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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_707/2022  
 
 
Arrêt du 25 janvier 2024  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux 
Parrino, Président, Stadelmann et Moser-Szeless. 
Greffier : M. Bürgisser. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourant, 
 
contre  
 
Service de la taxe d'exemption de l'obligation de servir, rue du Stand 26, 1204 Genève, 
intimé. 
 
Objet 
Taxe d'exemption de l'obligation de servir, période fiscale 2019, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 1er novembre 2022 (ATA/1094/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ est né en 1984. Il a été naturalisé suisse le 30 mai 2017, à l'âge de 33 ans. 
Par décisions du 23 octobre 2020, confirmées sur réclamation le 25 novembre 2020, le Service genevois de la taxe d'exemption de servir (ci-après: STEO) a assujetti A.________ à la taxe d'exemption militaire (ci-après: TEO) pour les années 2018 et 2019. 
 
B.  
Statuant par arrêt du 1er novembre 2022, la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative (ci-après: la Cour de justice), a donné acte au STEO de l'annulation des décisions relatives à la TEO de l'année 2018 et a rejeté pour le surplus, en tant qu'il est recevable, le recours de A.________ contre la décision sur réclamation du 25 novembre 2020. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal du 1er novembre 2022 et des "décisions de taxation 2018 et 2019"; il demande aussi à ce qu'il soit constaté qu'il n'est pas assujetti à la taxe d'exemption de servir pour les années 2018 et 2019, ni "pour les années suivantes". 
L'Administration fiscale cantonale du canton de Genève (ci-après: l'Administration fiscale) conclut au rejet du recours et l'Administration fédérale des contributions (ci-après: l'AFC) renvoie à sa prise de position devant l'instance précédente. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF), rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF; cf. art. 22 al. 3 et 31 al. 3 de la loi fédérale du 12 juin 1959 sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir [LTEO; RS 661]; voir aussi art. 2 de la loi genevoise du 14 janvier 1961 d'application des dispositions fédérales sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir [LaTE; rs/GE G 1 05]), dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) ne tombant pas sous le coup de l'une des exceptions prévues à l'art. 83 LTF, étant précisé que l'art. 83 let. i LTF ne s'applique pas aux décisions en matière de taxe d'exemption de l'obligation de servir (arrêts 2C_339/2021 du 4 mai 2022 consid. 1.1; 2C_1005/2021 du 26 avril 2022 consid. 1). La voie du recours en matière de droit public est ainsi ouverte.  
 
1.2. Les conclusions du recourant relatives à l'année 2018 et aux années suivant la période 2019 sont irrecevables, car elles sortent de l'objet du litige en instance fédérale. La juridiction cantonale a retenu que les années 2020 et 2021 ne faisaient pas partie de l'objet du litige, faute de décision correspondante, tandis qu'elle a donné acte aux parties de l'annulation des décisions concernant la TEO pour 2018. Nonobstant les conclusions y relatives, le recourant ne remet pas en cause ces aspects du litige, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur celles-ci (cf. art. 42 al. 2 LTF). En outre, les conclusions relatives à l'annulation des décisions de taxation des années 2018 et 2019 sont également irrecevables, compte tenu de l'effet dévolutif du recours devant la Cour de justice (art. 67 et 69 de la loi genevoise du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative [LPA/GE; rs/GE E 5 10]; cf. ATF 136 II 539 consid. 1.2).  
En outre et quand bien même le recourant demande l'annulation de l'arrêt cantonal, cette conclusion est recevable même si le recours en matière de droit public se caractérise comme un recours en réforme (art. 107 al. 2 LTF). On comprend en effet à la lecture de son mémoire qu'il demande à ce que l'arrêt du 1er novembre 2022 soit modifié, en ce sens qu'il n'est pas assujetti à la taxe d'exemption de servir pour l'année 2019 (sur l'interprétation des conclusions à la lumière de la motivation du recours, cf. ATF 133 II 409 consid. 1.4.1; arrêt 9C_684/2022 du 8 mars 2023 consid. 1.4 et les références). Dans cette mesure, il y a lieu d'entrer en matière, les autres conditions de recevabilité étant remplies. 
 
2.  
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), sous réserve des exigences de motivation figurant aux art. 42 et 106 al. 2 LTF relatives aux griefs portant sur la violation des droits fondamentaux (cf. ATF 145 I 121 consid. 2.1). Il y procède en se fondant sur les faits constatés par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces faits n'aient été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF), ce que la partie recourante doit exposer, de manière circonstanciée. 
 
