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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_217/2021  
 
 
Arrêt du 11 mai 2023  
I  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jametti, Présidente, Hohl, Kiss, 
Rüedi et May Canellas, 
greffière Monti. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Rémy Wyler, avocat, 
défenderesse et recourante, 
 
contre  
 
Z.________, 
représenté par Me Michel Valticos, avocat, 
demandeur et intimé. 
 
Objet 
responsabilité de l'administrateur et directeur d'une société anonyme; devoirs de diligence et de fidélité (art. 717 et 321a CO), 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 10 mars 2021 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (n° 110, PT13.021753-200270). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. La société anonyme A.________ SA, sise à..., effectue des opérations de courtage financier sur les marchés de capitaux. Elle appartient à un groupe.  
Dès 1986, Z.________ a travaillé comme courtier pour cette société. Il a été promu directeur en 1999. Il a aussi occupé la fonction d'administrateur, puis d'administrateur président. Il était doté d'un pouvoir de signature à deux. 
 
A.b. Le 22 janvier 2010, la société a engagé C.________ en qualité de courtier. L'employé était rattaché au bureau zurichois de l'entité et, selon son contrat, devait rendre compte à D.________, basé à Paris.  
 
A.c. Les courtiers devaient enregistrer chaque jour les transactions ( trades) qu'ils concluaient dans le système informatique de la société ("S.________"), lequel générait automatiquement des confirmations envoyées par courrier électronique aux clients. La facturation et le suivi des encaissements étaient pris en charge par le back office sur la base des enregistrements effectués.  
C.________ a été dispensé de saisir quotidiennement les affaires qu'il concluait dans le système précité. Il devait envoyer lui-même des confirmations de commande à ses clients et la facturation devait s'effectuer de façon manuelle plutôt qu'automatique. Z.________ l'avait autorisé à travailler à son domicile avec son ordinateur portable et ses téléphones mobiles. 
Par courrier électronique du 31 mars 2010,..., directeur adjoint au service informatique, a écrit ce qui suit à C.________: 
 
"After analysis and discussion with Z.________: 
No confirmation[s] are sent from our system S.________, only Invoices grouping all trades of the month [...]." 
Le 15 juin 2010, il s'est encore adressé au courtier ainsi qu'à E.________, responsable du back office dotée de la signature collective à deux:  
 
"Hi C.________ & E.________, 
Thanks for today meeting. 
Here are the points as I understood them, please confirm it is OK for you : (...) 
It is agreed that... B/O [back office, réd.] will produce invoices in an excel format, month by month, and send them to C.________ who will have to check trade by trade and give B/O an OK to send the final invoice to the clients. 
This process will require corrections to be done and reissue invoices of concerned month until all OK. (...) " 
Le 24 juillet 2010, Z.________ a signifié le refus suivant à C.________: 
 
"Due to conflict interest [sic!] it's impossible that the broker send invoices, it has to be under back office controle [sic!], question of regulation." 
En septembre et octobre 2011, Z.________ a rappelé le courtier à l'ordre, exigeant qu'il soit présent au bureau, suive les règlements et communique avec le back office. Il s'est plaint auprès de D.________ des absences de cet employé qui était perpétuellement en vacances, ne s'investissait pas personnellement pour augmenter les revenus et n'était qu'un "grand menteur" les prenant "pour des cons".  
 
A.d. A la même époque, soit en octobre 2011, P.________ a été inscrit au registre du commerce comme administrateur de la société. Il avait pour mission de réduire les coûts et l'effectif du personnel.  
 
A.e. Au début de l'année 2012, R.H.________, directeur des ressources humaines, a remis à Z.________ un nouveau contrat de travail concernant C.________. Ce document rédigé en anglais prévoyait de lui allouer 50% des commissions de courtage facturées et reçues par la société comme résultat direct des affaires générées par l'employé (" billed and received by the Company as a direct result of business generated by the employee "). Divers coûts devaient être retranchés du revenu brut, ainsi que les factures en souffrance depuis plus de six mois (" less [...] Outstanding payment[s] over 6 months past due "). Cet avenant a été soumis à C.________, revêtu des signatures de Z.________ et d'un autre administrateur.  
L'intéressé a refusé de signer le contrat en raison de la clause mettant à sa charge le manque à gagner dû aux factures impayées, laquelle ne figurait pas dans son contrat initial. Z.________ a décidé de biffer celle-ci et d'y apposer son paraphe en date du 15 mars 2012, suite à quoi le courtier a accepté de signer l'avenant ainsi modifié. 
 
