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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_798/2022  
 
 
Arrêt du 29 mars 2023  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, Denys et Hurni. 
Greffière: Mme Kistler Vianin. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me François Contini, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Parquet général du canton de Berne, 
Nordring 8, case postale, 3001 Berne, 
intimé. 
 
Objet 
Expulsion (art. 66a CP), 
 
recours contre le jugement de la Cour suprême du canton de Berne, 2e Chambre pénale, du 20 mai 2022 (SK 21 565). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 31 août 2021, le Tribunal régional Jura bernois-Seeland a reconnu A.________ coupable d'escroquerie pour avoir, à réitérées reprises, perçu du Département des affaires sociales de la ville de U.________ des prestations auxquelles elle n'avait pas droit. Il l'a condamnée à une peine privative de liberté de neuf mois, avec sursis durant trois ans, ainsi qu'à l'expulsion du territoire suisse pour une durée de cinq ans. Il a renoncé à révoquer le sursis à l'exécution de la peine de dix jours-amende à 40 fr. le jour accordé à l'intéressée par ordonnance pénale du 1er juin 2017 du Ministère public Jura bernois-Seeland, lui a adressé un avertissement et a prolongé le délai d'épreuve de un an. 
 
B.  
Par jugement du 20 mai 2022, la 2e Chambre pénale de la Cour suprême du canton de Berne a rejeté l'appel formé par A.________. 
Elle a retenu, en résumé, ce qui suit: 
A.________, née en 1972, est originaire de V.________. Selon ses dires, elle est arrivée en Suisse en 1991-1992. Il ressort en revanche du rapport établi par la ville de U.________ en vue de l'examen d'une expulsion qu'elle serait entrée en Suisse le 23 novembre 2000 depuis la V.________ en vue de son mariage avec une personne de nationalité française. 
De son union avec ce ressortissant français est née une fille, B.________, en 2006. Le couple a divorcé le 30 décembre 2009. A.________ exerce sur l'enfant une garde alternée avec le père qui réside également en Suisse. 
A.________ est titulaire d'un permis C, mais son renouvellement est actuellement en suspens. Elle a acquis la nationalité française par mariage. 
S'agissant de sa situation personnelle, elle n'a pas de formation particulière. Elle travaille dans un home à 60 %, tout en restant dépendante de l'aide sociale. Elle a des dettes importantes, notamment celle résultant de la présente procédure envers le service social, ainsi que des poursuites qui concernent notamment le paiement de son assurance-maladie. 
Elle a des antécédents pénaux. Elle a été condamnée, en 2012, pour lésions corporelles simples, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, à une peine pécuniaire de soixante jours-amende à 30 fr., avec sursis pendant deux ans, et à une amende de 600 fr. et, en 2017, pour vols et dommages à la propriété (infractions d'importance mineure), à une peine pécuniaire de dix jours-amende à 40 fr., avec sursis pendant deux ans, et à une amende de 750 francs. 
 
C.  
Contre ce dernier jugement cantonal, A.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Elle conclut à ce que le jugement attaqué soit annulé et qu'il soit renoncé à prononcer son expulsion du territoire suisse. En outre, elle sollicite l'assistance judiciaire. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
La recourante fait grief à la cour cantonale d'avoir ordonné son expulsion du territoire suisse. Elle lui reproche de ne pas avoir renoncé à son expulsion sur la base de l'art. 66a al. 2 CP et se prévaut de l'art. 8 § 1 CEDH. Elle dénonce également une violation de l'art. 5 al. 1 annexe I de l'accord sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS 0.142.112.681). En outre, elle se plaint d'un établissement arbitraire des faits. 
 
1.1. Aux termes de l'art. 66a al. 1 let. e CP, le juge expulse de Suisse l'étranger qui est condamné pour escroquerie (art. 146 al. 1 CP) à une assurance sociale ou à l'aide sociale, quelle que soit la quotité de la peine prononcée à son encontre, pour une durée de cinq à quinze ans.  
En l'espèce, la recourante, qui a été reconnue coupable d'escroquerie à l'aide sociale, remplit donc a priori les conditions d'une expulsion, sous la réserve d'une application de l'art. 66a al. 2 CP et de l'ALCP. 
 
