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Chapeau

149 II 19


3. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause Administration fédérale des contributions contre A. et Administration fiscale cantonale du canton de Genève (recours en matière de droit public)
2C_382/2021 du 23 septembre 2022

Regeste

Art. 25 LIFD en lien avec art. 23 let. f et art. 33 al. 1 let. c LIFD; imposition des pensions alimentaires à titre de revenus; notion de frais d'acquisition du revenu; non déductibilité des frais d'avocat déboursés pour obtenir une contribution d'entretien.
Conformément aux art. 24 let. e et 34 let. a LIFD, les prestations perçues par un contribuable en exécution d'une obligation fondée sur le droit de la famille ne sont pas traitées fiscalement comme des revenus (consid. 5.1 et 5.2). Les art. 23 let. f et 33 al. 1 let. c LIFD prévoient un régime dérogatoire s'agissant des pensions alimentaires, lesquelles sont imposables à titre de revenus auprès de leur bénéficiaire et déductibles auprès du contribuable qui les verse (consid. 5.3). Le régime dérogatoire des art. 23 let. f et 33 al. 1 let. c LIFD doit être interprété de manière restrictive (consid. 5.4). Rappel des principes applicables en matière de frais d'acquisition du revenu au sens de l'art. 25 LIFD (consid. 6.1 et 6.2) et de la jurisprudence rendue dans ce cadre s'agissant de frais d'avocat (consid. 6.3). Les frais d'avocat déboursés par un contribuable pour obtenir une contribution d'entretien ne constituent pas des frais d'acquisition du revenu déductibles en application de l'art. 25 LIFD (consid. 6.4).

Faits à partir de page 20

BGE 149 II 19 S. 20

A.

A.a A., domiciliée dans le canton de Genève, s'est séparée en août 2014 de son époux avec lequel elle a eu trois enfants.
BGE 149 II 19 S. 21
Par jugement rendu le 9 février 2016 confirmé par arrêt du 13 juillet 2016 de la Cour de justice, le Tribunal de première instance genevois a, dans le cadre de mesures protectrices de l'union conjugale, condamné l'époux de A. à verser à celle-ci une pension d'entretien mensuelle de 20'000 fr. dès le 1er janvier 2016.

A.b Le 20 mars 2017, A. a introduit auprès du Tribunal régional de l'Oberland bernois une requête en séquestre sur les avoirs de son époux, en vue de recouvrer les arriérés de la pension alimentaire fondée sur le jugement du 9 février 2016. Par ordonnance du 21 mars 2017, ce tribunal a ordonné le séquestre requis.

A.c Par ordonnance du 1er septembre 2017, le Tribunal de première instance a rejeté la requête de l'époux de A. déposée le 12 mai 2017 tendant notamment à la suppression de la pension alimentaire qu'il lui versait.

B.

B.a En août 2018, A. a déposé auprès de l'Administration fiscale cantonale sa déclaration fiscale pour l'année 2017. Elle y indiquait notamment avoir perçu des contributions d'entretien à hauteur de 223'736 fr. et revendiquait une déduction de 320'908 fr. à titre de frais d'acquisition du revenu pour ses honoraires d'avocat liés à l'obtention de dites contributions.
Par bordereaux du 17 décembre 2018, l'Administration cantonale a taxé A., en imposant les pensions alimentaires à titre de revenus et en refusant la déduction des frais d'avocats précités.

B.b Par décisions du 17 juillet 2019, l'Administration cantonale a partiellement admis la réclamation formée par A. et lui a accordé une déduction de 54'919 fr. sur ses revenus en lien avec ses frais d'avocat.
Par jugement du 4 mai 2020, le Tribunal administratif de première instance genevois a rejeté le recours déposé par A. contre les décisions du 17 juillet 2019 et a procédé à la reformatio in pejus de celles-ci, en ce sens que seule une déduction de 24'932 fr. en lien avec ses frais d'avocat était admise pour la période fiscale 2017.

