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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_43/2020  
 
 
Arrêt du 21 décembre 2021  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux 
Seiler, Président, Aubry Girardin, 
Donzallaz, Beusch et Hartmann. 
Greffier : M. Jeannerat. 
 
Participants à la procédure 
Dargaud (Suisse) SA, 
représentée par Maîtres Benoît Merkt et Johana Cau, avocats, 
recourante, 
 
contre  
 
Commission de la concurrence COMCO, Hallwylstrasse 4, 3003 Berne, 
intimée. 
 
Objet 
Cartels - sanction; marché du livre en français, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour II, du 30 octobre 2019 (B-3938/2013). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Dargaud (Suisse) SA est une société anonyme de droit suisse. Son capital-actions est détenu à 100 % par la société française Dargaud FR, elle-même détenue à 98,5 % par la société Media Participations Paris SA. Cette dernière société chapeaute les différentes entités du groupe Media Participations (ci-après: le groupe MP), qui rassemble plusieurs sociétés actives dans le milieu de l'édition, de la diffusion et de la distribution de livres en français, notamment de bandes dessinées, de livres pour la jeunesse et de livres religieux.  
 
A.b. Dargaud (Suisse) SA exerce des activités de diffusion et de distribution de livres en Suisse. Son activité de diffusion consiste à définir le plan commercial et promotionnel des livres, à faire connaître ceux-ci aux divers points de vente et à en prendre les commandes. Son activité de distribution revient quant à elle à organiser les flux physiques, logistiques et financiers entre les points de ventes de livres et l'éditeur (cf. art. 105 al. 2 LTF). Dargaud (Suisse) SA diffuse et distribue en priorité les ouvrages des éditeurs appartenant à son groupe commercial, soit au groupe MP (ci-après: les éditeurs internes au groupe MP), mais elle offre également ses services à des éditeurs extérieurs à son groupe, ce sous trois formes différentes:  
 
- Premièrement, Dargaud (Suisse) SA diffuse en Suisse des livres édités en dehors du groupe MP sur mandat d'une société soeur française, Media Diffusion, lorsque celle-ci se voit confier une telle tâche pour l'Europe francophone (France, Belgique et Suisse) par des éditeurs externes au groupe (ci-après: les éditeurs externes clients de Media Diffusion); 
- Deuxièmement, Dargaud (Suisse) SA diffuse et distribue des ouvrages d'éditeurs n'appartenant pas au groupe MP qui lui ont directement confié de telles tâches pour le territoire suisse, sans passer par l'intermédiaire de la société française Media Diffusion (ci-après: les éditeurs externes en relation commerciale directe); 
- Troisièmement, Dargaud (Suisse) SA entretient des relations commerciales directes avec certains éditeurs/diffuseurs externes au groupe MP qui lui ont confié la distribution de leurs ouvrages en Suisse, à l'exclusion de leur diffusion (ci-après: les éditeurs/diffuseurs externes en distribution pure). 
Les contrats que Dargaud (Suisse) SA a conclus en vue de la diffusion et/ou de la distribution de livres en français sur le territoire suisse - édités ou non au sein du groupe MP - contiennent tous une clause d'exclusivité territoriale, dont le type et la formulation peut cependant diverger d'un accord à l'autre. 
 
B.  
 
B.a. Du 12 juillet 2007 au 13 mars 2008, le secrétariat de la Commission de la concurrence (ci-après: la COMCO) a mené une enquête préalable sur le marché du livre écrit en français. Les informations obtenues auprès des diffuseurs-distributeurs et des revendeurs actifs en Suisse ont fait apparaître que les premiers occupaient une position forte sur le marché en cause et que le niveau des prix y était élevé.  
 
B.b. D'entente avec le Président de la COMCO, le secrétariat a ouvert, le 13 mars 2008, une enquête visant à examiner l'existence d'un éventuel abus de position dominante au sens de la loi sur les cartels. Le 2 mars 2011, de concert avec son Président, le secrétariat de la COMCO a élargi son enquête à l'examen d'un potentiel accord illicite affectant la concurrence au sens de la loi précitée.  
 
B.c. Le 18 mars 2011, le Parlement a adopté la loi fédérale sur la réglementation du prix du livre, contre laquelle un référendum a été lancé. L'adoption de cette loi et la perspective d'une votation populaire ont amené le secrétariat de la COMCO à suspendre l'enquête par décision incidente du 6 juin 2011, en application du principe de l'économie de la procédure. Le référendum ayant abouti, le peuple suisse s'est prononcé en votation le 11 mars 2012 et a rejeté la loi sur le prix du livre.  
La COMCO a repris son enquête le 22 mars 2012. 
 
B.d. Le 14 août 2012, le secrétariat de la COMCO a communiqué aux parties sa proposition de décision et la liste des pièces versées au dossier. Il retenait notamment que Dargaud (Suisse) SA avait participé à un accord horizontal de répartition géographique conclu au sein de l'Association suisse des Diffuseurs, Editeurs et Libraires (ci-après: l'ASDEL), ainsi qu'à un accord vertical de fixation des prix de revente sur la base de ses tabelles. Selon le secrétariat, la société avait aussi participé à un accord vertical attribuant des territoires dans la distribution. Il considérait que l'ensemble de ces relations était illicite au sens de l'art. 5 de la loi sur les cartels et proposait d'interdire aux diffuseurs-distributeurs de fixer les prix de revente, notamment au moyen de tabelles, et de s'entendre avec les libraires sur un taux de remise fondé sur un prix public final pour la Suisse. De même, il envisageait de défendre aux diffuseurs-distributeurs d'opérer une répartition géographique du marché de la diffusion et distribution du livre en français en Suisse, de s'entendre sur une entrave aux importations parallèles ou d'empêcher celles-ci par des contrats de distribution exclusive. Finalement, il a proposé de sanctionner Dargaud (Suisse) SA et de mettre à sa charge une part des frais de procédure. Il n'a, pour le reste, pas retenu l'existence d'un abus de position dominante (cf. art. 105 al. 2 LTF).  
 
B.e. En date du 27 mai 2013, après déterminations des parties sur la proposition de décision ainsi que divers actes d'instruction et auditions, la COMCO a rendu une décision à l'encontre de la société Dargaud (Suisse) SA et de neuf autres diffuseurs-distributeurs de livres. Elle a condamné en particulier la société précitée au paiement d'une sanction de 1'650'008 fr. en application de l'art. 49a al. 1 LCart en raison de sa participation à des accords illicites au sens de l'art. 5 al. 4 et 1 LCart (ch. 1.2 du dispositif). Elle lui a par ailleurs interdit - comme aux neuf autres diffuseurs/distributeurs concernés par sa décision - d'entraver par des contrats de distribution et/ou de diffusion les importations parallèles de livres écrits en français par tout détaillant actif en Suisse (ch. 2 du dispositif). Enfin, elle l'a condamnée au paiement à titre solidaire des frais de procédure, lesquels se montaient à 760'150 fr. (ch. 4 du dispositif).  
 
B.f. Le 11 juillet 2013, Dargaud (Suisse) SA a interjeté recours auprès du Tribunal administratif fédéral contre la décision précitée de la COMCO. La société concluait à l'annulation des chiffres 1, 2 et 4 du dispositif de la décision du 27 mai 2013 et au classement sans suite de la procédure menée à son encontre, subsidiairement au renvoi de la cause pour nouvelle décision au sens des considérants.  
Par arrêt du 30 octobre 2019, le Tribunal administratif fédéral a admis partiellement le recours, en ce sens qu'il a réduit à 825'004 fr. la sanction prononcée à l'encontre de Dargaud (Suisse) SA. Il a confirmé la décision attaquée pour le surplus, notamment en tant qu'elle interdit à la société d'entraver par des contrats de distribution et/ou de diffusion les importations parallèles de livres écrits en français en Suisse et la condamne au paiement à titre solidaire des frais de procédure devant la COMCO. Il a enfin mis à sa charge des frais de procédure de recours à hauteur de 11'000 fr. 
 
C.  
Le 4 janvier 2020, la société Dargaud (Suisse) SA (ci-après: la recourante) dépose un recours en matière de droit public contre l'arrêt précité auprès du Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation de cet arrêt en tant qu'il la condamne au paiement d'une sanction de 825'004 fr. pour participation à des accords illicites au sens de l'art. 5 al. 1 et 4 de la loi sur les cartels et en tant qu'il met à sa charge une partie des frais de procédure de recours. La société demande en outre au Tribunal fédéral de constater qu'elle n'a pas participé à des accords illicites selon l'art. 5 al. 4 de la loi sur les cartels en relation avec l'art. 5 al. 1 de cette même loi, de la libérer de toute sanction et de mettre les frais de procédure relatifs aux procédures menées devant la COMCO et le Tribunal administratif fédéral à la charge de la Confédération. Subsidiairement, elle demande au Tribunal fédéral de réduire la sanction prononcée à son encontre conformément aux motivations invoquées dans son recours et, plus subsidiairement encore, d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause à l'autorité précédente pour instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Le Tribunal administratif fédéral a renoncé à prendre position sur le recours, renvoyant aux considérants de l'arrêt attaqué. La COMCO a répondu au recours, dont elle conclut au rejet. 
La recourante et la COMCO ont répliqué, respectivement dupliqué. Chacune d'elles a par ailleurs déposé d'ultimes observations spontanées. 
 
 
Considérant en droit :  
 
I. Recevabilité et pouvoir d'examen  
 
1.  
 
1.1. Le litige porte sur le bien-fondé d'une décision initialement prononcée par la COMCO et condamnant notamment la recourante au paiement d'une sanction financière en application de la loi fédérale sur les cartels du 6 octobre 1995 (LCart; RS 251). Cette décision a été confirmée dans son principe par le Tribunal administratif fédéral, qui a néanmoins réduit le montant de la sanction infligée, par arrêt du 30 octobre 2019. Il s'agit d'une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) ne tombant sous le coup d'aucune des exceptions figurant à l'art. 83 LTF, de sorte que la voie du recours en matière de droit public au Tribunal fédéral est en principe ouverte.  
 
1.2. Le recours a par ailleurs été interjeté dans les formes requises (art. 42 LTF) et en temps utile compte tenu des féries hivernales (art. 100 al. 1 en lien avec l'art. 46 al. 1 let. c LTF) par la société destinataire de l'arrêt attaqué qui a, sous cet angle, manifestement qualité pour recourir (cf. art. 89 al. 1 LTF). Le recours est partant recevable, sous réserve des conclusions constatatoires accessoires qui y sont prises, lesquelles n'ont aucune portée propre par rapport à celles en annulation de l'arrêt attaqué (cf. ATF 137 II 199 consid. 6; 135 II 60 consid. 3.3; aussi 141 II 113 consid. 1.7).  
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral applique en principe d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF). Cela ne signifie pas que le Tribunal fédéral examine, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser. Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne traite que les questions qui sont soulevées devant lui par les parties, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (cf. ATF 140 III 115 consid. 2; 140 III 86 consid. 2; 133 III 545 consid. 2.2; arrêt 4A_399/2008 du 12 novembre 2008 consid. 2.1, non publié in ATF 135 III 112).  
 
2.2. L'examen du Tribunal fédéral se fonde sur les faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF; ATF 142 I 155 consid. 4.4.3), sous réserve des cas prévus par l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours peut critiquer les constatations de fait de l'arrêt attaqué à la double condition qu'elles aient été établies de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (cf. ATF 142 I 135 consid. 1.6), ce que la partie recourante doit rendre vraisemblable par une argumentation répondant aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF. La notion de "manifestement inexact" figurant à l'art. 97 al. 1 LTF correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (cf. ATF 140 III 264 consid. 2.3).  
 
II. Dispositions légales topiques et positions des autorités précédentes  
 
3.  
Le litige porte sur le point de savoir si le Tribunal administratif fédéral a violé le droit en considérant que la recourante avait participé à des accords illicites en matière de concurrence - plus particulièrement, à des accords présumés supprimer toute concurrence efficace au sens de l'art. 5 al. 1 et 4 LCart - et en la condamnant pour cette raison au paiement d'une sanction financière de 825'004 fr. Il convient de présenter le raisonnement suivi à cet égard par les différentes autorités précédentes, après avoir effectué un rapide survol des dispositions légales topiques en la cause. 
 
4.  
 
4.1. La LCart a pour but d'empêcher les conséquences nuisibles d'ordre économique ou social imputables aux cartels et aux autres restrictions à la concurrence et de promouvoir ainsi la concurrence dans l'intérêt d'une économie de marché fondée sur un régime libéral (art. 1 LCart). Elle s'applique, entre autres situations, aux entreprises de droit privé ou de droit public qui sont parties à des cartels ou à d'autres accords en matière de concurrence (art. 2 al. 1 LCart), soit à des conventions avec ou sans force obligatoire, ainsi qu'à des pratiques concertées d'entreprises occupant des échelons du marché identiques ou différents, qui visent ou entraînent une restriction à la concurrence (art. 4 al. 1 LCart).  
 