3.  
Le présent litige porte sur la confirmation, par la Cour de justice, de l'assujettissement du recourant à la taxe d'exemption de l'obligation de servir pour l'année 2019. 
 
3.1. Cette taxe trouve son fondement à l'art. 59 Cst. Selon cette disposition, tout homme de nationalité suisse est astreint au service militaire ou au service civil de remplacement (art. 59 al. 1 Cst.; cf. aussi art. 2 al. 1 de la loi fédérale du 3 février 1995 sur l'armée et l'administration militaire [LAAM; RS 510.10]). Celui qui n'accomplit pas son service militaire ou son service de remplacement s'acquitte d'une taxe (art. 59 al. 3 Cst.), laquelle est régie par le droit fédéral, en particulier par LTEO et par l'ordonnance du 30 août 1995 sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir (OTEO; RS 661.1). De jurisprudence constante, cette taxe, qui constitue une contribution de remplacement, a pour but de garantir une égalité de traitement entre les personnes soumises à l'obligation de servir qui effectuent le service militaire ou le service civil et celles qui en sont exonérées (arrêt 9C_648/2022 du 9 janvier 2024 consid. 3.1 et la référence, destiné à la publication).  
 
3.2. Selon l'art. 1 LTEO, les citoyens suisses qui n'accomplissent pas ou n'accomplissent qu'en partie leur obligation de servir sous forme de service personnel (service militaire ou service civil) doivent fournir une compensation pécuniaire. Cette taxe est fixée chaque année (cf. art. 25 al. 1 LTEO).  
Aux termes de l'art. 2 al. 1 let. a LTEO, sont assujettis à la taxe les hommes astreints au service qui sont domiciliés en Suisse ou à l'étranger et qui, au cours d'une année civile (année d'assujettissement), ne sont, pendant plus de six mois, ni incorporés dans une formation de l'armée ni astreints au service civil. 
 
3.3. L'art. 3 aLTEO (en vigueur jusqu'au 31 décembre 2018; RO 2010 6032) prévoyait ce qui suit:  
 
" Art. 3 - Durée de l'assujettissement à la taxe  
1 L'assujettissement à la taxe commence au début de l'année au cours de laquelle la personne astreinte atteint l'âge de 20 ans. 
2 Il se termine: 
a. pour les personnes qui ne sont pas incorporées dans une formation de l'armée et qui ne sont pas astreintes au service civil, à la fin de l'année au cours de laquelle elles atteignent l'âge de 30 ans; 
-..]" 
 
La teneur de l'art. 3 LTEO entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2019 (modification du 16 mars 2018; RO 2018 3269) est la suivante: 
 
" Art. 3 - Début et durée de l'assujettissement à la taxe  
1 L'assujettissement à la taxe commence au plus tôt au début de l'année au cours de laquelle l'homme astreint atteint l'âge de 19 ans. Il se termine au plus tard à la fin de l'année au cours de laquelle il atteint l'âge de 37 ans. 
2 Pour les assujettis visés à l'art. 2 al. 1 let. a, qui n'effectuent pas de service de protection civile, l'assujettissement à la taxe commence l'année qui suit le recrutement. Il dure onze ans. 
-..]" 
 
4.  
 
4.1. La Cour de justice a constaté que le recourant avait été naturalisé en 2017, à l'âge de 33 ans. Elle a ensuite considéré que, selon le droit alors en vigueur, le recourant n'était plus astreint à l'obligation de servir. Cependant, pour l'année 2019, il restait tenu à des obligations militaires en vertu de la LAAM, et ce quand bien même il avait dépassé l'âge d'effectuer le recrutement; dans ce cadre, le recourant n'avait pas demandé à pouvoir accomplir un recrutement ultérieur au sens de l'art. 9 al. 3 LAAM, de sorte qu'il n'avait effectué aucune forme de prestation personnelle en 2019. En conséquence, il restait tenu au paiement de la TEO pour cette année.  
 
