Avviso importante:
Le versioni vecchie di Netscape non sono in grado di mostrare i grafici. La funzionalità della pagina web è comunque garantita. Se volesse utilizzare frequentemente questa pagina, le raccomandiamo di installare un browser aggiornato.
 
Urteilskopf

149 I 329


28. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause Association A. contre Département de la sécurité, de la population et de la santé du canton de Genève (DSPS) (recours en matière de droit public)
2C_414/2022 du 12 juillet 2023

Regeste

Art. 5 Abs. 1 und 9 BV; Art. 36 des Gesetzes des Kantons Genf über die Verwaltung der Altersheime (LGEPA/GE); Art. 25 des Reglements zur Ausführung des Gesetzes über die Verwaltung der Altersheime (RGEPA/GE); Gewaltenteilung; Auslegung des kantonalen Rechts unter dem Gesichtspunkt der Willkür und des Vorliegens einer genügenden gesetzlichen Grundlage für die Anordnung einer indirekten Zwangsmassnahme.
Verpflichtung der subventionierten Alters- und Pflegeheime des Kantons Genf, ihre Leitungsorgane gemäss den Vorschriften zu entlohnen, die üblicherweise für die kantonale Verwaltung und die öffentliche medizinische Einrichtungen gelten (E. 5). Es ist im Ergebnis nicht willkürlich, eine Senkung des Kostenbeitrags für jene Heime anzuordnen, die dieser Verpflichtung nicht nachkommen, wenn man das kantonale Recht gesamthaft betrachtet (E. 6).

Sachverhalt ab Seite 330

BGE 149 I 329 S. 330

A.

A.a L'association A. est une association de droit privé, inscrite au registre du commerce du canton de Genève. Elle a pour but statutaire l'exploitation de l'établissement médico-social (ci-après: EMS) B., sis à U. Elle est reconnue d'utilité publique au sens du droit genevois et subventionnée par la République et canton de Genève. L'EMS dispose d'une capacité d'accueil de 98 lits (...).

A.b Par arrêté du 22 décembre 1997, le Conseil d'Etat genevois a décidé qu'aucune subvention ne serait attribuée aux EMS servant des salaires supérieurs à ceux accordés dans la fonction publique cantonale pour des postes correspondants. Le 10 mai 2000, il a informé les directions des EMS que la fonction de directeur et directrice avait été analysée par le service d'évaluation des fonctions de l'Etat, lequel avait établi la classification suivante:
- EMS de taille I (jusqu'à 19 lits): classe 20
- EMS de taille II (de 20 à 58 lits): classe 22
- EMS de taille III (de 59 à 112 lits): classe 24
- EMS de taille IV (113 lits et plus): classe 26.
BGE 149 I 329 S. 331
Le 1er avril 2010 est entrée en vigueur la nouvelle loi cantonale genevoise sur la gestion des établissements pour personnes âgées, laquelle prévoyait notamment que l'échelle des traitements de l'ensemble du personnel des EMS subventionnés suivait les mêmes principes que ceux appliqués aux membres du personnel de l'Etat et des établissements hospitaliers.

A.c Le 25 avril 2012, la Fédération genevoise des EMS a expliqué au Conseiller d'Etat en charge de la santé que la fonction de direction d'établissement n'avait pas subi d'évolution depuis 1999, malgré la modification du cahier des charges et de la configuration des EMS. Elle lui a dès lors soumis pour validation une grille provisoire de classification de la fonction de direction d'établissement qu'elle avait établie de concert avec l'Association des directrices et directeurs d'établissements médico-sociaux genevois (ADEPAG). Cette grille de classification avait la teneur suivante:
- EMS de taille I (jusqu'à 55 lits): classe 24 à 25
- EMS de taille II (de 56 à 80 lits): classe 25 à 26
- EMS de taille III (de 81 à 101 lits): classe 26 à 27
- EMS de taille IV (102 lits et plus): classe 27 à 28