1.2. La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir violé le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale en prenant en compte l'ensemble des faits incriminés qui ont porté sur la période 2015 à 2018 pour justifier son expulsion, alors que l'art. 66a CP est entré en vigueur en octobre 2016.  
L'art. 66a CP ne s'applique qu'aux infractions commises après le 1er octobre 2016 (art. 2 al. 1 CP). Lorsqu'il examine s'il est en présence d'un cas de rigueur (art. 66a al. 2 CP), le juge doit procéder à une pesée des intérêts, afin de déterminer lequel de l'intérêt public à l'expulsion ou de l'intérêt privé de l'étranger à rester en Suisse l'emporte. Dans ce cadre, selon la jurisprudence, il apprécie le risque de récidive au regard de l'ensemble du comportement de l'intéressé. A cet effet, il prend en compte les comportements délictueux de l'étranger antérieurs à l'entrée en vigueur de l'art. 66a CP (cf. ATF 146 II 1 consid. 2.1.2 p. 4; arrêts 6B_651/2018 du 17 octobre 2018 consid. 8.3.3; 6B_1043/2017 du 14 août 2018 consid. 3.1.2 et 3.2.2). 
En l'espèce, la cour cantonale a constaté que la recourante avait commis les faits punissables, à réitérées reprises, entre le 30 septembre 2015 et le 15 octobre 2018, à savoir, pour une grande partie, après l'entrée en vigueur de l'art. 66a CP, de sorte que cette disposition était applicable. La cour cantonale a ensuite analysé si l'expulsion pouvait se justifier au regard de l'accord sur la libre circulation des personnes. Pour ce faire, elle a évalué le risque de récidive, en se fondant sur l'ensemble des comportements délictueux de la recourante, y compris ceux antérieurs au 1er octobre 2016, comme le lui autorise la jurisprudence. Le grief tiré de la violation du principe de la non-rétroactivité de la loi pénale est donc infondé. 
 
2.  
Comme la recourante a acquis la nationalité française, il convient d'examiner si son expulsion du territoire suisse viole l'accord sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS 0.142.112.681). 
 
2.1. La cour cantonale a considéré qu'il était douteux que la recourante puisse se prévaloir de l'ALCP. Elle a exposé que le permis C de la recourante était échu depuis le mois de décembre 2020 et que celle-ci n'était plus au bénéfice d'un titre de séjour valable en Suisse où elle résidait ainsi sans autorisation depuis de nombreux mois. En tout état de cause, elle a considéré qu'au vu de la gravité de la dernière infraction commise sur une longue période (de 2015 à 2018) et de ses antécédents pénaux, elle a porté une atteinte aux intérêts publics. Malgré les regrets qu'elle avait exprimés, la cour cantonale a jugé que le pronostic qui devait être posé à son égard était défavorable. Elle en a conclu que l'ALCP n'empêcherait pas son expulsion pénale (jugement attaqué p. 10).  
 
2.2. Il convient d'examiner tout d'abord si la recourante peut se prévaloir d'un droit de séjour en vertu de l'ALCP (cf. arrêts 6B_780/2020 du 2 juin 2021 consid. 1.6.1; 6B_1152/2017 du 28 novembre 2018 consid. 2.5.2 s.; 6B_907/2018 du 23 novembre 2018 consid. 2.4.3; 6B_965/2018 du 15 novembre 2018 consid. 5). Les droits accordés par l'ALCP ne le sont qu'à une double condition, "soit d'une part celle des accords contractuels spécifiques comme condition d'un séjour légal et, d'autre part, celle d'un comportement conforme au droit au sens de l'art. 5 § 1 annexe I ALCP" (ATF 145 IV 55 consid. 3.3 p. 59). Ce n'est que lorsqu'un droit d'entrée ou de séjour existe que la question des possibilités de le restreindre peut se poser (arrêts 6B_780/2020 du 2 juin 2021 consid. 1.6.1; 6B_1152/2017 du 28 novembre 2018 consid. 2.5.3 avec référence).  
Il ressort du dossier (jugement de première instance p. 20; cf. art. 105 al. 2 LTF) que la recourante est titulaire d'un permis C, mais que son renouvellement est actuellement en suspens. Elle exerce un emploi dans un home au taux de 60 %. Bien qu'elle ait un emploi, elle continue à bénéficier du soutien du service social. Ainsi, elle n'est pas indépendante financièrement et est soutenue par les services sociaux depuis de nombreuses années. Elle a au surplus des dettes importantes et des poursuites pour environ 20'000 francs. Dans ce contexte, on peut se demander si la recourante bénéficie d'un droit de séjour en vertu de l'ALCP et, plus particulièrement, si elle a la qualité de travailleur au sens du droit de la libre circulation (cf. art. 3 et art. 4 ALCP; art. 6 annexe I ALCP; ATF 141 II 2 consid. 2.2.3 s. p. 5 s.; arrêts 2C_556/2020 du 22 janvier 2021 consid. 4.2.2; 2C_673/2019 du 3 décembre 2019 consid. 4.1). Cette question peut toutefois rester indécise, dans la mesure où l'expulsion de la recourante peut se justifier par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique au sens de l'art. 5 § 1 annexe I ALCP
 
