septembre 2018 consid. 2.2). 
 
3.2. Pour le reste, qu'il s'agisse de la qualité pour recourir, du délai de recours, des conclusions prises par l'intéressé ou encore des moyens soulevés dans le mémoire de recours, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose donc à l'entrée en matière. Demeure réservé l'examen, sous l'angle de sa motivation, des griefs invoqués par le recourant.  
Contrairement à ce que soutient l'intéressé, on relèvera encore que la décision attaquée lui a bel et bien été transmise par courrier, puisque son mandataire l'a reçue le 23 novembre 2022, ainsi que cela ressort du dossier de la cause. 
 
4.  
Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits constatés dans la sentence attaquée (cf. art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter d'office les constatations des arbitres, même si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut l'application de l'art. 105 al. 2 LTF). Aussi bien, sa mission, lorsqu'il est saisi d'un recours en matière civile visant une sentence arbitrale internationale, ne consiste-t-elle pas à statuer avec une pleine cognition, à l'instar d'une juridiction d'appel, mais uniquement à examiner si les griefs recevables formulés à l'encontre de ladite sentence sont fondés ou non. Permettre aux parties d'alléguer d'autres faits que ceux qui ont été constatés par le tribunal arbitral, en dehors des cas exceptionnels réservés par la jurisprudence, ne serait plus compatible avec une telle mission, ces faits fussent-ils établis par les éléments de preuve figurant dans le dossier de l'arbitrage (arrêt 4A_386/2010 du 3 janvier 2011 consid. 3.2). Cependant, le Tribunal fédéral conserve la faculté de revoir l'état de fait à la base de la sentence attaquée si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (ATF 138 III 29 consid. 2.2.1 et les références citées; arrêt 4A_65/2018 du 11 décembre 2018 consid. 2.3). 
Ces principes ne sont pas directement applicables en l'espèce, étant donné que le prononcé attaqué équivaut à un refus de traiter l'affaire, faute pour le recourant d'avoir satisfait aux exigences prévues par l'art. R31 al. 3 du Code. Cependant, ils peuvent l'être, à tout le moins, par analogie. Aussi la Cour de céans tiendra-t-elle compte, pour l'examen du cas présent, du déroulement de la procédure devant le TAS, tel qu'il ressort du dossier produit par ce dernier (arrêts 4A_556/2018, précité, consid. 3; 4A_692/2016 du 20 avril 2017 consid. 3). 
 
5.  
 
5.1. Dans ses écritures, l'intéressé, se plaignant d'un déni de justice formel et d'une composition irrégulière du tribunal arbitral au sens de l'art. 190 al. 2 let. a LDIP, fait valoir que le Greffe du TAS n'était pas compétent pour refuser d'entrer en matière sur son appel. A cet égard, il soutient, en se fondant sur le texte de l'art. R49 du Code, qu'il incombait à la Présidente de la Chambre arbitrale d'appel du TAS de se prononcer sur ce point. Or, le dossier n'a pas été transmis à cette dernière, raison pour laquelle elle n'a pas pu prendre connaissance des arguments que l'intéressé avait avancés pour démontrer que son appel était recevable. Le recourant y voit dès lors un déni de justice formel. Il dénonce en outre une violation de l'art. 190 al. 2 let. a LDIP, dans la mesure où la décision querellée a été rendue à son avis par un organe incompétent du TAS, à savoir par une Conseillère appartenant au Greffe de ladite institution arbitrale et non par la Présidente de la Chambre arbitrale d'appel.  
 
