Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_35/2022  
 
 
Arrêt du 24 novembre 2022  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Denys, Juge présidant, Koch et Hurni. 
Greffier : M. Barraz. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Yasar Ravi, avocat, 
 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de l'État de Fribourg, 
place Notre-Dame 4, 1700 Fribourg, 
intimé. 
 
Objet 
Examen d'office en appel de points non contestés 
du jugement (art. 404 al. 2 CPP); remplacement du défenseur d'office (art. 134 al. 2 CPP); arbitraire, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, Cour d'appel pénal, du 25 novembre 2021 
(501 2021 122). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 2 juillet 2021, le Tribunal pénal de l'arrondissement de la Gruyère a reconnu A.________ coupable de crime contre la Loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup; RS 812.121; art. 19 al. 2 let. a LStup). Il l'a condamnée à une peine privative de liberté de 26 mois, dont 14 mois avec sursis pendant 5 ans, et a ordonné son expulsion du territoire suisse pour une durée de 7 ans. 
 
B.  
 
B.a.  
Par acte du 12 août 2021, A.________ a déclaré former appel du jugement du 2 juillet 2021, limité à la quotité de la peine, la confiscation et la destruction de deux téléphones portables et son expulsion du territoire suisse. 
 
B.b. Par arrêt du 25 novembre 2021, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg a rejeté l'appel joint du Ministère public de l'État de Fribourg et a partiellement admis l'appel de A.________. Elle a reformé le jugement précédent en condamnant A.________ à une peine privative de liberté de 24 mois, dont 14 mois avec sursis pendant 5 ans. Elle a confirmé son expulsion du territoire suisse pour une durée de 7 ans.  
En résumé, elle a retenu les faits suivants : 
 
B.c. A.________ a été contrôlée par la police le 8 janvier 2021, vers 14h30, à U.________, en possession de 239 grammes d'héroïne destinés à la vente (ou 54.97 grammes d'héroïne pure, compte tenu d'un taux de pureté de 23 %).  
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal du 25 novembre 2021 et conclut, avec suite de frais et dépens, à la réforme du jugement attaqué en ce sens qu'elle est libérée du chef d'accusation de crime contre la LStup et qu'elle n'est pas expulsée du territoire suisse. Subsidiairement, toujours avec suite de frais et dépens, elle conclut à l'annulation de l'arrêt précité et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Elle sollicite en outre l'octroi de l'effet suspensif. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Conformément à l'art. 54 al. 1 LTF, le présent arrêt sera rendu en français, langue du jugement attaqué, même si le recours a été libellé en italien, comme l'autorise l'art. 42 al. 1 LTF
 
2.  
Dans une section de son mémoire intitulée "In fatto", soit "en fait", la recourante énonce divers éléments ressortant des jugements précédents et entend ajouter des compléments. Une telle démarche, appellatoire, est irrecevable (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2). 
 
3.  
La recourante invoque la violation de l'art. 404 al. 2 CPP. En substance, elle soutient que même si elle n'a pas contesté sa condamnation pour crime contre la LStup à l'appui de sa déclaration d'appel, la cour cantonale aurait dû constater d'office que l'autorité de première instance a fait preuve d'arbitraire en s'écartant de sa version des faits, ce sur la base d'images de vidéosurveillance inexploitables au sens des art. 140 al. 1 et 141 al. 1 CPP. 
 
3.1.  
 
3.1.1. En vertu de l'art. 404 al. 1 CPP, la cour d'appel ne réexamine en principe le jugement de première instance que sur les points contestés (arrêts 6B_690/2021 du 28 mars 2022 consid. 1.1; 6B_1320/2020 du 12 janvier 2022 consid. 2.2). Les points du jugement qui n'ont pas fait l'objet d'un appel deviennent définitifs (art. 402 CPP). Par exception, l'art. 404 al. 2 CPP prévoit que la juridiction d'appel peut examiner en faveur du prévenu des points du jugement qui ne sont pas attaqués, afin de prévenir des décisions illégales ou inéquitables. En tant qu'elle s'écarte de la maxime de disposition, qui laisse aux parties le libre choix de faire ou non appel d'un jugement, la règle prévue par l'art. 404 al. 2 CPP ne doit être appliquée qu'avec retenue (arrêts 6B_1141/2021 du 25 octobre 2021 consid. 3; 6B_1160/2017 du 17 avril 2018 consid. 1.5). Cela ne se justifie guère que si la carence affectant le point du jugement dont il n'a pas été fait appel est, sans équivoque, évidente, choquante. Il s'agit d'éviter des jugements manifestement erronés, entachés d'erreurs crasses, de violations qualifiées dans l'application du droit matériel ou de procédure, ou encore reposant sur des constatations de fait manifestement erronées (ATF 147 IV 93 consid. 1.5.3; arrêts 6B_1141/2021 précité consid. 3; 6B_496/2020 du 11 janvier 2021 consid. 2.5.2).  
 
