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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1P.177/2005 /svc 
 
Arrêt du 27 avril 2005 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Féraud, Président, 
Aeschlimann, Reeb, Fonjallaz et Eusebio. 
Greffier: M. Zimmermann. 
 
Parties 
Justice de paix du VIIème Cercle de la Gruyère, 
p.a. Fernand Jaquet, Juge de paix, 
demanderesse, 
 
contre 
 
Chambre des tutelles du district de l'Entremont, 
p.a. son Président, M. le Préfet Angelin Luisier, 
défenderesse. 
 
Objet 
art. 83 let. e OJ (changement de domicile de personnes sous tutelle), 
 
réclamation de droit public contre la décision de la 
Chambre des tutelles du district de l'Entremont, 
du 21 janvier 2005. 
 
Faits: 
 
A. 
A.T.________, né en 1969, et son épouse B.T.________, née en 1971, ont deux enfants, C.T.________, née en 1992, et E.T.________, né en 1994. Le 26 juin 2001, la Justice de paix de la Broye a institué une tutelle volontaire, au sens des art. 372 et 368 CC, en faveur de la famille T.________. 
En décembre 2001, celle-ci s'est installée à Neirivue. Le 6 mai 2002, la Justice de paix du VIIème Cercle de la Gruyère (ci-après: la Justice de paix) a accepté le transfert de for de la tutelle; il a désigné un tuteur à la famille T.________. 
Le 31 mai 2004, celle-ci s'est installée dans le hameau du Levron, sur le territoire de la commune de Vollèges. Le 7 juin 2004, la Justice de paix a autorisé ce changement de domicile. Elle a invité la commune de Vollèges à reprendre la tutelle, ce que la Chambre pupillaire de Vollèges a refusé, le 2 octobre 2004. 
Contre cette décision, le Président de la Chambre des tutelles de la Gruyère a, le 21 octobre 2004, adressé une plainte au Juge du district d'Entremont, qui l'a transmise à la Chambre de tutelle du même district, comme objet de sa compétence. 
Le 21 janvier 2005, la Chambre de tutelle du district d'Entremont a rejeté la plainte du 21 octobre 2004 (ch. 1 du dispositif), confirmé la décision du 2 octobre 2004 (ch. 2) et mis les frais, par 450 fr., à la charge de la Chambre des tutelles de la Gruyère (ch. 3). Elle a indiqué la voie de l'appel au Juge de district. Elle a considéré, en bref, que le déménagement de la famille T.________ au Levron n'était pas dans l'intérêt de celle-ci. 
Le 2 février 2005, la Chambre de tutelle a modifié le ch. 3 du dispositif de la décision du 21 janvier 2005, en renonçant à percevoir des frais. 
 
B. 
Agissant le 11 mars 2005 par la voie de la réclamation de droit public au sens de l'art. 83 let. e OJ, la Justice de paix du VIIème Cercle de la Gruyère demande au Tribunal fédéral d'ordonner à la Chambre pupillaire de Vollèges d'admettre l'établissement sur son territoire de la famille T.________ et, par voie de conséquence, le transfert du for tutélaire à Vollèges. 
La Chambre de tutelle du district d'Entremont a produit des observations tendant au rejet de la réclamation. 
 
C. 
Le 11 avril 2005, la demanderesse a répliqué spontanément. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
 
1. 
La demanderesse a répliqué sans y avoir été invitée, ce qu'elle n'est pas autorisée à faire. Partant irrecevable, son écriture du 11 avril 2005 est écartée du dossier. 
 
2. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité d'une réclamation de droit public dont il est saisi (ATF 125 I 458 consid. 1 p. 461). 
 