2.3. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de droit des étrangers (ATF 130 II 176), lors de l'application de l'art. 5 § 1 annexe I ALCP, il doit être procédé à un "examen spécifique" sous l'angle des intérêts inhérents à la protection de la sécurité publique exigée par les intérêts des résidents du pays. Les mesures d'expulsion ou une interdiction d'entrée exigent une mise en danger suffisamment importante et actuelle de l'ordre public par l'étranger concerné. Une condamnation pénale ne peut servir de base à une telle mesure que si les circonstances sur lesquelles elle est fondée laissent apparaître un comportement personnel qui met en danger l'ordre public actuel. L'art. 5 § 1 annexe I ALCP s'oppose à des mesures ordonnées (uniquement) pour des raisons de prévention générale. Des comportements passés peuvent réaliser les conditions d'une telle mise en danger de l'ordre public. Le pronostic du bon comportement futur est également important, mais dans ce cadre, il est nécessaire d'apprécier la probabilité suffisante que l'étranger perturbera à l'avenir la sécurité et l'ordre publics suivant le genre et l'étendue de la violation possible des biens juridiques. Un risque de récidive faible mais réel peut suffire pour qu'une mesure mettant un terme au séjour au sens de l'art. 5 § 1 annexe I ALCP puisse être ordonnée, s'il existe le risque d'une violation grave d'un bien juridique important, comme par exemple la protection de l'intégrité physique (ATF 145 IV 364 consid. 3.5.2; 145 IV 55 consid. 4.4; arrêts 6B_894/2020 du 26 novembre 2020 consid. 3.3; 6B_177/2020 du 2 juillet 2020 consid. 2.4.5; 6B_736/2019 du 3 avril 2020 consid. 1.1.3). Le pronostic de bonne conduite et de resocialisation n'est pas déterminant en matière de droit des étrangers, où l'intérêt général de l'ordre et de la sécurité publics sont au premier plan (ATF 145 IV 364 consid. 3.5.2 et les références citées). Les mesures prises pour des raisons d'ordre public doivent respecter la CEDH et le principe de proportionnalité (ATF 145 IV 364 consid. 3.5.2).  
L'exigence de la mise en danger actuelle n'implique pas qu'il faut s'attendre avec certitude à d'autres infractions, ou au contraire, que celles-ci sont exclues avec certitude. Il faut plutôt une probabilité suffisante, compte tenu du genre et de l'étendue des possibles violations des biens juridiques, que l'étranger trouble à l'avenir la sécurité et l'ordre publics; plus elle est forte, moins les exigences pour admettre le risque de récidive sont élevées. Les restrictions à la libre circulation au sens de l'art. 5 § 1 annexe I ALCP doivent toutefois être interprétées restrictivement; il ne peut être renvoyé simplement à l'ordre public indépendamment d'une perturbation de l'ordre social propre à toute infraction pénale. Un trafic de stupéfiants constitue une violation grave de l'ordre public au sens de l'art. 5 § 1 annexe I ALCP (ATF 145 IV 364 consid. 3.5.2 et les références citées; arrêts 6B_894/2020 précité consid. 3.3; 2C_487/2020 du 17 août 2020 consid. 4.2.2). 
En l'espèce, la recourante a été condamnée pour avoir abusé de l'aide sociale de 2015 à 2018 pour un montant dépassant 60'000 francs. Il ne s'agit certes pas d'actes de violence ni d'infractions à l'intégrité sexuelle. L'atteinte à l'ordre public n'en reste pas moins importante. En effet, la recourante a usé d'astuce, cachant sciemment l'existence de son compte postal, sur lequel elle touchait régulièrement des revenus. En outre, la période d'abus est longue et les montants perçus indûment sont importants. Auparavant, la recourante avait également déjà été condamnée à deux reprises, en 2012 et 2017, pour lésions corporelles simples, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, vols et dommages à la propriété (infraction d'importance mineure). L'ensemble du comportement de la recourante montre ainsi son irrespect pour l'ordre public suisse. La recourante n'a au demeurant aucune volonté de s'intégrer sur le plan professionnel, puisque non seulement elle n'a montré aucun intérêt face aux mesures d'intégration et d'encadrement proposées par les services sociaux, mais elle a fait mine de rencontrer des problèmes de santé (jugement de première instance, p. 10). Le fait qu'un sursis lui a été accordé n'est pas déterminant, dès lors que, si la cour cantonale a nié l'existence d'un pronostic défavorable au sens de l'art. 42 al. 1 CP (absence de pronostic défavorable), elle a reconnu qu'il existait des doutes quant aux perspectives d'amendement (pronostic mitigé) tant que la recourante vivait dans une situation précaire (cf. jugement de première instance, p. 17 [à propos du sursis] et 21 [à propos de l'expulsion]). Dans ces circonstances, il faut admettre qu'il existe un risque de récidive réel et que la recourante présente une menace actuelle et réelle pour l'ordre public. L'ALCP n'empêche donc pas son expulsion pénale. 
 
3.  
La recourante invoque la clause de rigueur prévue à l'art. 66a al. 2 CP. Elle soutient que son expulsion porterait atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti notamment par l'art. 8 § 1 CEDH
 
3.1. L'art. 66a al. 2 CP prévoit que le juge peut exceptionnellement renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l'étranger dans une situation personnelle grave (première condition) et que les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent pas sur l'intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse (deuxième condition). A cet égard, il tiendra compte de la situation particulière de l'étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse. Les conditions posées par cette disposition sont cumulatives (ATF 144 IV 332 consid. 3.3 p. 339).  
 
3.2. La clause de rigueur prévue à l'art. 66a al. 2 CP permet de garantir le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 Cst.; ATF 146 IV 105 consid. 3.4.2 p. 108; 144 IV 332 consid. 3.3.1 p. 340). Elle doit être appliquée de manière restrictive (ATF 146 IV 105 consid. 3.4.2 p. 108; 144 IV 332 consid. 3.3.1 p. 340). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il convient de s'inspirer des critères énoncés à l'art. 31 al. 1 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA; RS 142.201) et de la jurisprudence y relative, dans le cadre de l'application de l'art. 66a al. 2 CP. L'art. 31 al. 1 OASA prévoit qu'une autorisation de séjour peut être octroyée dans les cas individuels d'extrême gravité. L'autorité doit tenir compte notamment de l'intégration du requérant selon les critères définis à l'art. 58a al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI; RS 142.20), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants, de la situation financière, de la durée de la présence en Suisse, de l'état de santé ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance. Comme la liste de l'art. 31 al. 1 OASA n'est pas exhaustive et que l'expulsion relève du droit pénal, le juge devra également, dans l'examen du cas de rigueur, tenir compte des perspectives de réinsertion sociale du condamné (ATF 144 IV 332 consid. 3.3.2 p. 340 s.; arrêt 6B_1369/2019 du 22 janvier 2020 consid. 2.3.1).  
 
3.3. En règle générale, il convient d'admettre l'existence d'un cas de rigueur au sens de l'art. 66a al. 2 CP lorsque l'expulsion constituerait, pour l'intéressé, une ingérence d'une certaine importance dans son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par la Constitution fédérale (art. 13 Cst.) et par le droit international, en particulier l'art. 8 CEDH (arrêts 6B_316/2021 du 30 septembre 2021 consid. 2.3; 6B_1198/2020 du 19 juillet 2021 consid. 4.2; 6B_379/2021 du 30 juin 2021 consid. 1.2).  
Selon la jurisprudence, pour se prévaloir du droit au respect de sa vie privée au sens de l'art. 8 § 1 CEDH, l'étranger doit établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire. Le Tribunal fédéral n'adopte pas une approche schématique qui consisterait à présumer, à partir d'une certaine durée de séjour en Suisse, que l'étranger y est enraciné et dispose de ce fait d'un droit de présence dans notre pays. Il procède bien plutôt à une pesée des intérêts en présence, en considérant la durée du séjour en Suisse comme un élément parmi d'autres et en n'accordant qu'un faible poids aux années passées en Suisse dans l'illégalité, en prison ou au bénéfice d'une simple tolérance (cf. ATF 134 II 10 consid. 4.3 p. 24; arrêt 6B_1198/2020 du 19 juillet 2021 consid. 4.2 et la référence citée). Un séjour légal de dix années suppose en principe une bonne intégration de l'étranger (ATF 144 I 266 consid. 3.9 p. 278; arrêt 6B_1198/2020 précité consid. 4.2). 
Par ailleurs, un étranger peut se prévaloir de l'art. 8 § 1 CEDH (et de l'art. 13 Cst.), qui garantit notamment le droit au respect de la vie familiale, pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille, pour autant qu'il entretienne une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 144 II 1 consid. 6.1 p. 12; 139 I 330 consid. 2.1 p. 336 et les références citées). Les relations familiales visées par l'art. 8 par. 1 CEDH sont avant tout celles qui concernent la famille dite nucléaire, soit celles qui existent entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (cf. ATF 144 II 1 consid. 6.1 p. 12; 135 I 143 consid. 1.3.2 p. 146). En cas de séparation des parents, les contacts personnels doivent être effectivement exercés dans le cadre d'un droit de visite usuel. Seuls importent les liens personnels, c'est-à-dire l'existence effective de liens familiaux particulièrement forts d'un point de vue affectif; ne sont pas déterminantes les décisions judiciaires ou les conventions entre parents se répartissant l'autorité parentale et la garde des enfants communs ou encore établissant l'autorité parentale conjointe en cas de divorce (ATF 144 I 91 consid. 5.2.1). 
 