A.d Le 14 mai 2012, le Conseiller d'Etat en charge de la santé a refusé d'entrer en matière sur la demande de la Fédération genevoise des EMS. S'en sont suivis plusieurs échanges de courriers portant sur la classification de la fonction de directeur et directrice d'EMS entre, d'une part, le Conseiller d'Etat en charge de la santé, respectivement le Département de la sécurité, de la population et de la santé du canton de Genève (ci-après: le Département cantonal) et, d'autre part, la Fédération genevoise des EMS, l'Association genevoise des EMS et/ou l'Association des directrices et directeurs d'EMS genevois. Par courrier du 20 juin 2019, le Conseiller d'Etat a notamment informé cette dernière que la rémunération des directions d'établissement n'était pas sujette à interprétation et que les éventuels abus dans ce domaine seraient sanctionnés par des diminutions des prix de pension à la charge des résidants.

A.e Le 21 juin 2019, la Fédération genevoise des EMS ainsi que l'Association genevoise des EMS ont transmis au Conseiller d'Etat en charge de la santé le nouveau règlement des directions qu'ils venaient d'adopter et qui prévoyait l'application des classes de références 26 à 28 au poste de directeur d'EMS en fonction du cahier
BGE 149 I 329 S. 332
des charges. Le Département cantonal leur a répondu en date du 17 juillet 2019 et rappelé la teneur du courrier du Conseiller d'Etat du 20 juin 2019, indiquant ainsi une nouvelle fois que les abus éventuels seraient sanctionnés par des diminutions des prix de pension à la charge des résidants. Le 4 mai 2020, le Conseiller d'Etat a également informé l'Association des directeurs et directrices d'EMS genevois qu'une réévaluation des classes de référence telles que définies dans le règlement des directions de 2019 ne pouvait être acceptée, mais qu'il était néanmoins favorable à revoir l'évaluation de la fonction de direction d'EMS avec le département cantonal en charge de l'emploi.

A.f Quelque temps plus tard, après avoir analysé les états financiers de l'association A. pour 2019, le Département cantonal a constaté que celle-ci avait vu les charges de personnel de son EMS augmenter et que la direction de son établissement bénéficiait notamment d'une classe salariale supérieure de deux classes par rapport aux directives officielles. Le Département cantonal a alors demandé à l'association de modifier la rémunération de son directeur conformément aux classes admises, en la menaçant d'adapter son prix de pension dans le cas contraire. L'intéressée a répondu le 29 avril 2021 que la question relativement ancienne du salaire des directions d'établissements avait été traitée par les organisations faîtières et l'Association des directeurs et directrices d'EMS genevois.

A.g Le 5 mai 2021, se référant notamment à ses observations en lien avec l'analyse des états financiers de l'association A. pour l'année 2019, le Département cantonal a requis de celle-ci qu'elle lui communique la classe de fonction, l'annuité et le salaire brut annuel de sa direction pour les années 2019, 2020 et 2021, annonçant qu'à réception des informations demandées, le calcul de la diminution du prix de pension concernant son établissement serait établi. L'association lui a répondu sans lui communiquer le salaire de sa direction.

B. Par courrier du 9 juin 2021, le Conseiller d'Etat en charge de la santé a informé l'association A. qu'en application des art. 24 et 25 du règlement d'application de la loi cantonale genevoise du 16 mars 2010 sur la gestion des établissements pour personnes âgées (RGEPA; rs/GE J 7 20.01), le prix de pension de son établissement serait fixé à 211 fr. - soit qu'il serait réduit de 1 fr. par rapport à ce qui était admis jusqu'alors - à compter du 1er juillet 2021. D'autres EMS, ayant également augmenté le salaire de leur direction, ont reçu des courriers similaires.
BGE 149 I 329 S. 333
A l'instar d'autres EMS, l'association A. a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) contre le courrier du Conseiller d'Etat du 9 juin 2021 la concernant, concluant à l'annulation de la diminution de son prix de pension.
La Cour de justice a rejeté le recours déposé par l'association A. par arrêt du 5 avril 2022. Par arrêts du même jour, elle a également rejeté les différents recours que d'autres EMS avaient déposés dans des causes similaires.