A.f. Le 5 avril 2012, P.________ a informé Z.________ qu'il était déchargé avec effet immédiat de toutes ses responsabilités du bureau de Zurich. L'intéressé a démissionné de ses fonctions de président et d'administrateur de A.________ SA le 17 avril suivant. Son pouvoir de signature à deux a été radié du registre du commerce le 19 juin 2012. P.________ lui a succédé, devenant président du conseil d'administration.  
 
A.g. En juin 2012, C.________ a sollicité une avance sur ses commissions auprès de Z.________.  
Par courriel du 26 juin 2012, ce dernier a demandé à F.________, administrateur de la société et directeur financier, s'il avait une objection à ce qu'une avance de 200'000 fr. fût versée au courtier. 
Le prénommé a demandé une "simulation" du bonus de C.________ sur l'ensemble de l'année. Le 27 juin 2012, le service de comptabilité a indiqué que le bonus devrait s'élever à 572'123 fr. selon une simulation calculée sur les montants enregistrés dans le système comme facturés, mais non sur les montants encaissés. 
Z.________ a précisé que des affaires de 700'000 fr. devaient encore entrer ce jour-là, ce qui porterait le chiffre d'affaires à 2,8 millions de francs. 
D.________ a écrit ces lignes à Z.________: 
 
"2 remarques: 
C.________ n'a pas à être impacté sur la non[-]collecte des revenus 2011; c'est un problème interne à la société. 
2èment, le paiement de ses bonus 2012 n'est pas conditionné à la collecte des revenus 2012." 
Le 28 juin 2012, F.________ a exposé son point de vue: 
 
"D'un point de vue P & L nous serions effectivement ok mais il [y] a toujours ce décalage entre la facturation et les encaissements. Ma compréhension est que nous n'avons rien encaissé à ce jour sur le CA 2012 et par conséquent je vois mal comment nous pourrions avancer un bonus sur des créances ouvertes et créer ainsi un décalage de trésorerie." 
Ce à quoi Z.________ a répondu: 
 
"Oui c'est une problématique mondiale du 'name give up', nous sommes tous conscient[s] de cette faille qui n'est pas nouvelle. 
Les nouveaux contrats mentionnent une date maximum d'encaissement mais il y a aussi une partie juridique à régler, le non[-]recouvrement peut très bien être de la faute de la banque, de notre back office etc... ce qui ne concerne pas le broker puisqu['] on lui demande de faire des affaires et de le payer [sic!] sur son business selon so[n] contrat. 
Je demandais simplement s'il y avait une objection à ce que nous lui pay[i]ons une avance sur participation, puisque nous devons lui régler une partie en Juillet et que nous sommes le 28 juin. 
Je peux dès lors considérer qu'en dehors de la problématique du recouvrement, qui à ce jour est notre problème, il n'y a pas d'obstacle à lui faire cette avance." 
L'administrateur F.________ a conclu: 
 
"si contractuellement nous devons lui payer un bonus en juillet, je ne vois pas de problème à lui faire cette avance." 
Z.________ lui a signifié le 28 juin 2012 qu'avec son accord, la société allait faire une avance sur bonus de 150'000 fr. à C.________. 
D.________ a reçu une copie de tous les courriels échangés à ce sujet. 
Entendu en qualité de partie dans le présent procès (let. B.a infra), F.________ a admis avoir été interpellé au sujet de l'avance de bonus: Z.________ lui avait expliqué par e-mail qu'il n'y avait pas de clause permettant de déduire du chiffre d'affaires les factures non recouvrées. S'il avait su qu'en réalité, cette clause avait été rayée du contrat, la solution aurait été différente, "une lumière rouge se serait allumée". En outre, il ignorait que les revenus générés par l'activité du courtier en lien avec l'avance sollicitée en 2012 n'avaient été ni facturés, ni encaissés. C'était aussi en raison des assurances données par Z.________ que le solde du bonus avait été versé à la fin du mois de juillet.  
Par courriel du 10 juillet 2012, R.H.________ a informé J.________, responsable des affaires juridiques, que Z.________ lui avait remis une copie de l'avenant au contrat de C.________. Celui-là avait biffé une clause à la demande de celui-ci, après validation par D.________. Ce à quoi la responsable du service juridique a répondu: "Bien s[û]r que si[,] les factures impayées viennent en déduction!", ajoutant qu'elle allait contacter D.________. 
Après avoir touché une avance de 150'000 fr., le courtier a encore perçu un solde à la fin du mois de juillet, encaissant au total 1'163'103 fr. bruts de participation aux commissions de courtage. 
 