B.c Par arrêt du 23 mai 2021, la Cour de justice a modifié le jugement du 4 mai 2020 en ce sens que la déduction totale admise à titre de frais d'acquisition du revenu pour les honoraires d'avocat liés à l'obtention des contributions d'entretien était portée à 27'443.18 francs.
BGE 149 II 19 S. 22

C. L'Administration fédérale des contributions dépose un recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral. Elle conclut à la réforme de l'arrêt du 23 mai 2021 de la Cour de justice en ce sens que la déductibilité des honoraires d'avocat à titre de frais d'acquisition du revenu est refusée dans son intégralité.
Le Tribunal fédéral a délibéré sur le présent recours en séance publique le 23 septembre 2022. Il a admis le recours.
(résumé)

Considérants

Extrait des considérants:

5. En premier lieu, il sied d'examiner la nature fiscale des contributions d'entretien, ainsi que le système d'imposition auquel elles sont assujetties.

5.1 A teneur de l'art. 16 al. 1 LIFD (RS 642.11), l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques. Le revenu correspond à l'accroissement net du patrimoine d'un individu au cours d'une période donnée (ATF 143 II 402 consid. 5.1 et 5.2; ATF 139 II 363 consid. 2.1 et 2.2).

5.2 S'agissant de l'impôt sur le revenu, la LIFD fixe comme principe que le contribuable ne peut déduire ni les frais pour son entretien et celui de sa famille (art. 34 let. a LIFD) ni les prestations versées en exécution d'une obligation d'entretien ou d'assistance fondée sur le droit de la famille (art. 33 al. 1 let. c LIFD), tandis que ces prestations sont exonérées chez le bénéficiaire (art. 24 let. e LIFD; cf. ATF 125 II 183 consid. 6.a). Cette réglementation part du principe selon lequel les flux d'argent ne sont pas appréhendés sous l'angle du droit fiscal dès lors qu'ils interviennent au sein de la communauté familiale (BAUMANN/ROBERT, Déductibilité des frais d'avocats engendrés par un divorce, in Au carrefour des contributions: mélanges de droit fiscal en l'honneur de Monsieur le Juge Pascal Mollard, 2020, p. 518; HUNZIKER/MAYER-KNOBEL, in Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht, Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, 3e éd. 2017, n° 23 ad art. 23 LIFD). Partant, les prestations perçues par un contribuable en exécution d'une obligation d'entretien ou d'assistance fondée sur le droit de la famille ne sont, en principe, pas traitées comme des revenus sous l'angle du droit fiscal.

5.3 En dérogation à ce qui précède, l'art. 23 let. f LIFD prévoit cependant que les pensions alimentaires obtenues pour lui-même par
BGE 149 II 19 S. 23
le contribuable divorcé ou séparé judiciairement ou de fait, ainsi que les contributions d'entretien obtenues par l'un des parents pour les enfants sur lesquels il a l'autorité parentale sont imposables à titre de revenu auprès de leur bénéficiaire. A teneur de l'art. 33 al. 1 let. c LIFD, ces mêmes contributions sont déductibles auprès du contribuable qui les verse. Le législateur a introduit avec la LIFD cette "réglementation inédite", car elle se conciliait mieux avec le principe de la capacité économique que la norme inverse qui figurait dans l'AIFD (Message du 25 mai 1983 concernant les lois fédérales sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes ainsi que sur l'impôt fédéral [Message sur l'harmonisation fiscale], FF 1983 III 174; cf. également ATF 125 II 183 consid. 6.b). D'après le principe d'imposition selon la capacité économique fixé à l'art. 127 al. 2 Cst., toute personne doit contribuer à la couverture des dépenses publiques, compte tenu de sa situation personnelle et en proportion de ses moyens; la charge fiscale doit être adaptée à la substance économique à disposition du contribuable (ATF 141 II 338 consid. 3.2; ATF 136 II 88 consid. 5.2 et les références citées).

5.4 Selon la jurisprudence, le régime exceptionnel de l'art. 33 al. 1 let. c LIFD doit être interprété de manière restrictive pour des raisons de systématique fiscale, le sens et le but de cette disposition étant d'ancrer dans les relations entre les ex-époux le principe de la concordance ou de la correspondance (Kongruenz- oder Korrespondenzprinzip) (arrêt 2C_139/2019 du 18 décembre 2019 consid. 2.2; cf. également ATF 125 II 183 consid. 6.g), selon lequel la prestation d'entretien est déductible chez son débiteur parce qu'elle est, en principe, imposable chez son bénéficiaire (ATF 133 II 305 consid. 4.2; arrêts 2C_544/2019 du 21 avril 2020 consid. 5.2; 2C_139/2019 du 18 décembre 2019 consid. 2.1.4).
Ainsi, le régime dérogatoire des art. 23 let. f et 33 al. 1 let. c LIFD, qui doit être interprété de manière restrictive, a pour but de répartir la charge fiscale d'un revenu déjà acquis par le débirentier sur la base d'un lien économique et juridique spécifique qui subsiste entre les ex-époux et qui maintient, dans une certaine mesure, la communauté familiale préexistante. Les contributions d'entretien, imposables à ce titre, constituent dès lors des revenus particuliers qui se distinguent par leurs caractéristiques des autres revenus.