3.1.2. En vertu de l'art. 140 al. 1 CPP, les moyens de contrainte, le recours à la force, les menaces, les promesses, la tromperie et les moyens susceptibles de restreindre les facultés intellectuelles ou le libre arbitre sont interdits dans l'administration des preuves. Les preuves administrées en violation de l'art. 140 CPP ne sont en aucun cas exploitables (art. 141 al. 1 CPP).  
 
3.1.3. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1).  
 
3.2. Il est incontesté que la recourante n'a pas appelé de sa condamnation, pour quelque raison que ce soit. Partant, la cour cantonale n'avait pas a réexaminer le jugement précédent sur ce point. Pourtant, contrairement à ce que soutient la recourante, la cour cantonale a fait entièrement sienne l'appréciation des preuves et l'application du droit de l'autorité de première instance, indépendam-ment des conclusions prises en appel (arrêt attaqué consid. 2.1). La recourante ne peut ainsi se prévaloir d'une violation de l'art. 404 al. 2 CPP. Nonobstant ce qui précède, il reste à examiner si la cour cantonale a violé l'art. 140 al. 1 CPP ou si elle a fait preuve d'arbitraire en confirmant le jugement de première instance s'agissant de la condamnation de la recourante.  
 
3.3. Lors de son audition du 9 février 2021, il a été demandé à la recourante de se déterminer quant au fait que les images de vidéosurveillance figurant au dossier démontrent visiblement qu'elle a laissé tomber au sol un objet dissimulé dans son dos, sous sa veste.  
Selon la recourante, dans la mesure où les images en question ne permettent pas de confirmer qu'elle aurait laissé tomber quelque chose au sol, ce que la police savait, cette dernière a adopté un comportement trompeur, rendant inexploitables les images de vidéo-surveillance, au sens des art. 140 al. 1 et 141 al. 1 CPP. 
Savoir si, comme le soutient la recourante, la question qui lui a été posée était trompeuse, n'a pas à être déterminé. En effet, l'art. 141 al. 1 CPP prévoit l'inexploitabilité des preuves administrées en violation de l'art. 140 CPP, c'est-à-dire du moyen de preuve obtenu au mépris de la loi. Dans le cas d'espèce, ce ne sont donc pas les images de vidéosurveillance qui, par hypothèse, seraient inexploitables (étant précisé que la recourante ne remet pas en cause qu'elles ont été obtenues légalement), mais bien les éventuelles déclarations qu'elle aurait pu faire suite à la question de la police. Il s'ensuit que les autorités précédentes pouvaient tenir compte des images de vidéosurveillance sans violer les art. 140 al. 1 et 141 al. 1 CPP. 
 
3.4. Pour le surplus, sur la base d'une prémisse erronée (cf. supra consid. 3.3), la recourante se contente de clamer son innocence et de présenter sa propre appréciation des faits, sans expliquer en quoi les autorités précédentes auraient dû donner plus de crédit à ses explications ou en quoi elles auraient fait preuve d'arbitraire. En particulier, elle leur reproche d'avoir considéré que les images de vidéosurveillance permettaient de démontrer la chute d'un objet au sol, alors qu'elles se sont contentées de relever la manoeuvre suspecte de la recourante et ont acquis la conviction de sa culpabilité sur la base d'autres éléments. Un tel procédé, appellatoire, est irrecevable (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2).  
 
4.  
En invoquant les art. 29 al. 3 et 32 al. 2 Cst., 6 par. 3 let. c CEDH et 130 ss CPP, la recourante se plaint d'une violation de son droit à l'assistance judiciaire. En substance, elle soutient qu'ayant clairement exprimé lors des débats de deuxième instance qu'elle n'était pas d'accord avec la stratégie de son défenseur, consistant à ne pas contester sa condamnation pour crime contre la LStup, la cour cantonale aurait dû procéder d'office au changement de son défenseur, à défaut de quoi toute la procédure devrait être reprise. 
 