A.h. Peu avant, soit le 11 juillet 2012, la société a informé Z.________ que son contrat de travail ne serait pas renouvelé et que leurs rapports prendraient fin le 28 février 2013. Elle l'a délié sur-le-champ de son obligation de travailler tout en lui demandant de rester à sa disposition et de poursuivre son activité pour une autre société du groupe. Le 13 juillet suivant, l'intéressé a libéré son bureau et n'est plus retourné dans les locaux de la société.  
 
A.i. Le 16 août 2012, C.________ a démissionné.  
A.________ SA a découvert postérieurement qu'il avait facturé des opérations fictives. 
 
A.j. Le 21 septembre 2012, Z.________ a déclaré résilier son contrat de travail avec effet immédiat pour justes motifs.  
Dans l'intervalle, il avait signé un contrat de travail avec une autre société de courtage, qui a aussi recruté C.________. 
 
A.k. Le 19 décembre 2012, A.________ SA a déposé une plainte pénale contre C.________ et Z.________. En septembre 2014, le Ministère public a décidé de scinder la procédure, jusque-là conduite de concert contre les deux prénommés.  
 
B.  
 
B.a. Le 21 décembre 2012, Z.________ a attrait A.________ SA en conciliation devant la Chambre patrimoniale du canton de Vaud. Faute d'avoir pu trouver un arrangement, il a déposé une demande contenant diverses prétentions pécuniaires fondées sur les rapports de travail.  
La société a conclu au rejet et émis des conclusions reconventionnelles. Elle requérait notamment 1'558'764 fr. pour le dommage causé par son ex-employé et administrateur. 
Une expertise comptable a été mise en oeuvre. Dans son rapport du 29 janvier 2016, l'expert a retenu qu'entre 2010 et 2012, C.________ avait touché une "rémunération excédentaire" de 1'555'346 fr., soit : 
 
- 41'477 fr. pour 2010, respectivement 
- 364'767 fr. pour 2010 et 2011, et 
- 1'190'579 fr. pour 2012. 
En avril 2017, la Chambre patrimoniale a suspendu la cause jusqu'à droit connu dans la procédure pénale divisant les parties. 
Par ordonnance du 22 juin 2018, le Ministère public vaudois a levé l'accusation de gestion déloyale qui pesait sur Z.________, au motif qu'il n'avait pas enfreint ses devoirs de gestion et de sauvegarde. De surcroît, rien n'indiquait qu'il eût agi de façon intentionnelle, fût-ce par dol éventuel. La Chambre des recours pénale a confirmé cette décision le 15 mars 2019. 
Peu après, soit le 9 avril 2019, la Chambre patrimoniale a repris l'instruction du dossier civil. 
Statuant le 3 septembre 2019, elle a rejeté la demande principale et partiellement admis la demande reconventionnelle, condamnant Z.________ à payer en particulier 1'558'764 fr. de dommages-intérêts à la société défenderesse. 
Son raisonnement peut se synthétiser comme il suit: 
 