6. Dans ce contexte, reste à examiner si les frais engagés par un contribuable dans le but d'obtenir une contribution d'entretien de son ex-conjoint en sa faveur ou celle de leurs enfants sont déductibles.
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6.1 A teneur de l'art. 25 LIFD, le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus imposables les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 26 à 33a LIFD. S'agissant des éléments admis en déduction, on distingue les déductions dites organiques (frais d'acquisition du revenu; art. 26 à 32 LIFD), les déductions générales (dites aussi anorganiques; art. 33 et 33a LIFD), ainsi que les déductions sociales (art. 35 LIFD), quand bien même l'art. 25 LIFD ne mentionne pas cette dernière catégorie (cf. BAUMANN/ROBERT, op. cit., p. 511 ss; PETER LOCHER, Kommentar zum Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, 1re partie, 2e éd. 2019, n° 1 ad art. 25 LIFD; YVES NOËL, in Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2e éd. 2017, nos 5 et 6 ad art. 25 LIFD; REICH/HUNZIKER, in Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht, Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, 3e éd. 2017, nos 1 ss ad art. 25 LIFD). L'art. 25 LIFD ne mentionne pas les déductions autorisées sur les revenus qui tombent sous le coup de la clause générale de l'art. 16 al. 1 LIFD, ainsi que sur les revenus décrits à l'art. 23 LIFD. Cependant, l'art. 25 LIFD doit être compris comme une clause générale, qui permet la déduction des frais d'acquisition (soit des déductions organiques) pour les revenus pour lesquels une déduction n'est pas explicitement mentionnée aux articles 26 ss LIFD (arrêts 2C_1278/2012 du 14 octobre 2013 consid. 5.1; 2C_681/2008 / 2C_682/2008 du 12 décembre 2008 consid. 3.3; cf. également ARTHUR TEREKHOV, Steuerliche Abzugsfähigkeit von Rechtsvertretungs- und Gerichtskosten, Jusletter 2 août 2021 n. 3; LOCHER, op. cit., nos 2 ss ad art. 25 LIFD; NOËL, op. cit., n° 8 ad art. 25 LIFD; REICH/HUNZIKER, op. cit., nos 11 ss ad art. 25 LIFD; RICHNER/FREI/KAUFMANN/MEUTER, Handkommentar zum DBG, 3e éd. 2016, n° 4 ad art. 25 LIFD).

6.2 Sont des frais d'acquisition du revenu les frais que le contribuable ne peut éviter et qui sont essentiellement dus ou causés par la réalisation du revenu (cf. ATF 142 II 293 consid. 3.2; ATF 124 II 29 consid. 3a; arrêts 2C_179/2019 du 2 octobre 2019 consid. 4.2; 2C_877/ 2019 du 7 mai 2019 consid. 4.2; 2C_1058/2017 du 5 février 2019
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consid. 11.1), lequel doit être imposable (cf. arrêt 2C_534/2018 du 27 septembre 2019 consid. 3.6.3 et 3.8). Il y a lieu de vérifier dans le cadre d'un examen d'ensemble des circonstances concrètes l'existence d'un lien suffisamment étroit entre la dépense dont la déduction est demandée et le revenu imposable (cf. ATF 142 II 293 consid. 3.2; arrêts 2C_179/2019 du 2 octobre 2019 consid. 4.2; 2C_877/2019 du 7 mai 2019 consid. 4.2; 2C_1058/2017 du 5 février 2019 con sid. 11.1). En effet, il doit s'agir d'une dépense qui présente un rapport direct et étroit avec le revenu imposable concerné. La doctrine parle de "qualifiziert enger Konnex zwischen den getätigten Ausgaben und den erzielten Einküften" (REICH/HUNZIKER, op. cit., n° 7 ad art. 25 LIFD; REICH/VON AH/BRAWAND, in Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht, Bundesgesetz über die Harmonisierung der direkten Steuern der Kantone und Gemeinden, 3e éd. 2017, n° 8 ad art. 8 LHID; BAUMANN/ROBERT, op. cit., p. 514; cf. également NOËL, op. cit., n° 10 ad art. 25 LIFD; RICHNER/FREI/KAUFMANN/MEUTER, op. cit., n° 7 ad art. 25 LIFD).