C. L'association A. (ci-après: la recourante) dépose un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral contre l'arrêt de la Cour de justice du 5 avril 2022 la concernant. (...)
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
(extrait)

Erwägungen

Extrait des considérants:

5. La recourante estime que la baisse de son prix de pension, ordonnée à la suite de l'augmentation de salaire de sa direction, repose sur une application arbitraire du droit cantonal. Elle fait en particulier valoir que la loi cantonale genevoise du 4 décembre 2009 sur la gestion des établissements pour personnes âgées (LGEPA; rs/GE J 7 20) ne lui impose aucune obligation de payer sa direction de la même manière que ne le fait l'Etat en lien avec ses propres EMS. Retenir le contraire serait arbitraire. Quant au règlement d'application de cette loi cantonale, qui institue une telle obligation, il serait inapplicable, car le Conseil d'Etat l'aurait édicté en violation du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs.

5.1 Appelé à revoir l'interprétation d'une norme sous l'angle restreint de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. Il ne suffit pas que la motivation de la décision critiquée soit insoutenable; encore faut-il que celle-ci se révèle arbitraire dans son résultat (ATF 145 II 32 consid. 5.1; ATF 144 I 170 consid. 3, ATF 144 I 113 consid. 7.1 et les arrêts cités).

5.2 Quant au principe de la séparation des pouvoirs invoqué par la recourante, il est garanti - au moins implicitement - par toutes les constitutions cantonales (cf., en droit genevois, l'art. 2 al. 2 de la
BGE 149 I 329 S. 334
Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 [Cst-GE; RS 131.234]). Il impose le respect des compétences établies par le droit constitutionnel en interdisant à un organe de l'Etat d'empiéter sur les compétences d'un autre organe. Il interdit en particulier au pouvoir exécutif d'édicter des dispositions qui devraient figurer dans une loi, cette attribution revenant au pouvoir législatif. L'exécutif cantonal doit en principe se limiter à adopter des dispositions d'exécution, comme la Constitution genevoise le prévoit d'ailleurs expressément (art. 109 al. 4 Cst-GE; ATF 138 I 196 consid. 4.1; ATF 134 I 322 consid. 2.2; ATF 130 I 1 consid. 3.1), à moins qu'il ne puisse se fonder sur une délégation législative adoptée par le législateur cantonal ou découlant directement de la constitution cantonale (cf. ATF 138 I 196 consid. 4.1; ATF 134 I 269 consid. 4.2; aussi arrêt 1C_251/2014 du 27 janvier 2015 consid. 1.1). Le contenu du principe de la séparation des pouvoirs, que le Tribunal fédéral a érigé en droit constitutionnel cantonal au sens de l'art. 95 let. c LTF, découle ainsi en premier lieu du droit cantonal. Le Tribunal fédéral examine à cet égard librement l'interprétation des normes constitutionnelles cantonales pertinentes, mais vérifie uniquement sous l'angle restreint de l'arbitraire si les règles de répartition des compétences fixées par des normes cantonales de rang inférieur ont été respectées (cf. ATF 147 I 478 consid. 3.1.1).

5.3 En l'occurrence, le Grand Conseil genevois a adopté le 4 décembre 2009 une nouvelle loi sur la gestion des établissements pour personnes âgées. Cette loi vise à assurer des conditions d'accueil, d'hébergement et de soins de qualité dans les EMS subventionnés et reconnus d'utilité publique, ainsi que dans les résidences pour personnes âgées (art. 1 LGEPA). Dans ce but, elle définit notamment les conditions de délivrance des autorisations d'exploitation, les modalités de surveillance des EMS, ainsi que les conditions d'octroi de la subvention et les modalités d'organisation générale des EMS (art. 2 LGEPA). Son art. 17 prévoit en particulier que, même si les rapports de travail entre les établissements et leur personnel sont régis par le droit privé et réglés par une convention collective de travail (cf. al. 1 et 3), l'échelle des traitements de l'ensemble du personnel doit suivre les mêmes principes que ceux appliqués aux membres du personnel de l'Etat et des établissements hospitaliers (cf. al. 2).