- D'une part, Z.________ avait violé son devoir de diligence (auquel il était astreint de par sa fonction d'administrateur) en dispensant C.________ d'utiliser le système informatique S.________, lequel permettait de contrôler le travail des brokers. L'administrateur n'avait pas suffisamment surveillé les activités de ce courtier, ni avant, ni après l'avoir rappelé à l'ordre en automne 2011.  
- D'autre part, il avait modifié seul l'avenant au contrat de travail du courtier, outrepassant son pouvoir de signature à deux. La société défenderesse n'en avait été informée qu'en juillet 2012, après qu'il eut sollicité le versement d'une avance sur participation pour C.________. Il avait convaincu F.________ malgré les réticences de ce dernier, qui ignorait la modification apportée à l'avenant. Ce faisant, il n'avait pas fidèlement protégé les intérêts de la défenderesse, contrairement à ce que lui imposait le contrat de travail qui les liait encore. 
- Le défaut de surveillance adéquate du courtier et la mauvaise information donnée aux dirigeants de la société étaient en rapport de causalité naturelle et adéquate avec le dommage subi par celle-ci. 
Il était exclu de retenir une rupture de la causalité adéquate fondée sur la faute concurrente du courtier, au motif notamment que celui-ci n'avait pas participé à la procédure civile et qu'il n'y avait pas eu d'instruction complète sur les faits qui lui étaient reprochés, si bien qu'on ne pouvait déterminer si les quatre conditions propres à engager sa responsabilité étaient réalisées. 
 
B.b. Le 3 décembre 2019, le Tribunal correctionnel de Lausanne a condamné C.________ pour escroquerie par métier et faux dans les titres, non sans avoir souligné la culpabilité "particulièrement lourde" du personnage, qui avait trompé astucieusement son ex-employeuse. Le prénommé a transigé sur les conclusions civiles de la plaignante, dont il s'est reconnu débiteur de 1'558'764 fr. Une créance compensatrice de 1'390'509 fr. 50 a été prononcée à son encontre.  
 
B.c. Le 14 février 2020, Z.________ a fait appel du jugement civil.  
Le Tribunal cantonal vaudois lui a partiellement donné raison. Par arrêt du 10 mars 2021, il l'a dispensé de verser des dommages-intérêts. Ayant pu prendre connaissance du verdict pénal prononcé contre C.________, il a fondé sa motivation principale sur la faute dudit courtier, tellement lourde qu'elle avait provoqué une rupture du lien de causalité entre les éventuels manquements du demandeur et le dommage subi par la défenderesse (cf. consid. 5.3 infra).  
 
C.  
Celle-ci a saisi le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile visant à réformer l'arrêt attaqué en ce sens que le demandeur devrait être astreint à lui verser 1'555'346 fr. de dommages-intérêts, en sus des autres montants alloués. 
Le demandeur/intimé au présent recours a déposé une réponse dans laquelle il préconise le rejet du recours. Il a suscité une brève réplique spontanée de la défenderesse/recourante, à laquelle il a dupliqué de façon encore plus succincte. 
L'autorité précédente s'est référée à son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment celles ayant trait au délai de recours (art. 100 al. 1 LTF en lien avec les art. 45 al. 1 et 46 al. 1 let. a LTF) et à la valeur litigieuse, largement supérieure aux seuils légaux (art. 74 al. 1 LTF). 
Rien ne s'oppose dès lors à l'entrée en matière. 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF) et par les juges de première instance, pour autant que leurs constatations soient reprises au moins implicitement dans l'arrêt attaqué (arrêt 4A_488/2021 du 4 mars 2022 consid. 3.1; sous l'OJ, ATF 129 IV 246 consid. 1). Cet état de fait peut être rectifié ou complété s'il est manifestement inexact - c'est-à-dire arbitraire - ou découle d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).  
Pour combler des lacunes dans l'état de fait, la partie recourante doit démontrer que des faits pertinents introduits régulièrement en procédure ont été indûment passés sous silence, ce qui implique de désigner les allégués et offres de preuve présentés, avec référence aux pièces du dossier. A défaut de respecter ces exigences, les faits sont réputés nouveaux, et partant irrecevables (ATF 140 III 86 consid. 2 p. 90). 
 
2.2. Sous réserve de la violation des droits constitutionnels (art. 106 al. 2 LTF), le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est lié ni par les motifs soulevés par les parties, ni par l'argumentation proposée dans l'arrêt attaqué. Il peut donc admettre le recours pour d'autres raisons que celles soulevées dans le mémoire, ou le rejeter sur la base d'une justification divergeant de celle de l'autorité précédente (ATF 135 III 397 consid. 1.4).  
 