4.2. L'art. 5 LCart prévoit à son al. 1 que "[l]es accords qui affectent de manière notable la concurrence sur le marché de certains biens ou services et qui ne sont pas justifiés par des motifs d'efficacité économique, ainsi que tous ceux qui conduisent à la suppression d'une concurrence efficace, sont illicites". L'art. 5 LCart précise ensuite à son al. 2 la notion de "motifs d'efficacité économique", avant d'énumérer à ses al. 3 et 4 plusieurs types d'accords qui sont présumés entraîner la suppression d'une concurrence efficace et qui réunissent tantôt des entreprises effectivement ou potentiellement concurrentes (accords horizontaux), tantôt des entreprises occupant différents échelons sur un marché (accords verticaux). L'art. 5 al. 4 LCart, qui porte sur les accords verticaux et qui se trouve au centre du présent litige, prévoit en l'occurrence ce qui suit: "Sont [...] présumés entraîner la suppression d'une concurrence efficace les accords passés entre des entreprises occupant différents échelons du marché, qui imposent un prix de vente minimum ou un prix de vente fixe, ainsi que les contrats de distribution attribuant des territoires, lorsque les ventes par d'autres fournisseurs agréés sont exclues".  
 
4.3. Les sanctions administratives encourues en cas d'accords illicites sont réglées aux art. 49a ss LCart. L'art. 49a al. 1 LCart prévoit ainsi que l'entreprise qui participe à un accord illicite aux termes de l'art. 5 al. 3 et 4, ou qui se livre à des pratiques illicites aux termes de l'art. 7, est tenue au paiement d'un montant pouvant aller jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires réalisé en Suisse au cours des trois derniers exercices. L'art. 50 LCart. dispose pour sa part qu'une sanction identique peut être infligée à une entreprise qui contrevient à son profit à un accord amiable, à une décision exécutoire prononcée par les autorités en matière de concurrence ou à une décision rendue par une instance de recours. Il découle de ces dispositions qu'une entreprise ne peut être sanctionnée de manière immédiate en raison d'un accord illicite en matière de concurrence que si elle participe à ce que l'on appelle communément un "cartel dur" ou un "accord rigide" (" hartes Kartell " ou " harte Abrede "), c'est-à-dire à l'un des accords présumés supprimer toute concurrence et exhaustivement énumérés à l'art. 5 al. 3 et 4 LCart (cf. ATF 147 II 72 consid. 6.2; arrêt 2C_113/2017 du 12 février 2020 consid. 10.2; aussi Message du Conseil fédéral du 7 novembre 2001 relatif à la révision de la loi sur les cartels, FF 2002 1920; ZIRLICK/BANGERTER, in KG - Kommentar zum Bundesgesetz über Kartelle und andere Wettbewerbsbeschränkungen, 2018, no 544 ad art. 5 LCart). Dans les autres cas, soit lorsqu'une entreprise prend part à un accord qui, sans être visé par l'art. 5 al. 3 et 4 LCart, restreint néanmoins notablement la concurrence sans motif d'efficacité économique (p. ex. un accord fixant un prix maximal), seul le prononcé d'une mesure administrative entre en ligne de compte (p. ex. une interdiction d'entrave à la concurrence; cf. ATF 143 II 297 consid. 9.4.6) : ce n'est qu'en cas de récidive - à savoir en cas de non-respect de la mesure prononcée - que l'entreprise peut éventuellement se voir infliger une sanction, en application de l'art. 50 LCart (cf. arrêt 2C_113/2017 du 12 février 2020 consid. 10.2; aussi JÜRG BORER, Wettbewerbsrecht I Kommentar, 3e éd., 2011, no 7 ad art. 49a LCart; KRAUSKOPF/SCHALLER, in Basler Kommentar, Kartellgesetz, 2010, no 651 ad art. 5 LCart).  
 
4.4. La problématique des accords verticaux en matière de concurrence est appréhendée de manière pratiquement identique, quoique dans des systèmes différents, par le droit suisse et le droit européen, qui se sont rapprochés au fil du temps (ATF 143 II 297 consid. 5.3.4). Les débats parlementaires laissent d'ailleurs transparaître sans équivoque que le législateur a souhaité que la réglementation des accords verticaux soit similaire à celle de l'Union européenne et s'avère aussi stricte qu'elle, sans l'être davantage (cf. BO 2003 CE 329 s., 331 et 330 s.; voir BO 2002 CN 1435 s., 1438), afin de ne pas conduire à une insécurité juridique (cf. BO 2003 CE 330). Le parallélisme des deux réglementations fait qu'il est possible de se référer à ce que l'Union européenne a exclu ou permis dans sa directive sur les accords verticaux (BO 2003 CE 330), sous réserve d'éventuels changements fondamentaux en droit européen de la concurrence et des différences pouvant exister entre les marchés suisse et européen, qui ne sont pas économiquement comparables (cf. ATF 143 II 297 consid. 6.2.3 et les références citées). Les règles de l'Union européenne ne doivent le cas échéant pas être considérées comme de simples éléments de comparaison et d'interprétation parmi d'autres. Sur le fond, le législateur fédéral désirait une véritable identité de régimes entre le droit suisse et les règles européennes sur les accords verticaux, même s'il n'a pas inséré de renvoi dynamique à ces règles dans la loi ni légiféré de manière techniquement identique (ATF 143 II 297 consid. 6.2.3 et les références citées; cf. aussi BO 2003 CE 331).  
 
5.  
 
5.1. En l'occurrence, dans sa décision de première instance du 27 mai 2013, la COMCO a retenu que, durant la période sous enquête, soit entre 2005 et 2011, la recourante avait pris part à des accords verticaux instituant des systèmes de diffusion/distribution ayant pour objectif et effet de supprimer toute concurrence efficace sur le marché de la distribution dite "wholesale" du livre en français en Suisse, c'est-à-dire sur le marché suisse de la distribution de livres "en gros" aux librairies et autres revendeurs de livres. Elle a estimé que la présomption de suppression de la concurrence efficace posée à l'art. 5 al. 4 LCart s'appliquait à toutes les relations commerciales que la recourante avait entretenues durant la période précitée en vue de la diffusion et/ou de la distribution de livres en français en Suisse, que les ouvrages en question aient été édités ou non à l'interne du groupe MP (cf. supra consid. A.b) : le système mis en place cloisonnait à chaque fois la distribution des livres concernés en empêchant toute importation parallèle vers la Suisse par les revendeurs. Il n'existait par ailleurs aucune concurrence restante sur les plans "intermarques" et "intra-marque" susceptible de renverser la présomption de suppression de la concurrence efficace découlant de l'art. 5 al. 4 LCart. Quand bien même l'on admettrait le contraire, il faudrait considérer que le système de distribution mis en place par la recourante a en tout cas eu pour effet de restreindre notablement la concurrence en Suisse, sans qu'aucun motif d'efficacité économique ne le justifie au sens de l'art. 5 al. 1 et 2 LCart. La COMCO a dès lors infligé à la recourante une sanction de 1'650'008 fr. pour participation à des accords illicites, en application combinée des art. 5 al. 1 et 4 LCart et 49a al. 1 LCart. Elle lui a en outre interdit de continuer à empêcher toutes importations parallèles de livres en français par des détaillants actifs en Suisse par l'entremise de contrats de distribution et/ou de diffusion exclusives.  
 
 
5.2. Statuant sur recours de la recourante, le Tribunal administratif fédéral s'est quelque peu distancié de la décision de la COMCO. Il a en l'occurrence jugé que les relations contractuelles entretenues par la recourante entre 2005 et 2011 en vue de la diffusion et la distribution de livres en français en Suisse - 84 au total - ne reposaient pas toutes sur des accords en matière de concurrence relevant de la législation sur les cartels. La LCart ne s'appliquait ainsi pas aux 28 contrats de diffusion/distribution que la recourante avait conclus directement avec des éditeurs appartenant comme elle au groupe MP, dans la mesure où ces accords ne faisaient rien d'autre que de régler des relations commerciales entre des entreprises qui, de toute manière, n'étaient pas indépendantes l'une de l'autre d'un point de vue économique et qui ne se trouvaient ainsi pas dans un rapport de concurrence.  
Le Tribunal administratif fédéral a en revanche confirmé que les autres relations commerciales entretenues par la recourante, en tant qu'elles concernaient 56 éditeurs externes au groupe MP avaient bel et bien impliqué la conclusion d'accords en matière de concurrence au sens de l'art. 4 al. 1 LCart. Par le biais de différents types de contrats, la recourante avait obtenu le droit de diffuser et/ou de distribuer à titre exclusif certains ouvrages édités à l'extérieur du groupe MP auprès des librairies et autres revendeurs de livres helvétiques. Les éditeurs en question lui avaient confié cette tâche soit en s'adressant directement à elle (en l'occurrence 27 éditeurs externes dits "en relation commerciale directe" et 9 éditeurs/diffuseurs externes dits "en distribution pure"), soit, indirectement, en mandatant une autre société du groupe MP, laquelle avait sous-délégué cette tâche à la recourante en tant qu'elle concernait le territoire suisse (en l'occurrence 20 éditeurs externes dits "clients de Media Diffusion"). Le Tribunal administratif fédéral a estimé que ce système de diffusion/distribution fondé sur un régime d'exclusivité territoriale avait eu pour but et effet d'empêcher d'autres fournisseurs actifs sur le marché du livre à l'étranger de diffuser et de distribuer des ouvrages en français en Suisse. Il fallait donc présumer, selon lui, conformément à l'art. 5 al. 4 LCart, que la concurrence efficace avait été supprimée sur le marché suisse de la distribution de livres durant la période sous enquête. Subsidiairement, le Tribunal administratif fédéral a estimé, comme la COMCO, que même si l'on considérait que le système mis en place par le recourante ne supprimait pas toute concurrence efficace, il constituait à tout le moins une atteinte notable à celle-ci, non justifiée par un motif d'efficacité économique, de sorte qu'il s'avérait en tous les cas illicite au sens de l'art. 5 al. 1 LCart
 
Sur cette base, le Tribunal administratif fédéral a confirmé qu'il y avait lieu de sanctionner la recourante en application de l'art. 49a LCart et de lui interdire d'entraver à l'avenir les importations parallèles que voudraient opérer les revendeurs de livres installés en Suisse. Il a néanmoins réduit le montant de la sanction financière prononcée à son encontre à 825'004 fr., compte tenu du fait, notamment, qu'il ne pouvait être reproché à la recourante d'avoir conclu des accords verticaux au sens de l'art. 5 al. 4 LCart en lien avec la diffusion/distribution de 28 éditeurs internes au groupe MP. 
 
III. Respect des garanties et droits procéduraux  
 
6.  
Soulevant différents griefs de nature formelle contre l'arrêt attaqué, la recourante affirme que le Tribunal administratif fédéral aurait violé ses droits procéduraux de plusieurs manières. Elle prétend en particulier que cette instance judiciaire n'aurait absolument rien entrepris pour examiner l'état de fait contesté par elle en six ans et demi de procédure. Elle y voit une violation de son droit à accéder à un procès équitable garanti par l'art. 6 CEDH
 
6.1. Le droit à un procès équitable consacré à l'art. 6 par. 1 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH, RS 0.101) s'applique à toutes les procédures qui concernent des accusations en matière pénale ou des contestations sur des droits et obligations de caractère civil. Il est ainsi invocable dans le cadre de procédures de droit de la concurrence pouvant impliquer le prononcé d'une sanction financière au sens de l'art. 49a LCart (cf. ATF 139 I 72 consid. 2.2.2 in fine). Il garantit notamment le droit à voir sa cause examinée par un tribunal indépendant et impartial dit de "pleine juridiction" pouvant se pencher sur toutes les questions de fait et de droit pertinentes pour trancher ladite cause (arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme [ci-après: la CourEDH], Ramon Nunes de Carvalho e Sá contre Portugal du 6 novembre 2018, nos 55391/13, 57728/13 et 74041/13, §§ 176-177). Les exigences de l'art. 6 CEDH peuvent cependant être garanties au regard de l'ensemble de la procédure, qui est envisagée "en bloc" (arrêt de la CourEDH, Ekbatani contre Suède du 26 mai 1988, no 10563/83, §§ 23-33). Ainsi, l'art. 6 par. 1 CEDH n'interdit pas d'instaurer comme autorité de première instance, voire comme première autorité de recours, un tribunal ou une commission juridictionnelle ne répondant pas aux exigences de cette disposition si une autre instance juridictionnelle peut revoir ultérieurement la cause librement en fait et en droit (cf., notamment, arrêts de la CourEDH, Ramos Nunes de Carvalho e Sá c. Portugal, précité, § 132; Belilos contre Suisse du 29 avril 1988, no 10328/83, §§ 68-72; Albert et Le Compte contre Belgique du 10 février 1983, nos 7299/75 et 7496/76, §§ 29; aussi ATF 139 I 72 consid. 4).  
 
