Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_384/2021  
 
 
Arrêt du 18 août 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Kneubühler, Président, Chaix. Jametti, Haag et Merz. 
Greffier : M. Alvarez. 
 
Participants à la procédure 
Département fédéral de justice et police, Office fédéral de la Justice, 3003 Berne, 
recourant, 
 
contre  
 
Hoirie A.________, 
représentée par Me Guillaume Choffat, avocat, 
intimée, 
 
Instance d'indemnisation LAVI de la République et canton de Genève, 
72, bd de Saint-Georges, 1205 Genève. 
 
Objet 
LAVI, réparation morale, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre administrative, de la Cour de justice de la République et canton de Genève, 1ère section, du 18 mai 2021 
(ATA/523/2021 A/870/2021-LAVI). 
 
 
Considérant en fait et en droit :  
 
1.  
A.________, née en 1944, a été victime, le 22 décembre 2017, d'un cambriolage dans son appartement, alors qu'elle et son mari dînaient dans un appartement voisin du même immeuble. 
Dans son jugement du 10 décembre 2019, le Tribunal correctionnel de la République et canton de Genève a reconnu les deux prévenus coupables de vol par métier et en bande, de dommages à la propriété et violation de domicile. Sur le plan civil, il les a notamment condamnés à verser à A.________ un montant de 5'000 fr. à titre de réparation du tort moral, montant confirmé le 1 er octobre 2020 par la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève.  
A la suite de l'admission d'un premier recours formé par A.________ devant la Cour de justice de la République et canton de Genève, l'Instance cantonale d'indemnisation LAVI (au sens de la loi fédérale du 23 mars 2007 sur l'aide aux victimes d'infractions [RS 312.5]) lui a, par ordonnance du 4 février 2021, alloué la somme de 2'000 fr. à titre de tort moral. L'autorité a notamment reconnu l'existence d'un lien direct entre l'infraction et la détérioration de l'état de santé - aggravation d'une maladie d'Alzheimer très légère préexistante (CDR 0.5) - de l'intéressée. 
Par arrêt du 18 mai 2021, la Cour de justice a rejeté le recours de A.________ contre cette décision, recours concluant à l'allocation d'un montant de 5'000 fr. La dernière instance cantonale a en substance considéré qu'il n'y avait pas de lien direct entre le vol avec violation de domicile et l'atteinte à la santé psychique de la recourante. L'une des conditions de la qualité de victime LAVI (art. 1 al. 1 LAVI) n'était pas réalisée, si bien qu'aucune indemnité au sens de l'art. 22 al. 1 LAVI ne lui était en principe due. Cependant, le droit cantonal de procédure excluant la possibilité d'une reformatio in peius (cf. art. 69 al. 1 de la loi cantonale sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE; RS/GE E 5 10]), l'indemnité de 2'000 fr. allouée par ordonnance du 4 février 2021 ne pouvait plus lui être refusée. Le dispositif de l'arrêt attaqué se limitait donc au rejet du recours.  
Par acte du 21 juin 2021, l'Office fédéral de la justice (ci-après: OFJ) recourt contre cet arrêt au Tribunal fédéral concluant à sa réforme en ce sens que la demande de A.________ concluant à l'octroi d'une réparation morale est rejetée. 
La Cour de justice s'en remet à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Pour l'Instance cantonale LAVI, le recours n'appelle pas d'observations. L'hoirie de feu A.________, décédée dans l'intervalle, conclut "à la forme" à l'irrecevabilité du recours, "au fond" à son rejet et à la réforme de l'arrêt entrepris en ce sens qu'une indemnisation LAVI à hauteur de 5'000 fr., avec intérêt à 5% l'an dès le 22 décembre 2017, est allouée. Ayant pris connaissance du décès de A.________ le 4 juin 2021 à l'occasion de la réponse au recours, l'OFJ rappelle que le droit à une réparation morale au sens de la LAVI n'est pas transmissible par voie de succession. L'hoirie intimée s'est encore exprimée le 25 octobre 2021, précisant que l'indemnité de 2'000 fr. avait été versée à A.________ de son vivant. 
 