5.4 Il ressort des travaux préparatoires que l'art. 17 LGEPA précité visait à la fois à rappeler que les rapports de travail des collaborateurs des EMS subventionnés relevaient du droit privé, mais
BGE 149 I 329 S. 335
aussi à obliger les établissements employeurs à prévoir dans leurs contrats d'engagement les mêmes conditions de rémunération que celles des employés de l'administration cantonale, ce afin d'établir une égalité salariale entre les différentes structures de soins existant dans le canton (cf. Exposé des motifs du projet de loi sur les établissements pour personnes âgées du 19 novembre 2008 [ci-après: Exposé des motifs LGEPA], PL 10401, p. 38, consultable sur www.ge.ch/grandconseil/Mémorial). Toutes les propositions tendant à laisser une certaine indépendance aux EMS en matière de rémunération et, notamment, à leur permettre de différencier les salaires de leurs directions selon l'importance de leurs tâches, sans suivre de manière stricte l'échelle de traitement de l'Etat, ont été rejetées (cf., en particulier, Rapport de la Commission des affaires sociales chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat sur les établissements pour personnes âgées du 27 octobre 2009 [ci-après: Rapport de la Commission], PL 10401A, p. 9 ainsi que p. 87-89). Après l'adoption de la loi, le Conseil d'Etat genevois a par ailleurs précisé le sens de l'art. 17 al. 2 LGEPA en prévoyant, dans le règlement d'application de cette loi, que la classification des fonctions dans les EMS pour l'application de l'échelle des traitements était déterminée par le service compétent de l'Etat (art. 19 al. 1 RGEPA). En l'occurrence, comme cela ressort de l'arrêt attaqué, il a été décidé que la fonction de directeur au sein d'un EMS de taille III - proposant entre 59 et 112 lits, comme celui de la recourante - relevait de la classe salariale 24.

5.5 Sur le vu de ce qui précède, la Cour de céans ne voit pas en quoi la Cour de justice serait tombée dans l'arbitraire en considérant que la LGEPA imposait aux EMS subventionnés une obligation de rémunérer leur directeur ou directrice de la même manière que le ferait l'Etat pour un EMS de taille similaire, soit conformément à la classe 24 s'agissant d'un établissement de 98 lits comme celui de la recourante. Cette obligation pour les EMS subventionnés de rémunérer leur personnel - y compris leurs cadres supérieurs - conformément aux normes habituellement applicables au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux ressort très clairement aussi bien du texte de la loi que de ses travaux préparatoires (cf. supra consid. 5.4). Un tel devoir est du reste expressément rappelé par le règlement d'application adopté par le Conseil d'Etat, lequel n'a nullement violé le principe de la séparation des pouvoirs en adoptant une norme de niveau inférieur qui ne fait que préciser, voire seulement rappeler la loi en prévoyant que la
BGE 149 I 329 S. 336
classification des fonctions dans les établissements pour l'application de l'échelle des traitements est déterminée par le service compétent de l'Etat (art. 19 al. 1 RGEPA). La recourante frôle ainsi la témérité lorsqu'elle affirme qu'il serait évident que l'obligation de suivre les "mêmes principes" que l'Etat dans la rémunération de son personnel - telle que l'impose l'art. 17 LGEPA - ne la contraindrait en réalité qu'à définir une simple échelle de traitement, comme n'importe quel canton pour son propre personnel. Il va de soi que, si le législateur a prévu une obligation de suivre les "mêmes principes" que l'Etat en matière de rémunération, ce n'est que pour tenir compte du fait que le statut de la fonction publique ne peut pas s'appliquer sans autres aux EMS privés, mais qu'il doit être intégré aux divers contrats de droit privé que ceux-ci concluent avec leurs employés (cf. d'ailleurs, à ce propos, Rapport de la Commission précité, p. 44).

5.6 Il s'ensuit que l'arrêt attaqué ne viole ni le principe de l'interdiction de l'arbitraire posé à l'art. 9 Cst., ni le principe de la séparation des pouvoirs en retenant que la recourante a violé le droit cantonal en augmentant le salaire de son directeur de façon à ce que celui-ci ne corresponde plus à la classe 24, ainsi que l'exigeraient les art. 17 LGEPA et 19 RGEPA, mais à la classe 26, comme cela ressort de l'arrêt attaqué et le reconnaît l'intéressée.