6.2. En l'occurrence, l'arrêt attaqué, qui fait suite à une décision prise en première instance par la COMCO en date du 27 mai 2013, a été rendu sur recours de la recourante par le Tribunal administratif fédéral à l'issue d'une procédure ayant donné lieu à de multiples échanges d'écritures, ainsi qu'à une audience d'instruction et à des débats publics, et dans le cadre de laquelle l'autorité judiciaire précitée disposait d'un pouvoir d'examen complet en fait et en droit (art. 49 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative [PA; 172.021] et art. 33 let. e et h de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral [LTAF; RS 173.32]). L'intéressée a donc eu l'occasion de soulever devant une autorité juridictionnelle de "pleine juridiction" tous les griefs de fait et de droit qu'elle jugeait pertinents en la cause (cf. ATF 139 I 172 consid. 4). Rien n'indique en outre que le Tribunal administratif fédéral, qui a notamment organisé des audiences d'instruction et de débats à la demande de la recourante, aurait refusé d'examiner certaines critiques formulées à l'encontre de la décision de la COMCO en considérant que sa cognition serait limitée. La recourante ne prétend pas le contraire.  
 
6.3. On ne voit dès lors pas en quoi l'arrêt attaqué violerait le droit d'accès à un tribunal réexaminant la cause librement en fait et en droit au sens de l'art. 6 CEDH. Le simple fait d'affirmer que le Tribunal administratif fédéral n'aurait rien entrepris pour examiner les faits contestés en l'affaire ne suffit en tout cas pas à reconnaître une violation de cette garantie procédurale. Ainsi formulée, cette critique se confond avec les griefs de violation de la maxime inquisitoire et d'établissement arbitraire des faits que la recourante soulève également dans son mémoire. C'est en vain que l'intéressée tente de la rattacher à une violation de l'art. 6 CEDH en invoquant l'arrêt de la CourEDH Riepan c. Autriche du 14 novembre 2000 (no 35115/97, Rec. 2000-XII, § 41) qui, selon elle, obligerait les tribunaux de pleine juridiction à recueillir eux-mêmes les preuves et, le cas échéant, à procéder à de nouvelles auditions de témoins; cet arrêt ne concerne pas la question du droit d'accès à une autorité judiciaire de pleine juridiction, mais celle du droit à une audience publique devant cette même autorité, ce que la recourante a obtenu devant le Tribunal administratif fédéral.  
 
 
6.4. La recourante reproche encore au Tribunal administratif fédéral d'avoir violé de différentes manières son droit d'être entendue consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. De tels griefs seront cependant traités - dans la mesure où ils sont pertinents - en même temps que la conformité de l'arrêt attaqué au droit matériel.  
IV. Existence d'accords en matière de concurrence au sens des art. 2 al. 1 et 4 al. 1LCart 
 
7.  
La première question à examiner sur le fond est celle de savoir si, entre 2005 et 2011, la recourante a participé à des "accords en matière de concurrence" au sens de l'art. 4 al. 1 LCart en obtenant le droit de diffuser et de distribuer en Suisse à titre exclusif 56 éditeurs externes à son groupe commercial. Il s'agit en effet d'une condition de base indispensable à la reconnaissance d'un accord illicite selon l'art. 5 al. 1 LCart et, a fortiori, à une éventuelle condamnation en application de l'art. 49a LCart (cf. aussi art. 2 al. 1 LCart). Il est ici rappelé que le Tribunal administratif fédéral a déjà répondu par la négative à cette question en tant qu'elle se rapportait à l'activité de diffusion et de distribution exclusive déployée par la recourante pour 28 éditeurs appartenant au groupe MP (cf. supra consid. 5.2); ce point n'est dès lors plus litigieux devant la Cour de céans.  
 
7.1. La recourante admet en l'occurrence que les 36 contrats de diffusion et/ou distribution qu'elle a elle-même conclus avec des éditeurs externes au groupe MP - soit 27 éditeurs dits "en relation commerciale directe" et 9 éditeurs dits "en distribution pure" - constituent tous des accords en matière de concurrence au sens de l'art. 4 al. 1 LCart. Elle affirme en revanche n'avoir jamais été partie à de tels accords en lien avec la diffusion et la distribution des 20 éditeurs - également externes à son groupe - avec lesquels elle n'a jamais entretenu de relation commerciale directe et qui avaient en réalité délégué la diffusion et la distribution de leurs ouvrages sur territoire suisse à sa société soeur Media Diffusion (éditeurs dits "clients de Media Diffusion"). Elle soutient que les divers contrats qu'elle a conclus après coup avec celle-ci pour la réalisation de cette tâche ne peuvent pas être qualifiés d'accords en matière de concurrence, dès lors qu'ils lient deux sociétés appartenant à un même groupe commercial. La recourante ajoute n'avoir jamais été mêlée aux accords passés en amont par sa société soeur avec les éditeurs externes au groupe et ne pas en connaître le contenu, à l'instar d'ailleurs du Tribunal administratif fédéral et de la COMCO, qui n'en ont jamais requis la production. Ces accords et leurs effets ne lui seraient dès lors en aucun cas imputables.  
 
7.2. Aux termes de l'art. 4 al. 1 LCart, par accords en matière de concurrence, on entend "les conventions avec ou sans force obligatoire ainsi que les pratiques concertées d'entreprises occupant des échelons du marché identiques ou différents, dans la mesure où elles visent ou entraînent une restriction à la concurrence". Cela signifie que, pour être en présence d'un accord en matière de concurrence au sens de la LCart, deux conditions doivent être réunies: il faut (1) se trouver face à un accord ou une pratique concertée entre (au moins) deux entreprises et (2) que cet accord ou cette pratique vise ou entraîne une restriction à la concurrence (ATF 144 II 246 consid. 6.4; aussi 147 II 72 consid. 3.1), laquelle consiste en une limitation de la liberté dans le jeu de l'offre et de la demande en lien avec des paramètres déterminants du point de vue de la concurrence efficace (arrêt 4C.353/2002 du 3 mars 2003 consid. 3.1). Des accords en matière de concurrence au sens de l'art. 4 al. 1 LCart peuvent ainsi exister non seulement entre entreprises de même rang (accords horizontaux), mais aussi entre entreprises de différents échelons du marché (accords verticaux; ATF 144 II 246 consid. 6.4.1; 129 II 18 consid. 4). En revanche, les conventions passées entre des sociétés appartenant à un même groupe et sur lesquelles une société mère exerce un contrôle effectif ne sont pas soumises à la LCart, dès lors que toutes ces entités, en l'absence d'indépendance, constituent une seule et même entreprise et bénéficient de ce que l'on appelle un "privilège de groupe" (ATF 145 III 303 consid. 7.2.2; cf. aussi arrêt 2C_484/2010 du 29 juin 2012 consid. 3, non publié in ATF 139 I 72).  
 
7.3. Cela signifie notamment que, lorsqu'elles sont passées entre deux sociétés appartenant au même groupe et ne pouvant pas se comporter de manière indépendante l'une de l'autre, les ententes verticales sur les prix ou sur une protection territoriale ne constituent pas des accords en matière de concurrence au sens de l'art. 4 al. 1 LCart, ni a fortiori des accords illicites au sens de l'art. 5 al. 1 LCart, tant que ces ententes ne prévoient pas pour les distributeurs en dehors du groupe des comportements verrouillant les marchés (cf. Note explicative de la Commission de la concurrence du 12 juin 2017 relative à la CommVert [état le 9 avril 2018; ci-après: Note explicative CommVert], ch. 9, 2e point; aussi AMSTUTZ/CARRON/REINERT, in Commentaire romand - Droit de la concurrence, 2e éd., 2013, no 15 ad art. 4 LCart). Il n'en va pas autrement en droit européen. Un groupe commercial peut en principe répartir librement les différents marchés nationaux entre ses filiales s'agissant de la distribution d'un produit ou d'un service, sans qu'on puisse lui reprocher de procéder à une entente contraire au droit de la concurrence applicable au marché commun. Il importe peu qu'un tel système de distribution produise des effets à l'extérieur du groupe (cf. arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes [aujourd'hui: Cour de justice de l'Union européenne] C-73/95 du 24 octobre 1996, Viho Europe BV, RJ 1996 I-05457, ch. 16 ss), tant que l'engagement pris n'implique pas de conclure en aval des accords restreignant la concurrence avec des sociétés externes au groupe (cf. décision de la Commission 70/332 du 30 juin 1970, Kodak, JO n° L 147, p. 24-27). Il en résulte que la pratique de certains groupes commerciaux consistant à refuser d'approvisionner les clients et entreprises suisses aux prix et aux conditions commerciales en vigueur à l'étranger et à les renvoyer vers les sociétés de distribution correspondantes en Suisse (souvent des sociétés du groupe) - pour qu'ils achètent aux conditions et au prix (plus élevés) pratiqués dans ce pays - ne constitue pas nécessairement un accord en matière de concurrence au sens de l'art. 4 al. 1 LCart, prohibé par l'art. 5 LCart et pouvant faire l'objet d'éventuelles sanctions au sens de l'art. 49a LCart, ce en raison du privilège de groupe (cf. Note explicative CommVert, ch. 9, 2e point; STÄUBLE/SCHRANER, in KG - Kommentar zum Bundesgesetz über Kartelle und andere Wettbewerbsbeschränkungen, 2018, no 275 ad art. 7 LCart).  
 
7.4. Cela ne veut toutefois pas dire que la loi ne proscrit pas une telle manière de faire. On relèvera à cet égard qu'en date du 19 avril 2021, le législateur a révisé la LCart dans l'intention d'offrir une meilleure protection aux entreprises suisses qui désirent acquérir des biens et des services à l'étranger. Dès 1er janvier 2022, l'art. 7 LCart sera complété en ce sens que les entreprises jouissant d'une position dominante ou d'un pouvoir de marché relatif en Suisse ont l'interdiction d'empêcher les acheteurs suisses de se procurer à l'étranger des biens ou des services aux prix du marché et aux conditions usuelles de la branche (RO 2021 576). La nouvelle disposition, qui constitue un projet indirect à l'initiative populaire dite "pour des prix équitables", depuis retirée, doit faciliter la lutte contre les discriminations de prix en permettant aux autorités de la concurrence, ainsi qu'aux entreprises acheteuses, d'engager plus facilement des procédures contre certains grands groupes commerciaux, qui peuvent cloisonner le marché suisse en échappant aux règles de l'art. 5 LCart en raison du privilège de groupe (Message du Conseil fédéral du 29 mai 2019 relatif à l'initiative populaire "Stop à l'îlot de cherté - pour des prix équitables [initiative pour des prix équitables]" et au contre-projet indirect, FF 2019 4665, p. 4690 et 4727). Avant cette révision, on admettait déjà que le refus d'une entreprise étrangère de livrer un client suisse aux prix et conditions prévalant à l'étranger pouvait constituer un comportement entrepreneurial abusif et, partant, inadmissible au sens de l'art. 7 al. 1 et 2 LCart: il fallait cependant démontrer que l'entreprise en question disposait d'une position dominante sur le marché considéré, ce qui n'était pas forcément aisé (STÄUBLE/SCHRANER, op. cit., nos 276 s. ad art. 7 LCart).  
On remarquera que la procédure que la COMCO a ouverte contre la recourante en mars 2008 avait originellement pour but de démontrer l'existence d'un abus de position dominante au sens de l'art. 7 LCart sur le marché suisse de la distribution du livre en français. Ce n'est que trois ans plus tard, soit en mars 2011, que la COMCO a étendu son analyse à la présence potentielle d'accords illicites supprimant la concurrence sur ce marché au sens des art. 4 et 5 al. 1 et 4 LCart, avant de la concentrer sur ce point exclusivement au stade de sa proposition de décision (cf. supra consid. B.d), abandonnant ainsi l'idée d'un examen de la cause sous l'angle de l'art. 7 LCart, ce que le Tribunal administratif fédéral n'a pas envisagé non plus dans l'arrêt attaqué. Il n'appartient pas au Tribunal fédéral de revenir d'office sur ce choix, que les parties ne remettent du reste pas en question, et d'examiner s'il peut être reproché à la recourante - ou au groupe auquel elle appartient - d'avoir abusé de sa position sur le marché suisse du livre au sens de l'art. 7 al. 1 et 2 LCart. Une telle analyse sortirait de l'objet du litige, qui consiste donc uniquement à déterminer si la recourante a participé à des accords en matière de concurrence illicites et sanctionnables en application combinée des art. 4, 5 et 49a LCart
 
7.5. Il ressort en l'occurrence de l'arrêt attaqué que la recourante, qui est détenue à 100 % par la société française Dargaud FR, elle-même possédée à 98.5 % par la société française Media Participations Paris SA, appartient au groupe MP, soit au même groupe commercial que la société française Media Diffusion. Comme la recourante, celle-ci est aussi active dans la diffusion de livres en français, mais en principe uniquement en France et en Belgique. Il arrive toutefois que des éditeurs externes au groupe MP lui demandent de se charger de la diffusion et de la distribution de leurs ouvrages pour un territoire plus large, incluant la Suisse. Dans de tels cas, Media Diffusion sous-délègue l'exécution d'un tel engagement en tant qu'il concerne le territoire suisse à titre exclusif à la recourante. Cet ultime arrangement, apprécié pour lui-même, ne peut de prime abord pas être qualifié d'accord en matière de concurrence au sens de l'art. 4 al. 1 LCart, car, ainsi qu'on l'a vu, la LCart ne s'applique en principe pas aux conventions passées entre sociétés appartenant à un même groupe commercial, ce en raison dudit "privilège de groupe". Il n'est en revanche pas exclu que la recourante ait participé indirectement à des accords en matière de concurrence en acceptant d'exécuter des contrats de diffusion/distribution passés en amont par sa société soeur avec des entreprises externes groupe MP. On ne saurait en tout cas admettre sans autres considérations que des contrats de distribution conclus par une société étrangère avec des entreprises tierces puissent échapper au champ d'application de la LCart du simple fait que leur exécution sur le territoire suisse ait été déléguée à une autre société du même groupe commercial.  
 