6.3 Sur le principe, la jurisprudence rendue en application de l'art. 25 LIFD admet que des frais d'avocat puissent constituer des frais d'acquisition du revenu déductibles (arrêts 2C_534/2018 du 27 septembre 2019 consid. 3.8; 2C_1058/2017 du 5 février 2019 consid. 11.1; 2C_415/ 2015 du 31 mars 2016 consid. 4; 2C_1278/2012 du 14 octobre 2013 consid. 5.1). Le Tribunal fédéral ne l'a cependant jamais reconnu en pratique, faute de lien de connexité suffisant entre les frais d'avocat invoqués et l'acquisition d'un revenu (cf. arrêts 2C_534/2018 du 27 septembre 2019 consid. 3.8; 2C_1058/2017 du 5 février 2019 consid. 11.1-11.3; 2C_1278/2012 du 14 octobre 2013 consid. 5).

6.4 Le Tribunal fédéral n'a pas encore eu à trancher le point de savoir si la clause générale de l'art. 25 LIFD permettait de déduire, à titre de frais d'acquisition du revenu, les frais d'avocat engendrés par une procédure diligentée dans le but d'obtenir des contributions d'entretien.

6.5 En l'occurrence, on ne saurait considérer, au vu de la jurisprudence restrictive du Tribunal fédéral (cf. supra consid. 6.3), que des frais d'avocat déboursés pour obtenir une contribution d'entretien puissent constituer des frais d'acquisition du revenu déductibles en application de l'art. 25 LIFD. Il ne faut pas perdre de vue que les procédures de droit matrimonial ont fréquemment pour spécificité de régler l'ensemble des questions soulevées par la fin de la vie commune et la variété des objets qui y sont traités empêche l'établissement d'un lien de connexité direct et étroit entre les frais d'avocat et la réalisation du revenu que représentent les contributions d'entretien. Dans de telles procédures, il est impossible de distinguer les frais afférents aux contributions d'entretien et ceux concernant des questions non pécuniaires (attribution du logement de famille, sort des enfants), respectivement des aspects pécuniaires qui ne sont pas
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appréhendés comme des revenus sous l'angle du droit fiscal (liquidation du régime matrimonial [art. 24 let. a LIFD], répartition des avoirs de prévoyance professionnelle [art. 22 ss de la loi fédérale du 17 décembre 1993 sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité; LFLP; RS 831.42]). Rien ne justifie d'opérer une distinction et de traiter différemment sous l'angle de l'art. 25 LIFD les procédures de droit matrimonial au motif qu'elles se limitent aux pensions alimentaires et aux contributions d'entretien. De plus, admettre, dans de telles procédures, la déductibilité des frais d'acquisition d'une pension alimentaire ou d'une contribution d'entretien visée à l'art. 23 let. f LIFD aurait pour conséquence de relativiser le principe de concordance entre les deux ex-époux, puisque le créancier pourrait déduire ses frais d'avocats à titre de frais d'acquisition du revenu, mais pas le débiteur, l'activité déployée par son avocat n'ayant pas pour but de générer des revenus ou d'obtenir une augmentation de ceux-ci (arrêt 2C_534/2018 du 27 septembre 2019 consid. 3.8; cf. également supra consid. 6.2).
Sur la base de ces éléments et compte tenu du sens et du but du régime exceptionnel des art. 23 let. f et 33 al. 1 let. c LIFD qui doit être interprété restrictivement, il convient de retenir que l'art. 25 LIFD ne permet pas de déduire les frais d'avocat déboursés pour obtenir des contributions d'entretien. Partant, les frais d'avocat engagés par la contribuable en lien avec la procédure initiée devant le Tribunal de première instance par son époux notamment dans le but de supprimer la pension qu'il lui versait, ainsi que ses frais d'avocat en lien avec la procédure de séquestre diligentée à l'encontre de son époux ne sont pas déductibles à titre de frais d'acquisition du revenu.

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Etat de fait

Considérants 5 6

références

ATF: 125 II 183, 142 II 293, 143 II 402, 139 II 363 suite...

Article: Art. 25 LIFD, art. 23 let, art. 33 al. 1 let, art. 24 let suite...