6. Reste à présent à examiner si cette violation de la LGEPA pouvait justifier une diminution du prix de pension dans l'EMS de la recourante, ainsi que l'a décidée le Département cantonal et l'a confirmée la Cour de justice. La recourante le conteste en affirmant que le droit cantonal ne contiendrait aucune base légale suffisamment claire pour la sanctionner de la sorte. Retenir le contraire violerait, d'après elle, non seulement le principe de la légalité consacré à l'art. 5 al. 1 Cst., mais aussi celui de l'interdiction de l'arbitraire ancré à l'art. 9 Cst.

6.1 L'art. 5 al. 1 Cst. consacre le principe de la légalité en prévoyant que le droit est la base et la limite de l'activité de l'Etat. En ce sens, il exige notamment que l'ensemble de l'activité étatique se fonde sur la loi et repose ainsi sur une base légale. Cette exigence de base légale signifie que les actes étatiques doivent trouver leur fondement dans une loi au sens matériel, qui soit suffisamment précise et déterminée et qui émane de l'autorité constitutionnellement compétente. La précision (ou la densité normative) que l'on est en droit d'exiger de la base légale en question varie selon les domaines du droit concerné et dépend des circonstances (cf. ATF 147 I 393 consid. 5.1.1;
BGE 149 I 329 S. 337
ATF 138 I 378 consid. 7.1; aussi arrêt 2C_134/2018 du 24 septembre 2018 consid. 4.1). Il est ainsi admis que les autorités peuvent ordonner les mesures nécessaires au rétablissement d'un état conforme au droit, sans même qu'une base légale ne les y autorise expressément. Il suffit que l'obligation inexécutée ait elle-même une base légale pour que puissent être ordonnées des mesures visant au rétablissement de la situation (cf. ATF 148 II 564 consid. 8.2; ATF 124 II 248 consid. 4b; ATF 111 Ib 213 consid. 6c). En revanche, les autorités doivent pouvoir se fonder sur une base légale explicite lorsqu'elles entendent contraindre une personne à respecter une obligation légale déterminée en usant de ce que l'on appelle un moyen de contrainte indirecte, soit en imposant à cette personne une autre obligation que celle violée (p. ex. une amende) ou en lui retirant provisoirement un avantage auquel elle aurait en principe droit selon la loi (cf. ATF 134 I 293 consid. 3.2; ATF 125 V 266 consid. 6; aussi, entre autres HÄFELIN/MÜLLER/UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 8e éd. 2020, n. 1480 ss; THIERRY TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd. 2018, n. 1191 ss).

6.2 Tel que consacré à l'art. 5 al. 1 Cst., le principe de la légalité ne constitue pas un droit constitutionnel distinct, sauf en matière pénale ou fiscale, mais uniquement un principe constitutionnel général régissant l'activité de l'Etat. Il est toutefois permis de se plaindre de sa violation par le biais du recours en matière de droit public dès lors qu'il représente une règle de droit fédéral au sens de l'art. 95 let. b LTF. Cependant, si la partie recourante invoque une violation du principe de la légalité en relation avec une mesure de droit cantonal, sans se plaindre d'aucune restriction de ses droits fondamentaux (cf. art. 36 al. 1 Cst.), le Tribunal fédéral n'intervient que si cette mesure viole simultanément l'interdiction de l'arbitraire (ATF 140 I 381 consid. 4.4; ATF 134 I 153 consid. 4; aussi arrêt 2C_134/2018 précité consid. 4.1). Or, comme cela a déjà été dit, une décision n'est pas arbitraire du simple fait que sa motivation s'avère insoutenable; encore faut-il que celle-ci se révèle arbitraire dans son résultat (cf. supra consid. 5.1).

