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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_329/2023  
 
 
Arrêt du 26 février 2024  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jametti, Présidente, Hohl et May Canellas. 
Greffier : M. Douzals. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Cédric Lenoir, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________ SA, 
représentée par Me François Bellanger, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
transfert de contrat, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 16 mai 2023 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (C/1753/2019; ACJC/647/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 13 juin 2016, A.________, en sa qualité d'acheteuse (ci-après: la demanderesse), et C.________ SA, en sa qualité de propriétaire venderesse, ont conclu un acte de vente par-devant notaire portant sur le feuillet n o xxx de la commune de U.________, pour un prix de 211'570 fr., auquel s'ajoutaient des frais de mise en valeur d'un montant de 150'735 fr.  
 
A.b. En parallèle, la demanderesse a signé le même jour avec B.________ SA (ci-après: la défenderesse) un contrat d'entreprise totale portant sur la construction du lot (...), soit un appartement d'environ 89,2 m 2, une place de parking en sous-sol et une cave pour un prix forfaitaire de 587'695 fr.  
L'article 4.1 de ce contrat prévoyait la mise à disposition du lot de propriété dans les meilleurs délais, soit au plus tard vingt mois après le début des travaux constaté par le document d'ouverture de chantier. 
Selon l'article 3.3, la défenderesse était responsable du respect des délais convenus pour autant qu'aucune " circonstance extraordinaire " de sa responsabilité ne vienne perturber le bon déroulement des travaux. Une liste exemplative en était dressée. Si de semblables circonstances devaient survenir, il était prévu que la demanderesse en serait informée par courrier. 
 
A.c. Le chantier a débuté le 16 février 2016, de sorte que la livraison de l'ouvrage devait intervenir au plus tard le 16 octobre 2017.  
 
A.d. Par lettre du 30 janvier 2017 adressée à la demanderesse et à son époux chez leur notaire, avec mention manuscrite que cette lettre était envoyée par fax à ladite notaire le 31 janvier 2017, la défenderesse a fait état d'intempéries en début d'année qui avaient empêché les ouvriers de travailler. Un retard de dix jours ouvrables était annoncé et la réception des travaux était repoussée à fin novembre 2017.  
 
A.e. Le 3 novembre 2017, la demanderesse a reçu un courriel du directeur technique de la défenderesse qui se référait à un courriel du 30 janvier 2017 et expliquait qu'en raison d'une défaillance de l'une des entreprises en charge des travaux, qu'il s'efforçait de remplacer, la date de la livraison était reportée, sans qu'il ne soit encore possible de la fixer. Il proposait une rencontre sur place le 9 novembre suivant pour discuter plus en détail de la situation.  
La demanderesse lui a répondu, par courriel du même jour, ne jamais avoir été informée précédemment du retard en question; elle avait besoin de se loger dans l'appartement qui aurait dû être terminé et entendait séjourner à l'hôtel, aux frais de la défenderesse, jusqu'à sa livraison. 
 
A.f. A l'issue de leur entrevue du 22 novembre 2017, les parties ont signé un document manuscrit par lequel la défenderesse s'engageait à rembourser à la demanderesse plusieurs sommes au titre de coût de la cuisine, plus-value comprise, auxquelles s'ajoutait une " indemnité de retard " de 14'545 fr. correspondant aux frais de logement de la demanderesse jusqu'au 23 février 2018. La livraison de l'appartement était dorénavant prévue entre le 19 et le 23 février 2018.  
 
A.g. Le 8 décembre 2017, la défenderesse a conditionné le paiement de cette indemnité à la conclusion d'un " protocole d'accord " prévoyant que la demanderesse renonce à " intenter par devant [sic] toute juridiction, commission, organisme ou autre, tous recours, instances ou actions, contre la société [défenderesse] ou l'une des structures du groupe, ou encore contre l'un de ses dirigeants ou mandataires sociaux, qui trouverait sa cause dans toutes problématiques liées aux retards du chantier ". La demanderesse a refusé de signer ce document.  
 