2.1 Le Tribunal fédéral connaît des différends de droit public entre la Confédération et les cantons ou entre les cantons (art. 189 al. 1 let. d Cst.; cf. art. 113 al. 1 ch. 2 aCst.). Aux termes de l'art. 83 let. e OJ, le Tribunal fédéral est compétent pour trancher les contestations entre les autorités tutélaires de cantons différents au sujet notamment du changement de domicile de personnes sous tutelle. Cette disposition trouve son origine dans la loi fédérale du 25 juin 1891 sur les rapports de droit civil des citoyens établis ou en séjour (RO XII p. 337 ss). Celle-ci avait notamment pour but de régler les rapports entre les autorités de tutelle du lieu d'origine et du lieu de domicile (art. 14 et 15). Elle prévoyait que les litiges y relatifs pouvaient être soumis au Tribunal fédéral siégeant comme cour de droit public (art. 16). Lors de l'adoption de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 22 mars 1893 (RO XIII p. 457), cette compétence a été ancrée à l'art. 180 ch. 4 aOJ. En 1907 a été édicté le Code civil, dont l'art. 377 pose la règle que le pupille ne peut changer de domicile qu'avec le consentement de l'autorité tutélaire (al. 1), avec la conséquence que la tutelle passe au nouveau domicile (al. 2). L'art. 378 CC réserve les droits de l'autorité tutélaire du lieu d'origine. A la suite de l'entrée en vigueur de ces normes, l'OJ a été modifiée, le 6 octobre 1911 (RO XXVIII p. 46) notamment en ce sens que les contestations entre les autorités tutélaires de cantons différents au sujet de l'application des art. 377 et 378 CC ont été placées dans la compétence du Tribunal fédéral, selon l'art. 180 ch. 4 aOJ, dans sa nouvelle teneur de l'époque. Le texte actuel de l'art. 83 let. e OJ remonte à l'adoption de cette loi, le 16 décembre 1943. 
 
Le différend opposant la demanderesse à la défenderesse touche au changement de domicile de la famille T.________, placée sous tutelle. Il entre dans le champ d'application de l'art. 83 let. e OJ (cf. ATF 109 Ib 76; 81 I 48). 
 
2.2 La voie de la réclamation de droit public au sens de l'art. 83 let. e OJ est ouverte uniquement si celle du recours ordinaire est fermée (ATF 81 I 43). Cette condition de subsidiarité est remplie. En effet, la contestation relative au changement du domicile du pupille, au sens de l'art. 377 al. 1 CC, ne peut faire l'objet ni d'un recours en réforme, car elle ne figure pas dans le catalogue de l'art. 44 OJ, ni d'un recours en nullité, car elle ne touche pas à une règle de compétence au sens de l'art. 68 al. 1 let. e OJ (ATF 86 II 287; cf. également l'arrêt 5C.16/2001 du 5 février 2001, reproduit in: Pra 2001 131, p. 783). 
 
2.3 La réclamation de droit public n'est soumise à aucun délai (ATF 125 I 458 consid. 1b p. 461). Il n'est pas exigé que les voies de droit cantonales soient épuisées (ATF 125 I 458 consid. 1b p. 461; 71 I 158 consid. 1 p. 159). L'autorité tutélaire peut ainsi agir de son propre chef, même sans le consentement de l'autorité cantonale supérieure (ATF 85 I 111 consid. 2 p. 112; 71 I 158 consid. 1 p. 159, et les arrêts cités). La demanderesse est ainsi recevable à agir seule, comme elle l'a fait. 
Saisi d'une réclamation de droit public, le Tribunal fédéral examine librement les éléments de fait et de droit déterminants pour la solution du litige (ATF 129 I 419 consid. 1 p. 421). 
Il y a lieu d'entrer en matière. 
 