6.3 En l'occurrence, le droit genevois prévoit qu'il incombe au Département de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après: le Département cantonal) de surveiller les EMS et de s'assurer du respect des conditions d'octroi de l'autorisation d'exploitation et des obligations qui en résultent (cf. art. 32 al. 1 let. b et al. 2 LGEPA). L'art. 36 LGEPA autorise ainsi la Département cantonal à prendre toutes les
BGE 149 I 329 S. 338
sanctions et mesures propres à prévenir ou à faire cesser un état de fait contraire à la loi ou à ses dispositions d'exécution dans ses domaines de compétence (cf. al. 1), étant précisé qu'il peut, dans ce cadre, suspendre le versement de la subvention (cf. al. 3). Or, dans son arrêt, la Cour de justice a estimé qu'en réduisant le prix de pension maximum dans l'EMS de la recourante de 1 fr. par jour et par résidant, le Département cantonal avait précisément pris une mesure au sens de cette disposition, même si cette autorité ne l'avait pas expressément déclaré dans sa décision du 9 juin 2021, dont la brève motivation renvoie exclusivement aux art. 24 s. RGEPA. D'après l'autorité précédente, la diminution du prix de pension litigieuse viserait en effet à faire cesser un état de fait contraire au droit cantonal, lequel consisterait dans le cas d'espèce à octroyer un salaire s'écartant des principes de rémunération de l'Etat de Genève, en violation des art. 17 al. 2 LGEPA et 19 RGEPA.

6.4 La Cour de céans relève d'emblée que cette motivation juridique de l'arrêt attaqué, en tant qu'elle se réfère exclusivement à l'art. 36 LGEPA, peut susciter des doutes. Il est certes vrai que l'art. 36 al. 1 LGEPA autorise le Département cantonal à prendre "toutes les mesures propres à faire cesser un état de fait contraire à la présente loi". Contrairement à ce que laisse transparaître l'arrêt attaqué, cette norme ne peut toutefois pas constituer un blanc-seing pour le prononcé de n'importe quelle mesure de contrainte indirecte, lesquelles doivent, comme on l'a vu, reposer sur une base légale explicite, contrairement aux véritables mesures de rétablissement de l'état conforme au droit (cf. supra consid. 6.1). Or, la diminution du prix de pension imposée à la recourante représente bel et bien une telle mesure de contrainte indirecte. On ne voit en effet pas qu'elle conduise à une réduction correspondante du salaire versé à la direction; ce n'est que par effet de rétorsion qu'elle est susceptible d'inciter la recourante à réduire le salaire de son directeur. Il faut en outre constater que, contrairement à la suspension de la subvention, la diminution d'un prix de pension ne constitue pas une mesure expressément envisagée par le législateur genevois à l'art. 36 al. 3 LGEPA et qu'elle ne figure pas non plus dans le catalogue des sanctions prononçables en cas de non-respect de la LGEPA fixé à l'art. 37 LGEPA, comme le relève à juste titre la recourante. Cela étant dit, les interrogations que peut susciter la motivation de l'arrêt attaqué sous l'angle du seul principe de la légalité, en fondant la diminution du prix de pension de la recourante exclusivement sur l'art. 36 al. 1 LGEPA, ne
BGE 149 I 329 S. 339
suffisent pas pour considérer que ce raisonnement tombe sous le coup de l'arbitraire (cf. supra consid. 6.2). En effet, comme on va le voir, il n'est pas manifestement insoutenable de retenir que ladite mesure, si elle n'est pas expressément prévue à l'art. 36 LGEPA, peut en tout cas résulter d'une application combinée de cette norme avec les dispositions cantonales figurant aux art. 24 s. RGEPA, d'emblée invoquées par le Département cantonal dans sa décision de première instance.

6.5 Comme déjà dit, il incombe au Département cantonal d'exécuter la LGEPA et son règlement d'application. C'est donc à lui qu'il revient de fixer le prix de pension maximum pouvant être facturé aux résidants d'un EMS subventionné (cf. art. 20 al. 1 LGEPA). Ce prix de pension constitue l'une des trois sources de revenu des EMS subventionnés par la République et canton de Genève, les deux autres étant le forfait versé par les assureurs maladie et, bien évidemment, la subvention cantonale (art. 19 LGEPA). Le prix de pension, qui vaut indépendamment du nombre de lits par chambre (cf. art. 24 RGEPA), est pour sa part censé couvrir à la fois le loyer et/ou les charges immobilières de l'EMS, d'éventuelles autres charges résultant d'une mission spécifique conférée par le canton, ainsi qu'un "forfait socio-hôtelier" appelé à financer les prestations socio-hôtelières fournies par l'établissement, c'est-à-dire les frais d'animation, d'hôtellerie, de restauration et d'administration (cf. art. 20 al. 2 LGEPA et 25 al. 1 RGEPA). Cette dernière composante du prix de pension, dénommée "forfait socio-hôtelier", est en règle générale déterminée - comme son nom l'indique - d'une manière forfaitaire par le département, c'est-à-dire de la même manière pour tous les EMS subventionnés sur la base d'un outil d'analyse des prestations socio-hôtelières (art. 25 al. 1 RGEPA).