3.4. La cour cantonale a retenu que l'expulsion de la recourante à V.________, en France ou encore dans un autre pays européen ne saurait la mettre dans une situation personnelle grave. Elle a estimé que, mis à part sa fille, la recourante n'avait aucun lien spécifique qui la rattachait à la Suisse malgré les nombreuses années passées dans ce pays et qu'aucun obstacle insurmontable n'empêcherait son insertion personnelle et professionnelle à V.________ ou en France (jugement attaqué p. 10).  
 
3.5. Au regard des faits ressortant du jugement attaqué, qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), la conclusion de la cour cantonale doit être confirmée.  
 
3.5.1. La recourante fait valoir qu'elle est arrivée en Suisse en 1991. La cour cantonale pouvait valablement retenir, sans verser dans l'arbitraire, que la recourante avait vécu en Suisse pendant environ trente ans d'après ses dires, respectivement une vingtaine d'années d'après les informations obtenues auprès de la ville de U.________. Dans tous les cas, cette seule circonstance ne suffit pas à établir une intégration réussie. En effet, il ressort du jugement attaqué que la recourante n'est pas particulièrement intégrée à la vie associative ou culturelle de sa région. La recourante n'est pas non plus intégrée sur le plan professionnel, puisqu'elle n'est pas indépendante financièrement et est soutenue par les services sociaux depuis des années. Comme vu ci-dessus, elle n'a montré aucun intérêt aux mesures d'intégration et d'encadrement proposées par les services sociaux. Mais surtout elle a violé la loi pénale de manière constante. Elle a été condamnée en 2012 et 2017 et a abusé de l'aide sociale fournie par la collectivité publique de 2015 à 2018 pour un montant dépassant les 60'000 francs.  
 
3.5.2. La recourante fait valoir qu'un retour dans son pays d'origine impliquerait de fait la rupture de ses liens étroits avec sa fille, née en 2006, et porterait donc atteinte à sa vie familiale protégée par l'art. 8 CEDH. Selon les constatations cantonales, la recourante exerce sur sa fille une garde partagée avec le père qui réside en Suisse. Dans ces conditions, l'enfant pourra rester en Suisse avec son père, avec lequel elle entretient, selon les dires de la recourante, une bonne relation. Ayant acquis la nationalité française par mariage, la recourante pourra s'installer en France voisine et continuer à entretenir une relation régulière avec sa fille. Il est vrai qu'il faudra adapter d'une manière ou d'une autre le régime de garde actuellement en vigueur. Il sera ainsi envisageable de mettre en place un droit de visite élargi, afin que la fille de la recourante puisse se rendre auprès de sa mère pendant les vacances scolaires et quelques week-ends par exemple. La recourante et sa fille pourront au surplus entretenir des contacts réguliers par le biais des moyens de télécommunication modernes. Enfin, il convient de relever que la fille sera majeure dans deux ans environ et sera donc largement indépendante. Au vu de l'ensemble des circonstances, il convient d'admettre que l'expulsion de la recourante hors du territoire suisse ne portera pas atteinte à sa vie familiale au sens de l'art. 8 CEDH.  
 
3.5.3. En l'absence d'intégration réussie et d'atteinte à sa vie familiale, l'expulsion de la recourante du territoire suisse ne la met pas dans une situation personnelle grave au sens de l'art. 66a al. 2 CP. La première condition cumulative prévue à l'art. 66a al. 2 CP n'est dès lors pas réalisée, de sorte que la clause de rigueur n'est pas applicable. La cour cantonale n'a donc pas violé le droit fédéral ni le droit international en ordonnant l'expulsion de la recourante du territoire suisse.  
 
4.  
Le recours doit être rejeté. 
Comme il était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF) et la recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa situation financière qui n'apparaît pas favorable. 
 
 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour suprême du canton de Berne, 2e Chambre pénale. 
 
 
Lausanne, le 29 mars 2023 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Kistler Vianin