7.6. Le problème est que l'arrêt attaqué n'établit pas le contenu des différents contrats passés entre Media Diffusion et les 20 éditeurs que la recourante a finalement diffusés et distribués sur délégation en Suisse. Le Tribunal administratif fédéral s'est contenté de constater que les éditeurs en question avaient chargé la société française de diffuser et de distribuer leurs ouvrages en France, en Belgique et en Suisse. Il n'est pas possible de savoir, à la lecture de l'arrêt attaqué, ni du reste sur la base du dossier (cf. art. 105 al. 2 LTF), si cette tâche a été confiée à titre exclusif au groupe MP, ni si la recourante a été impliquée d'une quelconque manière dans l'élaboration de tels accords verticaux. On ne peut ainsi pas exclure qu'en s'adressant à Media Diffusion, les éditeurs aient uniquement organisé un canal de diffusion/distribution parmi d'autres en Europe francophone et qu'ils soient ainsi restés libres d'y diffuser et de distribuer leurs livres par eux-mêmes, voire d'engager d'autres sociétés de diffusion/distribution à cette fin. Faute d'éléments de fait suffisants dans l'arrêt attaqué, il n'est dès lors pas possible de savoir si les contrats de diffusion/distribution en cause ont visé ou entraîné une quelconque restriction à la concurrence sur le marché de la distribution du livre en français en Suisse durant la période sous enquête, ni a fortiori de déterminer si, en se voyant chargée de leur exécution sur le territoire suisse par Media Diffusion, la recourante a participé indirectement à des accords en matière de concurrence au sens de l'art. 4 al. 1 LCart.  
 
7.7. En définitive, en raison à la fois du privilège de groupe et d'un établissement insuffisant des faits de la part du Tribunal administratif fédéral, il n'est pas possible de retenir que l'intéressée a participé à des accords en matière de concurrence en tant qu'elle a diffusé et/ou distribué en Suisse 20 éditeurs sur délégation de sa société soeur entre 2005 et 2011. En l'état, l'arrêt attaqué est dès lors mal fondé dans son principe en tant qu'il part de la prémisse que la recourante a participé à 56 accords illicites en matière de concurrence durant la période sous enquête. Compte tenu de l'écoulement du temps, le Tribunal fédéral renonce du reste à renvoyer la cause au Tribunal administratif fédéral pour qu'il complète les faits sur ce point. L'autorité judiciaire précédente avait largement le temps et l'occasion de s'interroger sur cette question lorsque la procédure était pendante devant elle et ce n'est pas à la recourante d'en subir les conséquences.  
 
7.8. Il convient dès lors de considérer que les seuls accords illicites pouvant éventuellement justifier le prononcé d'une sanction au sens de l'art. 49a al. 1 LCart sont ceux que la recourante a conclus avec les 36 éditeurs et diffuseurs s'étant directement adressés à elle en vue de la diffusion et/ou la distribution de leurs ouvrages sur le territoire suisse. Reste à savoir si ces contrats constituent des accords visés par l'art. 5 al. 4 LCart, étant rappelé que seule la participation à des accords verticaux de ce type justifie le prononcé d'une sanction au sens de l'art. 49a LCart.  
 
V. Portée de l'art. 5 al. 4 LCart  
 
8.  
La recourante conteste en l'occurrence avoir participé à des accords verticaux remplissant les conditions de l'art. 5 al. 4 LCart dans le cadre de son activité de diffusion et de distribution de livres en Suisse et, partant, avoir institué un système de distribution propre à supprimer toute concurrence efficace sur ce marché. Elle soulève à cet égard plusieurs griefs qui ne peuvent être traités qu'après un bref résumé de la portée de l'art. 5 al. 4 LCart. Pour rappel, cette disposition prévoit que les " contrats de distribution attribuant des territoires " sont, entre autres accords, présumés entraîner la suppression d'une concurrence efficace sur le marché qu'ils concernent " l orsque les ventes par d'autres fournisseurs agréés sont exclues ". La présomption qu'elle institue implique ainsi la réalisation de trois conditions qu'il convient de passer en revue: (1) l'existence d'un accord vertical de distribution, (2) l'attribution d'un territoire et (3) la mise en place d'une protection territoriale absolue (cf. ATF 143 II 297 consid. 6.2).  
 
8.1. Il n'y a d' accord vertical de distribution au sens l'art. 5 al. 4 LCart que lorsque des entreprises occupant des échelons du marché différents s'entendent sur des modalités de distribution de biens, services ou produits dans le cadre d'un contrat de distribution. Selon la jurisprudence, la notion de "contrats de distribution" doit être comprise largement. Elle englobe évidemment les contrats de distribution proprement dits, par lesquels un producteur ou un prestataire de services organise son réseau de distribution et convient avec son distributeur que ses produits seront écoulés selon des modalités qu'ils spécifient (contrat de distribution exclusive, système de distribution sélective, contrat d'achat exclusif, contrat de fourniture exclusive, franchise, contrat de licence). Elle couvre cependant aussi les clauses de distribution spécifiques insérées dans d'autres contrats, comme des contrats de franchise ou de licence (ATF 143 II 297 consid. 6.3.1).  
 
8.2. Un accord vertical de distribution procède à une attribution de territoire lorsqu'il contient une clause d'attribution de territoire se référant à une surface délimitée ou délimitable (p. ex. la Suisse qui constitue un marché potentiellement clos, ce qui a justifié l'introduction de l'art. 5 al. 4 LCart; ATF 143 II 297 consid. 6.3.2). Il convient de souligner à cet égard que le texte clair de l'art. 5 al. 4 LCart ne se réfère qu'aux répartitions de marchés sur la base de "territoires". La présomption de suppression de la concurrence efficace prévue par cette disposition ne vaut dès lors pas pour les accords de distribution qui segmenteraient le marché en fonction d'une "clientèle" (cf. aussi BO 2003 CE 330). Un accord d'exclusivité de clientèle par lequel un fournisseur s'engagerait à ne vendre ses produits qu'à un seul distributeur aux fins de leur revente à une clientèle déterminée (p. ex. à des clients exerçant une profession déterminée ou figurant sur une liste préétablie sur la base d'un critère donné; cf. Communications de la Commission européenne du 10 mai 2010, Lignes directrices sur les restrictions verticales, JO C 130/1 du 19 mai 2010 [ci-après: Lignes directrices UE], no 168) ne relève en principe pas de l'art. 5 al. 4 LCart, à moins bien sûr que la clientèle en question soit définie sur la base d'un critère géographique uniquement (AMSTUTZ/CARRON/REINERT, op. cit., no 594 ad art. 5 LCart).  
 
8.3. D'après l'art. 5 al. 4 LCart, un accord vertical de distribution attribuant un territoire n'est enfin présumé supprimer la concurrence efficace que s'il est exclu que d'autres fournisseurs agréés procèdent à des ventes sur ce territoire. Sur la base d'une interprétation historique et téléologique, le Tribunal fédéral considère que seuls les cas de protection territoriale "absolue" sont visés par la norme et concernés par la présomption de suppression de la concurrence instituée par celle-ci. Il existe une telle protection lorsque les partenaires de distribution externes au territoire attribué se voient empêchés de procéder à des ventes non seulement "actives", mais également "passives" vers le territoire en question (ATF 143 II 297 consid. 6.3.4). Par "vente active", il faut comprendre le fait pour un distributeur de chercher à obtenir des clients ou une clientèle installés sur le territoire d'un autre distributeur par le biais de moyens ciblés. Quant à la "vente passive", elle consiste uniquement à répondre à des commandes spontanées effectuées par des clients installés sur ce territoire. Ainsi, s'il reste possible d'opérer de telles ventes passives à destination d'un territoire attribué à titre exclusif à un distributeur, il faut considérer que celui-ci ne bénéficie d'aucune protection territoriale absolue, même si aucun autre distributeur ne peut procéder à des ventes actives sur ce territoire; on se trouve dans un tel cas face à une protection territoriale "relative", laquelle ne relève pas de l'art. 5 al. 4 LCart (ATF 143 II 297 consid. 6.3.5).  
 
8.4. Il s'agit à présent de se demander si les 36 accords de diffusion et de distribution de livres auxquels la recourante a participé et qui tombent sous le coup de l'art. 4 al. 1 LCart remplissent les conditions qui précèdent, comme l'a retenu le Tribunal administratif fédéral. A cet égard, la recourante formule un premier grief lié à la vente de livres par internet qui doit être traité en premier lieu, dans la mesure où il est susceptible de conduire à lui seul à l'admission entière du recours.  
VI. Distribution parallèle par internet et présomption de suppression de la concurrence efficace au sens de l'art. 5 al. 4 LCart 
 
9.  
Dans ses écritures, la recourante soutient qu'en raison de l'importance que revêtait déjà la vente de livres par internet entre 2005 et 2011, il ne peut pas lui être reproché d'avoir participé à des accords de distribution cloisonnant le marché suisse et remplissant les conditions de l'art. 5 al. 4 LCart. Elle affirme que les acteurs du commerce en ligne comme Amazon vendaient à cette époque déjà les ouvrages qu'elle-même était censée diffuser et distribuer dans le pays. Le Tribunal administratif fédéral aurait dès lors considéré à tort qu'elle avait mis en place un système de diffusion/distribution empêchant toute importation parallèle d'ouvrages en français en Suisse: les éditeurs qu'elle diffusait et distribuait en Suisse auraient toujours été libres de livrer leurs ouvrages aux différents sites de vente en ligne, et ceux-ci de revendre ces produits directement à des acheteurs suisses, que ce soit directement à des lecteurs, des librairies et d'autres types de revendeurs de livres installés en Suisse. 
 
9.1. Il ressort en l'espèce de l'arrêt attaqué que les entreprises actives dans le commerce par internet, en particulier Amazon, concurrençaient effectivement déjà de manière importante les librairies helvétiques durant la période sous enquête, soit entre 2005 et 2011. Le Tribunal administratif fédéral a par ailleurs établi qu'à la même période, quelques librairies suisses s'étaient elles-mêmes tournées de manière ponctuelle vers la vente par internet pour se faire livrer des ouvrages en français en vue de leur revente à des clients. Ainsi, les entreprises du commerce en ligne vendaient à cette époque déjà de nombreux livres en Suisse, après se les être procurés auprès de divers distributeurs ou grossistes français, voire directement auprès de leurs éditeurs. On notera que certains contrats conclus par la recourante précisaient d'ailleurs que celle-ci n'était pas chargée de la distribution des livres aux " librairies en ligne non suisses". Reste à savoir si l'existence de ce double canal de distribution de livres en français vers la Suisse empêche par principe de considérer que la recourante a pu participer à des accords de distribution cloisonnant le marché suisse et remplissant les conditions de l'art. 5 al. 4 LCart, comme le prétend l'intéressée.  
 
9.2. Répondre à cette question suppose, entre autres aspects, de déterminer si une entreprise comme Amazon - qui exploite un site internet accessible depuis la Suisse et qui propose d'y livrer des ouvrages rédigés en français - doit être considérée, au sens du droit des cartels, comme un revendeur de livres implanté dans le pays, ce au même titre que n'importe quelle librairie helvétique. Dans une telle hypothèse, il faudrait en effet considérer que les contrats de diffusion/distribution conclus par la recourante ne rempliraient jamais la deuxième condition fixée l'art. 5 al. 4 LCart, en ce sens qu'ils ne lui attribueraient aucun "territoire" de distribution exclusif, mais uniquement le droit exclusif de fournir une "clientèle" spécifique, englobant les points de vente physiques de livres situés en Suisse (librairies, supermarché, etc.), à l'exclusion des revendeurs en ligne actifs dans le pays (cf. supra consid. 8.2).  
 
9.2.1. La problématique de la vente en ligne n'a pas été thématisée par le Conseil fédéral et le Parlement dans le cadre de l'adoption de la LCart, qui date du 6 octobre 1995. Elle n'a pas été évoquée non plus lors de la révision législative ayant conduit à l'adoption en 2003 du nouvel art. 5 al. 4 LCart, même si le phénomène était en expansion. La COMCO s'est en revanche penchée sur la question en 2010. Sa Communication concernant l'appréciation des accords verticaux 1 (Décision de la Commission de la concurrence du 28 juin 2010 [ci-après: CommVert], FF 2010 4625, ch. 2 et 3) précise que les ventes réalisées par internet constituent en principe des ventes dites "passives", en ce sens qu'elles satisfont généralement à des demandes non sollicitées provenant d'un autre territoire. Cette appréciation de la vente en ligne reprend celle défendue par la Commission européenne dans ses Lignes directrices sur les restrictions verticales du 10 mai 2010. La Commission y affirme que l'on a en principe affaire à une vente passive si un client visite le site internet d'un distributeur et prend contact avec ce dernier et si ce contact débouche sur une vente et une livraison à l'acheteur (Lignes directrices UE, no 52). Le commerce en ligne peut tout au plus s'assimiler à de la vente "active" - visant une clientèle ou des clients situés sur un territoire déterminé - lorsqu'elle s'accompagne d'une publicité spécifiquement adressée à ces derniers ou lorsqu'elle se caractérise par un effort visant à atteindre spécifiquement un territoire particulier (p. ex. payer un moteur de recherche ou un fournisseur d'espace publicitaire en ligne pour qu'ils diffusent une publicité spécifiquement aux utilisateurs établis sur un territoire particulier; cf. Lignes directrices UE, no 53).  
 