4.2. Le recourant fait grief à la juridiction cantonale d'avoir retenu qu'il n'avait pas sollicité l'accomplissement d'un service miliaire ou civil avant d'être assujetti à la TEO, alors même qu'il n'était pas concerné par le service militaire ou civil "avant la sommation de la STEO". Il fait également valoir une inégalité de traitement fondée sur les art. 8 Cst., 8 CEDH et 14 CEDH, car la TEO "n'impacte pas de la même manière une personne qui est appelée à participer au recrutement à l'âge de 18 ans et une personne qui l'est à l'âge de 33 ans". Enfin, il existerait une rétroactivité prohibée de la loi, car la TEO ne pouvait pas "renaître" en l'absence d'une base légale qui le permettrait.  
 
5.  
 
5.1. Dans un arrêt récent 9C_648/2022 du 9 janvier 2024 destiné à la publication, le Tribunal fédéral a eu l'occasion de traiter de griefs similaires à ceux présentés par le recourant. Il a d'abord retenu qu'en matière de prélèvement de la LTEO, la taxe d'exemption de servir ne présente pas les caractéristiques d'un état de fait durable (arrêt 2C_1005/2021 du 26 avril 2022 consid. 5.2). Il a ensuite considéré que le fait de soumettre un citoyen naturalisé suisse en 2017 à l'obligation de payer la TEO en 2019, en vertu de la nouvelle loi, ne constituait pas une application rétroactive de celle-ci. En effet, l'assujetti en question avait été soumis à la TEO pour l'année d'assujettissement 2019, sur la base des éléments de fait survenus cette année-là et en application de la législation entrée en vigueur au 1er janvier 2019 (arrêt 9C_648/2022 consid. 7.2, destiné à la publication).  
Il en va en l'occurrence de même pour le recourant. En effet, l'application de la nouvelle LTEO dès l'année 2019 et l'assujettissement du recourant à la TEO qui en découle pour cette année-là ne constituent pas une application rétroactive de la loi. A l'instar de ce qui a été jugé dans l'affaire 9C_648/2022, les éléments de base déterminants servant de fondement à la TEO pour l'année 2019 se sont produits ou existaient cette année-là, soit sous l'empire de la nouvelle loi: le recourant, alors âgé de 35 ans, n'était ni incorporé dans une formation de l'armée, ni soumis à l'obligation de servir dans le civil, ni n'accomplissait du service militaire ou civil (cf. art. 2 al. 1 let. a et 3 LTEO). Le grief relatif à l'interdiction de la rétroactivité des lois est mal fondé. 
 
5.2. En ce qui concerne l'argumentation du recourant sur l'obligation de servir qu'il ne pouvait exécuter et la violation des art. 8 Cst. et 14 CEDH en relation avec l'art. 8 CEDH, le Tribunal fédéral s'est également déjà prononcé sur ces aspects dans le même arrêt 9C_648/2022 cité. Il a retenu qu'un assujetti à la TEO ne pouvait pas se prévaloir d'une discrimination fondée sur les art. 8 Cst., ainsi que sur les art. 8 CEDH et 14 CEDH et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (ci-après: CourEDH) rendue dans l'arrêt Glor contre Suisse du 30 avril 2009(Requête n° 13444/04), en l'absence de démarches concrètes visant à effectuer un "recrutement ultérieur" au sens de l'art. 9 al. 3 LAAM (et concrétisé par l'art. 12 al. 2 de l'ordonnance du 22 novembre 2017 sur les obligations militaires [OMi; RS 512.21]; cf. arrêt 9C_648/2022 précité consid. 7.2 et 8 et les références, destiné à la publication).  
En l'espèce, selon les constatations cantonales, le recourant n'a pas demandé (pour l'année d'assujettissement 2019) à pouvoir effectuer un "recrutement ultérieur" au sens de l'art. 9 al. 3 LAAM, ce qui lui aurait permis, le cas échéant, d'accomplir un service militaire ou un service civil. Partant, il n'a pas effectué, du point de vue individuel, toutes les démarches visant à profiter de la possibilité d'effectuer un tel recrutement ultérieur. C'est en vain qu'il affirme n'avoir pas été "concerné" par le service militaire ou civil avant "la sommation de la STEO". Partant, il ne peut pas se plaindre avec succès d'une discrimination fondée sur les art. 8 Cst., 8 et 14 CEDH ou encore sur l'arrêt de la CourEDH Glor précité.  
 
6.  
Il suit de ce qui précède que le recours doit être entièrement rejeté. 
 
7.  
Les frais judiciaires sont mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 2ème section, et à l'Administration fédérale des contributions. 
 
 
Lucerne, le 25 janvier 2024 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Bürgisser