A.h. Par courriel du 15 février 2018, la demanderesse a interpellé la défenderesse en ces termes: " I have a new buyer for my appartment and wanted to ask if the buyer can change the parkets and bathroom? He is not in a hurry to got [sic] the keys. "  
 
A.i. Par courrier du 28 février 2018, la défenderesse lui a communiqué la liste des travaux à achever consécutivement à l'arrêt de ceux-ci, à la demande de la demanderesse, pour permettre aux nouveaux acquéreurs d'opérer des changements.  
 
A.j. Le 15 mars 2018, la défenderesse et les nouveaux acquéreurs ont conclu un protocole d'accord à teneur duquel, moyennant la signature de l'acte de vente, les droits et obligations de la demanderesse passaient aux nouveaux acquéreurs. L'article 1 spécifiait: " [La demanderesse] vend son bien non encore achevé [aux nouveaux acquéreurs] qui deviennent dès signature de l'acte de vente [...] le nouveau maître d'ouvrage ce qui est accepté par [la défenderesse]. [La demanderesse] ne peut plus prétendre [sic] aucun droit sur ce contrat d'entreprise à l'encontre de la société [défenderesse] " (complètement selon l'art. 105 al. 2 LTF). Les nouveaux acquéreurs prenaient acte des travaux encore à accomplir (listés à l'article 2) représentant un total de 58'769 fr. 50 sans plus-value, tandis que la défenderesse s'engageait à terminer les travaux et livrer l'appartement dans les six semaines suivant la réception des matériaux de finition sur le chantier, mais au plus tard le 31 mai 2018. L'article 3 de ce protocole confirmait le règlement par la demanderesse de la totalité du prix de 587'695 fr.  
 
A.k. Par courriel du 26 mars 2018, les nouveaux acquéreurs ont fait savoir à la défenderesse, avec copie au conseil de la demanderesse, qu'ils savaient qu'un litige opposait la demanderesse à la défenderesse concernant d'éventuelles compensations liées au retard de livraison de l'appartement. Bien que le protocole signé en leur faveur mentionnât que le prix de vente avait été payé en intégralité par la demanderesse et qu'ils reprenaient la relation pour les travaux restants, ils souhaitaient que la défenderesse les assure qu'en aucune manière le litige en cause ne pouvait avoir une quelconque incidence sur eux. En d'autres termes, si ce litige devait se prolonger, en aucune manière la défenderesse ne leur demanderait des compensations ou un versement supplémentaire. Cette assurance devait impérativement être donnée avant la vente prévue le 3 avril 2018.  
 
A.l. Par courriel du 28 mars 2018 aux nouveaux acquéreurs, avec copie au mandataire de la demanderesse, la défenderesse leur a répondu que le différend qui l'avait opposée à la demanderesse portait sur le délai de livraison de son logement. Cette livraison n'était plus un sujet puisque la demanderesse avait revendu ce logement. Il n'y avait donc aucune raison pour qu'un litige subsistât avec elle. Quand bien même un différend existerait encore pour des raisons inconnues, il opposerait toujours la demanderesse à la défenderesse et ne saurait impliquer les nouveaux acquéreurs.  
 
A.m. Par acte de vente à terme du 5 avril 2018, la demanderesse a cédé aux nouveaux acquéreurs sa part de copropriété immatriculée au feuillet n o xxx de la commune de U.________ pour un prix de 1'060'000 fr. payable d'ici au 11 avril 2018. Une clause de l'acte intitulée " Travaux " mentionnait expressément la signature, le 15 mars 2018, par la défenderesse et les nouveaux acquéreurs, d'un protocole relatif aux travaux à terminer, aux termes duquel ces derniers reprenaient les droits découlant du contrat d'entreprise, devenant ainsi les nouveaux maîtres de l'ouvrage, la demanderesse étant libérée de toute responsabilité par la défenderesse. La clause " Exclusion de garanties " prévoyait que la vente avait lieu sans garantie pour l'état des lieux, vices de construction apparents ou cachés, vétusté ou autres défauts quelconques. Les nouveaux acquéreurs déclaraient savoir qu'ils seraient ainsi privés, envers la demanderesse, des garanties légales du Code des obligations, soit des actions en résolution du contrat, en réduction du prix ou en dommages-intérêts. La demanderesse attestait qu'il n'existait aucun litige ou procès en cours en lien avec l'immeuble, ni convention limitant d'une quelconque manière la valeur de ce dernier, autre que celles qui apparaissaient au registre foncier, sous réserve du litige l'opposant à la défenderesse que les nouveaux acquéreurs déclaraient connaître.  
 
