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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_1034/2022  
 
 
Arrêt du 21 avril 2023  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, Denys et Muschietti. 
Greffier: M. Fragnière. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Robert Assaël, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
intimé. 
 
Objet 
Violation du secret de fonction (art. 320 ch. 1 al. 1 CP), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 23 juin 2022 
(P/1241/2018 AARP/198/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 18 janvier 2022, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a condamné A.________ pour violation du secret de fonction (art. 320 ch. 1 CP) à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, à 160 fr., avec sursis durant 3 ans, ainsi qu'à une amende de 960 francs. 
 
B.  
Statuant par arrêt du 23 juin 2022, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a rejeté l'appel formé par A.________ contre le jugement du 18 janvier 2022, qu'elle a confirmé. 
En substance, la cour cantonale a retenu les faits suivants. 
 
B.a. Sergent-major au sein de la police genevoise, A.________ a été chargé d'une investigation policière concernant des débordements survenus lors d'une manifestation à Genève le 4 octobre 2014.  
En novembre 2014, s'agissant de faits intervenus lors de cette manifestation, A.________ a dressé et produit au ministère public un procès-verbal d'audition d'un policier, valant plainte pénale, alors que cette audition n'avait en réalité jamais eu lieu. 
Il s'en est suivi l'ouverture d'une procédure pénale dirigée contre lui pour faux dans les titres dans l'exercice de fonctions publiques. 
 
B.b. Le 31 octobre 2017, à Genève, lors des débats de première instance dans le cadre de la procédure pénale dirigée contre lui pour faux dans les titres (P/13079/2015), A.________ a produit deux photographies de la manifestation du 4 octobre 2014, qu'il avait tirées d'un des dossiers d'investigations policières dont il était en charge.  
Ce faisant, A.________ a révélé à la présidente du tribunal de police, au ministère public et à B._________, partie plaignante, l'existence et le contenu de pièces d'un dossier d'investigation policière, sans toutefois avoir été autorisé par sa hiérarchie à les produire dans le cadre de la procédure pénale dirigée contre lui. 
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 23 juin 2022. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à son acquittement et à l'allocation d'une indemnité au sens de l'art. 429 CPP pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits en première et deuxième instances. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recourant conteste sa condamnation pour violation du secret de fonction (art. 320 ch. 1 CP). Il se plaint d'une violation de l'art. 320 CP
 
1.1. Celui qui révèle un secret à lui confié en sa qualité de membre d'une autorité ou de fonctionnaire, ou dont il avait eu connaissance à raison de sa charge ou de son emploi, sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 320 ch. 1 1e phrase CP). La révélation n'est pas punissable si elle est faite avec le consentement écrit de l'autorité supérieure (art. 320 ch. 2 CP).  
 
1.1.1. Le secret est un fait qui n'est connu que d'un nombre restreint de personnes, que le détenteur du secret veut maintenir secret et pour lequel il existe un intérêt au maintien du secret. L'infraction implique une notion matérielle du secret. Il n'est dès lors pas nécessaire que l'autorité concernée ait déclaré secret le fait en question. Est secret le fait qui n'est connu que d'un cercle restreint de personnes (ATF 142 IV 65 consid. 5.1; 116 IV 56 consid. II/1.a). Il ne peut s'agir d'un fait ayant déjà été rendu public ou qui est accessible sans difficulté à toute personne souhaitant en prendre connaissance (ATF 114 IV 44 consid. 2). Il faut en outre qu'il existe un intérêt légitime à ce que le fait soumis au secret ne soit connu que d'un cercle déterminé de personnes, et que le détenteur du secret veuille maintenir celui-ci (ATF 142 IV 65 consid. 5.1; 127 IV 122 consid. 1). Cet intérêt peut être celui de la collectivité publique (Confédération, canton ou commune) ou celui de particuliers. Un indice de la présence d'un intérêt légitime au maintien du secret est donné lorsqu'une loi prévoit un devoir de discrétion du fonctionnaire ou du membre d'une autorité (arrêts 6B_447/2020 du 8 septembre 2020 consid. 1.2; 6B_433/2020 du 24 août 2020 consid. 1.2.2; 6B_105/2020 du 3 avril 2020 consid. 1.1).  
Lorsque la révélation du secret est survenue au sein de l'administration, elle n'est pas punissable s'il s'agit d'une communication prévue par la loi ou justifiée par le fonctionnement du service (ATF 114 IV 44 consid. 3b; arrêts 6B_572/2018 du 1er octobre 2018 consid. 3.5, publié in Pra 2019 43 461; 6B_1369/2016 du 20 juillet 2017 consid. 4.1). Tel est le cas lorsque l'information est transmise à un tiers qui doit connaître celle-ci dans le cadre d'un rapport hiérarchique, d'une entraide, ou car il appartient à une autorité de recours ou de surveillance (cf. arrêts 6B_572/2018 précité consid. 3.5.1; 6B_1369/2016 précité consid. 4.1). En revanche, rendre le secret accessible à une personne non autorisée constitue une révélation punissable, même si le destinataire était lui-même tenu au secret de fonction (cf. ATF 119 II 222 consid. 2b.dd; 114 IV 44 consid. 3b.; arrêts 6B_1110/2020 du 15 décembre 2020 consid. 2.1.2; 6B_247/2019 du 22 juin 2020 consid. 2.1.3). 
 
