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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_495/2022  
 
 
Arrêt du 17 août 2023  
I  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jametti, Présidente, Hohl et May Canellas, 
greffière Monti. 
 
Participants à la procédure 
Chemins de fer fédéraux suisses CFF, 
partie représentée par Me Julien Blanc, avocat, 
partie recourante, 
 
contre  
 
L.________, 
représentée par Me Jean-Pierre Graz, avocat, 
partie intimée, 
 
et 
 
1. B.________, 
représentée par Me Pascal Pétroz, avocat, 
2. Ville de Genève, 
1204 Genève. 
 
Objet 
bail à loyer; réduction du loyer; défaut de la chose louée, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu 
le 3 octobre 2022 par la Chambre des baux et 
loyers de la Cour de justice du canton de Genève (C/9419/2020; ACJC/1277/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. L.________ loue dix pièces au septième étage d'un immeuble situé à Genève. Elle y habite et exploite un cabinet médical où elle pratique principalement l'acupuncture. B.________ est propriétaire de l'immeuble et bailleresse.  
Le loyer a été fixé en dernier lieu à 4'430 fr. par mois, hors charges. 
 
A.b. Le 1er novembre 2011 a débuté la construction du CEVA (Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse). Ce vaste projet ferroviaire, désormais achevé, devait relier la gare centrale de Genève (Cornavin) à celle d'Annemasse en passant notamment par Carouge, Champel et les Eaux-Vives. La construction de la gare de Champel, située sur le plateau de Champel et jouxtant la rue du même nom, a débuté en décembre 2011.  
Par jugement du 16 août 2016, le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève a réduit le loyer de L.________ à cause des nuisances causées par ce chantier à raison de 15% pour la période du 1er juin 2012 au 30 mai 2013 (recte: 31 mai 2013), de 30% du 1er juin 2013 au 30 juin 2015, puis à nouveau de 15% du 1er juillet 2015 au 31 mai 2016. Il a réservé une réduction de loyer pour la période ultérieure. 
 
A.c. Les deux tronçons du tunnel ont été joints le 26 juin 2016. La creuse du tunnel s'est poursuivie sur les deux fronts. A aussi été posée la charpente métallique de la gare, assortie de briques de verre. La creuse du tunnel de Champel s'est achevée le 8 juin 2017. La période comprise entre juin 2016 et juin 2017 a été marquée par un cumul des travaux dans le tunnel et sur le site de la gare. Même s'ils étaient moins nuisibles que les travaux antérieurs de gros-oeuvre, leur tenue en parallèle était propre à causer une nuisance importante.  
Les travaux de second-oeuvre de la gare se sont poursuivis au-delà de juin 2017. Ils ont été nombreux, entraînant l'usage d'engins de chantier et le transport de matériaux. Ces travaux étaient eux aussi de nature à générer des nuisances sonores plus fortes que celles rencontrées en milieu urbain. 
Dès le 17 septembre 2018, la ville de Genève a aménagé des espaces publics aux abords de la gare, ce qui a impliqué l'abattage d'arbres, le terrassement et le remblayage du terrain, la réalisation de canalisations, la création d'îlots végétalisés, un système d'éclairages, le bitumage des espaces piétonniers et la rénovation de la chaussée. S'y sont ajoutés des travaux visant à séparer les eaux et à rénover les conduites, effectués temporairement avec une pelle mécanique et un marteau-piqueur. Parallèlement, des travaux de second-oeuvre concernant la gare se sont poursuivis. 
L'immeuble où habitait et travaillait la locataire, à proximité immédiate du chantier, était spécialement exposé aux nuisances sonores, en raison d'un phénomène de caisse de résonance. 
 
B.  
 
B.a. Le 22 mai 2020, L.________ a saisi l'autorité de conciliation en matière de baux et loyers d'une nouvelle requête en réduction de loyer dirigée contre la bailleresse B.________. Elle a porté la cause, non conciliée, devant le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève. Elle concluait cette fois à une réduction de loyer de 15% pour la période du 1 er juin 2016 au 15 décembre 2019 et réclamait le remboursement du trop-perçu en découlant, soit 26'969 fr. 25 plus intérêts. Elle alléguait que les nuisances s'étaient poursuivies depuis juin 2016.  
Dans sa réponse du 19 octobre 2020, la bailleresse a souligné qu'elle avait dénoncé l'instance aux Chemins de fer fédéraux suisses CFF (ci-après: les CFF) et à la ville de Genève, par courriers du 7 octobre 2020. Elle a principalement conclu au déboutement de la locataire. 
Les CFF ont conclu, préalablement, à ce que le tribunal leur donne acte de leur intervention. A titre principal, ils ont également requis le déboutement de la locataire. La ville de Genève a pris les mêmes conclusions sur le fond. 
Par jugement du 16 décembre 2021, le Tribunal des baux a donné acte à ces deux participants de leur intervention dans la procédure. Admettant l'action de la locataire, il a réduit de 15% son loyer pour la période du 1 er juin 2016 au 15 décembre 2019 et a condamné la bailleresse à lui rembourser le trop-perçu en découlant, soit 26'969 fr. 25 plus intérêts.  
 