3.  
 
3.1. Au niveau de l'état de fait, la recourante fait grief à la Cour d'appel vaudoise d'avoir omis de reproduire dans son arrêt des dépositions recueillies par les autorités pénales, soit celles de l'intimé, de J.________, de P.________ et de... (directeur adjoint du service informatique). Leurs propos, cités dans le premier jugement, seraient essentiels en tant qu'ils attesteraient notamment de l'intervention directe de l'intimé pour soustraire le courtier à toute surveillance, ce qui aurait favorisé la commission des infractions et le dommage subi par la recourante.  
L'arrêt attaqué décrit les facilités de travail accordées à C.________ (let. A.c supra). Le mémoire de recours renvoie d'ailleurs aux passages traitant ce sujet. Par ailleurs, le premier jugement citait sur une vingtaine de pages les déclarations dont la recourante fait grand cas, et l'on peut admettre que ce pan fait partie intégrante de l'arrêt attaqué (cf. consid. 2.1 infra). Ceci dit, la prise en compte de ces dépositions n'aboutit pas au résultat escompté par la recourante.  
 
3.2. Elle reproche de surcroît à la cour cantonale d'avoir directement enchaîné sur la thématique de la rupture du lien de causalité (consid. 5.3 infra), sans se préoccuper de savoir si l'intimé avait violé ses devoirs de diligence et de fidélité, ni traiter les griefs qu'elle avait émis à ce sujet.  
L'examen du lien de causalité adéquate - qui est une question de droit, n'en déplaise à la recourante - impliquait de comparer deux comportements dommageables, celui du courtier malveillant et celui de l'intimé, de sous-peser leur importance respective et d'apprécier leur rôle propre sur le résultat dommageable. Aussi fallait-il prédéfinir les éventuels manquements de l'intimé. Toutefois, les premiers juges s'y étaient attelés, retenant une violation des devoirs de diligence et de fidélité. L'autorité d'appel pouvait adopter cette analyse comme prémisse de son raisonnement et déterminer si, en fonction de cette hypothèse, il y avait matière ou non à retenir une rupture de la causalité. Pareille façon de procéder ne prête pas le flanc à la critique. Le grief de violation du droit d'être entendu est inconsistant. D'autant plus que dans sa réponse à l'appel, la recourante - comme elle se plaît à le souligner - s'était référée "intégralement aux considérants du jugement" de première instance, estimant que la Chambre patrimoniale avait effectué "un examen en fait et en droit irréprochable". 
 
3.3. La recourante reproche encore à la Cour d'appel d'avoir apprécié arbitrairement les preuves en retenant que l'intimé n'avait joué aucun rôle dans le versement des commissions 2012, n'intervenant ni dans la prise de décision, ni dans son exécution proprement dite.  
A vrai dire, l'intéressée ne formule pas de critique particulière sur la manière dont les juges cantonaux ont dépeint les circonstances factuelles entourant l'épisode litigieux. L'enjeu porte bien plutôt sur le point de savoir si l'intimé a engagé ou non sa responsabilité de ce chef, ce qui relève du droit (consid. 8 infra).  
 
3.4. En bref, aucune faille n'a été mise en évidence au niveau de l'état de fait.  
 
4.  
La recourante a été dupée par son courtier C.________ qui, à compter d'un certain moment (consid. 6.3.2 et 6.4 infra), s'est mis à annoncer au back office des transactions qu'il avait soi-disant effectuées, mais qui étaient en réalité inventées de toutes pièces. La recourante s'attendait à ce qu'elles génèrent un chiffre d'affaires, ce qui l'a conduite à verser au courtier une avance de 150'000 fr., puis un solde de bonus de 1'163'103 fr. à titre de participation aux revenus. N'ayant finalement rien pu encaisser, elle a subi un dommage.  
A son sens, son ex-employé et administrateur Z.________ (intimé au présent recours) aurait engagé sa responsabilité contractuelle et/ou organique en manquant à ses devoirs, ce qui aurait favorisé la commission des infractions du courtier: 
 
- l'intimé aurait accordé au courtier des facilités de travail qui lui auraient permis de passer entre les mailles du filet (consid. 7.1 infra);  
- plus généralement, il aurait insuffisamment surveillé l'employé indélicat (consid. 7.2 infra);  
- de surcroît, il aurait supprimé, à l'insu de la recourante, une clause contractuelle qui aurait pu limiter le dommage puisqu'elle permettait de refuser le paiement de commissions concernant des opérations restées impayées au-delà de six mois (consid. 8 infra).  
 