1.1.2. L'art. 73 al. 1 CPP impose aux membres des autorités pénales, leurs collaborateurs, ainsi que leurs experts commis d'office de garder le silence sur les faits qui parviennent à leur connaissance dans l'exercice de leur activité officielle.  
La notion de secret y est équivalente à celle prévue par l'art. 320 CP. Le secret inclut toutes les opérations en relation avec la procédure pénale (arrêt 6B_439/2016 du 21 avril 2017 consid. 2.2.2). La forme étant indifférente, les faits secrets peuvent revêtir la forme verbale ou consister, par exemple, en des photographies, des radiographies ou des plans. Toute transgression de l'art. 73 al. 1 CPP est dès lors susceptible de constituer une violation du secret de fonction selon l'art. 320 CPP, sous réserve d'un fait justificatif (légal ou extra-légal) ou d'une transmission à une personne autorisée au sein de l'administration (STEINER et ARN, in JEANNERET/KUHN/PERRIER DEPEURSINGE, Commentaire romand, Code de procédure pénale, 2e éd. 2019, nos 2 et 10 ad art. 73 CPP). 
 
1.2. En l'espèce, la cour cantonale a considéré que, sans avoir préalablement obtenu l'accord de sa hiérarchie, le recourant avait transmis à des tiers non autorisés (soit au tribunal de police et aux parties) des pièces couvertes par le secret de fonction, qu'il avait obtenues dans l'exercice de son activité de policier.  
Peu importait que les photographies produites eussent pu être prises par n'importe quel tiers, extérieur à la police, et que le contenu de ces pièces ne fût pas révélateur d'un événement secret. Seul était déterminant le fait qu'au moment où le recourant les a produites, leur existence et leur contenu au titre de pièces d'une enquête de police n'étaient pas connus du public, ni destinés à l'être. 
En tout état, le recourant ne pouvait tirer aucun argument fondé du fait que, dans une autre procédure pénale à laquelle il n'était pas partie, les photographies en question avaient été produites sur ordre du tribunal de police (cf. arrêt attaqué, consid. 2.4 p. 7 s.). 
 
1.3. Le recourant soutient que les photographies litigieuses ne sont pas secrètes au sens de l'art. 320 CP, dès lors qu'elles auraient pu être prises par n'importe quelle personne présente le 4 octobre 2014 sur l'espace public à l'endroit de la manifestation et qu'aussi, leur contenu était accessible à un large public. Il relève à cet égard qu'il n'existait aucun intérêt légitime à ce que ces photographies demeurent secrètes, alors qu'au contraire, il pouvait pour sa part se prévaloir d'un intérêt légitime à se défendre dans une procédure pénale et, partant, à produire de tels moyens de preuves.  
Par surabondance, le recourant fait valoir qu'en produisant les pièces litigieuses lors des débats de première instance, il les avait révélées à des tiers autorisés, soit à la présidente du tribunal de police et au ministère public. La présidente du tribunal de police aurait ainsi pu ordonner leur dépôt, que les photographies soient couvertes ou non par le secret de fonction, ce qu'elle avait fait dans le cadre d'une procédure pénale dirigée contre un autre policier accusé d'avoir commis un abus d'autorité lors de la manifestation du 4 octobre 2014. 
 
1.4.  
 
