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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_468/2022  
 
 
Arrêt du 12 janvier 2023  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, Denys et Muschietti. 
Greffière : Mme Schwab Eggs. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
intimé. 
 
Objet 
Violation grave des règles de la circulation routière, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 9 février 2022 
(AAPR/52/2022 P/16329/2018). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 28 avril 2021, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a reconnu A.________ coupable de violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 LCR), l'a condamné à une peine pécuniaire de trente jours-amende, à 170 fr. le jour, avec sursis pendant trois ans, ainsi qu'à une amende de 1'000 fr. (peine privative de substitution: dix jours), tout en renonçant à révoquer le sursis octroyé le 7 décembre 2016, a rejeté ses conclusions en indemnisation et l'a condamné à la moitié des frais de la procédure, aux côtés d'un co-prévenu. 
 
B.  
Par arrêt du 9 février 2022, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté l'appel formé par A.________ et a confirmé le jugement du 28 avril 2021. 
La cour cantonale a retenu en substance les faits suivants. 
Le 14 mars 2018 à 19h30, sur la route de Peney à Vernier, à proximité du n° 67, A.________ a conduit le motocycle immatriculé GE xxxxx, à la vitesse de 78 km/h (marge de sécurité déduite), alors que la vitesse à cet endroit est limitée à 50 km/h. 
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 9 février 2022. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à son annulation et à son acquittement, subsidiairement, au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouveau jugement dans le sens des considérants. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Invoquant les art. 29 al. 2 Cst., 6 CEDH, 112 LTF, 107 et 349 CPP, le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir violé son droit d'être entendu. 
 
1.1. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par les art. 29 al. 2 Cst., 6 par. 1 CEDH et 3 al. 2 let. c CPP, implique pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et afin que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision (ATF 146 II 335 consid 5.1; 143 III 65 consid. 5.2; 139 IV 179 consid. 2.2), de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3; 141 IV 249 consid. 1.3.1; 139 IV 179 consid. 2.2). Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 147 IV 249 consid. 2.4; 142 II 154 consid. 4.2; 139 IV 179 consid. 2.2). La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1).  
Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure de recours se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. L'art. 389 al. 3 CPP règle les preuves complémentaires. Ainsi, la juridiction de recours administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours. Le droit d'être entendu, consacré par l'art. 107 CPP, garantit aux parties le droit de déposer des propositions relatives aux moyens de preuves (al. 1 let. e). Conformément à l'art. 139 al. 2 CPP, il n'y a pas lieu d'administrer des preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l'autorité ou déjà suffisamment prouvés. Cette disposition codifie, pour la procédure pénale, la règle jurisprudentielle déduite de l'art. 29 al. 2 Cst. en matière d'appréciation anticipée des preuves (arrêts 6B_1403/2021 du 9 juin 2022 consid. 1.2; 6B_979/2021 du 11 avril 2022 consid. 3.1; 6B_322/2021 du 2 mars 2022 consid. 2.1 et les références citées). 
 
1.2. La cour cantonale a estimé qu'aucun élément ne permettait de penser que l'implantation du radar sur la parcelle en question était illicite. Au demeurant, le recourant ne pouvait pas se prévaloir de la violation de la propriété d'un tiers. En tout état de cause, l'implantation du radar sur le domaine privé, cas échéant sans autorisation, ne permettait pas de conclure que le contrôle de vitesse effectué perdait sa validité, dès lors qu'un tel moyen de contrôle était prévu par la loi et proportionné à une éventuelle atteinte à un droit de propriété, au vu du motif de sécurité publique poursuivi. En outre, aucun élément ne remettait en cause la conformité technique du radar.  
 
1.3. Le recourant fait grief à la cour cantonale de ne pas avoir statué sur sa requête tendant à la production des certificats de conformité du radar et des procès-verbaux de mesure attestant de l'emplacement exact de celui-ci et du respect des instructions fédérales et cantonales en la matière.  
Il ressort de l'arrêt attaqué que le recourant a demandé la production des pièces susmentionnées. La cour cantonale s'est contentée d'indiquer que rien ne permettait de remettre en cause la conformité technique du radar. Cette seule affirmation ne permet toutefois pas de comprendre sur la base de quels éléments la cour cantonale s'est fondée pour parvenir à cette conclusion, l'état de fait ne comportant, par ailleurs, aucune constatation en lien avec la validité de la mesure. En l'absence de toute motivation, le recourant ne pouvait attaquer utilement la décision. 
En outre, en refusant la production des certificats de conformité du radar, ainsi que des procès-verbaux de mesure attestant de l'emplacement exact de celui-ci et du respect des instructions fédérales et cantonales en la matière, la cour cantonale a empêché le recourant de vérifier les modalités d'établissement du contrôle radar et de soulever une objection contre la validité de ce moyen de preuve. A cet égard, la jurisprudence retient que la preuve est, en principe, inutilisable lorsque le respect des règles métrologiques du maintien de la stabilité de mesure n'est pas établi en amont de la mesure - en règle générale par le certificat ad hoc (cf. arrêts 6B_1380/2021 du 9 mai 2022 consid. 4.1; 6B_533/2020 du 16 septembre 2020 consid. 3.3.3). La cour cantonale a ainsi violé le droit d'être entendu du recourant en refusant la production des pièces requises. L'arrêt attaqué doit être annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle ordonne le versement au dossier des pièces requises par le recourant en relation avec la conformité du radar et du contrôle.  
 