B.  
 
B.a. Face à l'échec de la procédure de conciliation initiale, la demanderesse a saisi le Tribunal de première instance de Genève d'une demande, concluant en dernier lieu à la condamnation de la défenderesse, conjointement et solidairement avec C.________ SA, au paiement de 133'084 fr. 60 avec intérêts à 5 % dès le 15 octobre 2017. Cette somme correspondait à une perte locative de 18'000 fr. (6 x 3'000 fr. [de mi-octobre 2017 à mi-avril 2018]), des frais de relogement en urgence (7'592 fr. 30), des honoraires d'avocat (13'500 fr. et 12'925 fr.), une indemnité partielle selon reconnaissance de dette (14'545 fr.), une perte de gain sur la revente qui serait intervenue de manière contrainte à un prix inférieur à celui du marché et dont le montant définitif devait être calculé par expertise, et finalement le remboursement de l'abattement " Casatax " (réduction fiscale des droits d'enregistrement en vigueur à Genève, conditionnée par l'affectation par l'acheteur du logement acquis en résidence principale) de 10'869 fr. 30.  
Par jugement du 24 mai 2022, le Tribunal de première instance a condamné la défenderesse à payer à la demanderesse 14'545 fr. à titre d'indemnité de retard, 70'000 fr. de décote de l'appartement liée aux travaux non encore effectués au moment de la revente (58'769 fr. 50 de travaux restant encore à effectuer et 9'099 fr. de potentiel manque à gagner sur la durée des travaux restant à exécuter en février 2018 [3 mois]) et 13'500 fr. d'honoraires d'avocat avant procès, le tout avec intérêts. Les prétentions élevées à l'encontre de C.________ SA ont été intégralement rejetées. 
 
B.b. Saisie d'un appel de la défenderesse et d'un appel joint de la demanderesse, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a, par arrêt du 16 mai 2023, annulé ce jugement et débouté la demanderesse de toutes ses conclusions. Ses motifs seront évoqués dans les considérants en droit du présent arrêt, dans la mesure utile à la discussion des griefs.  
 
C.  
La demanderesse forme un recours en matière civile en concluant principalement au paiement par la défenderesse de 113'059 fr. 40 (dont 14'545 fr. à titre d'indemnité de retard conventionnelle, 70'000 fr. pour la mise en vente contrainte de son appartement dans un état inachevé, 13'500 fr. pour ses frais d'avocat avant procès, 4'145 fr. 10 à titre de perte locative pour la période du 24 février 2018 au 5 avril 2018 et 10'869 fr. 30 à titre de remboursement " Casatax "), avec intérêts.  
Dans sa réponse, la défenderesse conclut principalement au rejet du recours. La cour cantonale s'est, dans la sienne, référée aux considérants de son arrêt. 
La demanderesse a répliqué de manière spontanée, suscitant le dépôt d'une duplique de son adverse partie. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) par la demanderesse qui a succombé dans ses conclusions en paiement (art. 76 al. 1 LTF), dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par un tribunal supérieur statuant sur appel (art. 75 LTF) dans une affaire relative au contrat d'entreprise dont la valeur litigieuse excède 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est en principe recevable. 
 
2.  
 
2.1. Le recours en matière civile peut être exercé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1; 136 II 304 consid. 2.4). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Cela ne signifie pas qu'il examine, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser. Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne traite que les questions qui sont soulevées devant lui par les parties, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 115 consid. 2, 86 consid. 2). Dès lors qu'une question est discutée, il n'est pas lié par l'argumentation juridique développée par les parties ou par l'autorité précédente; il peut admettre le recours, comme il peut le rejeter, en procédant à une substitution de motifs (ATF 140 III 86 consid. 2).  
Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, le Tribunal fédéral n'examine la violation d'un droit constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 144 II 313 consid. 5.1; 142 II 369 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4; 139 I 229 consid. 2.2). 
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1; 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
Le Tribunal fédéral se montre réservé en matière de constatations de fait et d'appréciation des preuves, vu le large pouvoir qu'il reconnaît en ce domaine aux autorités cantonales. Il n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3; 137 III 226 consid. 4.2). 
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3). 
 