B.b. La Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève a confirmé ce jugement le 3 octobre 2022.  
 
C.  
Les CFF ont saisi le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile dans lequel ils sollicitent une réduction de loyer limitée à 5% pour la période du 1 er juin 2016 au 30 juin 2017. Ils entendent aussi lui faire dire que le « jugement rendu » ne leur est pas opposable pour la période postérieure au 31 août 2017.  
L'autorité précédente s'est référée à son arrêt. 
La locataire intimée a conclu en substance au rejet du recours. 
Procédant par son service juridique, la ville de Genève a fait remarquer que le recours des CFF portait « sur une période antérieure au démarrage » de ses propres travaux dans le secteur concerné. Elle a admis le constat selon lequel ceux-ci avaient débuté le 17 septembre 2018. Tout en déclarant admettre l'argumentaire juridique de la partie recourante, elle a précisé s'en remettre « pour le surplus à l'appréciation du Tribunal fédéral ». 
La bailleresse, par l'intermédiaire de son avocat, a déclaré adhérer « intégralement aux développements » de la partie recourante dans la mesure où celle-ci dénonçait un arbitraire dans l'établissement des faits et une violation de l'art. 259d CO
La partie recourante a fait savoir que toutes ces écritures ne lui inspiraient aucun commentaire. 
 
 
Considérant en droit :  
 
 
1.  
 
1.1. La bailleresse, actionnée par la locataire en réduction temporaire du loyer pour nuisances sonores, a dénoncé l'instance aux CFF et à la ville de Genève.  
Les « dénoncés » sont intervenus en faveur de la bailleresse, à ses côtés (art. 79 al. 1 let. a CPC). Partant, le résultat défavorable à celle-ci, soit ici une réduction momentanée du loyer assortie de l'obligation de rembourser le trop-perçu en découlant, leur est « opposable » (art. 77 en lien avec l'art. 80 CPC). 
Le jugement n'a certes autorité de chose jugée qu'entre les parties principales, soit ici entre la locataire et la bailleresse. Toutefois, cette dernière pourra l'opposer dans un procès subséquent l'opposant aux CFF, l'arrêt ici attaqué ayant la valeur d'un moyen de preuve (ATF 142 III 40 consid. 3.2.1). 
Il faut ainsi reconnaître, sur le principe, un intérêt à recourir aux CFF (art. 76 LTF), qui ont déjà déposé un appel au niveau cantonal et ce, quand bien même la principale intéressée, soit la bailleresse, après avoir elle aussi contesté le jugement du Tribunal des baux ordonnant une réduction provisoire du loyer, a finalement accepté le verdict de la Cour de justice. Le sujet ne justifie de toute manière pas la tenue de longues discussions, vu l'issue du recours. 
 
1.2. Les autres conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment en ce qui concerne le délai de recours (art. 100 al. 1 LTF) et la valeur litigieuse, supérieure à 15'000 fr. dans ce conflit de bail à loyer (art. 74 al. 1 let. a LTF).  
Demeure réservée, à ce stade, la recevabilité des griefs déployés en particulier. 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter des constatations factuelles que si elles sont manifestement inexactes - c'est-à-dire arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. - ou si elles ont été établies en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 97 al. 1 et art. 105 al. 2 LTF).  
Conformément au principe de l'allégation ancré à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie qui croit discerner un arbitraire dans les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et en détail en quoi ce vice serait réalisé (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266). Si elle aspire à faire compléter l'état de fait, elle doit démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes les faits juridiquement pertinents et les moyens de preuve adéquats en se conformant aux règles de procédure (ATF 140 III 86 consid. 2 p. 90). 
L'appréciation des preuves est tenue pour arbitraire lorsque le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a tiré des éléments récoltés des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2). 
 
2.2. Sous réserve de la violation des droits constitutionnels (art. 106 al. 2 LTF), le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), ce qui signifie qu'il n'est lié ni par les arguments juridiques invoqués par la partie recourante, ni par les considérants de l'autorité précédente (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.2; 133 II 249 consid. 1.4.1). Eu égard, toutefois, à l'exigence de motivation qu'impose l'art. 42 al. 2 LTF sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), l'autorité de céans peut se contenter d'examiner les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes (ATF 142 III 402 consid. 2.6 p. 413; 140 III 115 consid. 2 p. 116; 133 II 249 consid. 1.4.1; arrêt 4A_539/2021 du 21 février 2023, consid. 2).  
 
3.  
Les CFF, partie recourante, dénoncent un établissement inexact et lacunaire des faits. 
 
3.1. Dès lors que le recours ne renvoie à aucun allégué régulièrement introduit en procédure, il est exclu de compléter l'état de fait.  
 