6.6 Il ressort des travaux préparatoires de la LGEPA que cette réglementation du prix de pension des EMS, dont les règles concrètes d'exécution ont été déléguées au Conseil d'Etat (cf. art. 5 al. 1 let. d LGEPA), avait pour objectif de mettre fin à la méthode adoptée jusqu'alors de fixation des prix de pension sur la base du budget de l'EMS, laquelle avait conduit à de grandes variations entre les prix de pension valant d'un EMS à l'autre (Exposé des motifs LGEPA précité, p. 40). La LGEPA a institué la règle selon laquelle le prix de pension devait en principe être défini à l'avance, du moins en tant qu'il concernait les prestations socio-hôtelières, en tenant compte des bonnes pratiques de gestion dûment reconnues, sur la base de
BGE 149 I 329 S. 340
comparaisons entre établissements, afin d'inciter les EMS à rechercher une gestion plus efficiente (ibidem). Il n'en demeure pas moins que le droit cantonal envisage des situations dans lesquelles le Département cantonal peut déroger au caractère prédéterminé du forfait socio-hôtelier, qui constitue, comme on vient de le dire, l'une des trois composantes du prix de pension des EMS genevois. Chargé par le législateur de déterminer les règles concrètes de calcul des prix de pension (cf. art. 5 al. 1 let. d LGEPA), le Conseil d'Etat a en particulier permis au Département cantonal de fixer le prix de pension d'un EMS en tenant compte - pour autant que les circonstances le justifient - de tout ou partie des écarts pouvant subsister entre le forfait de référence et les coûts réels des prestations socio-hôtelières de l'établissement en question, après avoir évalué lesdits écarts avec ce dernier (cf. art. 25 al. 2 RGEPA). A des fins d'exhaustivité, on notera encore que le législateur cantonal a prévu une autre situation dans laquelle le Département cantonal peut calculer un prix de pension en adaptant le forfait socio-hôtelier qui le compose. En effet, l'art. 26 LGEPA prévoit qu'après avoir encouragé ou fixé des mesures visant à rationaliser la gestion des EMS, le Département cantonal peut édicter, si nécessaire, des dispositions et en tenir compte dans la fixation de la subvention ou du prix de pension.