2.  
A titre préliminaire, avant d'examiner la recevabilité du recours de l'OFJ, il convient de rappeler que la possibilité de former un recours joint est exclue devant le Tribunal fédéral (cf. ATF 145 V 57 consid. 10.2; 138 V 106 consid. 2.1; 134 III 332 consid. 2.5). L'hoirie intimée ne peut partant pas conclure - comme elle le fait dans sa réponse - à la réforme en sa faveur de l'arrêt attaqué; pour ce faire, il lui eût appartenu de recourir contre cet arrêt dans le délai de recours de l'art. 100 LTF, ce qu'elle n'a pas fait. 
 
3.  
Le litige porte sur l'octroi d'une indemnité de victime au sens de la LAVI à la recourante à la suite d'un cambriolage survenu, dans son appartement, le 22 décembre 2017. 
 
3.1. L'arrêt attaqué rejette le recours formé par A.________ contre l'ordonnance LAVI du 4 février 2021; la recourante se plaignait de la quotité insuffisante de l'indemnité allouée. Cet arrêt constitue une décision finale (art. 90 LTF) rendue en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF), aussi le recours en matière de droit public est-il en principe recevable selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions mentionnées à l'art. 83 LTF n'étant réalisée.  
 
3.2. Le Département fédéral de justice et police (ci-après: DFJP) bénéficie de la qualité pour recourir (art. 89 al. 2 let. a LTF), la LAVI relevant de son domaine d'attributions, en particulier de celui de l'OFJ, unité administrative qui lui est subordonnée (cf. art. 7 al. 1 let. c de l'ordonnance sur l'organisation du DFJP [Org DFJP; RS 172.213.1]; cf. également arrêt 1C_10/2007 du 12 juillet 2007 consid. 2, non publié in ATF 133 II 361). Que le DFJP, par l'intermédiaire de l'OFJ, n'ait pas recouru contre la décision de l'Instance LAVI, respectivement - comme l'écrit l'intimée - qu'il n'était pas partie à la procédure cantonale, est sans conséquence sur sa qualité pour recourir, la condition de la participation à l'instance précédente de l'art. 89 al. 1 let. a LTF n'étant pas applicable au recours des autorités fédérales (cf. ATF 136 II 359 consid. 1.2; arrêts 1C_270/2020 du 4 mars 2021 consid. 4.3; 1C_480/2019 du 16 juillet 2020 consid. 2.2; cf. Message du Conseil fédéral du 28 février 2001 concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001 ch. 4.1.4.7 p. 4147; cf. GRÉGORY BOVEY, in Commentaire de la LTF, 3e éd. 2022, n. 22 ad art. 111 LTF). L'autorité fédérale qui dispose de la qualité pour recourir est en principe fondée à requérir une reformatio in peius de la décision de première instance (cf. ATF 136 II 359 consid. 1.2; arrêt 1C_76/2019 du 28 février 2020 consid. 1).  
 
3.3. Cela étant, compte tenu des considérants de l'arrêt attaqué, excluant le droit à une indemnité LAVI, il convient de se demander si l'OFJ bénéficie d'un intérêt à recourir.  
 