3.2. La partie recourante ne parvient nullement à insuffler un sentiment d'arbitraire, si tant est qu'elle respecte les exigences strictes de motivation y relatives.  
Il ne suffit pas d'invoquer des pans de témoignages non cités dans l'arrêt pour établir un arbitraire. L'autorité précédente n'a d'ailleurs pas manqué de souligner les contradictions affectant les témoignages livrés par les professionnels intervenus sur le chantier et ceux des riverains; elle a néanmoins confirmé l'appréciation portée par les premiers juges, en reprochant notamment aux CFF de tenter d'imposer leur propre vue. On ne discerne pas là un quelconque arbitraire. 
L'on ne voit pas non plus en quoi il serait arbitraire de s'appuyer sur des bulletins et autres informations publiés au sujet du chantier du CEVA. L'autorité précédente a fait preuve de circonspection à cet égard, confirmant l'importance du chantier, même réduit à des travaux de second-oeuvre. Ce n'est pas en usant de grands mots et en prétendant faire appel au bon sens que la partie recourante parviendra à démontrer l'existence d'un arbitraire. Arguer d'une prétendue contradiction entre le témoignage d'un chef de projet et un bulletin d'information CEVA ne suffit pas à établir un arbitraire, dont la cour de céans, encore une fois, ne relève aucune trace. En particulier, il n'était pas arbitraire de considérer que les nuisances sonores se sont poursuivies au-delà de fin juin 2016, respectivement que la creuse du tunnel, source de nuisances sonores, s'est poursuivie au-delà de la jonction des deux tronçons, arrêtée au 26 juin 2016. 
 
3.3. La partie recourante reproche encore aux juges d'appel de n'avoir pas opéré une distinction entre les travaux qu'elle a conduits et ceux menés par la ville de Genève.  
Il est acquis que cette dernière a commencé des travaux d'aménagements publics le 17 septembre 2018. Une éventuelle distinction des travaux menés et des auteurs des nuisances importerait donc a priori sur la période postérieure à cette date.  
Cependant, l'autorité précédente a refusé d'entrer en matière sur la critique ciblant l'absence de distinction entre les travaux conduits par les CFF et ceux menés par la ville de Genève 
Les CFF dénoncent tout au plus une violation du droit d'être entendu en se fondant sur l'art. 29 al. 2 Cst. On ne voit pas en quoi les pages 23 et 24 de leur appel du 1er février 2022, auxquelles ils renvoient dans leur recours, répondraient à de quelconques exigences de motivation concernant une prétendue nécessité de distinguer la source des nuisances causées. Sur cette base, seule invoquée par la partie recourante, on ne discerne aucune violation du devoir de motiver issu du droit d'être entendu ou même de l'art. 311 CPC, que les CFF s'abstiennent d'évoquer. On ne saurait certes nier l'importance du grief pour cette partie recourante dans la perspective d'un procès que pourrait lui intenter ultérieurement la bailleresse. Toujours est-il, sur la base des griefs recevables, qu'il n'y a pas ici matière à retenir que l'autorité d'appel aurait enfreint le droit fédéral d'une quelconque manière. 
 
3.4. En bref, la cour de céans ne discerne pas de violation du droit fédéral, ni un quelconque arbitraire dans l'établissement des faits arrêtés par l'autorité d'appel et ici simplement résumés, dans la mesure des griefs recevables décochés en la matière.  
Il importe peu que l'arrêt attaqué ne soit guère utilisable dans un procès futur opposant la bailleresse aux CFF: il suffit ici de constater qu'il n'y a pas matière à rectifier les prétendues erreurs censées entacher l'état de fait retenu par l'autorité d'appel, ni à combler les soi-disant lacunes qui l'affecteraient. 
 
4.  
 
4.1. En droit, les CFF dénoncent une violation de l'art. 259d CO en lien avec les nuisances sonores retenues. L'autorité précédente aurait ignoré sa propre jurisprudence.  
 
4.2. La partie recourante est certes en droit d'invoquer un tel argument contre l'arrêt sur appel.  
Toutefois, la cour d'appel a retenu des nuisances sonores importantes, constitutives d'un défaut, sur la base d'un état de fait qui lie la cour de céans. Elle a considéré, en droit, qu'une réduction de 15% se justifiait en équité, soulignant l'impossibilité de déterminer l'ampleur de chaque nuisance et la temporalité de celles-ci. L'arrêt attaqué est dûment motivé et il peut être renvoyé à celui-ci (art. 109 al. 3 LTF). La cour de céans peut se borner à dire qu'elle ne discerne aucun abus du pouvoir d'appréciation ni, a fortiori, de violation du droit fédéral.  
 
5.  
En définitive, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable, aux frais de son auteur (art. 66 al. 1 LTF). 
La partie recourante, qui succombe, indemnisera la locataire intimée pour ses frais d'avocat (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
La bailleresse s'est déterminée par l'intermédiaire d'un avocat, sur une seule page; elle a indiqué adhérer aux « déterminations » déposées par les CFF, en tant que cette partie « dénoncée » mettait en lumière un établissement arbitraire des faits, respectivement une réduction de loyer contraire à l'art. 259d CO. Elle ne peut prétendre de ce fait à aucuns dépens, non plus que la ville de Genève: cette dernière a procédé par son propre service juridique, ce qui exclut déjà toute indemnisation. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, fixés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la partie recourante. 
 
3.  
La partie recourante versera à l'intimée une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice du canton de Genève, ainsi qu'à la bailleresse B.________ et à la ville de Genève. 
 
 
Lausanne, le 17 août 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
La Greffière : Monti