2.3. La recourante dénonce le caractère prétendument arbitraire de toute une série de faits, sans qu'ils soient pertinents et parfois même sans qu'il s'agisse de faits (par exemple de longs passages tirés des interrogatoires des parties ou des déclarations de témoins). Elle entend également voir l'état de fait complété par des éléments qui ne sont pas non plus cruciaux (comme le fait que le contrat d'entreprise réservait la forme écrite pour toute modification). Partant, le Tribunal fédéral s'en tiendra aux faits figurant dans l'arrêt attaqué.  
 
3.  
La recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue, ce qu'il s'agit d'examiner in limine litis.  
La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) le devoir pour le juge de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Pour répondre à ces exigences, le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 142 II 154 consid. 4.2; 138 I 232 consid. 5.1 et les arrêts cités; 133 III 439 consid. 3.3 et les arrêts cités). 
En l'occurrence, la recourante se borne à reprocher à la cour cantonale de n'avoir point expliqué pourquoi elle retenait certains faits et en écartait d'autres, objets de son appel joint. Las, car la cour cantonale n'avait pas à être plus explicite, d'autant que les déclarations des parties et des témoins que la recourante voudrait voir retranscrites dans l'arrêt cantonal n'ont pas à y figurer en toutes lettres, s'agissant d'éléments de preuve et non de faits, et que seuls les faits qui sont pertinents doivent y trouver place. 
Ce premier grief doit être écarté. 
 
4.  
Les parties ont été liées par un contrat d'entreprise sur lequel la recourante fonde ses prétentions. Deux problématiques se posent, la première étant de savoir si ce contrat a été transféré aux nouveaux acquéreurs et la seconde de déterminer, le cas échéant, si ce transfert était limité ou illimité; dans ce second cas, en effet, la demanderesse ne dispose pas de la légitimation active. 
 
4.1. La cour cantonale a retenu que les parties ne contestaient plus que le contrat d'entreprise avait été transféré aux nouveaux acquéreurs; elle s'est dès lors dispensée de réexaminer cet aspect.  
La recourante dénonce l'arbitraire de cette constatation, motif pris de la forme écrite réservée dans le contrat d'entreprise pour toute éventuelle modification. Cela étant, le point n'est pas là. L'autorité de dernière instance cantonale pouvait se limiter à examiner les griefs régulièrement soulevés (ATF 144 III 394 consid. 4.1.4; 142 III 413 consid. 2.2.4). Il s'agit donc de savoir si la recourante a soulevé un grief à l'égard des considérations du premier juge à cet égard, respectivement si elle a admis que le contrat d'entreprise avait été transféré aux nouveaux acquéreurs. Et rien n'indique que la cour cantonale aurait opéré à cet égard des déductions insoutenables. 
Les faits ne sont dès lors pas entachés d'arbitraire sur ce point. 
 