1.4.1. Contrairement à ce que soutient le recourant, l'information secrète qu'il lui est reproché d'avoir révélée ne se limite pas à la teneur des photographies produites le 31 octobre 2017 au tribunal de police, mais s'étend à l'existence et au contenu de pièces à conviction selon l'art. 192 CPP, versées à un dossier d'investigation policière. Autrement dit, il lui est reproché d'avoir divulgué le fait que la police disposait au dossier d'une investigation policière de photographies de la manifestation du 4 octobre 2014, respectivement de moyens de preuves susceptibles de permettre l'identification de certains manifestants notamment.  
Cela étant, il doit être considéré, avec la cour cantonale, que le recourant a révélé des faits couverts par le secret de fonction. L'intérêt légitime au maintien du secret de tels faits est par ailleurs incontestable, en particulier au regard du CPP et du devoir de discrétion qui en découle (cf. art. 73 al. 1 CPP; cf. consid. 1.1.2 supra).  
 
 
1.4.2. Pour le surplus, la cour cantonale a retenu que le recourant avait révélé l'existence et le contenu des photographies litigieuses à la présidente du tribunal de police et aux parties à la procédure, à savoir au ministère public et à B._________ qui, en sa qualité de partie plaignante, était également présent lors des débats du 31 octobre 2017 (art. 105 al. 2 LTF; cf. dossier cantonal, arrêt rendu le 13 juillet 2018 par la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise dans la procédure pénale P/13079/2015, p. 7 s.). Le recourant ne conteste à ce propos pas qu'avant leur production le 31 octobre 2017, B._________ ignorait l'existence et le contenu des photographies au titre de pièces à conviction versées à un dossier d'investigation policière (cf. art. 105 al. 1 LTF).  
Aussi, les arguments du recourant, selon lesquels les faits secrets ont été révélés à des tiers autorisés, tombent à faux. Au reste, l'acceptation des pièces par la présidente du tribunal de police ou le fait que cette dernière aurait pu ordonner leur dépôt ne lui permettaient pas de considérer qu'il était autorisé à les produire sans l'accord de sa hiérarchie. Dans la procédure pénale dirigée contre lui pour faux dans les titres, leur production nécessitait le consentement écrit de l'autorité supérieure (cf. art. 320 ch. 2 CP), qu'il n'avait pas obtenu. 
 
1.4.3. En tant que le recourant se prévaut d'un intérêt légitime à se défendre dans une procédure pénale, il n'explique pas en quoi cet intérêt constituerait en l'espèce un fait justificatif légal ou extra-légal, l'autorisant à révéler l'existence et le contenu de pièces à conviction qu'il avait obtenues dans le cadre de ses fonctions et qui avaient été versées à un dossier d'investigation policière distinct de la procédure pénale dirigée contre lui (cf. ATF 146 IV 297 consid. 2.2.1).  
 
1.5. La violation du secret de fonction est une infraction intentionnelle. Déterminer ce qu'une personne a su, envisagé, voulu ou accepté relève du contenu de la pensée, à savoir de faits "internes" qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'ils n'aient été retenus de manière arbitraire (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.2).  
En l'occurrence, il ressort de l'arrêt entrepris que le recourant était conscient de son devoir de fonction et du caractère confidentiel des pièces litigieuses, étant observé que, le 4 octobre 2017, il avait demandé à son conseil s'il devait "les demander officiellement" pour les utiliser et que ce dernier lui avait répondu qu'une autorisation était nécessaire (cf. arrêt attaqué, ad "En fait" let. B.b p. 3). Aussi, en produisant les photographies litigieuses lors des débats du 31 octobre 2017, alors qu'il n'avait pas obtenu l'autorisation de sa hiérarchie, le recourant savait qu'il violait son secret de fonction. 
Le recourant ne revient au demeurant pas sur les constatations factuelles de l'autorité précédente, qui dénotent le caractère intentionnel de l'infraction. 
 
1.6. En définitive, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en retenant que les éléments constitutifs de l'infraction de violation du secret de fonction étaient réalisés.  
 
2.  
Le recourant ne consacre enfin aucune critique quant à la peine qui lui a été infligée. 
 
3.  
Les conclusions du recourant tendant à l'octroi d'indemnités pour les dépens cantonaux sont sans objet en tant qu'elles supposent l'acquittement de l'infraction reprochée, qu'il n'obtient pas. 
 
4.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 21 avril 2023 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
Le Greffier : Fragnière