3. 
Il est constant que A.T.________ et B.T.________ font l'objet d'une interdiction volontaire, au sens de l'art. 372 CC. Comme ils sont privés de l'autorité parentale (art. 296 al. 2 CC), leurs enfants mineurs C.T.________ et D.T________ ont également été placés sous tutelle (art. 368 al. 1 CC). 
Comme citoyens suisses, A.T.________ et B.T._______ sont titulaires de la liberté d'établissement, garantie par l'art. 24 al. 1 Cst. Leur qualité d'interdits n'y change rien (Thomas Geiser, Commentaire bâlois, N. 5 ad art. 377 CC). Cela étant, leur liberté est limitée dans la mesure où leur domicile se trouve au siège de l'autorité tutélaire (art. 25 al. 2 CC) et qu'ils ne peuvent en changer qu'avec le consentement de l'autorité tutélaire (art. 377 al. 1 CC). Cette condition, qui doit être appliquée dans le respect du principe de la proportionnalité commandant toute restriction aux droits fondamentaux (cf. art. 36 al. 3 Cst.; cf. ATF 106 Ia 33 consid. 4a p. 35), est remplie en l'espèce. La demanderesse a approuvé, le 7 juin 2004, le déménagement de la famille T.________ à Vollèges. Le tuteur a également donné son accord. Il importe peu que cet acquiescement soit intervenu avant ou après le changement de résidence effectif des pupilles (cf. Bernhard Schnyder/Erwin Murer, Commentaire bernois, N. 47-72 ad art. 377 CC). 
 
4. 
Le différend porte sur les conditions du transfert de la tutelle à l'autorité tutélaire du nouveau lieu de résidence, selon l'art. 377 al. 2 CC
 
4.1 Pour être justifié, le changement de domicile et, subséquemment, le transfert de la tutelle doit correspondre à l'intérêt bien compris du pupille et servir les buts poursuivis par la tutelle (ATF 109 Ib 78, 81 I 51, 78 I 222; 39 I 68; arrêt P.353/81 du 16 septembre 1981, consid. 2; Schnyder/Murer, op. cit., N. 73-86 ad art. 377 CC; Henri Deschenaux/Paul-Henri Steinauer, Personnes physiques et tutelles, 4ème éd., Berne, 2001, n. 398, 858b). L'avis du pupille n'est pas déterminant, même s'il convient d'en tenir compte (Schnyder/Murer, op. cit., N. 73 ad art. 377 CC). Si les conditions du transfert sont remplies, le pupille dispose d'un droit à ce que l'autorité du nouveau domicile consente au transfert de la tutelle (Geiser, op. cit. N. 6 ad art. 377 CC). A défaut, l'autorité de tutelle du nouveau lieu de résidence peut refuser son accord (ATF 56 I 179; arrêt du 16 septembre 1981, précité, consid. 2; Schnyder/Murer, op. cit., N. 73 ad art. 377 CC; Deschenaux/Steinauer, op. cit., 858b). En tout cas, l'autorité de tutelle de l'ancien lieu de résidence ne saurait consentir au changement de domicile uniquement pour se débarrasser d'une charge financière ou d'une tâche ingrate (ATF 95 II 514 consid. 3a p. 516; Schnyder/Murer, op. cit. N. 73 ad art. 377 CC). 
 
4.2 A.T.________ et B.T.________ ont demandé volontairement à être placés sous tutelle, parce qu'ils sont incapables de gérer leurs affaires. Ils n'occupent que sporadiquement et brièvement un emploi. Ils dépendent de l'aide sociale depuis des années. Leur relation avec leur tuteur n'est pas harmonieuse. Le 6 mai 2002, Blaise Matthey, tuteur désigné par l'autorité tutélaire de la Broye, a signalé qu'un « contrôle de proximité » était indispensable, afin de s'assurer notamment que les enfants soient bien nourris. Le 3 juillet 2002, le Conseil communal de la commune de l'Haut-Intyamon a signalé à la tutrice que les enfants s'étaient plaints de ne pas manger régulièrement à leur faim, alors que le chien de la famille recevait sa pâtée journalière. Le 26 février 2003, la tutrice a signalé au Juge de paix de la Gruyère que les époux T.________ ne voulaient pas entendre raison, relativement à l'utilisation de leur automobile et à la location d'un garage. Si les époux T.________ ont voulu quitter Neirivue pour Vollèges, c'est parce que les relations avec le tuteur Tornare s'étaient tendues et que E.T.________ souffrait d'asthme. Selon un rapport établi le 24 décembre 2004 par le Service médico-social de l'Entremont, la famille T.________ occupe un logement confortable au Levron. Elle vit de l'aide sociale. A.T.________ n'a pas droit aux prestations de l'assurance-chômage. Il ne dispose pas de formation professionnelle. Il a des difficultés à s'adapter au travail, parce qu'il ne peut accomplir que des gestes simples et répétitifs et ne s'entend guère avec ses collègues. B.T.________ n'a pas suivi de formation professionnelle. Elle est sans emploi. Les possibilités de trouver du travail sur place sont très limitées. C.T.________ suit une scolarité normale, mais elle est accablée de soucis qui ne sont pas de son âge. E.T.________ est retardé dans son apprentissage scolaire; son intelligence paraît médiocre. L'altitude est bénéfique pour le traitement de son asthme. Les relations entre les parents et les enseignants sont difficiles. 
 