3.3.1. Le droit de recours des autorités fédérales selon l'art. 89 al. 2 let. a LTF est de nature abstraite et autonome. Il sert à assurer une application correcte et uniforme du droit fédéral (cf. ATF 142 II 324 consid. 1.3.1; 136 II 359 consid. 1.2; 135 II 338 consid. 1.2.1). Il ne présuppose pas l'existence d'un intérêt (public) supplémentaire. Le recours des autorités fédérales ne doit pas avoir pour but de traiter une question juridique abstraite; il doit porter sur des problématiques concrètes rattachées à un cas particulier (cf. ATF 135 II 338 consid. 1.2.1; 134 II 201 consid. 1.1; arrêt 2C_1040/2018 du 18 mars 2021 consid. 2.2.2 non publié in ATF 147 II 227). Le recours d'une autorité fondé sur le droit de recours spécial conféré par l'art. 89 al. 2 LTF doit néanmoins présenter une certaine actualité et - à tout le moins potentiellement - une certaine pertinence ( Aktualität und Relevanz; ATF 135 II 338 consid. 1.2.1; arrêts 2C_1040/2018 du 18 mars 2021 consid. 2.2.2 non publié in ATF 147 II 227; 2C_49/2009 du 27 avril 2009 consid. 1). En définitive, l'exercice du droit de recours spécial des autorités fédérales suppose un intérêt actuel et pratique comparable à celui exigé à l'art. 89 al. 1 LTF (arrêts 2C_323/2020 du 18 juin 2020 consid. 1.2.1; 2C_1067/2014 du 18 mars 2016 consid. 2.2.2; 2C_341/2014 du 2 décembre 2015 consid. 1.3; 2C_510/2007 du 15 avril 2008 consid. 1; 2C_445/2007 du 30 octobre 2007 consid. 1.2; FLORENCE AUBRY GIRARDIN, in Commentaire de la LTF, 3e éd. 2022, n. 78 ad art. 89).  
 
3.3.2. En vertu de l'art. 42 al. 2 LTF, il appartient à la partie recourante d'alléguer les faits et éléments qu'elle considère comme propres à fonder la recevabilité de son recours, lorsque ceux-ci n'apparaissent pas évidents (cf. ATF 141 IV 1 consid. 1.1; 141 IV 284 consid. 2.3; arrêts 1B_615/2021 du 23 mars 2022 consid. 1.3; 1C_461/2021 du 20 août 2021 consid. 2.2; 2C_1067/2014 du 18 mars 2016 consid. 2.2.2 et 2.2.3).  
 
3.3.3. En l'occurrence, en procédure cantonale, la Cour de justice a considéré que l'existence d'un lien direct entre le vol avec violation de domicile et l'atteinte à la santé psychique de la prétendue victime LAVI, savoir une aggravation de sa maladie d'Alzheimer après le cambriolage de décembre 2017, n'était pas démontrée. La commission du vol avait été réalisée sans acte directement porté à l'encontre de son intégrité physique, psychique ou sexuelle. Les circonstances du cambriolage ne mettaient pas en exergue d'élément particulièrement choquant ou exceptionnel, même s'il apparaissait regrettable que la recourante, âgée et souffrant d'Alzheimer, se soit vue dépossédée de bijoux ayant une valeur sentimentale importante. La souffrance et la dégradation de son quotidien ainsi que de son état de santé trouvaient ainsi leur origine dans l'atteinte à son patrimoine, et non dans l'acte de soustraction. Le lien entre l'infraction et la dégradation de l'état de santé psychique allégué n'était partant qu'indirect, de sorte que la recourante n'avait pas droit à une réparation morale au sens de la LAVI. La somme de 2'000 fr. allouée par ordonnance LAVI du 4 février 2021 ne pouvait toutefois plus lui être refusée: la Cour de justice étant liée par les conclusions des parties (art. 69 al. 1 LPA-GE), elle ne pouvait modifier cette décision au détriment de la recourante. La cour s'est ainsi limitée à rejeter le recours.  
 