4.2. Il reste à savoir si le transfert du contrat d'entreprise est intervenu ex tunc ou ex nunc; en d'autres termes, si la recourante peut encore faire valoir des prétentions fondées sur ce contrat, lors même qu'il a été transféré aux nouveaux acquéreurs.  
Pour le déterminer, la cour cantonale a interprété les manifestations de volonté des parties. Elle a constaté, dans une première étape, qu'il existait un désaccord dont les parties n'étaient pas conscientes quant à la date à laquelle les effets du transfert du contrat d'entreprise interviendraient: la demanderesse souhaitait que ce contrat ne déploie un effet que dans le futur, puisqu'elle voulait garder les droits et obligations nés avant le transfert, alors que, de son côté, la défenderesse entendait que l'intégralité des droits, y compris ceux nés avant le transfert, soit transférée aux nouveaux acquéreurs. Chacune des parties pensait que l'autre avait compris sa volonté interne qui divergeait de celle de l'autre partie; mais tel n'était pas le cas. L'interprétation subjective aboutissait ainsi à une impasse. 
Il fallait dès lors déceler le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune des parties pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de l'autre (interprétation objective). En cas de doute, les intérêts présumés des nouveaux acquéreurs étaient déterminants. Or, ceux-ci avaient intérêt à convenir d'un transfert illimité, d'autant que - s'agissant d'un contrat mettant à charge de la défenderesse une prestation unique et isolée dans le temps (la livraison de l'ouvrage) - ils ne pouvaient que souhaiter acquérir les droits corrélatifs, par exemple pour procéder à un avis des défauts sur la partie déjà construite de l'immeuble au moment du transfert compte tenu de l'exclusion de garanties prévue dans le contrat de vente. Aucun élément du protocole d'accord du 15 mars 2018 ne permettait d'ailleurs de déduire que le transfert du contrat d'entreprise aurait eu un effet limité. 
Partant, toutes les prétentions découlant du contrat d'entreprise du 13 juin 2016 étaient passées aux nouveaux acquéreurs lors de la vente du 5 avril 2018, y compris celles nées avant cette date, cette vente constituant la condition du transfert du contrat d'entreprise selon l'accord conclu entre la défenderesse et les nouveaux acquéreurs. La demanderesse était dépourvue de la légitimation active et elle devait être déboutée de l'intégralité de ses conclusions. 
La recourante attaque chacune des branches de ce raisonnement, la première pour arbitraire dans l'appréciation des preuves et la seconde pour violation de l'art. 18 CO, si l'on interprète bien son mémoire. 
 
5.  
 
5.1. Le transfert de contrat (ou cession ou reprise de contrat; " Vertragsübernahme ") entraîne le transfert de l'intégralité du rapport contractuel avec tous les droits et obligations y relatifs d'une partie contractante à un tiers qui se substitue à celle-ci. Ce transfert de contrat n'est pas réglé expressément dans le Code des obligations. Il s'agit d'un contrat sui generis, qui ne répond pas à la simple combinaison d'une cession de créance (art. 164 ss CO) et d'une reprise de dette (art. 175 ss CO). En vertu du principe de la liberté des formes des contrats de l'art. 11 al. 1 CO, le transfert de contrat n'est soumis à aucune forme particulière. Il ne peut être convenu sans le consentement du débiteur: il suppose l'accord de tous les intéressés (ATF 47 II 416 consid. 2; arrêt 4A_30/2017 du 4 juillet 2017 consid. 4.1 et les arrêts cités). En d'autres termes, l'entrée d'un tiers dans un rapport de droit bilatéral, à la place d'un des cocontractants, ne peut intervenir qu'à la condition qu'il y ait deux accords: l'un entre la partie sortante et la partie reprenante et l'autre entre celle-ci et la partie restante (arrêts 4A_30/2017 précité consid. 4.1 et les arrêts cités; 4A_508/2016 du 16 juin 2017 consid. 6.1, non publié in ATF 143 III 348).  
Il y a transfert illimité lorsque la partie entrante prend la place de la partie sortante également pour la période qui a précédé le transfert; elle assume ainsi toutes les obligations et acquiert tous les droits qui ont pris naissance depuis la conclusion du contrat préexistant. En revanche, il y a transfert limité lorsque la partie entrante ne remplace la partie sortante que pour l'avenir, soit pour la période postérieure au transfert (arrêts 4A_30/2017 précité consid. 4.1 et les arrêts cités; 4A_508/2016 précité consid. 6.1, non publié in ATF 143 III 348). 
Savoir quelle est l'étendue du transfert est affaire d'interprétation des déclarations de volonté des parties (sur l'interprétation de la volonté des parties en général, cf. ATF 147 III 153 consid. 5.1; 144 III 93 consid. 5.2; arrêt 4A_429/2022 du 7 mars 2023 et les arrêts cités). 
 
5.2. Le juge doit rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; 132 III 268 consid. 2.3.2, 132 III 626 consid. 3.1; 131 III 606 consid. 4.1).  
Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3). 
Selon la jurisprudence, en cas de doute sur la volonté des parties s'agissant de la nature illimitée ou limitée du transfert de contrat, il faut se référer à l'intérêt supposé du nouveau cocontractant au transfert. Lorsque le contrat de base est un contrat de durée, tel un contrat de gérance, l'intérêt du nouveau cocontractant est en principe de convenir d'un transfert limité: il a en effet intérêt à restreindre le transfert dans le temps pour éviter de devoir supporter les éventuels risques liés à une situation antérieure (arrêt 4A_30/2017 précité consid. 4.1 et les arrêts cités; critique, cf. JULIA STEFFNER/MARKUS VISCHER, Vertragsübertragung in dRSK, 28 septembre 2017). 
 
6.  
 
6.1. En l'espèce, la maître de l'ouvrage initiale - à savoir la demanderesse - avait conclu un contrat d'entreprise avec la défenderesse prévoyant que le lot serait livré dans un délai de vingt mois, soit d'ici au 16 octobre 2017. La défenderesse n'a pas livré l'appartement à la date convenue. La question de savoir si elle pouvait se prévaloir de motifs justificatifs n'a pas été traitée par la cour cantonale, compte tenu de l'absence de légitimation active de la demanderesse. C'est dire que la défaillance de l'électricien qui compte parmi ces motifs et au sujet de laquelle - d'après la recourante - la cour cantonale aurait versé dans l'arbitraire, n'est pas déterminante si l'on aboutit à cette même conclusion.  
Selon le document manuscrit du 22 novembre 2017, les parties se sont entendues pour le versement à la demanderesse d'une " indemnité de retard " de 14'545 fr. calculée en fonction de ses frais de logement jusqu'au 23 février 2018, date à laquelle la livraison de l'ouvrage était repoussée. Avant la fin de ce nouveau délai, la demanderesse a fait savoir à la défenderesse qu'elle entendait vendre son appartement à des tiers et a demandé si ceux-ci pouvaient choisir les parquets et la salle de bains, tout en indiquant qu'ils n'étaient pas pressés pour en disposer. En pratique, les travaux ont été stoppés pour permettre à ces nouveaux acquéreurs de faire leurs choix. 
Pour finir, les nouveaux acquéreurs ont signé deux contrats. 
L'un, le 15 mars 2018, avec la défenderesse pour reprendre les droits et obligations résultant du contrat d'entreprise, à condition que le second contrat (vente) soit signé avec la demanderesse; l'ouvrage n'était pas achevé (il restait pour 58'769 fr. 50 de travaux à accomplir). La défenderesse s'engageait à terminer les travaux prévus et leur livrer l'appartement dans un délai de six semaines suivant la réception des matériaux. Les nouveaux acquéreurs ne lui versaient rien pour cette prestation. La défenderesse se satisfaisait du prix forfaitaire convenu initialement (587'695 fr.) et d'ores et déjà acquitté par la demanderesse. 
L'autre, le 5 avril 2018, consistant en une vente à terme de la part de copropriété de la demanderesse aux nouveaux acquéreurs pour le prix de 1'060'000 fr., soit 110'000 fr. de plus que le prix qu'elle avait elle-même payé (y compris celui forfaitaire de 587'695 fr. en vertu du contrat d'entreprise). 
 
6.2. Le cadre étant ainsi posé, il s'agit d'examiner le grief d'arbitraire que la recourante élève contre l'interprétation subjective à laquelle la cour cantonale s'est livrée, celle-ci ayant conclu que les volontés subjectives des parties divergeaient.  
De l'avis de la recourante, la défenderesse ne souhaitait pas que tous les droits et obligations résultant du contrat d'entreprise passent aux nouveaux acquéreurs, mais uniquement ceux nés après le transfert. Elle soutient donc que la volonté interne de la défenderesse correspondrait à la sienne. Cela étant, ceci ne saute pas aux yeux. Le protocole d'accord du 15 mars 2018 spécifiait que les nouveaux acquéreurs devenaient, dès la signature de l'acte de vente, le nouveau maître de l'ouvrage, la demanderesse ne pouvant plus prétendre à aucun droit sur le contrat d'entreprise à l'encontre de la défenderesse. Et quoi qu'en dise la recourante, le courriel du 28 mars 2018 peut s'interpréter de deux manières; la cour cantonale a livré les réflexions que cet écrit lui inspirait dans l'arrêt attaqué et celles-ci ne sont pas dépourvues de sens. Quant à l'acte de vente passé entre la demanderesse et les nouveaux acquéreurs, il ne reflète pas la volonté interne de la défenderesse. L'on ne décèle dès lors pas l'arbitraire dont la recourante se prévaut. 
 
6.3. Pour le cas où ce premier grief venait à être écarté, la recourante soutient que l'interprétation objective serait viciée elle aussi: le contrat d'entreprise pourrait s'apparenter à un contrat de durée, ce qui serait précisément le cas ici, de sorte qu'il faudrait retenir que l'intérêt des nouveaux acquéreurs était d'obtenir uniquement les droits et obligations nés après la cession. Ce transfert limité ne les priverait pas de faire valoir les droits à la garantie pour les défauts de l'ouvrage qui ne verraient le jour qu'une fois l'ouvrage livré, soit ici après le transfert du contrat d'entreprise.  
Le Tribunal fédéral ne peut davantage suivre la recourante sur ce chapitre. Le laps de temps nécessaire pour réaliser l'ouvrage en cause ne signifie pas qu'il s'agit d'un contrat de durée (ATF 129 III 604 consid. 2.2; 98 II 299 consid. 4a). Le contrat d'entreprise a pour objet le résultat du travail, et non pas le travail comme tel (ATF 98 II 299 consid. 4a; 59 II 263). L'exécution de la prestation promise intervient au moment de la livraison et ne s'étire donc pas dans le temps. Il faut également voir que, dans un contrat de durée, le nouvel acquéreur a intérêt à restreindre le transfert dans le temps pour éviter de devoir supporter les éventuels risques liés à une situation antérieure. Le contrat d'entreprise ne l'expose pas à de tels risques, en tout cas pas ici où il n'y a pas de livraisons successives. 
Par ailleurs, la défenderesse et les nouveaux acquéreurs ont changé le délai de livraison de l'ouvrage: dans leur protocole d'accord du 15 mars 2018, ils l'ont fixé à six semaines suivant la réception des matériaux de finition sur le chantier, mais au plus tard au 31 mai 2018. Les nouveaux acquéreurs avaient tout intérêt à conserver le droit de réclamer des dommages-intérêts si ce délai n'était pas tenu. Et contrairement à ce que la recourante semble croire, ce droit n'est pas distinct de celui qu'elle prétend toujours détenir, fondé sur le délai de livraison qui avait été déterminé initialement. Il s'agit d'un seul et même ouvrage qui doit être livré à une date donnée qui peut être modifiée d'un commun accord. 
L'interprétation objective mise en oeuvre par la cour cantonale ne prête donc pas le flanc à la critique et la conclusion qui en découle, à savoir que la recourante ne dispose pas de la légitimation active, s'impose de manière implacable. 
 
6.4. La recourante s'offusque de ne point obtenir une somme pourtant arrêtée par convention (l' " indemnité de retard " de 14'545 fr. convenue avec la défenderesse le 22 novembre 2017). Cela étant, elle est intervenue à cet accord comme maître de l'ouvrage et elle a, depuis lors, cédé ses droits et obligations ès qualité aux nouveaux acquéreurs. Quant au gain manqué qu'elle prétend avoir éprouvé en vendant l'appartement qui ne lui avait pas encore été livré, c'est-à-dire dans un état inachevé, elle ne peut en réalité s'en prendre qu'à elle-même. Les deux transactions - vente et transfert du contrat d'entreprise - étaient liées (la vente ultérieure représentant la condition de ce transfert) et le second requérait l'accord de la défenderesse. Or, rien n'obligeait cette dernière à aller dans le sens voulu par la recourante.  
 
7.  
Partant, le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable, aux frais de la recourante (art. 66 al. 1 LTF). Celle-ci supportera également les dépens dus en faveur de son adverse partie (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 26 février 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
Le Greffier : Douzals