9.2.2. Relevons que la doctrine suisse soutient l'avis de la COMCO et de la Commission européenne. Elle considère également que les ventes par internet constituent en principe une forme de ventes passives. Selon elle, seule l'exploitation d'un site internet clairement destiné à un territoire ou à un groupe cible situé en dehors du territoire attribué au distributeur peut équivaloir à de la vente active sur ce territoire (cf. notamment AMSTUTZ/CARRON/REINERT, op. cit., nos 625 ss ad art. 5 LCart; ZIRLICK/BANGARTER, op. cit., nos 511 et 519 ad art. 5 LCart; KRAUSKOPF/SCHALLER, op. cit., no 566 ad art. 5 LCart).  
 
9.2.3. En l'occurrence, rien n'indique dans l'arrêt attaqué que les sites de vente en ligne comme Amazon auraient fourni, entre 2005 et 2011, un effort particulier pour atteindre précisément et spécifiquement le marché suisse du livre en français. La recourante ne le prétend pas dans ses écritures non plus. Il faut donc retenir que durant la période ayant fait l'objet de l'enquête de la COMCO, les commerçants en ligne n'ont opéré que des ventes passives à la demande de clients suisses et qu'ils n'ont, partant, déployé aucune activité commerciale justifiant de les assimiler éventuellement à des revendeurs de livres actifs sur le territoire suisse. Partant, il n'y a pas lieu de considérer que les contrats qui liaient à cette époque la recourante à différents éditeurs et diffuseurs externes à son groupe auraient constitué, en réalité, des accords d'exclusivité de clientèle, non concernés par l'art. 5 al. 4 LCart, quand bien même ils se concentraient sur la diffusion et la distribution de livres auprès des points de vente physiques suisses, sans inclure les entreprises de commerce par internet.  
 
9.3. Il s'agit encore de se demander si les acteurs de la vente en ligne - qui, selon l'arrêt attaqué, ont toujours pu livrer sans obstacle les librairies helvétiques depuis l'étranger - doivent éventuellement être qualifiés de "fournisseurs agréés" au sens de l'art. 5 al. 4 LCart. Dans l'affirmative, il faudrait admettre que le système de distribution mis en place par la recourante n'aurait jamais exclu - ni même visé à exclure - les ventes passives à destination du territoire suisse par d'"autres fournisseurs agréés" et que les contrats de diffusion/distribution qu'elle a passés ne lui ont ainsi assuré aucune protection territoriale absolue; ces accords ne rempliraient sous cet angle pas la troisième condition nécessaire à la reconnaissance d'accords verticaux au sens de l'art. 5 al. 4 LCart (cf. supra consid. 8.3).  
 
9.3.1. Selon l'art. 5 al. 4 LCart, les accords verticaux attribuant des territoires sont présumés entraîner la suppression de toute concurrence efficace lorsque des ventes aussi bien actives que passives (cf. supra consid. 8.3) par d'"autres fournisseurs agréés" y sont exclues. La version française de la disposition diverge quelque peu de celles allemande et italienne qui évoquent, pour leur part, une interdiction de vente par des " gebietsfremde Vertriebspartner" ou des " distributori esterni " (distributeurs externes). Il en ressort que la présomption de suppression de la concurrence de l'art. 5 al. 4 LCart implique que des entreprises actives dans la distribution d'un produit donné se voient interdire de procéder à tout type de ventes de ce produit à destination d'un territoire de distribution attribué à une autre entreprise (cf. ATF 143 II 297 consid. 6.3.3). Ainsi, l'accord par lequel une entreprise uniquement productrice se contenterait de renoncer à la vente directe de ses produits en Suisse, après en avoir externalisé la distribution à une autre entreprise, ne tombe pas en tant que tel sous le coup de l'art. 5 al. 4 LCart et n'est pas sanctionnable au sens de l'art. 49a al. 1 LCart. Il en va de même de l'accord par lequel un producteur étranger s'obligerait à transmettre à son importateur suisse toutes les demandes d'achat qui lui parviendraient dans la mesure où elles émaneraient de Suisse. En effet, de telles restrictions de vente ne concernent en règle générale que le producteur du bien concerné, sans forcément s'étendre à d'éventuels distributeurs de celui-ci (cf. BO 2003 CE 329 ss; Note explicative CommVert, ch. 9, 1er point; AMSTUTZ/CARRON/REINERT, op. cit., nos 557 ss ad art. 5 LCart). Il est possible que ces accords soient malgré tout illicites à l'aune de l'art. 5 al. 1 LCart, dans la mesure ils sont susceptibles de restreindre d'une manière notable la concurrence sur le marché considéré, ou qu'ils résultent d'un abus de position dominante de la part du distributeur au sens de l'art. 7 LCart. Ne limitant pas en tant que tels la liberté d'action d'une entreprise "distributrice", ils ne constitueront cependant pas des contrats présumés conduire à la suppression de toute concurrence efficace au sens de l'art. 5 al. 4 LCart.  
 
9.3.2. En l'occurrence, le litige concerne d'éventuelles entraves à la concurrence instituées par la recourante en vue d'empêcher les revendeurs de livres suisses d'acquérir des ouvrages en français auprès d'autres distributeurs ou grossistes à l'étranger. Il a ainsi trait au marché suisse de la distribution "en gros" de livres en français, soit à un marché de distribution de niveau dit "wholesale"; la recourante ne conteste pas ce point, qui distingue d'ailleurs la présente cause de l'ATF 129 II 18, où il était question du marché de la distribution de livres en allemand à son niveau "retail". Cela étant, le Tribunal administratif fédéral a retenu que la recourante - qui diffuse et distribue des livres en français aux librairies et autres boutiques intéressées - se situait du côté de l'offre sur ce marché "wholesale", tandis que les librairies et autres magasins, qui achètent des livres en vue de leur revente aux consommateurs finaux, se trouvaient du côté de la demande. Il n'a en revanche pas explicitement qualifié la position occupée par les commerçants de livres en ligne. Il ressort toutefois de l'arrêt attaqué que le modèle d'affaires de ces entreprises consiste à acheter des ouvrages à des distributeurs ou directement à des éditeurs afin de les revendre aux consommateurs finaux par internet; ils représentent de ce fait incontestablement des concurrents directs des librairies. Rien ne permet de dire qu'ils se trouveraient également en compétition - même potentielle - avec les grandes sociétés de diffusion/distribution, auprès desquelles ils se fournissent en partie au demeurant, contrairement à ce que soutient la recourante. Il faut en déduire qu'ils se situent du côté de la demande sur le marché de l'approvisionnement du livre de niveau wholesale. A ce titre, on ne voit pas qu'il faille les qualifier de "distributeurs" ou de "fournisseurs" agréés sur ce marché au sens de l'art. 5 al. 4 LCart.  
 
9.3.3. Le seul fait que les acteurs de la vente en ligne aient été, durant la période sous enquête, libres de fournir des revendeurs de livres suisses - ce qu'ils ont d'ailleurs fait exceptionnellement - ne change rien à la conclusion qui précède, quoi qu'en dise la recourante, qui prétend qu'il serait égal que ces détaillants aient pu ou non dégager une marge bénéficiaire grâce à un tel procédé. Certes, un distributeur ne jouit en principe d'aucune protection territoriale absolue au sens de l'art. 5 al. 4 LCart lorsque des ventes passives à destination de son territoire s'avèrent possibles depuis l'étranger. Cette possibilité d'opérer des importations parallèles - en particulier par le biais du commerce en ligne - ne doit cependant pas se cantonner en une simple faculté abstraite et théorique; elle doit représenter une alternative crédible d'approvisionnement à des conditions acceptables pour les acteurs du marché suisse au niveau wholesale, au risque sinon de permettre un contournement facile de l'art. 5 al. 4 LCart et, partant, de vider cette disposition d'une grande partie de sa portée. On remarquera à cet égard qu'il est admis que la présomption de suppression de la concurrence fixée à l'art. 5 al. 4 LCart s'applique aussi aux contrats de distribution établissant une protection territoriale absolue uniquement de manière indirecte, c'est-à-dire aux situations dans lesquelles des importations parallèles resteraient en soi possibles sur un territoire attribué selon le contrat, mais à des conditions si peu attrayantes qu'elles représenteraient en réalité un non-sens d'un point de vue commercial et économique (cf. notamment CommVert, ch. 10 al. 2; R OGER ZÄCH, Schweizerisches Kartellrecht, 2e éd., 2005, no 469).  
 
9.3.4. En l'espèce, il ressort de l'arrêt attaqué qu'un approvisionnement par internet ne permettrait pas aux détaillants de retirer de véritable marge pour leurs activités, dès lors qu'ils devraient acheter chaque livre à l'unité au même prix que n'importe quel consommateur. Il n'a par ailleurs nullement été établi que les revendeurs pourraient négocier des rabais auprès des sites de commerce en ligne pour d'éventuelles commandes groupées, ce dont on peut douter compte tenu du rapport de concurrence existant entre eux; la recourante ne le soutient d'ailleurs pas dans ses écritures. A cela s'ajoute, toujours d'après l'arrêt attaqué, que les librairies doivent être en mesure d'offrir à leurs clients un large assortiment de références et, le cas échéant, plusieurs exemplaires d'un même titre pour être attractifs et satisfaire à la demande des consommateurs, ce qui implique de pouvoir exercer un droit de retour auprès des fournisseurs. Or, un tel droit n'existe pas en cas d'achats auprès des acteurs de la vente en ligne. En somme, ainsi que cela ressort de l'arrêt attaqué, les quelques démarches d'approvisionnement par internet effectuées par certains revendeurs helvétiques l'ont toujours été dans des circonstances particulières et de manière très ponctuelle, ce que la recourante ne conteste pas. Compte tenu de ces spécificités, on ne voit pas qu'il faille considérer les sociétés de commerce en ligne comme des "distributeurs agréés" au sens de l'art. 5 al. 4 LCart sur le marché de la distribution wholesale du livre durant la période sous enquête et, de ce fait, dénier d'emblée que la recourante ait pu bénéficier d'une protection territoriale absolue sur ce marché.  
 
9.4. Sur le vu de ce qui précède, il faut retenir que la recourante - quoi qu'elle prétende - a pu participer à des accords verticaux remplissant les conditions de l'art. 5 al. 4 LCart en lien avec la diffusion et la distribution d'ouvrages en français, malgré l'existence d'un canal de vente de livres par internet parallèle durant la période sous enquête.  
Il s'agit à présent d'examiner si l'intéressée a réellement pris part à de tels accords en lien avec la diffusion et/ou distribution des 36 éditeurs et diffuseurs externes au groupe MP s'étant directement adressés à elle pour la réalisation de cette tâche en Suisse. 
VII. Présomption de suppression de la concurrence efficace au sens de l'art. 5 al. 4 LCart en lien avec 36 éditeurs externes au groupe MP 
 
10.  
La recourante soutient n'avoir conclu aucun accord vertical remplissant les conditions de l'art. 5 al. 4 LCart avec les 36 entreprises externes au groupe MP qui, en tant qu'éditeurs ou diffuseurs de livres, se seraient adressées directement à elle en vue de la diffusion et/ou la distribution de leurs ouvrages en français sur le territoire suisse. Les contrats passés à cette fin n'auraient jamais visé à lui assurer une protection territoriale absolue. Ils n'auraient jamais tendu à empêcher non plus les autres diffuseurs/distributeurs de ces produits en France ou en Belgique d'opérer des livraisons en Suisse. Retenir le contraire, comme l'ont fait le Tribunal administratif fédéral et, précédemment, la COMCO, violerait non seulement les règles d'interprétation des contrats fixés à l'art. 18 du Code des obligations (RS 220), mais également la maxime inquisitoire prévue à l'art. 12 PA, l'interdiction de l'arbitraire consacrée à l'art. 9 Cst. et, enfin, la présomption d'innocence garantie aux art. 32 al. 2 Cst. et 6 par. 2 CEDH. 
 