4.1. Le droit à l'assistance judiciaire (art. 29 al. 3 et 32 al. 2 Cst., 6 par. 3 let. c CEDH et 14 par. 3 let. d Pacte ONU II) doit notamment permettre à l'accusé de bénéficier d'une défense complète, assidue et efficace (ATF 126 I 194 consid. 3a; arrêts 6B_1067/2021 du 11 avril 2022 consid. 1.1; 1B_166/2020 du 25 juin 2020 consid. 3.1.2). En matière pénale, l'art. 134 al. 2 CPP constitue le corollaire de ces garanties en prévoyant que si la relation de confiance entre le prévenu et le défenseur d'office est gravement perturbée ou si une défense efficace n'est plus assurée pour d'autres raisons, la direction de la procédure confie la défense d'office à une autre personne.  
Selon la jurisprudence de la CourEDH, la seule désignation d'un avocat commis d'office n'assure pas à elle seule l'effectivité de cette aide ( Artico c. Italie du 13 mai 1980, § 33; Vamvakas c. Grèce du 9 avril 2015, § 36). Toutefois, l'État contractant ne peut être tenu pour responsable de toute défaillance d'un avocat commis d'office ou choisi par l'accusé ( Lagerblom c. Suède du 14 janvier 2003, § 56; Kamasinski c. Autriche du 19 décembre 1989, série A vol. 168 § 65). De l'indépendance du barreau par rapport à l'État, il découle que la conduite de la défense appartient pour l'essentiel à l'accusé et à son avocat. L'État contractant n'est tenu d'intervenir que si la carence de l'avocat d'office apparaît manifeste ou si on les en informe suffisamment de quelque autre manière ( Imbriosca c. Suisse du 24 novembre 1993, série A vol. 275 § 41; Daud c. Portugal du 21 avril 1998, Recueil CourEDH 1998-II p. 739 § 38). La responsabilité de l'État peut être engagée lorsqu'un avocat manque tout bonnement d'agir pour le compte de l'accusé ( Artico, § 33 et 36) ou ne respecte pas une condition de pure forme sans que cela puisse être assimilé à une conduite erronée ou à une simple défaillance dans l'argumentation ( Czekalla c. Portugal du 10 octobre 2002, Recueil CourEDH 2002-VII p. 43 § 65 et 71).  
Selon la jurisprudence fédérale, un changement d'avocat d'office doit être ordonné lorsque le défenseur néglige gravement ses devoirs et que, pour des motifs objectifs, la défense des intérêts du prévenu n'est plus assurée (ATF 138 IV 161 consid. 2.4; arrêts 6B_1067/2021 précité consid. 1.3; 1B_166/2020 précité consid. 3.1.2). En revanche, le simple fait que la partie assistée n'ait pas confiance en son conseil d'office ne lui donne pas le droit d'en demander le remplacement lorsque cette perte de confiance repose sur des motifs purement subjectifs et qu'il n'apparaît pas de manière patente que l'attitude de l'avocat d'office est gravement préjudiciable aux intérêts de la partie ( ibidem; arrêt 1B_285/2019 du 27 juin 2019 consid. 4). La divergence sur la stratégie de défense ou sur la pertinence des actes d'instruction à requérir ne justifie pas à elle seule un changement d'avocat d'office et ne permet pas non plus, sans autre élément, de remettre en cause le professionnalisme avec lequel l'avocat d'office a assuré son mandat jusqu'alors. Le défenseur d'office ne saurait en effet être tenu d'épouser n'importe quel point de vue de son client, mais doit au contraire examiner d'une manière critique et objective les actes de procédure auxquels il lui est demandé de procéder et ne donner suite qu'à ceux qui s'avèrent indispensables dans l'intérêt de son mandant (ATF 126 I 194 consid. 3d; arrêts 6B_1141/2021 précité consid. 5; 1B_178/2018 du 16 avril 2018 consid. 2).  
 
4.2. La recourante se contente de dire qu'elle n'était pas d'accord avec la décision de son défenseur consistant à ne pas contester sa condamnation, sans pour autant expliquer pourquoi, ou en quoi, elle n'aurait pas bénéficié d'une défense d'office effective. Il est rappelé que la cour cantonale a elle-même examiné la question de la culpabilité (cf. supra consid. 3.2). Par ailleurs, la recourante ne démontre pas qu'elle aurait exprimé son désaccord avant les débats de deuxième instance, dans le délai pour former appel. Étant encore précisé que la seule allégation d'avoir manifesté en vain à son conseil d'office son désir d'appeler du jugement en son entier n'est pas manifestement de nature à démontrer que le prévenu aurait été privé d'une défense d'office effective (arrêt 6B_1141/2021 précité consid. 5), rien ne permet en l'espèce de dire qu'il y a eu défaillance dans la défense des intérêts de la recourante. Au contraire, elle a reconnu que son défenseur avait agit en pensant bien faire : " C'est mon avocate qui a décidé. Elle a peut-être pensé positivement pour moi mais moi je n'accepte pas ma condamnation. Elle a pensé que je serais [le] plus vite possible libre et que je pourrais ainsi récupérer les informations et les preuves que j'ai en Albanie ", ou encore : " Mon avocate pense bien, elle veut que je sois libérée le plus vite possible ".  
 
4.3. Il résulte de ce qui précède qu'en ne procédant pas d'office au changement du défenseur de la recourante, la cour cantonale n'a pas violé son droit à l'assistance judiciaire.  
 
5.  
Dans un dernier grief, la recourante demande la récusation anticipée des juges cantonaux à l'origine de l'arrêt attaqué. À défaut pour ses autres griefs d'avoir été admis, sa requête est sans objet. 
 
6.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. La recourante, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). La cause étant jugée, la requête d'effet suspensif est sans objet. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, Cour d'appel pénal. 
 
 
Lausanne, le 24 novembre 2022 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
Le Greffier : Barraz