4.3 Il apparaît ainsi que A.T.________ et B.T.________ ne sont pas d'un caractère très accommodant. Ils ne se soucient guère de dépendre de l'aide sociale et ne semblent pas particulièrement préoccupés de leur incapacité chronique à subvenir eux-mêmes aux besoins de la famille. Leurs relations avec les autorités tutélaires et scolaires laissent à désirer. Ils ont tendance à prendre des décisions unilatérales, sans en référer au tuteur. Quoi qu'en dise la demanderesse, il semble bien que les époux T.________ ont décidé de leur propre chef de déménager au Levron et que ce n'est qu'après coup, ou du moins bien après la mise en oeuvre de ce projet, qu'ils ont requis l'accord du tuteur Tornare. On peut dès lors comprendre la position de l'autorité tutélaire de Vollèges, qui éprouve le sentiment que celle de la Gruyère était satisfaite de se débarrasser d'une tutelle encombrante et n'avait que mollement tenté de s'opposer au changement de domicile de la famille T.________. A cet égard, le comportement de la Justice de paix du VIIème Cercle de la Gruyère prête le flanc à la critique. Avant de consentir au déménagement et demander le transfert de la tutelle, elle aurait été bien inspirée de prendre contact avec la Chambre pupillaire de Vollèges pour examiner avec elle la situation et recueillir son consentement préalable au changement de domicile (cf. Geiser, op. cit., N. 6 ad art. 377 CC). En omettant de le faire, elle a éveillé chez la défenderesse l'impression désagréable d'être mise devant le fait accompli. 
Cela étant, rien ne permet de penser que la situation de la famille T.________ soit rendue plus difficile par son changement de domicile. Les perspectives de trouver du travail ne sont pas plus favorables en Gruyère que dans l'Entremont. A.T.________ semble peu apte à conserver durablement un emploi. Ses capacités professionnelles sont réduites. Il a fait en Valais des démarches pour être mis au bénéfice de l'assurance-invalidité. Quant aux possibilités d'une prise en charge par les services sociaux, notamment du point de vue de la tutelle, elles ne sont pas moins bonnes à Vollèges qu'à Neirivue. Il est peut-être même possible que le contrôle social soit plus effectif dans une petite communauté, comme celle du Levron, que dans une région plus peuplée. Pour le surplus, la famille T.________ n'a pas tissé des liens sociaux très étroits pendant les deux ans et demi de son séjour en Gruyère, où elle n'a pas de parenté. Or, l'une des raisons du déménagement est que B.T.________ a des parents en Valais. Même si ces points de rattachement sont assez faibles, ils laissent à penser que l'intérêt bien compris de la famille T.________ est de trouver son avenir au Levron. Eu égard également à la liberté constitutionnelle d'établissement et au souhait de A.T.________ et B.T.________ de demeurer dans leur nouveau lieu de résidence, la réclamation doit être admise et la Chambre pupillaire de Vollèges invitée à reprendre la tutelle de la famille T.________. 
 
5. 
Il est statué sans frais (art. 156 al. 2 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
La réclamation de droit public est admise. 
 
2. 
La Chambre pupillaire de Vollèges est invitée à reprendre la tutelle de la famille T.________. 
 
3. 
Il est statué sans frais. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie à la Justice de paix du VIIème Cercle de la Gruyère et à la Chambre de tutelle du district d'Entremont. 
Lausanne, le 27 avril 2005 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: