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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_60/2022  
 
 
Arrêt du 21 mars 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jametti, Présidente, Kiss et May Canellas, 
greffière Monti. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Jean-Marc Reymond et 
Me Gabrielle Weissbrodt, avocats, 
demanderesse et recourante, 
 
contre  
 
1. B.________, 
2. C.________, 
tous deux représentés par Me John-David Burdet, avocat, 
3. D.________, 
4. E.________, 
défendeurs et intimés. 
 
Objet 
courtage bancaire; droit français, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 10 août 2021 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (n° 382; CO07.012419-201348). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Il existe en France un instrument financier permettant de passer des ordres en bourse "avec service de règlement différé" (OSRD). L'investisseur donne des ordres pendant tout un "mois boursier" et le règlement des opérations ne s'effectue qu'à la fin dudit mois. Un intermédiaire financier se charge d'exécuter immédiatement les ordres, mais leurs effets pour le donneur d'ordre sont différés: celui-ci réglera le prix ou livrera les titres dus à la fin du mois boursier seulement. Il est donc possible d'acheter et vendre la même action au cours du même mois sans bourse délier; si, en définitive, le prix de vente excède le prix d'achat, le client encaissera un gain; dans le cas contraire, il payera la différence.  
En garantie de son engagement, l'investisseur doit fournir une couverture minimale, calculée en pourcentage de ses positions. Lorsque la couverture déposée est constituée par des espèces, le taux minimal requis est de 20%, ce qui permet au client investisseur d'acheter des titres pour cinq fois plus que la garantie déposée. Son effet de levier maximal est de 5. Si la couverture déposée devient inférieure au minimum requis, l'intermédiaire financier doit procéder à la liquidation totale ou partielle des engagements ou positions de son client. 
 
A.b. Le droit français applicable au présent litige, repris et concrétisé par les conditions générales (CG) régissant les relations contractuelles litigieuses (let. A.d infra), prévoit en substance le régime suivant:  
 
- Lorsqu'il reçoit un ordre à règlement différé (OSRD), l'intermédiaire financier (ou "prestataire habilité") vérifie que la couverture en espèces (pour un achat de titres) ou en titres (pour une vente de titres) est suffisante (art. 6 al. 1 CG). "[Il] doit disposer d'un système automatisé de vérification du compte. En cas d'insuffisance des [...] couvertures, le système doit assurer le blocage de l'entrée de l'ordre. Le client est avisé, à la lecture de l'écran, des raisons du blocage et il est appelé à régulariser sa situation" (art. 10 al. 1 Décision CMF 99-07). 
Le blocage est une obligation de résultat. S'il ne survient pas malgré une couverture insuffisante, la responsabilité de l'intermédiaire financier est présumée, sans égard à une quelconque faute de sa part. Il pourra tout au plus exciper d'un cas de force majeure. Le client doit être indemnisé pour la totalité des pertes subies, quels que soient ses connaissances et son comportement (fautif ou non). 
- "[...] Les positions du Client doivent être couvertes en permanence. [...] En cas de couverture insuffisante, [l'intermédiaire] demande [...] à son Client de reconstituer la couverture minimale. Faute pour le Client d'avoir reconstitué sa couverture dans le délai d'un jour de bourse à compter de la demande [...], [l'intermédiaire] pourra liquider tout ou partie de ses engagements [...]. [Il] aura toute liberté pour choisir les positions à liquider et sa responsabilité ne pourra en aucun cas être recherchée à ce titre." (art. 6 al. 2 CG). 
- Lorsqu'un client entreprend une opération qui, par sa nature, par les instruments concernés ou par les montants en cause, ne s'inscrit pas dans le cadre des opérations qu'il traite habituellement, le prestataire habilité doit s'enquérir des objectifs de l'opération. En fonction de la réponse donnée, il doit communiquer les informations utiles à la compréhension de l'opération et des risques qu'elle comporte (art. 3-3-7 du Règlement général CMF; art. 9 Décision CMF 99-07). Cette obligation implique de mettre en place un système de détection automatique des ordres inhabituels. 
- Le prestataire habilité doit constituer et conserver la preuve de la réception et de l'exécution des ordres de bourse pour pouvoir démontrer qu'il a été diligent dans le traitement de l'ordre. La convention qui le lie au donneur d'ordre précise quels sont les modes de preuve propres à la réception des ordres via internet. Les pièces doivent être gardées pendant cinq ans, voire plus si des règles spécifiques du marché l'exigent. 
 
A.c. La société anonyme de droit français F.________ SA exploitait un service de courtage électronique permettant à ses clients titulaires d'un compte en ligne de passer des ordres boursiers directement par Internet, moyennant un accès sécurisé. Cet établissement bancaire doté de quelque 100'000 clients avait reçu l'agrément du Conseil des marchés financiers (CMF), organe doté de compétences réglementaires (cf. let. A.b supra). Une telle accréditation implique d'être équipé d'une centrale de risques et d'un système automatisé vérifiant à chaque passage d'ordre si le client dispose d'une couverture suffisante.  
Après les événements qui vont être relatés ci-dessous (let. A.e), F.________ SA a été absorbée le 1er octobre 2003 par une autre entité de droit français dénommée A.________ SA, laquelle a repris tous ses droits et obligations. 
 
A.d. En août 2001, C.________ a conclu un contrat de courtage en ligne avec F.________ SA. B.________ en a fait de même en novembre 2001. Puis, en janvier 2002, elle a ouvert un compte joint avec son frère G.________, ce qui a donné lieu à un contrat distinct.  
Les conditions générales de F.________ SA (CG, "la Charte...") ont été intégrées à ces trois conventions. Elles désignaient le droit français comme loi applicable et contenaient une prorogation de for en faveur exclusive "des tribunaux du ressort de la Cour d'Appel de (... [France]) " (art. 19 CG). 
Des opérations de négoce ont été effectuées sur ces trois comptes, toutes au moyen du système OSRD. Au cours de l'été 2002, tant C.________ que B.________ ont acheté des actions T.________. Les trois clients étaient assistés gratuitement dans la gestion de leur portefeuille par un ami commun dénommé H.________. 
 
A.e. Jusqu'au vendredi 13 septembre 2002, les comptes des trois clients avaient une couverture suffisante. Ce jour-là, H.________, qui agissait pour ses amis, a donné des ordres OSRD sur le titre T.________.  
Selon ses explications, il aurait constaté un dysfonctionnement du système informatique de F.________ SA. Au moment de passer des ordres d'achat, la mention "anomalie" serait apparue à l'écran. La rubrique "ordre en attente" serait restée vide tandis que celle concernant la "position" n'aurait signalé aucun titre acheté. Il aurait renouvelé trois ou quatre fois les ordres d'achat avant de renoncer à acquérir les titres visés et à vendre les titres déjà détenus par ses amis. Il aurait vainement tenté de joindre F.________ SA par téléphone, dont la ligne aurait été saturée. 
Toujours est-il que des ordres ont été exécutés, sans que F.________ SA ne délivre la moindre information quant à leur exécution, à raison de: 
 
- six pour B.________ 
(deux ventes de 25'000 et 10'000 titres, et quatre achats de 26'919, 20'000, 10'000 et 8'081 titres), 
- trois pour B.________ et G.________ 
(deux ventes de 30'000 et 10'000 titres et un achat de 40'000 titres), avec un bénéfice brut de EUR 1'700.-, et enfin 
- huit pour C.________ 
(deux ventes de 15'000 et 10'000 titres et six achats de 75'000 titres au total). 
Il est admis qu'entre le lundi 16 septembre et le jeudi 19 septembre 2002, H.________ ou les clients ont eu plusieurs entretiens téléphoniques avec F.________ SA. Selon la version du prénommé, il aurait signalé le lundi 16 à J.________ (responsable des risques au sein de la prénommée) que des ordres avaient été passés alors qu'il pensait que tel n'était pas le cas. Son interlocuteur lui aurait répondu qu'il allait régulariser la situation. Un deuxième téléphone aurait été passé le lendemain après avoir constaté que la situation n'avait toujours pas été réglée. 
Entre le 17 et le 20 septembre 2002, l'action T.________ a connu une forte baisse. 
Le mercredi 18 septembre 2002, F.________ SA a signalé aux trois clients que leurs engagements n'étaient plus couverts. Elle leur a demandé de régulariser la situation dans le délai d'un jour boursier. 
Le jeudi 19 septembre, C.________ a requis une prolongation de délai d'un jour qui lui a été refusée, avec l'avertissement que ses positions seraient soldées le lendemain matin. 
Le vendredi 20 septembre 2002, F.________ SA a revendu des actions T.________ à raison de 153'012 dans le cas de B.________, de 153'949 dans celui de B.________ et G.________ et de 96'693 s'agissant de C.________. Pour les deux premiers clients, le cours unitaire était de EUR 2,26 tandis que pour le troisième, il était de EUR 2,18. 
Les contrats de courtage ont pris fin à cette date. 
Le 8 octobre 2002, F.________ SA a sommé ses clients de régulariser leur "solde espèces débiteur", qui était de - EUR 117'613.47 pour B.________, de - EUR 118'471.40 pour B.________ et G.________ et de - EUR 67'047.68 pour C.________. Tous ont refusé d'obtempérer. 
S'en est suivi un échange de correspondances initié par l'avocat des clients le 18 novembre 2002. Celui-ci réclamait des copies de divers documents, dont les accusés de réception horodatés des ordres donnés dès le 1er septembre 2002 (requête ensuite circonscrite aux 12 et 13 septembre 2002), ainsi que les avis relatifs aux contrôles de la couverture effectués avant l'exécution de chacun de ces ordres (cf. au surplus consid. 4.4.2 infra).  
 
A.f. En avril 2003, F.________ SA a actionné ses ex-clients devant les tribunaux français. A.________ SA lui a succédé dans la procédure après la fusion opérée en automne 2003. Le 2 décembre 2004, elle a été éconduite et renvoyée à agir devant les juridictions suisses.  
 
A.g. Au printemps 2006, A.________ SA a fait notifier des poursuites aux domiciles vaudois des trois clients, qui ont fait opposition totale.  
 
B.  
 
B.a. Le 24 avril 2007, A.________ SA (ci-après: la demanderesse) a attrait ses clients devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois. Dans sa demande déposée ultérieurement, elle leur réclamait le solde débiteur de leur compte-client respectif (let. A.e supra) plus un intérêt de 10% l'an. Elle exigeait en outre la mainlevée des oppositions formées dans les poursuites en cours.  
Les défendeurs ont conclu au rejet et pris des conclusions reconventionnelles: la demanderesse devait leur payer le solde positif de leurs comptes en espèces avant qu'elle liquide leurs positions le 20 septembre 2002, avec un intérêt de 5% l'an. Ils ont invoqué la compensation. 
Une expertise judiciaire a été confiée à deux directeurs de la société fiduciaire L.________ SA, qui ont fourni en substance les renseignements suivants: 
 
- Les experts n'ont pas pu conclure au bon ou au mauvais fonctionnement du système informatique de F.________ SA, ni mesurer les conséquences d'une potentielle défaillance sur les activités de négoce des clients le 13 septembre 2002. 
- Le cours de l'action T.________ avait baissé entre le 17 et le 20 septembre 2002, passant de EUR 3.35 à EUR 2.70 (cours de clôture). 
- Le compte individuel de B.________ avait présenté un dépassement de couverture dès le 13 septembre 2002, comme le compte détenu conjointement avec G.________. Ce compte-ci était repassé en couverture positive le 16 septembre 2002 avant de retomber en position négative le 17 septembre 2002, à un moment indéterminé. Quant au compte de C.________, il était tombé plus tard sous la couverture minimale, soit le 17 septembre 2002. 
Les experts ont précisé n'avoir obtenu aucune donnée originale, ni aucun support informatique original. Ils n'ont pas eu accès aux systèmes informatiques des parties ou à leurs archives électroniques, de sorte qu'ils n'ont pas pu vérifier si les informations données étaient authentiques et complètes. Ils ont émis des réserves sur des documents remis sous format électronique que A.________ SA avait reconstitués a posteriori, dont ils n'avaient pu vérifier qu'ils correspondaient en tous points aux données originelles (cf. aussi consid. 4.3.1 et 4.4.2 infra).  
L'Institut suisse de droit comparé (ISDC) a rendu un "avis sur le droit boursier français" qui régissait les trois contrats de courtage en ligne précités (let. A.d supra) et le système OSRD.  
H.________ est décédé en cours de procédure (mars 2012), tout comme G.________ (novembre 2017), auquel se sont substitués de plein droit ses frère et soeur D.________ et E.________ - B.________ étant déjà partie à la procédure. 
Par jugement du 13 mai 2020, la Cour civile vaudoise a rejeté la demande principale et admis la demande reconventionnelle. Elle a condamné la demanderesse à verser EUR 118'165.49 à B.________, EUR 79'903.15 à C.________ et EUR 135'516.01 à D.________, E.________ et B.________, solidairement entre eux. Ces sommes portaient intérêt à 5% l'an dès le 8 avril 2003. 
Appliquant le droit français, la Cour civile a reproché diverses violations contractuelles à la demanderesse, qui devait réparer le dommage causé aux défendeurs et leur rembourser les montants se trouvant sur leurs "comptes espèces" avant les ordres du 13 septembre 2002, dont l'exécution aurait dû être bloquée. 
 
B.b. Le 10 août 2021, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois a confirmé cette décision.  
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière civile, la demanderesse invite le Tribunal fédéral à lui allouer les sommes réclamées dans sa demande principale (puis dans son appel). Subsidiairement, elle requiert l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à l'autorité précédente. 
Seuls B.________ et C.________ ont déposé une réponse commune au pied de laquelle ils préconisent le rejet du recours. Cette écriture n'a inspiré aucun commentaire à la demanderesse/recourante. 
L'autorité précédente s'est référée à son arrêt. 
La requête d'effet suspensif présentée à l'appui du recours a été rejetée par ordonnance présidentielle du 15 mars 2022. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment en ce qui a trait au délai de recours (art. 100 al. 1 LTF en lien avec l'art. 46 al. 1 let. c LTF) et à la valeur litigieuse minimale de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF). 
 
2.  
La compétence des tribunaux suisses n'est pas litigieuse, non plus que l'applicabilité du droit français. 
On rappellera que la lex causae (art. 13 LDIP [RS 291]) régit notamment la naissance et les effets des obligations, et donc les conséquences d'une inexécution ou d'une mauvaise exécution, ou encore le droit à la preuve, le fardeau de la preuve. En revanche, l'administration des preuves et leur appréciation relèvent de la lex fori (ATF 125 III 443 consid. 3c; arrêt 4A_469/2010 du 1er décembre 2010 consid. 2.1 et les réf. citées). En Suisse, ce sont là des questions de procédure, qui était gouvernée en première instance par l'ancienne procédure civile vaudoise puis, en appel, par le Code de procédure civile fédéral (CPC).  
Dans les affaires pécuniaires, le Tribunal fédéral peut uniquement contrôler si l'application du droit étranger est empreinte d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 138 III 489 consid. 4.3; 133 III 446 consid. 3.1). De même, il ne revoit l'appréciation des preuves que sous cet angle restreint (ATF 136 III 148 consid. 2.4 p. 150). Des exigences de motivation strictes entourent le grief de violation des droits constitutionnels (art. 106 al. 2 LTF; arrêt 5A_488/2018 du 10 mai 2019 consid. 3.1 i.f.).  
L'arbitraire proscrit par l'art. 9 Cst. ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait concevable, voire préférable. Est arbitraire la décision qui, par son résultat, est manifestement insoutenable, se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. La violation de la loi doit être reconnaissable d'emblée (ATF 137 I 1 consid. 2.4; 132 I 13 consid. 5.1). En matière d'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient que si le juge du fait s'est ostensiblement mépris sur le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a tiré des déductions insoutenables des éléments recueillis (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266; 136 III 552 consid. 4.2). 
 
3.  
Deux thèses s'affrontent. La demanderesse voudrait que les défendeurs assument la chute du cours de l'action T.________ et payent le solde débiteur de leurs comptes en espèces suite à la liquidation légitime de leurs positions. Tandis que pour le camp adverse, la demanderesse aurait engagé sa responsabilité contractuelle et devrait réparer leur préjudice en les replaçant dans la situation antérieure à l'exécution des ordres passés le vendredi 13 septembre 2002. 
Les instances vaudoises ont donné raison aux défendeurs. Elles ont reproché à la demanderesse un comportement négligent, voire fautif à toutes les étapes de l'exécution de ses obligations. En particulier, 
- elle n'avait pas correctement informé les défendeurs du fonctionnement des marchés boursiers et de leurs risques; 
- elle n'avait pas accusé réception des ordres donnés en les horodatant, ni émis des avis d'exécution ("avis d'opéré") concernant les transactions concernées; 
- elle ne les avait pas informés de la nature, de la durée et des démarches à effectuer en cas de dysfonctionnement du système; enfin, 
- elle ne les avait pas avertis à temps du dépassement de leur couverture et avait procédé tardivement à la réalisation de leurs positions. 
Ce raisonnement a ensuite été affiné (cf. consid. 4.1 et 5.1 infra). La situation des clients B.________ et G.________ mérite d'être distinguée de celle du client C.________. Les griefs pertinents pour l'issue du litige seront traités dans cet ordre:  
I. Manquements de la demanderesse envers ses clients B.________ et feu G.________; dépassement de la couverture et blocage; 
II. Manquements de la demanderesse envers son client C.________; thèse d'un dysfonctionnement; 
 
III. Dommage;  
 
IV. Taux d'intérêt moratoire;  
 
V. Conclusion.  
I. Manquements de la demanderesse envers ses clients B.________ et feu G.________; dépassement de la couverture et blocage 
 
4.  
 
4.1. Le résumé synthétique du raisonnement tenu par la Cour d'appel pour ces deux clients est le suivant:  
Le compte individuel de B.________ avait accusé un dépassement de couverture dès le vendredi 13 septembre 2002, comme le compte joint qu'elle détenait avec feu G.________. La demanderesse était seule à détenir les documents désignant l'heure exacte à laquelle était survenu ce dépassement; elle était censée prévenir les clients si un tel événement se passait. Or, elle n'avait pas produit ces moyens de preuve. Dans ces circonstances, on ne pouvait suivre sa thèse selon laquelle le défaut de couverture serait dû exclusivement à la baisse du cours du titre T.________ et serait apparu postérieurement à la passation des ordres. Ceux-ci auraient bel et bien dû être bloqués - ce qui ne s'était pas produit. La demanderesse n'invoquait pas un cas de force majeure. Aussi l'inexécution contractuelle était-elle prouvée.  
La demanderesse s'inscrit en faux contre cette analyse. 
 
4.2. L'autorité précédente aurait renversé arbitrairement le fardeau de la preuve à ses dépens.  
Il n'en est rien. De l'exposé général présenté par l'Institut de droit comparé sur la charge de la preuve en droit français, l'on déduit que les clients devaient prouver le fait propre à fonder une obligation de blocage, soit le dépassement de couverture (cf. au surplus consid. 4.4.1). Si celui-ci était avéré et le blocage non avenu, la responsabilité de l'intermédiaire financier était engagée, à moins qu'il établisse un cas de force majeure. Rien n'indique que les juges vaudois aient méconnu ces préceptes. En réalité, c'est leur appréciation des preuves qui mécontente la demanderesse, plus précisément le constat d'un dépassement de couverture justifiant un blocage. 
 
4.3. A cet égard, la Cour d'appel aurait plusieurs fois versé dans l'arbitraire.  
 
4.3.1. Premièrement, elle aurait écarté à tort la thèse d'un dépassement de couverture après la clôture de la bourse le vendredi 13 septembre 2002. Un tel fait permettrait d'exclure une obligation de bloquer les ordres donnés ce jour-là.  
La demanderesse brandit cet extrait de l'expertise: 
 
"Ces documents (Annexes 23, 24 et 25) permettent à L.________ SA de considérer les éléments suivants: 
 
- Les Clients disposaient d'une couverture positive au jour du 12 septembre 2002 ou respectivement 13 septembre 2002 lors de leur dernière opération d'achat de titres." 
Cette citation doit être reproduite complètement et replacée dans son contexte. En effet, les experts ont émis une seconde observation: 
 
"- Hormis une différence de EUR 50.- sur le compte de C.________, ces documents reprennent les éléments d'information des documents sous Pièce 154." 
Puis ils ont livré leurs conclusions: 
 
" Considérations de l'expert  
Sur la base des documents remis - notamment la Pièce 154 -, l'expert peut confirmer que le compte de 'Madame B.________' présente un dépassement de couverture depuis le 13 septembre 2002, celui de Monsieur et Madame G.________ et B.________ depuis le même jour et celui de Monsieur C.________ depuis le 17 septembre 2002; [...] (Annexes 23, 24 et 25 - Pièce 154 et Annexe 9 Me Burdet du 11 mai 2012) ". 
Pris isolément, l'extrait cité par la demanderesse est certes teinté d'ambiguïté. Cependant, intégré dans le contexte précité, il s'interprète en ce sens que deux comptes de clients ( i.e ceux de B.________, respectivement de B.________ et G.________) disposaient d'une (dernière) couverture positive le 12 septembre 2002, tandis que celui de C.________ présentait encore une couverture positive le 13 septembre 2002 lors de la dernière opération d'achat de titres. La pièce 154 va bel et bien dans ce sens. Elle comprend trois tableaux retraçant l'"évolution de la couverture" des trois comptes litigieux pour la période boursière du 6 au 20 septembre 2002. Or, en date du 13 septembre 2002, la "Couverture Comptant" est négative pour le compte individuel de B.________ et pour son compte joint détenu avec G.________, tandis qu'elle est positive pour le compte de C.________. On précisera encore que ces tableaux (pièce 154) ont été produits par la demanderesse sur réquisition des parties adverses. Tout ceci est de nature à dissiper le soupçon d'arbitraire.  
La demanderesse pointe encore d'autre pans de l'expertise dans lesquels les experts émettent des réserves sur les annexes 23-25 et autres documents qu'elle a reconstitués a posteriori : faute d'avoir pu en contrôler la source et l'origine, ils ont averti qu'ils n'en tiendraient compte "qu'en croisant les différentes sources mises à [leur] disposition".  
De deux choses l'une: soit les experts ont considéré qu'en confrontant les pièces (154 et annexes 9, 23 à 25), ils pouvaient retenir un dépassement de couverture dès le 13 septembre 2002 pour les deux comptes concernant B.________ et G.________, et ce procédé résiste au reproche d'arbitraire. Soit il existe une contradiction entre les pièces précitées, auquel cas la demanderesse devait l'établir. Pareille entreprise supposait de pointer des passages précis de ces documents étoffés et techniques, voire d'interpeller les experts. Or, la demanderesse n'a rien fait de tel. Au demeurant, il semble bien que la première hypothèse doive être retenue, vu la précision selon laquelle les annexes 23-25 "reprennent les éléments d'information des documents [i.e. des tableaux, réd.] sous Pièce 154". 
 
4.3.2. Deuxièmement, la cour cantonale aurait arbitrairement ignoré que les transactions accomplies par B.________ et G.________ le vendredi 13 septembre avaient généré un léger bénéfice (EUR 1'700.-) et que ces clients avaient acheté ce jour-là autant d'actions T.________ qu'ils en avaient vendues. Ces circonstances devraient faire exclure un dépassement de couverture.  
Le grief manque sa cible. La demanderesse elle-même a fait état d'un dépassement de couverture dans le tableau concernant ce compte (pièce 154). Comme l'ont souligné les juges cantonaux dans une incise, les experts ont validé cet élément et l'intéressée n'explique pas en quoi il serait arbitraire de suivre leurs conclusions. Rien n'indique en tout cas que les experts auraient méconnu ces éléments; au besoin, la demanderesse aurait dû les interpeller à ce sujet. 
 
4.4. Troisièmement, la cour cantonale lui aurait arbitrairement reproché de n'avoir pas produit les documents désignant l'heure exacte à laquelle s'était produit le dépassement de couverture le 13 septembre.  
On notera au passage l'importance de cette question. Même si cela n'apparaît qu'en filigrane, la cour cantonale a considéré que faute de connaître l'heure du dépassement de couverture, celui-ci était réputé réalisé dès le premier ordre donné le vendredi 13 septembre 2002, si bien que tous les ordres passés ce jour-là auraient dû être bloqués. 
 
4.4.1. La cour cantonale a considéré que la demanderesse avait un devoir de collaborer à l'administration de la preuve. Cette obligation - qu'on retrouve en droit français - est de nature procédurale; elle ne touche pas à la répartition du fardeau de la preuve. Lorsque le juge tire les conséquences d'un refus de collaborer, il procède à l'appréciation des preuves (ATF 119 II 305 p. 306; 142 III 568 consid. 2.1 p. 576).  
 
4.4.2. La demanderesse nie avoir détenu de telles pièces. Elle explique que le calcul du taux de couverture des ordres n'était pas une information disponible pour les clients, qu'elle était uniquement tenue de bloquer les ordres insuffisamment couverts, ce qui était obtenu en réglant les paramètres activant le système de blocage automatique. Elle n'aurait eu d'autre issue que de reconstituer a posteriori les calculs sur le taux de couverture.  
Cette plaidoirie est vaine. La vérification du taux de couverture doit se faire à chaque passage d'ordre. La demanderesse se retranche derrière le fait qu'elle n'était pas tenue d'informer le client "sur l'effet de levier exact de chaque ordre passé". Certes. Mais encore faut-il nuancer cette affirmation: le prestataire de service n'est pas tenu de renseigner le client sur le calcul de l'effet de levier de chacune de ses opérations, mais doit l'informer et le mettre en garde en particulier lorsqu'il a détecté des ordres inhabituels. Autrement dit, la demanderesse n'était pas dispensée de contrôler que chaque ordre était couvert par la garantie minimale, respectivement qu'il s'inscrivait dans le cadre habituel des opérations traitées par le client. Autant dire qu'il doit exister des traces du calcul de l'effet de levier, du dépassement de couverture et du moment auquel il intervient. Que le système soit automatisé n'y change rien. Au contraire.  
Il appert que par trois fois dès le 18 novembre 2002, les clients ont exigé de la demanderesse une "[c]opie des avis relatifs aux contrôles effectués (...) avant l'exécution de chacun de ces ordres concernant l'existence des couvertures requises, précisant la date et l'heure de ces contrôles". Finalement, le 19 février 2003, la demanderesse s'est fendue d'une missive dans laquelle elle se bornait à "confirme[r] que le contrôle [de la couverture] est effectué de façon systématique avant chaque ordre transmis" et "que toutes les opérations effectuées par les clients étaient couvertes par des actifs", les dates et heures correspondant à celles des transmissions d'ordre. Au surplus, elle a invité les clients à consulter les modèles de calcul de couverture proposés sur son site Internet. Enfin, elle a prétendu que comme les ordres avaient été passés via Internet, "il n'exist[ait] pas de copie des accusés de réception". Il restait "possible d'obtenir la liste des ordres sous format informatique (extraction par le logiciel [...]) ", ce que seuls des professionnels de l'informatique pouvaient faire. 
L'argument technique ne convainc pas. L'on conçoit mal que le droit français, repris et concrétisé dans les conditions générales de F.________ SA (voir supra let. A.b i.f.), impose aux prestataires de services en ligne de délivrer des accusés de réception horodatés et autres "avis d'opéré" à des fins de preuve, s'il est impossible de fournir de tels éléments probants. Quant à l'argument fondé sur l'écoulement du temps et la fusion d'octobre 2003, il est lui aussi dénué de pertinence: des requêtes de production de pièces ont été formulées dès le 18 novembre 2002, puis la demanderesse a ouvert des actions en avril 2003 et en avril 2007, le tout à l'intérieur du délai quinquennal prescrit pour la conservation des pièces. Elle a pu rapidement se rendre compte de la tournure litigieuse des événements et de l'importance de conserver les documents; son attitude dans l'échange de correspondances montre qu'elle a d'emblée tenté d'esquiver le problème et d'éviter de collaborer. En tout état de cause, elle n'indique même pas quels documents - originaux ou reconstitués - établiraient l'heure du dépassement de la couverture.  
Cela étant, elle ne prétend pas que les clients auraient eux-mêmes détenu de telles pièces. Au contraire, prise à son propre jeu, elle plaide que le calcul du taux de couverture n'était pas une information disponible pour les clients. 
Dans ces circonstances, la cour cantonale pouvait lui reprocher sans arbitraire d'avoir refusé de collaborer à l'administration de la preuve en ne produisant pas les pièces désignant à quel moment précis la couverture avait été dépassée le 13 septembre 2002, alors qu'elle aurait pu et dû le faire. La déduction qui a été opérée, à savoir que la garantie était insuffisante dès le premier ordre donné ce jour-là, échappe également au grief tiré de l'art. 9 Cst. 
 
4.5. Ces constats parfaitement défendables débouchent logiquement sur le résultat suivant: faute de couverture, les ordres donnés le 13 septembre 2002 par B.________ et G.________ (respectivement par l'ami agissant pour eux) auraient dû d'emblée être bloqués. Se trouvent ainsi privés d'objet les griefs ne ciblant pas ce manquement précis, qui fonde l'obligation de réparer le dommage. Peu importe que les ordres aient été donnés de façon volontaire ou non. De même, il est superflu de déterminer si la demanderesse a revendu en temps utile les positions de ces clients, puisque c'est un manquement en amont - l'omission de bloquer les ordres - qui fonde sa responsabilité. Ce dernier point scelle aussi le sort du grief tiré du fait que le compte joint a retrouvé passagèrement une couverture positive le 16 septembre 2002.  
II. Manquements de la demanderesse envers son client C.________; thèse d'un dysfonctionnement 
 
5.  
 
5.1. A la différence des deux autres clients, le compte de C.________ a connu un dépassement de couverture quelques jours après la passation des ordres litigieux, soit le mardi 17 septembre 2002. Partant, un blocage des ordres fondé sur une couverture insuffisante n'entre pas en considération pour ce client.  
Les juges d'appel ont reproché à la demanderesse d'avoir attendu le 18 septembre pour annoncer au prénommé le dépassement de couverture alors qu'elle aurait dû le faire la veille. Comme le cours de l'action T.________ ne cessait de chuter, il est patent qu'un report injustifié de la liquidation était de nature à aggraver les pertes. Cela étant, les juges vaudois ne se sont pas contentés d'allouer la différence entre la perte effective et la perte moindre qui aurait été subie si la liquidation s'était faite à temps. A l'instar des autres clients, C.________ a été replacé dans la situation antérieure aux ordres passés le 13 septembre 2002. C'est dire qu'un autre manquement fonde l'obligation de réparer le dommage. 
Il faut lire le jugement de première instance pour comprendre. Après avoir critiqué l'annonce tardive du dépassement de couverture, les premiers juges abordent ensuite - pour la retenir - la thèse d'une défaillance des systèmes informatiques de F.________ SA. Ils relèvent "une série d'ordres inhabituels": 
 
- "H.________ a passé trois ou quatre fois de suite les mêmes ordres d'achat pour chacun des défendeurs, ceci sans procéder à des ordres de vente correspondants, démontrant par là qu'il supputait que les manipulations effectuées n'avaient pas été prises en compte"; 
- pour C.________, l'effet de levier a subitement passé de 1,69 le 12 septembre 2002 à 4,14 le 13 septembre 2002. 
"Dans un tel cas de dysfonctionnement", poursuivent les magistrats vaudois, la demanderesse aurait dû "informer et [...] mettre en garde les défendeurs quant aux conséquences de leurs opérations notamment s'agissant du calcul de l'effet de levier". Car "[s]i les défendeurs avaient obtenu immédiatement [...] l'information selon laquelle les ordres réitérés de bonne foi par H.________ avaient été pris en compte et que le système détectait une procédure inhabituelle qui impliquait une mise en garde particulière, il ne fait aucun doute que cela aurait alerté les défendeurs qui auraient alors décidé d'agir autrement, soit en cessant la passation des ordres le vendredi 13 septembre 2002, en passant des ordres de vente immédiate, ou encore en régularisant leurs couvertures." 
C'est bien ce raisonnement qui fonde l'obligation de rembourser aux clients - et donc à C.________ aussi - "leurs avoirs avant la répétition des ordres due au dysfonctionnement survenu et dont l'exécution aurait dû être bloquée le vendredi 13 septembre 2002". 
 
5.2. La demanderesse dénonce derechef un renversement du fardeau de la preuve.  
Il incombait aux clients de prouver une défaillance du système informatique et/ou le caractère inhabituel des ordres donnés, circonstance fondant l'obligation de mise en garde. Rien n'indique, cependant, que les juges vaudois aient adopté une prémisse erronée. Encore une fois, c'est le résultat de l'appréciation des preuves que déplore la demanderesse. 
 
5.3.  
 
5.3.1. Les experts n'ont pas pu établir un dysfonctionnement informatique, mais ne l'ont pas pour autant exclu: ils ne parvenaient tout bonnement pas à se prononcer. Les juges vaudois étaient donc libres de retenir une anomalie technique sur la base d'autres indices probants, ce qu'ils ont fait en s'appuyant notamment sur le témoignage de H.________.  
Ceci dit, il n'était pas en soi primordial de prouver un tel dysfonctionnement. Il suffisait de démontrer que le client C.________ avait émis des ordres inhabituels nécessitant une mise en garde avant leur exécution et qu'un avertissement aurait permis d'infléchir le cours des événements. Les questions factuelles s'entremêlent ici avec les questions juridiques, mais le pouvoir d'examen est le même dans les deux cas, c'est-à-dire restreint à l'arbitraire (consid. 2 supra).  
La Cour d'appel a relevé pour ce client une augmentation "inhabituelle" de l'effet de levier, qui avait passé de 1.69 à 4.14 entre le 12 et le 13 septembre 2002. La demanderesse objecte que C.________ (ou plus exactement H.________) était coutumier du procédé consistant à cumuler plusieurs opérations d'achat et de vente dans la même journée. Soit. Mais cela n'exclut pas nécessairement le caractère inhabituel de la prise de risque (4.14, pour un plafond de 5). Et l'on ne dispose pas d'une étude plus précise du comportement de ce client qui mette en évidence une habitude de jouer avec des leviers aussi élevés. 
Concernant les ordres donnés, les décisions cantonales et l'expertise indiquent que ce client a vendu 15'000 puis 10'000 actions T.________, pour ensuite en racheter 25'000, puis cinq fois 10'000. Toutes ces opérations ont porté sur EUR 196'550.- bruts. L'annexe 25 de l'expertise, dont ces données semblent avoir été extraites, révèle en plus que deux séries de 10'000 actions ont été achetées au même cours de 4 EUR l'unité. L'on concédera cependant à la demanderesse que ces éléments n'accréditent pas de façon impérieuse la thèse d'un dysfonctionnement, respectivement d'un comportement inhabituel. 
Cependant, les experts ont pointé le fait que le nombre de titres détenus en compte était plus élevé que par le passé pour ce client, donnée qui s'ajoute au degré de levier élevé. A défaut de plus amples informations, ces éléments pouvaient faire inférer sans arbitraire que les opérations passées ce jour-là sortaient du champ ordinaire pour le client C.________. Il était loisible à la demanderesse de produire des pièces démontrant qu'au contraire, le client (respectivement son ami) évoluait ce jour-là dans son cadre habituel. Et il importe peu qu'un effet de levier relativement élevé ait été enregistré la veille pour les deux autres clients (3.09 pour B.________ et 3.78 pour le compte joint détenu avec G.________), tant il est vrai que la situation doit s'examiner client par client. Les experts, dans un passage cité par la demanderesse elle-même, ont distingué le cas de C.________ de ceux de B.________ et G.________, en notant que les comptes de ces derniers avaient déjà enregistré des mouvements plus importants que d'ordinaire depuis dix jours. 
 
5.3.2. La demanderesse plaide l'impossibilité technique de détecter le caractère inhabituel des ordres.  
L'Institut de droit comparé a retenu ce qui suit: 
 
- La pratique a déduit de l'art. 9 Décision CMF 99-07 (mise en garde en présence d'opérations inhabituelles, let. A.b supra) la nécessité d'instaurer un système de filtrage automatisé. Dans un premier temps, cette obligation n'a guère été suivie, ni sanctionnée par les autorités. Conscient des difficultés techniques, le Conseil des marchés financiers a décidé de laisser aux prestataires de services informatiques le temps de définir des solutions avant d'exiger une application stricte.  
- En octobre 2003, le Conseil s'est enquis des mesures prises ou envisagées par les prestataires de services. L'enquête menée jusqu'en avril 2004 a révélé une prise de conscience de l'importance de ces dispositifs. Cependant, la situation restait proche de celle décrite en février 2001: "les prestataires répondaient à l'exigence de l'article 9 par un filtrage opéré selon des critères identiques pour toute leur population de clients." La plupart avait mis en place un filtre général pour tous les clients, consistant à bloquer les ordres excédant un certain montant en capitaux. 
Forte de ces explications, la Cour d'appel a reproché à la demanderesse d'avoir omis d'utiliser un filtre ne serait-ce que minimal, non personnalisé, et de ne pas avoir informé ses clients des caractéristiques des instruments financiers à disposition. 
La demanderesse objecte qu'on ne saurait juger son comportement de septembre 2002 à l'aune des progrès effectués ultérieurement. Sur le principe, la réflexion est pertinente. Néanmoins, les juges d'appel n'ont pas fait une lecture arbitraire du rapport de l'ISDC, dont on ne saurait affirmer qu'il met clairement en évidence un progrès technique qui serait apparu après septembre 2002. Au contraire, l'ISDC évoque la similitude des situations en février 2001 et à l'issue de son enquête en avril 2004, puis enchaîne en exposant la méthode de filtrage utilisée en pratique. La Cour d'appel pouvait en inférer sans arbitraire que cette méthode minimale aurait pu et dû être appliquée par la demanderesse. L'expertise financière n'apporte pas davantage "d'eau au moulin" de la demanderesse: les experts ont précisé que les clients ne pouvaient pas fixer un effet de levier maximal, apparemment sur la base des explications de J.________. Ils n'ont cependant pas pu vérifier ses dires. En outre, cet ancien collaborateur a indiqué que le système acceptait les ordres uniquement s'ils ne "génér[ai]ent pas un dépassement d'effet de levier de 5", ce qui laisse entendre qu'un dépassement moindre pouvait aussi être détecté. Le calcul de l'effet de levier devait de toute façon être fait, et l'on conçoit mal qu'il eût été impossible pour F.________ SA de détecter un effet de levier élevé, mais inférieur à 5, et de mettre en place une alerte interne, quitte ensuite à examiner la situation concrète du client. En bref, les juges vaudois pouvaient conclure sans arbitraire que, d'une part, la demanderesse aurait pu pratiquer un certain filtrage et que, d'autre part, celui-ci aurait permis in casu de détecter des éléments inhabituels, en particulier quant à l'effet de levier pratiqué.  
 
5.3.3. Pour les premiers juges, suivis par la Cour d'appel, l'avertissement qu'appelaient les ordres inhabituels aurait sans "aucun doute" conduit "les défendeurs" à agir autrement, soit en cessant de passer des ordres, soit en donnant des ordres de vente immédiate, soit encore en régularisant leur couverture.  
C.________, né en 1934, n'avait aucune connaissance du fonctionnement des marchés financiers et effectuait des opérations boursières uniquement via H.________, selon ce qui ressort du premier jugement. La demanderesse déplore que ce dernier point n'ait pas été pris en compte: d'après elle, les connaissances dont jouissait cette personne dispensaient de la mettre en garde, respectivement ne l'auraient pas dissuadée de se livrer aux spéculations dont elle était coutumière. 
La Cour civile s'est effectivement contentée d'évaluer le comportement hypothétique des "défendeurs". Cela tient au fait qu'elle a retenu un dysfonctionnement du système informatique et le caractère involontaire des ordres donnés, quel que fût leur auteur. Cela étant, comme cela sera démontré ci-dessous, l'on aboutit au même résultat si l'on se cantonne à la thèse des ordres inhabituels, pas nécessairement provoqués par une anomalie technique. 
Confronté à un ordre inhabituel, le "prestataire habilité" doit s'enquérir des objectifs de l'opération envisagée. En fonction des précisions données par le client, il "lui communique les informations utiles à la compréhension de l'opération envisagée et des risques qu'elle comporte" (art. 3-3-7 du Règlement général CMF [cité dans le rapport ISDC, p. 51], auquel renvoie le jgt de Ire instance, p. 86). 
L'arrêt attaqué enseigne tout au plus que H.________ n'était pas un professionnel et agissait gratuitement. La demanderesse rappelle qu'il s'est présenté comme un "spécialiste en analyse technique des produits sur les marchés financiers" lors de son audition et que, d'après les explications qu'ils ont données aux experts, B.________ l'a trouvé "très futé en la matière", tandis que C.________ lui a prêté "de[s] connaissances très approfondies en matière de bourse". Les deux hommes s'étaient connus dans le cadre d'une conférence donnée par H.________ sur la numérologie et les relations humaines; ce dernier avait fait "grande impression" sur lui. Ces éléments mis en exergue par la demanderesse (sans dénoncer une lacune dans l'état de fait) ne lui sont de toute façon d'aucun secours: d'une part, l'on n'est guère plus avancé sur les compétences réelles de l'intéressé et son expérience effective en matière boursière; d'autre part, il agissait pour le compte de C.________, dont le profil, jusqu'ici (même s'il résultait des actions entreprises par H.________), ne montrait pas un comportement spéculatif ni un jeu avec des effets de levier élevés - du moins pas à ce qu'en a constaté l'arrêt attaqué. Il ressort par ailleurs des propos tenus par H.________ que ses agissements étaient involontaires. Vu le peu d'informations disponibles, il reste permis de pronostiquer sans arbitraire qu'une mise en garde ad hoc, rendue nécessaire par le comportement inhabituel adopté le 13 septembre 2002, en particulier par le haut niveau de levier utilisé, aurait modifié le comportement de H.________ (agissant pour C.________) et aurait ainsi permis d'infléchir le cours des événements. L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait concevable, voire préférable.  
 
5.3.4. En bref, la Cour civile, et à sa suite les juges d'appel n'ont pas appliqué arbitrairement le droit français, tel que présenté par l'Institut de droit comparé, en considérant que le client C.________ était sorti du cadre des opérations qu'il traitait habituellement et que l'omission de mettre en garde était en rapport de causalité avec le dommage subi. Ce raisonnement coupe court aux moyens qui visent d'autres cibles.  
 
III. Dommage  
 
6.  
 
6.1. Selon la Cour d'appel vaudoise, les clients devaient être replacés dans la situation antérieure aux ordres donnés le vendredi 13 septembre 2002. Aussi s'est-elle fondée sur le solde de leurs "comptes espèces" qui ascendait à EUR 118'165.49 pour le compte individuel de B.________, EUR 135'516.01 pour le compte détenu conjointement avec feu G.________ et EUR 79'903.15 pour le compte de C.________.  
 
6.2.  
 
6.2.1. La demanderesse fait grief à la cour cantonale d'avoir en réalité replacé les clients dans la situation prévalant le 31 août 2002. Elle souligne que les "comptes espèces" n'étaient modifiés qu'à la fin de chaque mois boursier, soit après le règlement des opérations effectuées au cours du mois concerné. La cour cantonale aurait ignoré les opérations entreprises entre le 1er et le 12 septembre 2002 et aurait fait abstraction de la dévalorisation des actions T.________ déjà acquises avant le 13 septembre 2002.  
 
6.2.2. L'argument avait déjà été présenté en appel sous une forme plus ramassée.  
D'après les trois tableaux composant la pièce 154, le montant du "compte espèces" ne varie effectivement pas du 6 au 20 septembre 2002. Cela tient manifestement au système des ordres à règlement différé (OSRD), qui repousse pour le client le règlement des opérations (paiement, encaissement du bénéfice, livraison des titres) à la fin du mois boursier. 
Plus précisément, l'investisseur paie les titres qu'il achète au moment où ils sont inscrits dans son compte. Dans l'intervalle, ils appartiennent à l'intermédiaire financier et figurent sur le compte de ce dernier. S'il vend des titres, l'investisseur ne doit les livrer qu'à la date à laquelle son compte est débité; il en reste propriétaire aussi longtemps qu'ils sont inscrits à son compte (art. 4-1-35 Règlement général CMF, cité par le rapport ISDC p. 17). En l'occurrence, il n'apparaît pas que la question du règlement des opérations accomplies jusqu'au 13 septembre 2002 ait été posée aux experts. La demanderesse - dont on ignore au demeurant si elle a accompli ses propres obligations - doit supporter cette lacune. 
 
6.3. La demanderesse objecte derechef que B.________ et G.________ n'auraient finalement subi aucun dommage puisqu'ils ont revendu autant d'actions qu'ils en avaient achetées le 13 septembre 2002 et qu'un léger bénéfice s'en est même dégagé.  
L'argument est inconsistant. L'on a déjà souligné que ces éléments n'empêchaient pas les experts de retenir un dépassement de couverture ( supra consid. 4.3.2). Le coeur du problème réside donc bien dans le fait que les ordres donnés par ces clients auraient dû être bloqués, et que la demanderesse doit assumer le dommage découlant de cette omission.  
 
6.4. La demanderesse déplore encore que la Cour d'appel n'ait pas tenu compte de la dévalorisation des actions T.________ achetées au cours de l'été 2002, qui figuraient déjà dans le portefeuille des clients.  
Une perte n'est réalisée que lorsque l'action est vendue à un cours inférieur à celui de son achat. La demanderesse semble plutôt insinuer que les titres acquis avant les opérations litigieuses auraient aussi entraîné un dépassement de couverture dû à la baisse de cours, ce qui aurait de toute façon entraîné une liquidation. 
Une fois encore, les experts auraient dû être interpellés sur cette hypothèse. La demanderesse doit aussi assumer cette lacune-ci. 
Pour le surplus, elle répète des griefs qui ont déjà été traités ou ne présentent pas d'incidence sur l'issue du litige. 
En bref, elle échoue à démontrer en quoi le calcul du dommage serait entaché d'arbitraire. 
 
IV. Taux d'intérêt moratoire  
 
7.  
 
7.1. Dans leur demande reconventionnelle, les défendeurs avaient réclamé en dernier lieu des sommes d'argent portant intérêt à 5% l'an dès le 7 avril 2003.  
La Cour civile a reconnu qu'ils avaient droit à des intérêts moratoires au regard du droit français. Ceux-ci couraient depuis le 8 avril 2003, lendemain de la mise en demeure de la débitrice. S'appliquait en principe le taux légal indiqué sur le site de la Banque de France, fixé annuellement, puis semestriellement dès 2015. A compter de cette année-là, un taux particulier s'appliquait aux personnes physiques n'agissant pas pour des besoins professionnels. 
La Cour a ensuite énoncé les taux en vigueur entre 2003 et 2019. Tous s'inscrivaient dans une fourchette comprise entre 0,04% et 4,54%, soit en-deçà des 5% réclamés. 
Néanmoins, elle a postulé - sans en apporter la démonstration mathématique - que l'intérêt réclamé dans les conclusions (5% l'an) était "inférieur à ce qu'il serait si les taux d'intérêts légaux français étaient appliqués puisque l'anatocisme est admis en droit français". L'anatocisme (ou capitalisation des intérêts) consiste à incorporer les intérêts au capital, qui produit ensuite de nouveaux intérêts. Or, l'ancienne procédure civile vaudoise - à l'instar de l'art. 58 CPC - proscrivait d'aller au-delà des conclusions des parties ( ne eat judex ultra petita partium). La Cour civile a décidé qu'au nom de ce précepte et de son postulat non démontré, il fallait s'en tenir au taux réclamé, soit 5% l'an.  
La demanderesse a voulu critiquer cette analyse en appel. Elle s'est heurtée à une fin de non-recevoir: elle avait pris des conclusions purement cassatoires et sa motivation était insuffisante. Elle avait comparé les deux situations sur la base d'un capital de EUR 1'000.- alors qu'elle aurait dû "chiffrer la comparaison si elle entendait faire réformer le jugement sur ce point". Du reste, dans sa propre demande en paiement, elle n'avait "[pas] non plus chiffr[é] les montants auxquels elle prétend[ait], en application du droit français sur l'anatocisme". 
 
7.2. La demanderesse persiste à présenter des conclusions cassatoires à l'appui de son grief sur le taux d'intérêt moratoire. Il est vrai qu'elle conteste le refus d'entrer en matière et que dans un tel cas, s'il admet le grief, le Tribunal fédéral renvoie généralement la cause à l'autorité précédente pour qu'elle statue. Cependant, force est de constater que toutes les données nécessaires pour réformer l'arrêt sont ici disponibles. D'autant plus qu'il s'agit d'appliquer le droit étranger, opération qui ne nécessite pas la même circonspection que lorsque le droit cantonal est en jeu (cf. ATF 134 III 379 consid. 1.3 et arrêt 4A_338/2007 du 22 novembre 2007 consid. 1.3; GRÉGORY BOVEY, in Commentaire de la LTF, 3e éd. 2022, n° 18 ad art. 107 LTF).  
L'absence de conclusions réformatoires n'est pas un obstacle insurmontable (cf. ATF 137 II 313 consid. 1.3; arrêt 5A_868/2021 du 21 juin 2022 consid. 1.2 et infra consid. 7.3.1). Car en parcourant le mémoire de recours, l'on comprend que la demanderesse voudrait faire appliquer le taux d'intérêt légal français, principalement sans anatocisme, subsidiairement avec anatocisme. Aussi faut-il examiner si les juges d'appel étaient fondés à refuser d'entrer en matière.  
 
7.3.  
 
7.3.1. Cette question relève de l'art. 311 al. 1 CPC (consid. 2 supra), qui requiert un appel "motivé".  
Doctrine et jurisprudence en déduisent la nécessité d'énoncer des conclusions, sous peine d'irrecevabilité (ATF 137 III 617 consid. 4.2.2). Celles-ci seront prises en principe sur le fond, l'appel étant en premier lieu une voie réformatoire (art. 318 al. 1 let. b CPC; FRANÇOISE BASTONS BULLETTI, in Code de procédure civile, Petit commentaire, 2020, n° 3 ad art. 311 CPC). Les conclusions doivent pouvoir être reprises telles quelles dans le dispositif, respectivement doivent pouvoir être exécutées sans qu'une clarification soit nécessaire. Des conclusions pécuniaires doivent être chiffrées. Cette exigence-ci découle aussi du principe de disposition (art. 58 al. 1 CPC), qui interdit au juge d'allouer plus que ce qui est réclamé (ATF 137 III 617 consid. 4.3; FRANÇOIS BOHNET, in Commentaire romand, 2e éd. 2019, n° 2 ad art. 85 CPC; CHRISTOPH LEUENBERGER, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], [Sutter-Somm et alii éd.] 3e éd. 2016, n°s 25, 28 et 29 ad art. 221 CPC). 
Comme sous l'empire de la LTF, les conclusions s'interprètent selon le principe de la confiance, à la lumière de la motivation qui les sous-tend. Vu l'interdiction du formalisme excessif, il suffit que l'on comprenne, à la lecture du mémoire, ce que le justiciable requiert, respectivement quel montant il réclame (ATF 137 III 617 consid. 6.2; arrêts 5A_65/2022 du 16 janvier 2023 consid. 3.3.1; 4A_281/2022 du 11 octobre 2022 consid. 3.1). 
 
7.3.2. Il ressort du mémoire d'appel que la demanderesse voulait faire appliquer le taux d'intérêt légal français variable - sans anatocisme selon son argumentation principale, avec anatocisme selon sa thèse subsidiaire -, en lieu et place d'un taux fixe de 5%.  
Jouant simultanément sur le devoir de motivation et l'exigence de conclusions chiffrées, la Cour d'appel lui a reproché d'avoir effectué ses calculs comparatifs sur un capital théorique (EUR 1'000.-) plutôt que sur ceux alloués aux défendeurs (EUR 118'165.49, EUR 79'903.15 et EUR 135'516.01), ce qui aurait permis de connaître exactement les montants (moindres) qu'elle estimait devoir payer à titre d'intérêt moratoire. 
Il faut garder à l'esprit qu'à titre principal, la demanderesse réclamait l'application pure et simple du taux légal français, sans anatocisme. Or, elle avait énoncé dans son mémoire d'appel les différents taux en vigueur entre le 8 avril 2003 et le 31 décembre 2020 (l'appel ayant été déposé le 17 septembre 2020). Ceux-ci figuraient du reste dans le jugement de première instance (jusqu'en 2019) et sont publiés sur les sites Internet de la Banque de France et de Légifrance, comme le relève l'ISDC. 
Force est d'admettre que la demanderesse n'avait pas à préciser davantage ses exigences. Lorsqu'un créancier réclame un capital assorti de l'intérêt moratoire fondé sur l'art. 104 al. 1 CO, il se borne à prendre une conclusion en paiement d'une certaine somme d'argent "avec intérêts à 5% l'an". Il ne chiffre pas le montant de ces intérêts, même lorsqu'ils courent sur moins d'une année, ce qui complique quelque peu le calcul. Dans une réquisition de poursuite, le créancier doit indiquer le montant en valeur légale suisse de la créance exigée et, si elle porte intérêts, le taux et le jour duquel ils courent (art. 67 al. 1 ch. 3 LP). Il n'a donc pas l'obligation de chiffrer le montant de l'intérêt moratoire qu'il réclame en plus du capital, comme simple "accessoire" de la créance principale (JOLANTA KREN KOSTKIEWICZ, in Schuldbetreibungs- und Konkursgesetz mit weiteren Erlassen, Kommentar, 20e éd. 2020, n° 45 ad art. 67 LP; STÉPHANE SPAHR, L'intérêt moratoire, conséquence de la demeure, in RVJ 1990 p. 352 s. et 382). L'indication en chiffres exacts des intérêts exigés est nécessaire seulement dans des cas particuliers, lorsque l'intérêt fait l'objet d'une poursuite distincte dans laquelle il est réclamé comme une créance principale, ou lorsque le poursuivant réclame le solde d'une créance en capital qui a été amortie par des acomptes successifs et qu'il entend recouvrer non seulement l'intérêt sur ce solde, mais aussi les intérêts dus sur chaque acompte, jusqu'au moment où le paiement partiel a été exécuté (cf. arrêt 5A_975/2014 du 1er avril 2015 consid. 5.1; ATF 81 III 49). 
Il doit en aller de même lorsque le créancier exige à titre accessoire un intérêt moratoire au taux légal français. Sous l'angle du principe de disposition, l'indication du taux et du point de départ de l'intérêt suffit à délimiter précisément ce qui est réclamé. Et, du point de vue de l'exécution, l'office des poursuites a les données nécessaires pour calculer les intérêts échus. Que ces calculs soient rendus plus fastidieux par la variation annuelle, et désormais semestrielle du taux français ne justifie pas de dicter une autre solution. La situation se démarque clairement de celle envisagée par la jurisprudence de droit des poursuites, qui évoque le cas où les indications relatives aux intérêts sont si incomplètes et compliquées que le calcul des intérêts dus à la fin de la poursuite est rendu impossible sans recueillir de plus amples renseignements (arrêt précité 5A_975/2014 consid. 5.1 i.f.). Il n'est de toute façon pas possible de parer à l'inconnue que constituent les futurs taux français.  
Au surplus, il saute aux yeux que des taux oscillant entre 0,04% et 4,54% (appliqués sans anatocisme) s'inscrivent dans le champ de conclusions tendant à l'allocation d'un taux de 5%, sans qu'il faille fournir des calculs circonstanciés fondés sur les capitaux alloués. En bref, l'autorité précédente aurait dû entrer en matière, à tout le moins sur le grief principal. 
 
7.4.  
 
7.4.1. Comme cela vient d'être mentionné, le Tribunal fédéral a les données nécessaires pour statuer. S'il se montre traditionnellement soucieux de préserver le pouvoir d'appréciation des instances cantonales, il faut bien reconnaître in casu que les explications données par l'Institut de droit comparé sur le droit français ne laissent guère de marge de manoeuvre. S'agissant d'une question bien délimitée concernant une créance accessoire, l'économie de procédure justifie ici de statuer directement, d'autant que la procédure a été initiée il y a longtemps.  
En bref, l'autorité de céans contrôlera elle-même l'application du droit français concernant la question de l'anatocisme. Statuant en lieu et place d'une cour d'appel, elle usera du pouvoir d'examen dévolu à cette instance, soit un pouvoir libre (art. 310 let. a CPC; ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; 138 III 374 consid. 4.3.1; NICOLAS JEANDIN, in Commentaire romand, op. cit., nos 3-4 ad art. 310 CPC; KARL SPÜHLER, in Basler Kommentar, 3e éd. 2017, nos 1-2 ad art. 310 CPC). 
 
7.4.2. L'Institut de droit comparé a indiqué qu'en droit français, l'anatocisme "est admis, mais encadré". L'ancien 1154 aCCfr., abrogé le 1er octobre 2016 mais applicable à la présente cause, énonçait ce qui suit:  
 
" Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière." 
Les juges ne peuvent pas refuser la capitalisation des intérêts lorsque les conditions en sont remplies et qu'elle ne prend effet qu'à la date de la demande. 
 
7.4.3. On cherchera en vain dans les écritures des parties le signe que ces conditions étaient réalisées. Les défendeurs ont conclu à des sommes d'argent assorties d'un intérêt à 5% l'an. Au stade du mémoire de droit, ils ont préconisé l'application du taux d'intérêt légal français en se référant uniquement à l'art. 1153 CCfr., sans invoquer l'art. 1154 aCCfr. autorisant l'anatocisme. La demanderesse, qui était aussi concernée pour ses propres prétentions, n'a pas non plus plaidé qu'il fallait le pratiquer dans le cas concret.  
Par ailleurs, les griefs présentés en appel quant aux intérêts moratoires n'ont pas suscité le moindre commentaire des défendeurs. Dans la présente procédure, ils se bornent à soutenir la décision d'irrecevabilité retenue en appel. 
En bref, les premiers juges ont considéré à tort qu'il fallait capitaliser les intérêts. Seul le taux d'intérêt légal français "simple" entrait en considération. Depuis le 8 avril 2003 jusqu'à présent, il a toujours été inférieur à 5% l'an. Aussi s'inscrit-il clairement dans le cadre des conclusions. Celles-ci imposent une réserve pour l'avenir: le taux d'intérêt légal français s'appliquera pour peu qu'il soit inférieur ou égal à 5% en moyenne annuelle. Si celle-ci devait excéder 5%, ce taux-ci fera foi. 
Vu les informations données par le site Internet de la Banque de France et le site de Légifrance, l'on retiendra les taux en vigueur jusqu'au premier semestre 2023 (https://www.banque-france.fr, rubrique "statistiques", puis "taux et cours"; cf. aussi https: //www.legifrance.gouv.fr, qui permet d'accéder aux arrêtés fixant le taux). 
 
V. Conclusion  
 
8.  
En définitive, le recours est très partiellement admis sur la question du taux de l'intérêt moratoire. Il est rejeté pour le surplus. 
Les défendeurs/intimés obtiennent gain de cause sur la majorité des griefs. Le juge ne doit pas nécessairement s'en tenir à l'incidence mathématique des griefs; il peut aussi prendre en compte le travail occasionné par le traitement des griefs (BOVEY, op. cit., n° 42 ad art. 68 LTF). Tout bien considéré, la demanderesse/recourante supportera quatre cinquièmes des frais judiciaires, le solde étant mis à la charge des seuls intimés ayant procédé (soit B.________ et C.________), solidairement entre eux (art. 66 al. 1 et 5 LTF). La même clé de répartition s'appliquera aux dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF), arrêtés à 10'000 fr. pour chaque camp. Ainsi, après compensation, la recourante restera débitrice de 6'000 fr. envers B.________ et C.________, créanciers solidaires (cf. le calcul présenté par BOVEY, ibidem). 
Enfin, la cause sera renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle statue sur les frais lato sensu de la procédure cantonale.  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis très partiellement. L'arrêt attaqué est réformé en ce sens que A.________ SA doit payer: 
EUR 118'165.49 à B.________, 
EUR 79'903.15 à C.________ et 
EUR 135'516.01 à D.________, E.________ et B.________, solidairement entre eux. 
Ces sommes portent intérêt aux taux suivants: 
 
3,29% dès le 8 avril 20 03; 
2,27% dès le 1er janvier 2004; 
2,05% dès le 1er janvier 2005; 
2,11% dès le 1er janvier 2006; 
2,95% dès le 1er janvier 2007; 
3,99% dès le 1er janvier 2008; 
3,79% dès le 1er janvier 2009; 
0,65% dès le 1er janvier 2010; 
0,38% dès le 1er janvier 2011; 
0,71% dès le 1er janvier 2012; 
0,04% dès le 1er janvier 2013; 
4,06% dès le 1er janvier 2015; 4,29% dès le 1er juillet 2015; 
4,54% dès le 1er janvier 2016; 4,35% dès le 1er juillet 2016; 
4,16% dès le 1er janvier 2017; 3,94% dès le 1er juillet 2017; 
3,73% dès le 1er janvier 2018; 3,6% dès le 1er juillet 2018; 
3,4% dès le 1er janvier 2019; 3,26% dès le 1er juillet 2019; 
3,15% dès le 1er janvier 2020; 3,11% dès le 1er juillet 2020; 
3,14% dès le 1er janvier 2021; 3,12% dès le 1er juillet 2021; 
3,13% dès le 1er janvier 2022; 3,15% dès le 1er juillet 2022; 
4,47% dès le 1er janvier 2023, 
et, pour la suite, selon le taux d'intérêt légal français à venir ou, s'il devait excéder 5% en moyenne annuelle, à 5% l'an. 
Toutes autres ou plus amples conclusions sont rejetées. 
 
2.  
Les frais de la présente procédure, arrêtés à 9'000 fr., sont mis par 7'200 fr. à la charge de la recourante et par 1'800 fr. à celle des intimés B.________ et C.________, solidairement entre eux. 
 
3.  
La recourante versera à ces deux intimés, cr éanciers solidaires, une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens réduits. 
 
4.  
La cause est renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle rende une nouvelle décision sur les frais de la procédure cantonale. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué à toutes les parties ainsi qu'à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois. 
 
 
Lausanne, le 21 mars 2023 
 
Au nom de la I re Cour de droit civil  
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
La Greffière : Monti