10.1. En l'occurrence, il ressort de l'arrêt attaqué que la recourante entretenait des relations commerciales directes avec 27 éditeurs externes au groupe MP lui ayant confié la diffusion et la distribution de leurs livres en Suisse entre 2005 et 2011. Ces relations reposaient toujours sur une clause d'attribution de territoire, laquelle pouvait différer d'un contrat à l'autre. Cela étant, 20 contrats contenaient la disposition de type B suivante:  
 
"[L'éditeur] confie [à la recourante] qui l'accepte la diffusion et la distribution exclusives pour tous les réseaux de vente de l'intégralité de son fonds d'édition sur le territoire suisse, aux conditions générales qui font suite. [La recourante] s'interdit expressément de vendre les ouvrages qui lui sont ainsi confiés en dehors de son territoire et prendra toutes mesures auprès de sa clientèle afin que cette interdiction soit respectée. De même, [l'éditeur] prendra toutes mesures utiles afin que l'exclusivité [de la recourante] soit respectée." 
Quatre autres contrats contenaient des clauses similaires à la clause précitée. L'un d'eux comportait une clause de type C stipulant que " [l'éditeur] confie [à la recourante] qui l'accepte la diffusion et la distribution exclusives pour tous les réseaux de l'ouvrage intitulé [...] sur territoires suisse, français, belge et canadien, aux conditions générales qui font suite " et qu'il " prendra toutes mesures utiles afin que l'exclusivité [de la recourante] soit respectée ". Les trois autres contrats prévoyaient pour leur part au travers d'une clause de type E que " [l'éditeur] confie [à la recourante], pour la Suisse, la diffusion exclusive de l'intégralité de sa production en matière d'ouvrages, bandes dessinées, etc. et mettra tout en oeuvre pour que l'exclusivité [de la recourante] soit respectée ".  
Pour le reste, un seul contrat prévoyait que " [l'éditeur] confie [à la recourante] qui l'accepte la diffusion et la distribution exclusives pour tous les réseaux de l'ouvrage intitulé [...] sur territoires suisse, français, belge et canadien, aux conditions générales qui font suite " (clause de type H), tandis que deux derniers contenaient la clause suivante (clause de type A) :  
 
" 1.1 [L'éditeur] confie à titre exclusif à [la recourante], qui accepte, la diffusion/distribution de la totalité des ouvrages en édition courante de librairie en langue française, parus ou à paraître, publiés sous ses marques éditoriales ou sous toutes autres marques dont il a la propriété ou l'usage et tels que présentés dans son catalogue grand public ou sur son bon de commande en Suisse, catalogue que [la recourante] déclare parfaitement connaître [nda : dans certains contrats, ''déclare connaître'']. 
1.2 [La recourante] diffusera/distribuera les ouvrages de [l'éditeur] en Suisse dans tous les réseaux traditionnels de vente de livres. Ne sont pas concernés par le présent contrat les réseaux suivants : les librairies en ligne non suisses, réseaux de vente par correspondance, les réseaux de vente à distance, les réseaux de vente par courtage. " 
 
10.2. Quant aux différents contrats régissant les relations de la recourante avec 9 éditeurs/diffuseurs lui ayant confié la distribution de leur ouvrage en Suisse, à l'exclusion de leur diffusion (soit les éditeurs/diffuseurs dits "en distribution pure"), ils recelaient tous la même clause d'attribution de territoire de type F, dont la teneur était la suivante:  
 
"[L'éditeur] confie [à la recourante], qui l'accepte, l'exclusivité de la distribution dans les territoires repris à l'annexe A [le territoire suisse] des ouvrages qu'il publie ou commercialise en langue française sous sa marque ou sous toute autre marque dont il a la propriété ou l'usage et tels que présentés dans son catalogue grand public ou sur son bon de commande. Une distribution non exclusive des ouvrages publiés en langues étrangères pourra aussi être proposée [à la recourante]." 
 
10.3. Sur le vu de ce qui précède, force est d'admettre que les 36 contrats que la recourante a conclus avec des éditeurs ou diffuseurs externes au groupe MP constituent tous des accords verticaux de distribution attribuant un territoire à titre exclusif. Dans cette mesure, chacun d'eux remplit les deux premières conditions d'un accord vertical présumé supprimer la concurrence efficace au sens de l'art. 5 al. 4 LCart. La recourante ne le conteste d'ailleurs pas dans son mémoire. Reste à déterminer si le Tribunal administratif fédéral a considéré à juste titre que les accords en question remplissaient également la troisième condition nécessaire à l'application de cette présomption, à savoir qu'ils conféraient une protection territoriale absolue à la recourante en tendant à empêcher que d'autres distributeurs de livres actifs au niveau wholesale n'effectuent des ventes à destination du territoire suisse. Un tel examen implique avant tout d'interpréter les contrats concernés.  
 
10.3.1. Selon l'art. 18 al. 1 CO, pour apprécier la forme et les clauses d'un contrat, le juge doit rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices (ATF 132 III 268 consid. 2.3.2; 132 III 626 consid. 3.1 p. 632; 131 III 606 consid. 4.1). Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes. L'appréciation de ces indices concrets par le juge, selon son expérience générale de la vie, relève du fait (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 et les références citées). Si le juge parvient à la conclusion que les parties se sont comprises ou, au contraire, qu'elles ne se sont pas comprises, il s'agit de constatations de fait qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles ne soient manifestement inexactes (art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF), c'est-à-dire arbitraires au sens de l'art. 9 Cst.  
 
10.3.2. Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties, parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes, ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Il s'agit d'une interprétation selon le principe de la confiance (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3 et les références citées). Cette détermination de la volonté objective des parties selon le principe de la confiance est une question de droit, que le Tribunal fédéral examine librement; pour la trancher, il faut cependant se fonder sur le contenu des manifestations de volonté et sur les circonstances, lesquelles relèvent du fait. Les circonstances déterminantes à cet égard sont uniquement celles qui ont précédé ou accompagné la manifestation de volonté, mais non pas les événements postérieurs (ATF 133 III 61 consid. 2.2.1 et les arrêts cités).  
 
10.3.3. Le Tribunal administratif fédéral a retenu en l'occurrence dans son arrêt qu'il existait une "présomption de fait" que les éditeurs qui avaient signé une clause de type B, C ou E avec la recourante avaient pris l'engagement d'empêcher la vente de leurs ouvrages sur le territoire suisse par d'autres diffuseurs-distributeurs, ce qui avait eu pour effet d'exclure toute importation parallèle de ces produits par les détaillants suisses. Selon l'instance précédente, l'engagement pris par ces éditeurs de " prendr [e] toutes mesures utiles afin que l'exclusivité [de la recourante] soit respectée " ne pouvait pas être compris autrement selon le cours ordinaire de choses et l'expérience de la vie. A cela s'ajoute que la recourante s'était elle-même expressément engagée dans la plupart de ces contrats à ne pas vendre de livres en dehors de Suisse (clause de type B). Pour le Tribunal administratif fédéral, une telle clause corroborait pleinement le constat selon lequel les éditeurs avaient pris un engagement réciproque de ne pas laisser vendre leurs ouvrages en Suisse par d'autres diffuseurs/distributeurs que la recourante.  
 
 
10.3.4. Quant aux contrats de diffusion et/ou distribution contenant une clause de type A, H ou F, le Tribunal administratif fédéral a tout d'abord concédé qu'ils ne permettaient pas de fonder une présomption de fait similaire à celle exposée ci-avant, car ils ne prévoyaient pas expressément que les éditeurs et diffuseurs cocontractants devaient faire tout ce qui était en leur pouvoir pour faire respecter l'exclusivité territoriale octroyée à la recourante. D'après les juges précédents, il existait toutefois d'autres éléments et indices démontrant que ces éditeurs et diffuseurs se seraient aussi engagés à tout mettre en oeuvre afin que leurs partenaires de distribution à l'étranger ne répondent pas aux éventuelles demandes d'achat provenant de librairies suisses ou d'autres revendeurs de livres helvétiques. Le Tribunal administratif fédéral a tout d'abord indiqué qu'un système de distribution excluant toutes importations parallèles depuis la France était propre à faciliter la mise en place du droit de retour des ouvrages distribués en Suisse par la recourante. Il a également relevé que la question d'une éventuelle "autorisation" des importations parallèles avait été abordée en 2005 lors d'une séance de l'ASDEL à laquelle un représentant de la recourante était présent, ce qui laisserait entendre qu'il existait une pratique de cloisonnement du marché suisse à cette époque. Considérant que ces éléments ne suffisaient pas encore à démontrer l'existence d'une protection territoriale absolue en faveur de la recourante, le Tribunal administratif fédéral s'est finalement fondé sur le fait qu'aucune importation parallèle n'aurait eu lieu, ni n'aurait été possible s'agissant des ouvrages diffusés et/ou distribués par la recourante durant la période visée par l'enquête de la COMCO, alors même qu'il aurait existé un intérêt économique pour les librairies helvétiques à se procurer les ouvrages en question à l'étranger, où leur prix d'achat en gros était sensiblement moins élevé. Cette absence d'importation parallèle démontrerait que les éditeurs et diffuseurs externes au groupe MP liés par une clause de type A, H ou F avaient accepté - à l'instar des signataires de clause B, C ou E - d'octroyer une protection territoriale absolue à la recourante s'agissant de la diffusion et de la distribution de leurs ouvrages en Suisse.  
 
10.3.5. Sur le vu de ce qui précède, force est d'admettre que, dans son arrêt, le Tribunal administratif fédéral s'est efforcé d'établir la volonté réelle et commune de la recourante et de ses partenaires lorsque ces derniers ont conclu les divers accords de diffusion et/ou de distribution qui les ont liés entre 2005 et 2011. Il a déduit du texte des contrats et d'autres indices que les parties avaient bel et bien voulu conclure des accords verticaux visant à cloisonner le marché suisse de la distribution du livre en français. On ne voit pas en quoi il aurait violé l'art. 18 CO en procédant ainsi. En ayant cherché et établi la volonté subjective concordante des parties, elle s'y est au contraire précisément conformée, quoi qu'en dise la recourante.  
 
10.4. Reste à examiner si, comme le prétend la recourante, le Tribunal administratif fédéral a violé l'interdiction de l'arbitraire, de même que la présomption d'innocence, en retenant que les éditeurs et diffuseurs mentionnés ci-avant s'étaient sciemment engagés envers la recourante à faire en sorte qu'aucun distributeur étranger ne procède à des ventes de leurs ouvrages à destination du territoire suisse, ce afin d'assurer une protection territoriale absolue à leur cocontractante.  
 
10.4.1. En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle tire des conclusions insoutenables (ATF 143 IV 500 consid. 1.1; 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). Quant au principe de présomption d'innocence, qui s'applique aux procédures pouvant conduire à une sanction selon l'art. 49a al. 1 LCart compte tenu de son caractère similaire au droit pénal (cf. ATF 143 II 297 consid. 9.1; 139 I 72 consid. 2; arrêt 2C_1017/2014 du 9 octobre 2017 consid. 2.2), il implique, comme règle d'appréciation des preuves, que le juge ne se déclare pas convaincu de l'existence d'un fait défavorable à la personne visée par la procédure si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes sérieux et irréductibles quant à l'existence de ce fait. Il n'a sous cet angle pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3; 143 IV 500 consid. 1.1; 138 V 74 consid. 7). Cela étant, les exigences liées à la preuve ne doivent pas être exagérées en droit de la concurrence, du moins lorsque les faits, par leur nature, sont difficilement démontrables (cf. ATF 139 I 72 consid. 8.3.2). Les preuves directes de l'existence d'un accord en matière de concurrence sont notamment très rares en pratique de sorte que l'appréciation des faits doit régulièrement se faire sur la base d'indices (ATF 144 II 246 consid. 6.4.4).  
 
10.4.2. En l'occurrence, il a été établi d'une manière qui lie la Cour de céans qu'entre 2005 et 2011, la recourante a été partie à 24 contrats lui confiant non seulement la diffusion et la distribution d'ouvrages en français sur le territoire suisse à titre exclusif, mais contraignant également les éditeurs partenaires concernés, tous externes au groupe MP, soit à " prendr[e] toutes mesures utiles " (clause de type B et C), soit à " mettr[e] tout en oeuvre " (clause de type E) pour que l'exclusivité [de la recourante] soit respectée. Or, de telles clauses laissent effectivement entendre que les éditeurs concernés ont accepté de veiller à ce qu'aucun de leurs distributeurs étrangers ne concurrence la recourante en procédant à des livraisons de livres sur le territoire suisse. Il semble en tout cas peu vraisemblable que ces clauses aient eu pour seule fonction d'interdire aux éditeurs de vendre eux-mêmes leurs ouvrages directement aux détaillants suisses ou pour unique but d'empêcher toute prospection active du marché suisse par d'autres acteurs de la distribution actifs à l'étranger, ainsi que l'affirme la recourante dans ses écritures. On comprendrait au demeurant mal pourquoi la recourante se serait elle-même engagée dans la plupart desdits contrats à ne pas vendre d'ouvrages en dehors de Suisse et à prendre toutes mesures utiles auprès de sa clientèle afin qu'une telle limitation à l'exportation soit respectée, si elle n'avait pas obtenu la garantie réciproque de ses partenaires. L'intéressée ne fournit aucune explication à cet égard dans son recours. On ne peut ainsi pas reprocher au Tribunal administratif fédéral d'être tombé dans l'arbitraire, ni d'avoir violé la maxime inquisitoire ou la présomption d'innocence en retenant que les éditeurs liés à la recourante par une clause de type B, C ou E s'étaient sciemment et volontairement obligés à veiller à ce qu'aucun autre diffuseur et/ou distributeur ne vendent leurs ouvrages en Suisse, quand bien même il se serait uniquement agi de répondre depuis l'étranger à des commandes non sollicitées provenant du territoire suisse (ventes passives).  
 
10.4.3. Contrairement à ce que prétend la recourante, le simple fait que trois éditeurs signataires d'une clause de type B aient certifié par le biais de diverses attestations écrites n'avoir jamais instauré de politique d'interdiction des ventes passives à l'endroit des détaillants suisses ne suffit pas à rendre un tel constat manifestement insoutenable, ni à éveiller un doute irréductible quant à sa véracité. Ces documents - qui, selon l'arrêt attaqué, ont été réalisés à l'instigation de la recourante en vue de leur production dans la présente procédure - démontrent tout au plus que les éditeurs concernés n'ont pas nécessairement respecté leur engagement envers l'intéressée, ce qui n'empêche pas de reconnaître qu'ils ont, sur le principe, convenu avec celle-ci d'une protection territoriale absolue (cf. ATF 144 II 194 consid. 4.4.2; 143 II 297 consid. 5.4.2). Il importe également peu qu'aucune librairie helvétique n'ait déclaré en cours de procédure s'être adressée à un grossiste étranger pour obtenir les ouvrages distribués par la recourante, ni que les deux principaux acteurs de la vente de livres en Suisse romande - soit Payot et FNAC - aient indiqué n'avoir jamais eu aucun intérêt à une importation parallèle desdits produits. De tels éléments sont susceptibles d'indiquer que les librairies suisses n'ont peut-être jamais souhaité se procurer à l'étranger les ouvrages diffusés par la recourante. Ils ne rendent toutefois pas arbitraires, ni ne remettent sérieusement en doute le constat selon lequel les éditeurs liés à la recourante par une clause de type B, C ou E se sont engagés à veiller à ce que les entreprises qui les diffusent et/ou distribuent à l'étranger ne concurrencent en aucun cas la recourante en livrant leurs ouvrages à des revendeurs suisses. C'est enfin également à tort que la recourante se prévaut des différents achats effectués par des librairies helvétiques auprès des acteurs du commerce en ligne pour tenter de démontrer qu'elle n'aurait jamais bénéficié d'aucune protection territoriale absolue dans le cadre de son activité: comme on l'a vu, de telles ventes - au caractère exceptionnel - ne s'assimilent de toute manière pas à des ventes effectués par des "distributeurs agréés" au sens de l'art. 5 al. 4 LCart (cf. supra consid. 9.3).  
 
10.4.4. Les considérations qui précèdent ne peuvent pas être transposées telles quelles aux 12 autres contrats de diffusion et/ou de distribution que la recourante a également conclus avec des éditeurs ou diffuseurs externes au groupe MP, sans y insérer une clause de type B, C ou E (3 éditeurs en relation directe et 9 éditeurs ou diffuseurs en distribution pure). A suivre leur texte, ces contrats, qui contiennent une clause de type A, H ou F, se limitent à confier la diffusion et/ou la distribution d'ouvrages en français sur le territoire suisse à titre exclusif à la recourante. Il est impossible d'en tirer un devoir contractuel des éditeurs (ou diffuseurs) concernés de faire en sorte qu'aucun autre distributeur ne vende leurs ouvrages aux détaillants suisses, même sur demande expresse et spontanée de ceux-ci. Le Tribunal administratif fédéral l'a du reste lui-même reconnu dans son arrêt (cf. arrêt attaqué, consid. 9.3.3). S'il a finalement admis l'existence d'accords en ce sens, c'est uniquement parce qu'il y voit la seule explication au fait que les librairies suisses n'auraient, selon lui, jamais pu procéder à aucune importation parallèle d'ouvrages distribués par la recourante, alors même que de tels achats transfrontaliers auraient été intéressants pour eux d'un point de vue commercial et économique.  
 
10.4.5. En ce qui concerne ce dernier point toutefois, comme le relève la recourante, l'arrêt attaqué ne fait état d'aucune librairie suisse qui se serait concrètement adressée à des distributeurs ou grossistes étrangers afin de se procurer auprès d'eux des ouvrages distribués par la recourante et, a fortiori, qui se serait vu refuser une telle livraison. Le constat du Tribunal administratif fédéral selon lequel une importation parallèle de ces ouvrages aurait été impossible se fonde uniquement sur des déclarations de libraires suisses affirmant, de manière générale et indéterminée, que les diffuseurs-distributeurs, éditeurs ou détaillants français n'accepteraient en principe pas de leur ouvrir un compte d'achat aux détaillants helvétiques et que la pratique consisterait à les renvoyer vers les diffuseurs-distributeurs officiels de livres pour la Suisse. Il repose également sur les déclarations d'un représentant d'une autre société suisse de distribution de livres - en l'occurrence A.________ SA - qui a admis qu'il n'était " pas possible de s'approvisionner auprès des éditeurs français qui ont une antenne commerciale en Suisse, sauf par le marché gris ".  
Cela étant, la Cour de céans peine à comprendre en quoi ces différentes allégations seraient propres à démontrer que les éditeurs et diffuseurs ayant conclu un contrat de distribution contenant une clause de type A, H ou F se seraient engagés envers la recourante à faire en sorte que les détaillants suisses ne puissent en aucun cas se procurer leurs ouvrages auprès d'autres entreprises de distribution. Il ressort tout d'abord de l'arrêt attaqué que les librairies interrogées en cours de procédure évoquent avant tout une impossibilité de s'approvisionner directement auprès des éditeurs français, soit auprès des "producteurs" de livres. Or, un tel refus ne constitue précisément pas une exclusion de vente par des "distributeurs agréés" au sens de l'art. 5 al. 4 LCart, ainsi qu'on l'a vu précédemment (cf. supra consid. 9.3.1). Il convient également de garder à l'esprit que les détaillants interrogés se sont peut-être plaints de l'impossibilité d'obtenir à l'étranger des ouvrages diffusés et distribués en Suisse par d'autres distributeurs que la recourante ou, alors, des ouvrages certes diffusés et distribués par celle-ci, mais édités par d'autres sociétés que les 12 éditeurs ou diffuseurs ayant souscrit une clause de type A, H ou F. Rappelons que ces éditeurs ne représentent qu'une très petite portion des partenaires de la recourante (moins de 15 %) et que celle-ci diffuse et distribue en priorité des éditeurs appartenant au groupe MP, c'est-à-dire des ouvrages dont la distribution cloisonnée n'est pas illicite à l'aune de l'art. 5 LCart, puisqu'elle relève du privilège de groupe (cf. supra consid. 7). C'est d'ailleurs probablement en ce sens qu'il faut comprendre les déclarations de la librairie B.________ - reprises dans l'arrêt attaqué - qui mentionne l'existence de barrières à l'importation s'agissant des livres diffusés et distribués en Suisse par la recourante, sans affirmer en avoir elle-même subi les effets, en remarquant que l'intéressée aurait toujours l'exclusivité de la distribution des livres de son groupe. 
 
 
10.5. En somme, rien dans l'arrêt ne permet de soutenir que les 12 éditeurs et diffuseurs externes au groupe MP liés à la recourante par une clause de type A, H ou F se seraient engagés à tout mettre en oeuvre afin que leurs diffuseurs/distributeurs à l'étranger ne vendent aucun de leurs ouvrages à destination du marché suisse. En l'absence de toute disposition contractuelle claire en ce sens, un tel engagement ne peut en aucun cas être établi sans autres investigations et indices spécifiques en relation avec la situation de la recourante, sur la seule base de considérations générales sur le fonctionnement du marché du livre en français en Suisse. Le Tribunal administratif fédéral a violé l'interdiction de l'arbitraire et la présomption d'innocence en retenant le contraire.  
 
10.6. En revanche, comme on l'a vu, le Tribunal administratif fédéral n'a pas violé le droit fédéral, ni n'est tombé dans l'arbitraire en retenant que la recourante était partie à des contrats de distribution accordant une protection territoriale absolue au sens de l'art. 5 al. 4 LCart avec 24 éditeurs externes au groupe MP ayant souscrit une clause d'exclusivité de type B, C ou E. Il n'a sur ce point précis pas violé non plus le droit d'être entendue de la recourante, ni la maxime inquisitoire ancrée à l'art. 12 PA (cf. en lien avec l'art. 37 LTAF), puisqu'il lui était loisible de ne pas tenir compte des allégations et réquisitions de preuves de la recourante sur la base d'une appréciation anticipée de celles-ci, dans la mesure où les preuves administrées lui avaient permis de forger sa conviction et d'établir l'ensemble des faits pertinents pour la cause sans arbitraire (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).  
 
VIII. Existence d'accords illicites au sens de l'art. 5 al. 1 LCart  
 
11.  
Il s'agit encore de déterminer si les 24 accords susmentionnés doivent être qualifiés d'illicites au sens de l'art. 5 al. 1 LCart, ce que la recourante conteste. 
 
11.1. En vertu de l'art. 5 al. 1 LCart, sont illicites, d'une part, les accords qui affectent de manière notable la concurrence sur le marché de certains biens ou services et qui ne sont pas justifiés par des motifs d'efficacité économique au sens de l'art. 5 al. 2 LCart et, d'autre part, les accords qui conduisent à la suppression d'une concurrence efficace. Dans ce second cas, la justification des accords par des motifs d'efficacité économique est exclue (cf. ATF 143 II 297 consid. 4.1; 129 II 18 consid. 3). La suppression de la concurrence efficace peut être prouvée directement; elle peut également résulter des différents cas de figures énumérés par le législateur à l'art. 5 al. 3 et 4 LCart, où il est présumé que la concurrence effective est supprimée. Une telle présomption n'est toutefois pas irréfragable, en ce sens qu'elle peut être levée lorsqu'il est établi qu'une concurrence subsiste malgré tout sur le marché considéré (cf. notamment ATF 147 II 72 consid. 6.1 et 6.5; 144 II 246 consid. 7.2 et références citées). Si cette présomption est levée, il convient de se demander pour les accords visés à l'art. 5 al. 3 et 4 LCart, comme face à tout accord en matière de concurrence, si la concurrence n'est malgré tout pas affectée de manière notable, sans motifs d'efficacité économique (art. 5 al. 1 et 2 LCart), auquel cas l'accord est illicite  
 
11.2. La jurisprudence a précisé la portée à donner à la notion d'"accords qui affectent de manière notable la concurrence" figurant à l'art. 5 al. 1 LCart. De manière générale, le caractère notable d'une atteinte à la concurrence peut être établi à l'aide de critères tant quantitatifs que qualitatifs, étant précisé que le seuil de gravité justifiant un constat d'illicéité doit rester globalement le même, quelle que soit l'approche adoptée (ATF 143 II 297 consid. 5.2.2; arrêt 2C_113/2017 du 12 février 2020 consid. 7.3.1). Cela étant, les accords verticaux visés par l'art. 5 al. 3 ou al. 4 LCart, auxquels le législateur a décidé d'appliquer une présomption de suppression de la concurrence efficace en raison de leurs effets potentiellement graves, ne constituent en principe pas des cas bagatelles, de sorte qu'ils sont par nature réputés affecter de manière notable la concurrence au sens de l'art. 5 al. 1 LCart. Une appréciation qualitative de ces accords sous le prisme de l'art. 5 al. 3 et 4 LCart suffit en règle générale à remplir la condition de l'atteinte notable à la concurrence au sens de l'art. 5 al. 1 LCart, sans qu'il faille au surplus en examiner les effets réels sur un plan quantitatif (cf. ATF 144 II 194 consid. 4.3.1-4.3.2; 143 II 297 consid. 5.2.5 et 5.4). Si ces accords ne sont pas justifiés par des motifs d'efficacité économiques (cf. art. 5 al. 2 LCart), ils sont ainsi illicites au sens de l'art. 5 al. 1 LCart. Il s'agit du premier cas de figure visé par l'art. 5 al. 1 LCart, de sorte qu'il n'y a pas lieu de se demander si ces accords remplissent le second cas de figure visé par cette disposition (cf. supra consid. 11.1), à savoir s'ils conduisent à une suppression de la concurrence efficace, ce qui supposerait d'examiner si la présomption posée à l'art. 5 al. 3 et 4 LCart peut ou non être considérée comme levée (cf. ATF 143 II 297 consid. 5.2.1-5.2.5, 5.3.2, 5.6).  
 
11.3. Sur le vu de ce qui précède, il faut retenir que les 24 contrats de diffusion/distribution qui contenaient une clause d'exclusivité territoriale de type B, C ou E et qui liaient la recourante à différents éditeurs externes au groupe MP s'avèrent forcément illicites à l'aune de l'art. 5 al. 1 LCart. Ils constituent en effet tous des accords verticaux visés par l'art. 5 al. 4 LCart. De tels accords, qui sont présumés avoir supprimé toute concurrence efficace sur le marché suisse de la distribution wholesale du livre en français, ont en tous les cas affecté celle-ci de manière notable, ce conformément à la jurisprudence exposée ci-avant. Quoi qu'en dise la recourante, au regard de leur nombre, on ne voit au demeurant pas en quoi ils pourraient être qualifiés de cas "bagatelles" du point de vue du droit de la concurrence, quand bien même ils concernent uniquement une petite partie des éditeurs diffusés et distribués par la recourante et, partant, du chiffre d'affaires de cette dernière. Rien n'indique pour le reste que les restrictions à la concurrence prévues par ces accords se soient justifiées par des motifs d'efficacité économique. Le Tribunal administratif fédéral l'a au contraire expressément nié dans son arrêt et ce point n'est pas contesté par la recourante, de sorte qu'il n'y a pas lieu de le remettre en question. Les 24 accords précités étant de toute manière illicites sous cet angle de vue, il n'est ainsi même pas nécessaire d'examiner si la présomption de suppression de la concurrence efficace entrant en ligne de compte en l'espèce pourrait être levée, ce à quoi le Tribunal administratif fédéral a du reste répondu par la négative dans son arrêt.  
 
11.4. On pourrait se demander si la recourante a également participé à des accords illicites en ce qui concerne la diffusion et la distribution des 12 autres éditeurs et diffuseurs externes au groupe MP avec lesquels elle a entretenu des liens commerciaux entre 2005 et 2011, sans forcément être liée à eux par un contrat remplissant les conditions de l'art. 5 al. 4 LCart (cf. supra consid. 10.5). Le Tribunal administratif fédéral n'a pas traité cette question dans son arrêt. Y répondre aurait en l'occurrence impliqué d'opérer une analyse globale de leur impact sur le marché (cf. supra consid. 11.2). Il n'appartient pas à la Cour de céans de procéder en première instance à un tel examen, qui dépend non seulement de l'établissement de faits ne ressortant pas de l'arrêt attaqué, mais qui relève également du pouvoir d'appréciation des autorités compétentes en matière de droit des cartels (cf. ATF 135 II 60 consid. 3.1.2). Compte tenu de l'écoulement du temps depuis la fin de l'enquête de la COMCO, le Tribunal fédéral renonce à renvoyer la cause au Tribunal administratif fédéral pour qu'il se prononce sur ce point, qui n'a d'ailleurs aucune implication sur l'éventuelle sanction à prononcer à l'encontre de la recourante.  
 
IX. Mesures prononcées au sens des art. 30 et 49a LCart 
 
12.  
Il s'agit à présent d'examiner si le Tribunal administratif fédéral était en droit de condamner la recourante au paiement d'une sanction financière de 825'004 fr. et de lui interdire d'entraver par des contrats de distribution et/ou de diffusion les importations parallèles de livres rédigés en français par tout détaillant actif en Suisse. 
 
12.1. Dans son recours, la recourante affirme à titre principal qu'il n'y avait pas lieu de la condamner au paiement d'une quelconque sanction financière, tout en remettant en cause à titre subsidiaire le montant de celle qui lui a été infligée.  
 
12.1.1. Aux termes de l'art. 49a al. 1 LCart, l'entreprise qui participe à un accord illicite aux termes de l'art. 5 al. 3 et 4 LCart est tenue au paiement d'un montant pouvant aller jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires réalisé en Suisse au cours des trois derniers exercices (1 re phrase). La jurisprudence a précisé que, par "accord illicite au sens de l'art. 5 al. 3 et 4", il fallait entendre les différents types d'accords mentionnés aux alinéas précités. Ces accords présentent en effet un caractère particulièrement dommageable, qu'ils conservent même en cas de renversement de la présomption de suppression de la concurrence efficace qui leur est associée (ATF 147 II 72 consid. 8.3.1 et références citées). Ces accords, qui doivent donc être sanctionnés parce qu'ils sont considérés comme des restrictions particulièrement problématiques de la liberté d'action, ne peuvent toutefois l'être que s'ils sont illicites au sens de l'art. 5 al. 1 LCart, soit s'ils suppriment la concurrence ou l'entravent de manière notable sans justification d'efficacité économique (ATF 144 II 194 consid. 5.3; 143 II 297 consid. 9.4.6).  
 
12.1.2. D'après l'art. 49a LCart, le montant de la sanction est calculé en fonction de la durée et de la gravité des pratiques illicites (3e phrase). Le profit présumé résultant des pratiques illicites de l'entreprise est dûment pris en compte pour le calcul de ce montant (4e phrase). Les différents critères de calcul sont pour le reste précisés plus avant par l'Ordonnance du 12 mars 2004 sur les sanctions en cas de restrictions illicites (Ordonnance sur les sanctions LCart, OS LCart; RS 251.5), qui rappelle notamment qu'il doit être tenu compte du principe de la proportionnalité (art. 3 al. 2 OS LCart). Le calcul de la sanction relève en fin de compte d'un acte d'appréciation que le Tribunal administratif fédéral peut contrôler librement (art. 37 LTAF en lien avec l'art. 49 let. c PA), mais pas le Tribunal fédéral (cf. art. 189 Cst. et art. 95 et 97 al. 1 a contrario LTF; ATF 147 II 72 consid. 8.5.2).  
 
12.1.3. En l'occurrence, quoi qu'en dise la recourante, celle-ci a bel et bien conclu des accords de distribution illicites remplissant les conditions de l'art. 5 al. 4 LCart avec 24 éditeurs externes au groupe MP. Il s'ensuit que le prononcé d'une sanction financière à son encontre se justifie pleinement au sens de l'art. 49a LCart. S'agissant du montant de la sanction, il convient en revanche de relever que, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal administratif fédéral, il ne peut pas être reproché à la recourante d'avoir participé à 56 accords de distribution visés par l'art. 5 al. 4 LCart entre 2005 et 2011. Le nombre d'éditeurs concernés par de tels accords se monte à 24. La violation de la LCart imputable à la recourante n'est partant pas aussi grave que cela ressort de l'arrêt attaqué. Il se justifierait donc d'adapter à la baisse la sanction prononcée à l'encontre de la recourante, laquelle doit, comme on l'a vu, tenir compte de la gravité des pratiques illicites. Il n'appartient toutefois pas au Tribunal fédéral de prononcer lui-même une nouvelle sanction, dont le calcul relève d'un acte d'appréciation (cf. supra consid. 12.1.1). L'affaire doit donc être renvoyée à la juridiction inférieure pour qu'elle se prononce à nouveau sur le montant de la sanction à infliger à la recourante en application de l'art. 49a LCart.  
 
12.1.4. Le renvoi du dossier à l'autorité inférieure pour nouveau calcul de la sanction fait qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur les autres griefs soulevés par la recourante à l'encontre du montant de la sanction.  
 
12.2. Il convient pour le reste de confirmer l'interdiction faite à la recourante d'entraver par des contrats de distribution et/ou de diffusion les importations parallèles de livres écrits en français, mesure que la recourante ne conteste du reste pas expressément dans son recours. En effet, lorsque l'autorité parvient à la conclusion qu'une restriction illicite à la concurrence existe dans le cas d'espèce, elle peut ordonner des mesures destinées à supprimer ladite restriction (art. 30 al. 1 LCart). En l'occurrence, il n'apparaît pas à la lecture de l'arrêt attaqué que les contrats de distribution et/ou diffusion conclus par la recourante et contenant une clause attributive de territoire de type B, C ou E aient été modifiés ou amendés après l'ouverture de la procédure de la COMCO. L'interdiction faite à la recourante de continuer d'entraver les importations parallèles par les revendeurs de livres suisses au moyen de telles clauses contractuelles - obligeant ses cocontractants à veiller à ce qu'aucun autre distributeur ne vende les mêmes produits qu'elle à destination du marché suisse - apparaît ainsi nécessaire, tout en constituant la mesure la moins incisive afin de supprimer la restriction illicite constatée. Il est évident qu'elle ne porte que sur les clauses d'exclusivité considérées comme illicites à l'aune des considérants qui précèdent.  
X. Frais et dépens des procédures antérieures 
 
13.  
Dans son mémoire, la recourante demande à ce que les frais de procédure relatifs aux procédures menées successivement devant la COMCO et devant le Tribunal administratif fédéral soient mis à la charge de la Confédération. 
 
13.1. Cette conclusion, qui ne fait l'objet d'aucune motivation spécifique dans le mémoire de recours, serait évidemment bien fondée si le recours l'avait été dans son ensemble. Tel n'est toutefois pas le cas, car il convient de confirmer le constat des autorités précédentes selon lequel la recourante a participé à des accords illicites au sens de l'art. 5 al. 1 et 4 LCart durant la période sous enquête, ce qui a pour conséquence principale de justifier le prononcé d'une sanction financière à l'encontre de l'intéressée en application de l'art. 49a LCart. Notons que le Tribunal administratif fédéral a considéré dans l'arrêt attaqué que ce seul constat justifiait de condamner la recourante au paiement de 760'150 fr. pour les frais de procédure devant la COMCO, solidairement avec neuf autres diffuseurs-distributeurs de livres. D'après lui, un tel montant équivalant à 76'015 fr. par diffuseur-distributeur ne serait pas exagéré, ni contraire à l'ordonnance du 25 février 1998 relative aux émoluments prévus par la loi sur les cartels (OEmol-LCart; RS 251.2), dès lors qu'il correspondrait à 380 heures de travail par partie et que cette durée ne dépendrait pas de la fixation de la sanction, mais avant tout de la détermination de l'existence d'un comportement contraire à la LCart.  
 
13.2. Il n'y a pas lieu de remettre en cause le raisonnement du Tribunal administratif fédéral en tant qu'il confirme que la recourante doit payer un dixième des frais occasionnés par la procédure de la COMCO, étant ici précisé que les frais de l'enquête initiale portant sur un éventuel abus de position dominante sur le marché du livre ont été laissés à la charge de la Confédération (cf. décision de la COMCO du 27 mai 2013, no 774; art. 105 al. 2 LTF). Cette décision, contre laquelle la recourante ne soulève aucun grief, ne viole pas le droit fédéral à première vue, même s'il appert que la COMCO a quelque peu surévalué le nombre d'accords imputables à la recourante justifiant le prononcé d'une sanction au titre de l'art. 49a al. 1 LCart. Le Tribunal fédéral a déjà souligné que celui qui, par son comportement, provoquait l'ouverture d'une procédure relevant de la LCart, pouvait être condamné à l'ensemble des frais d'enquête de première instance (ATF 128 II 247 consid. 6; aussi 2A.492/2002 du 17 juin 2003 consid. 6.2). Une augmentation de la part des frais à supporter par la recourante n'entre par ailleurs pas en ligne de compte en la cause, en raison de l'interdiction de reformatio in pejus prévalant devant le Tribunal fédéral. On ne voit en revanche pas en quoi la recourante devrait répondre solidairement de l'ensemble des autres frais de procédure mis à la charge des autres distributeurs. Un tel régime de solidarité ne s'imposerait que s'ils avaient provoqué ensemble ("gemeinsam") la décision de la COMCO, ce qui n'est pas le cas en l'espèce s'agissant d'une condamnation pour accords illicites n'entretenant aucun lien direct et nécessaire avec celles prononcées à l'encontre des autres diffuseurs-distributeurs de livres concernées par la décision (cf. art. 2 al. 2 de l'ordonnance générale du 8 septembre 2004 sur les émoluments [OGEmol; RS 172.041.1] en lien avec l'art. 1a OEmol-LCart). Il appartiendra au Tribunal administratif fédéral, à qui la cause doit de toute manière être renvoyée pour nouvelle décision, de corriger ce point.  
 
13.3. Il se justifiera enfin de procéder à une nouvelle répartition des frais et dépens de la procédure menée devant le Tribunal administratif fédéral, qui a surestimé le nombre d'accords verticaux relevant de l'art. 5 al. 4 auxquelles la recourante a participé et qui devra partant réduire la sanction à infliger à celle-ci. La cause sera donc également renvoyée à cette instance précédente pour qu'elle se prononce sur ce point (art. 67 et 68 al. 5 LTF).  
XI. Conséquences 
 
14.  
Le recours doit ainsi être admis partiellement. L'arrêt attaqué doit être partiellement annulé et la cause renvoyée au Tribunal administratif fédéral pour nouvelle décision s'agissant de la sanction à infliger à la recourante et des frais et dépens des procédures précédentes. 
 
15.  
Compte tenu de l'issue du litige, des frais réduits seront mis à la charge de la recourante, qui succombe partiellement. Aucun frais ne sera mis à la charge de la COMCO, celle-ci ayant agi dans l'exercice de ses attributions officielles, sans que son intérêt patrimonial n'ait été en cause (art. 66 al. 4 LTF; cf. arrêt 2C_343/2010 du 11 avril 2011 consid. 9.3, non publié aux ATF 137 II 199). La COMCO sera en revanche condamnée à verser des dépens à l'intimée, qui obtient partiellement gain de cause (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis. 
 
2.  
L'arrêt du Tribunal administratif fédéral B-3938/2013 du 30 octobre 2019 est partiellement annulé et la cause est renvoyée à cette autorité pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
3.  
Des frais judiciaires réduits, arrêtés à hauteur de 7'000 fr., sont mis à charge de la recourante. 
 
4.  
La COMCO est condamnée à verser à la recourante une indemnité de 9'500 fr. à titre de dépens réduits. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal administratif fédéral, Cour II, et au Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche DEFR. 
 
 
Lausanne, le 21 décembre 2021 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Seiler 
 
Le Greffier : Jeannerat