6.7 En l'occurrence, il ressort de l'arrêt attaqué, d'une manière qui lie la Cour de céans (cf. art.105 al. LTF), que la recourante a décidé il y a plusieurs années de servir au directeur de son EMS un salaire qui ne correspond pas à la classe 24, mais qui est supérieur à celle-ci. Ce faisant, l'intéressée a non seulement violé l'art. 17 LGEPA, comme on l'a vu (cf. supra consid. 5), mais également augmenté, par la force des choses, le coût de ses prestations socio-hôtelières et, plus précisément, de ses charges d'administration à un niveau non reconnu par le droit cantonal, créant ainsi un "écart" permanent entre certains de ses coûts d'administration réels et ceux censés être couverts par le forfait de référence socio-hôtelier. La Cour de justice a par ailleurs établi - d'une manière qui lie la Cour de céans (cf. art. 105 al. 1 LTF) - que la recourante avait agi de la sorte malgré plusieurs avertissements du canton lui demandant de se conformer aux exigences du droit cantonal et de respecter en particulier l'échelle de salaire de l'administration cantonale dans ses contrats d'engagement, sous peine de voir son prix de pension réduit.
Sur la base de ces faits, on peut soutenir sans arbitraire qu'en mettant sa menace à exécution et en ordonnant une diminution de 1 fr. du
BGE 149 I 329 S. 341
prix de pension de l'EMS de la recourante, le Département cantonal a tout simplement tenté de faire cesser un état de fait contraire au droit, comme le lui enjoint l'art. 36 al. 1 LGEPA, et, ce, en usant de son pouvoir - ancré aux art. 20 LGEPA et 25 RGEPA - de fixer le prix de pension de l'EMS de la recourante en tenant compte de l'"écart qui subsisterait entre le coût de ses prestations socio-hôtelières et le forfait de référence", comme l'envisage la dernière disposition citée. En effet, il n'est pas manifestement insoutenable de considérer que l'art. 25 al. 2 RGEPA - qui autorise le Département cantonal à tenir compte d'un tel écart dans la fixation d'un prix de pension lorsque les circonstances le justifient, après l'avoir évalué avec l'établissement concerné - permet d'imposer, en combinaison avec l'art. 36 al. 1 LGEPA, des baisses de prix de pension aux EMS qui, comme la recourante, décident, malgré des rappels à l'ordre répétés et des menaces de baisse de prix de pension, d'augmenter de manière durable certains de leurs frais socio-hôteliers en violation de la loi, faisant ainsi qu'une partie de leurs coûts de fonctionnement ne correspondent plus aux frais maximaux susceptibles d'être couverts par le forfait socio-hôtelier de référence.

6.8 Notons que cette interprétation du droit cantonal a été esquissée par la Cour de justice, qui, après avoir fondé la diminution du prix de pension litigieuse exclusivement sur l'art. 36 al. 1 LGEPA, a relevé sommairement à la fin de son arrêt qu'un tel acte respectait également "l'art. 25 al. 2 RGEPA [qui] autorisait l'autorité intimée à prendre en compte tout écart pour fixer le prix de pension". Il faut dire que, dans la mesure où elles tendent indirectement à contraindre les EMS à respecter certaines règles de rationalisation des dépenses prévues par la loi, de telles diminutions du prix de pension s'inscrivent dans la droite ligne de la réglementation du prix de pension aménagée par la LGEPA, qui, comme on l'a vu, vise à éviter une augmentation des coûts de fonctionnement des EMS genevois. Rappelons à cet égard que, dans cet objectif, l'art. 26 LGEPA va jusqu'à envisager des diminutions du prix de pension dans les cas où un EMS refuserait de participer à des mesures d'optimisation des coûts censées être mises en place volontairement par les EMS (cf. art. 26 LGEPA; supra consid. 6.6). Il est clair que cette disposition, qui donne expressément un droit de "rétorsion" au Département cantonal (cf. Exposé des motifs LGEPA précité, p. 42 s., et Rapport de la Commission précité, p. 105), ne suffit pas à fonder une base légale dans le cas d'espèce, dès lors que, de l'avis même de l'autorité précitée, elle ne
BGE 149 I 329 S. 342
peut servir qu'à "encourager" l'optimisation des coûts des EMS, sans justifier la mesure prise (cf. ATF 130 I 241 consid. 4.4). Il n'en reste pas moins qu'elle montre bien qu'il doit être également possible d'admettre, en suivant un raisonnement a maiore ad minus, des réductions du prix de pension en application combinée des art. 36 al. 1 LGEPA et 25 RGEPA dans les cas où l'exploitant d'un EMS, comme la recourante, refuse de se conformer à une règle obligatoire de rationalisation des charges expressément prévue par le législateur.

6.9 Il résulte de ce qui précède que l'on ne peut pas reprocher à la Cour de justice d'avoir appliqué arbitrairement le droit cantonal en considérant que le Département cantonal était, sur le principe, en droit de réduire le prix de pension de l'EMS de la recourante, après que celle-ci avait augmenté unilatéralement le salaire de sa direction.

contenuto

documento intero
regesto: tedesco francese italiano

Fatti

Considerandi 5 6

referenza

DTF: 138 I 196, 145 II 32, 144 I 170, 144 I 113 seguito...

Articolo: Art. 5 Abs. 1 und 9 BV, art. 5 al. 1 Cst., art. 5 al. 1 let, art. 109 al. 4 Cst seguito...