3.3.4. L'OFJ demande au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt attaqué en ce sens qu'aucune indemnité LAVI n'est allouée à la recourante sur le plan cantonal. On comprend que cette conclusion est dirigée contre la décision de première instance, comme l'autorise la jurisprudence dans le cas d'un recours d'une autorité fédérale (cf. arrêt 1C_184/2021 du 23 septembre 2021 consid. 2.3). Cela étant, au stade de la recevabilité, l'OFJ se contente de rappeler les principes applicables en matière de recours d'une l'autorité fédérale, sans toutefois exposer les éléments propres à la question de la recevabilité de son recours, alors que cette dernière n'apparaît en l'occurrence pas évidente (cf. ATF 141 IV 1 consid. 1.1; 141 IV 284 consid. 2.3; également arrêts 1B_615/2021 du 23 mars 2022 consid. 1.3; 1C_461/2021 du 20 août 2021 consid. 2.2). En effet, sur le fond, à l'appui de son recours, l'OFJ reprend presque mot pour mot les développements de l'arrêt attaqué ayant conduit la Cour de justice à nier, en application du droit matériel fédéral, singulièrement de l'art. 1 al. 1 LAVI, la qualité de victime LAVI à la recourante sur le plan cantonal. On ne perçoit dès lors pas en quoi l'OFJ considère que l'arrêt attaqué serait susceptible de violer le droit fédéral (cf. art. 89 al. 2 let. a LTF) ni, par voie de conséquence, que son pourvoi poursuivrait l'intérêt à l'application correcte et uniforme du droit fédéral, que sous-entend l'exercice du droit de recours spécial dont jouissent les autorités fédérales (cf. ATF 142 II 324 consid. 1.3.1; 136 II 359 consid. 1.2; 135 II 338 consid. 1.2.1). Il n'existe du reste pas d'indice - et l'office recourant ne le prétend au demeurant pas - que l'Instance cantonale LAVI ne se conformera pas à l'avenir à l'interprétation du droit fédéral retenue par la Cour de justice. L'OFJ ne soutient au surplus pas non plus que la Cour de justice aurait arbitrairement appliqué le droit cantonal de procédure administrative en excluant la possibilité d'une reformatio in peius ni que cette impossibilité procédurale de droit cantonal contreviendrait au droit fédéral (cf. pour le devoir de motivation de la partie recourante: GRÉGORY BOVEY, in Commentaire de la LTF, 3e éd. 2022, n. 31 ad art. 106 LTF). Enfin, l'OFJ ne soutient pas que le paiement de l'indemnité, respectivement l'impossibilité d'en obtenir le remboursement - son paiement avant le dépôt du recours n'étant pas contesté par l'OFJ - empêcherait une application uniforme du droit fédéral ni ne se prévaut à cet égard d'un éventuel intérêt financier. Au demeurant et même si l'aide aux victimes est une tâche commune de la Confédération et des cantons (cf. art. 124 Cst.), l'indemnisation incombe au premier chef au canton (cf. intitulé du Chapitre 3 de la LAVI, art. 19 ss; art. 31 à 33 LAVI; art. 20 de la loi cantonale d'application de la LAVI du 11 février 2011 [LaLAVI; RS/GE J 4 10]; Message du Conseil fédéral du 9 novembre 2005 concernant la révision totale de la LAVI, FF 2005 ch. 2.2.4 p. 6734 et ch. 3.2 s. p. 6757 ss; Projet de révision totale de la LAVI, rapport explicatif du 25 juin 2002, p. 53 ss).  
 
3.3.5. Ainsi et en définitive, que la jurisprudence accorde à l'office fédéral recourant le droit de conclure à la reformatio in peius de la décision cantonale de première instance ne change rien à l'exigence d'un intérêt actuel et pratique, spécialement quant à l'application correcte et uniforme du droit fédéral, lequel fait ici défaut.  
 
4.  
Cela conduit à l'irrecevabilité du recours. En application de l'art. 66 al. 4 LTF, le présent arrêt est rendu sans frais. La Confédération (DFJP) versera des dépens à l'hoirie intimée, assistée d'un mandataire professionnel (art. 68 al. 1 et 4 LTF et art. 66 al. 5 LTF par analogie). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Une indemnité de dépens, fixée à 2'500 fr., est allouée aux membres de l'hoirie intimée, à la charge de la Confédération (DFJP). 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à l'Instance d'indemnisation LAVI de la République et canton de Genève et à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève, 1ère section. 
 
 
Lausanne, le 18 août 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Alvarez