1.4. Le recourant soutient que le contrôle radar serait illicite dans la mesure où il aurait été implanté sur une parcelle privée. Il reproche à la cour cantonale de ne pas avoir établi ces faits, l'arrêt ne permettant pas de savoir si la cour cantonale avait effectivement retenu que le radar se trouvait sur une telle parcelle.  
La cour cantonale a en substance estimé que le point de savoir si le radar avait été implanté, le cas échéant sans autorisation, sur une parcelle privée n'était pas pertinent dans la mesure où, même si tel était le cas, cela ne rendait pas la preuve illicite. Par ailleurs, la cour cantonale a examiné la question de la licéité du moyen de preuve (cf. consid. 1.2 ci-dessus). On ne distingue de la sorte aucune violation du droit d'être entendu du recourant et son grief doit être rejeté. 
 
2.  
Le recourant prétend en substance que l'appareil radar aurait été implanté sur une parcelle privée, qui plus est sans l'accord des propriétaires concernés, ce qui rendrait la preuve illicite et donc inexploitable au sens de l'art. 141 al. 2 CPP
 
2.1. Il soutient tout d'abord qu'il n'existerait pas de base légale pour effectuer un contrôle radar depuis un terrain privé. Se référant à l'ATF 146 I 11, il relève que les images de surveillance d'une autorité publique ne seraient exploitables qu'en présence d'une base légale explicite autorisant la surveillance du trafic.  
De manière générale, les contrôles de la vitesse au moyen d'un radar immobile sont prévus aux art. 9 al. 1 let. a de l'ordonnance du 28 mars 2007 sur le contrôle de la circulation routière (OCCR; RS 741.013) et 6 let. a de l'ordonnance du 22 mai 2008 de l'OFROU concernant l'ordonnance sur le contrôle de la circulation routière (OOCCR-OFROU; RS 741.013.1) qui constituent une base légale suffisante. En outre, sur le plan cantonal, l'art. 13 al. 2 de la loi genevoise du 9 septembre 2014 sur la police (LPol/GE; RS/GE F 1 05) prévoit que la police routière mène des actions de prévention et de dissuasion, ce qui englobe les contrôles de la vitesse au moyen d'un radar. Le contrôle par radar repose donc, comme l'a constaté la cour cantonale, sur une base légale suffisante. 
Un contrôle de la vitesse au moyen d'un radar se distingue par ailleurs d'une surveillance du trafic (en continu) par vidéosurveillance avec traitement en temps réel des données telle que le Système de recherche automatisée de véhicules et surveillance du trafic (RVS), examinée dans l'ATF 146 I 11. Si, dans cette affaire, le Tribunal fédéral a constaté qu'une base légale suffisante n'existait ni dans le droit fédéral, ni dans le droit cantonal pour un tel système, tel n'est pas le cas pour le contrôle par radar. Le recourant ne peut donc rien déduire de cet arrêt. 
Contrairement à ce qu'estime le recourant, l'implantation du radar sur une parcelle privée n'a pas à être expressément prévue par la loi. Comme on l'a vu, le contrôle radar en tant que tel repose sur une base légale. Autre est la question de sa mise en oeuvre dans le cas concret. 
 
2.2. A cet égard, le recourant reproche aux policiers d'avoir porté atteinte à la propriété d'autrui, comportement qu'il qualifie d'illicite et qui rendrait le moyen de preuve illicite. À supposer que le radar ait été implanté sur une parcelle privée de manière illicite et que le recourant puisse justifier d'un intérêt à s'en prévaloir question qui peut rester indécise, il convient d'examiner si ce comportement était autorisé par la loi au sens de l'art. 14 CP.  
L'art. 14 CP prévoit que quiconque agit comme la loi l'ordonne ou l'autorise se comporte de manière licite, même si l'acte est punissable en vertu du Code pénal ou d'une autre loi. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les fonctionnaires de police qui commettent des infractions dans l'exercice de leurs fonctions ne peuvent pas invoquer cette disposition si leur action ne respecte pas le principe de proportionnalité. En d'autres termes, l'action des fonctionnaires de police doit être appropriée et nécessaire à l'atteinte du but poursuivi et le bien juridique touché, de même que l'ampleur de sa violation doivent être proportionnés au but visé (ATF 141 IV 417 consid. 2.3; arrêts 6B_15/2019 du 15 mai 2019 consid. 2.11; 6B_1006/2013 du 25 septembre 2014 consid. 4.3 et les références citées). Il découle ainsi de la jurisprudence que si le comportement reproché aux policiers est licite en application de l'art. 14 CP, la preuve recueillie dans ce cadre n'est pas administrée de manière illicite au sens de l'art. 141 al. 2 CPP (cf. ATF 141 IV 417 consid. 2.5). 
Comme déjà relevé, le contrôle de la vitesse par radar entre dans les fonctions de la police de la route, si bien que les policiers qui ont procédé au contrôle litigieux ont agi dans le cadre de leur fonction. Conformément à la jurisprudence, il faut encore que leur comportement ait été proportionné. En l'espèce, l'implantation du radar était propre à constater les éventuels excès de vitesse commis par les conducteurs. Rien n'indique - et le recourant ne le prétend d'ailleurs pas - que l'implantation du radar, pour autant qu'elle se soit située sur une parcelle privée, n'était pas rendue nécessaire par les circonstances au bon déroulement du contrôle, en particulier afin d'être légèrement en retrait du trottoir pour ne pas gêner le passage des piétons et d'être moins visible aux yeux des conducteurs. Enfin, l'atteinte potentielle au bien juridique, soit le droit au domicile d'un tiers, est proportionnée au but visé. En effet, l'installation d'un radar, pour une durée de quelques heures, est susceptible d'avoir un impact minime, voire inexistant, sur le bien juridique protégé, alors que le contrôle radar tend à assurer la sécurité publique et des usagers de la route. 
Ainsi, quand bien même les policiers auraient adopté un comportement contraire au droit en installant le radar sur une parcelle privée, ce comportement était justifié au sens de l'art. 14 CP et par conséquent licite. Dès lors que le comportement des policiers était licite, la preuve recueillie dans ce cadre n'a pas été obtenue illégalement et échappe donc à l'application de l'art. 141 CPP. Point n'est donc besoin d'examiner si l'infraction reprochée au recourant constitue une infraction grave au sens de l'art. 141 al. 2 CPP et les critiques de celui-ci à cet égard sont sans objet. 
 
2.3. Pour le surplus, on ne distingue pas en quoi l'installation d'un radar sur une propriété privée serait assimilable à l'utilisation d'un système privé de vidéosurveillance ("dashcam") par un particulier, comme le prétend le recourant. En effet, comme déjà relevé, les policiers ont agi dans l'exercice de leur fonction et étaient habilités à le faire, si bien que ces situations se distinguent des exemples soulevés par le recourant qui concernent des particuliers. Son argumentation doit être rejetée.  
Au vu de l'ensemble de ce qui précède, le contrôle radar, quand bien même l'appareil aurait été implanté sur une parcelle privée sans l'autorisation des ayants droit, était licite. La mesure de la vitesse ainsi obtenue est donc exploitable. Les griefs du recourant doivent être rejetés. 
 
3.  
Le recours doit être partiellement admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle instruction et nouvelle décision au sens des considérants. Au regard de la nature procédurale du vice examiné et dans la mesure où le Tribunal fédéral n'a pas traité la question sur le fond, ne préjugeant ainsi pas de l'issue de la cause, il peut être procédé au renvoi sans ordonner préalablement un échange d'écritures (cf. ATF 133 IV 293 consid. 3.4.2 p. 296; arrêt 6B_1446/2021 du 9 décembre 2022 consid. 5). Pour le surplus, le recours doit être rejeté. 
Le recourant succombe partiellement et doit supporter une partie des frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il ne peut pas prétendre à une indemnité de dépens dès lors qu'il n'est pas assisté par un avocat et n'a pas démontré avoir engagé d'autres frais pour le dépôt de son recours (art. 68 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu de mettre des frais judiciaires à la charge de la République et canton de Genève (art. 66 al. 1 et 4 LTF). 
 
 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle instruction et nouvelle décision. Pour le surplus, le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 12 janvier 2023 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Schwab Eggs