5.2. L'argumentation développée par le recourant - dont la motivation laisse à désirer - n'emporte nullement la conviction de la Cour de céans.  
C'est en vain que l'intéressé se plaint d'un déni de justice formel, puisque le TAS n'a pas refusé de statuer sur le cas qui lui était soumis. L'institution d'arbitrage a simplement considéré qu'elle ne pouvait pas procéder respectivement entrer en matière sur l'affaire car le recourant ne l'avait pas saisie valablement, étant donné qu'il n'avait pas respecté les exigences formelles prévues par l'art. R31 al. 3 du Code. 
Le recourant ne peut pas davantage être suivi lorsqu'il affirme, de manière péremptoire, que "d'après la lettre claire du Règlement du TAS", il incombe au "président de la Chambre arbitrale d'appel" de décider de ne pas entrer en matière sur une déclaration d'appel. Certes, l'art. R49 du Code dispose que le Président de la Chambre concernée du TAS n'ouvre pas de procédure "si la déclaration d'appel est manifestement tardive". Cela étant, l'intéressé perd de vue que l'application de la norme précitée n'entrait pas en ligne de compte en l'espèce. En effet, le TAS ne reprochait pas à l'intéressé d'avoir agi tardivement mais bel et bien de ne pas avoir observé les conditions formelles afférentes au dépôt de la déclaration d'appel mentionnées à l'art. R31 al. 3 du Code. Or, il appert du texte de ladite règle que l'examen de telles exigences incombe au Greffe du TAS et non pas au Président d'une Chambre d'arbitrage du TAS, puisque l'art. R31 al. 3 du Code précise expressément que "le dépôt est valable dès réception de la télécopie ou du courrier électronique par le Greffe du TAS mais à condition que le mémoire et ses copies soient également déposés par courrier, ou téléchargés sur la plateforme de dépôt en ligne du TAS, le premier jour ouvrable suivant l'expiration du délai applicable, comme mentionné ci-dessus [passage mis en évidence par le Tribunal fédéral]. 
Pareille interprétation est du reste corroborée par la pratique suivie par le TAS, car le Secrétaire adjoint du TAS a déjà confirmé, dans une autre affaire soumise au Tribunal fédéral il y a plusieurs années, qu'un refus de procéder motivé par le fait qu'une partie n'avait pas observé l'art. R31 al. 3 du Code relevait de la seule compétence du Greffe du TAS (arrêt 4A_238/2018, précité, consid. 2.2). 
Le recourant ne saurait également être suivi lorsqu'il prétend, en substance, que le Greffe du TAS peut refuser d'entrer en matière uniquement lorsqu'une partie n'a pas transmis un nombre suffisant d'exemplaires de sa déclaration d'appel. Certes, l'art. R31 al. 3 du Code est composé de deux phrases et l'indication selon laquelle le "TAS ne procède pas" figure au terme de la première d'entre elles, laquelle règle notamment la problématique afférente au nombre d'exemplaires à déposer. Cela ne permet toutefois pas d'en conclure, contrairement à ce que soutient le recourant, que la seconde phrase de l'art. R31 al. 3 du Code aurait en réalité trait à une question de délai dont le non-respect serait réglé par l'art. R49 du Code. Comme l'expose le TAS de façon convaincante, la première phrase de l'art. R31 al. 3 du Code énonce le principe général selon lequel la déclaration d'appel doit en principe être adressée par courrier, faute de quoi le TAS ne procède pas. La seconde phrase de la norme précitée ne fait qu'apporter des précisions quant aux modalités du dépôt de l'écriture, lorsque celle-ci a été initialement transmise par courrier électronique. L'art. R31 al. 3 du Code règle ainsi les exigences formelles à respecter pour saisir valablement le TAS tout en précisant que les mémoires qui lui sont destinés doivent être adressés au Greffe du TAS. Il prévoit en outre que l'inobservation du mode réglementaire de transmission de l'écriture destinée au TAS a pour conséquence que ce dernier ne procède pas. Force est dès lors d'admettre que le Greffe du TAS était bel et bien habilité à rendre la décision querellée. 
A titre superfétatoire, on relèvera que, même si l'on suivait la thèse du recourant, l'admission du recours ne présenterait de toute manière aucun intérêt pratique pour ce dernier. En effet, la Présidente de la Chambre arbitrale d'appel a confirmé, dans la réponse au recours du TAS, sans susciter la moindre réaction de la part du recourant à cet égard, la conformité de la décision du 21 novembre 2022 avec les règles du Code, en dépit des arguments avancés par l'intéressé au sujet du non-respect des conditions de l'art. R31 al. 3 du Code. 
 
6.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Le recourant, qui succombe, supportera les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF) et versera des dépens au joueur intimé (art. 68 al. 1 et 2 LTF). L'association intimée, laquelle a agi sans l'assistance d'un avocat, n'a pas droit à des dépens. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 9'500 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le recourant versera au joueur intimé une indemnité de 10'500 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal Arbitral du Sport (TAS), à C.________, à D.________ et à E.________. 
 
 
Lausanne, le 26 avril 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La juge présidant : Kiss 
 
Le Greffier : O. Carruzzo