5.  
 
5.1. La responsabilité organique et contractuelle de l'administrateur président et directeur de société est engagée s'il appert qu'il a violé fautivement des obligations lui incombant, que la société a subi un dommage et que ces violations sont en rapport de causalité naturelle et adéquate avec le préjudice (art. 321e CO en lien avec les art. 97 ss CO, ATF 144 III 327 consid. 4.2.1; art. 754 al. 1 CO et ATF 136 III 148 consid. 2.3 i.f.).  
En l'occurrence, l'intimé aurait manqué à ses devoirs de diligence et de fidélité, qui sont ancrés tant dans le droit de la société anonyme (art. 717 CO) que dans le droit du travail (art. 321a et 321e al. 2 CO; ATF 130 III 213 consid. 2.1; 128 III 129 consid. 1a/aa p. 132 s.; arrêt 4A_55/2017 du 16 juin 2017 consid 4.2). 
La diligence due par les administrateurs et autres dirigeants de société se détermine objectivement, en tenant compte des circonstances concrètes. L'organe doit notamment faire preuve de diligence dans le choix, l'instruction et la surveillance du personnel de direction (cf. PETER BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht, 5e éd. 2022, § 9 n. 702 et 712 s.). Il faut garder à l'esprit que les activités de l'administrateur ou du directeur comportent un certain risque entrepreneurial. Aussi les tribunaux font-ils preuve de retenue lorsqu'ils doivent juger a posteriori des décisions concernant la conduite des affaires. Du moment qu'elles résultent d'un processus décisionnel irréprochable, se fondent sur des informations adaptées et ne résultent pas d'un conflit d'intérêts, les juges se bornent à examiner si elles étaient ou non défendables (ATF 139 III 24 consid. 3.2; arrêts 4A_268/2018 du 18 novembre 2019 consid. 6.5.1; 4A_642/2016 du 27 juin 2017 consid. 2.1). En principe, le devoir de fidélité ancré dans le droit des sociétés est plus vaste que celui prévu par le droit du travail (ATF 130 III 213 consid. 2.1 i.f.).  
 
5.2. La Chambre patrimoniale a retenu une violation des devoirs de fidélité et de diligence à la charge de l'intimé, ainsi que la réalisation des trois autres conditions de la responsabilité organique et/ou contractuelle. Aussi l'a-t-elle astreint à verser 1'558'764 fr. de dommages-intérêts à la recourante.  
 
5.3. Informée de la condamnation pénale du courtier, la Cour d'appel a désavoué les premiers juges, retenant une rupture du lien de causalité adéquate:  
La faute de C.________ était tellement grave qu'elle avait rompu le lien de causalité entre l'éventuel manque de diligence de l'intimé et le préjudice subi par la société. Le courtier avait reconnu l'intégralité des faits qui lui étaient reprochés et avait été condamné pour escroquerie par métier et faux dans les titres. Sa culpabilité avait été jugée particulièrement lourde; il avait trompé astucieusement son ex-employeuse. Il s'était reconnu débiteur de l'entier du dommage, soit 1'558'764 fr. 
La Cour d'appel a encore brandi un argument superfétatoire concernant le versement de commissions à hauteur de 1'163'103 fr. à la fin du mois de juillet 2012: 
Au moment du paiement de cette "participation" au courtier, l'intimé n'assumait plus aucune responsabilité pour la recourante. Il n'était pas intervenu dans ce versement, que ce fût dans la prise de décision effective ou dans son exécution. A l'époque, il devait en référer à D.________ et à F.________, administrateur, comme le montrait l'échange de discussions opéré. Ceux-ci avaient donné leur accord. Le 11 juillet 2012, la recourante avait informé l'intimé que son contrat de travail ne serait pas reconduit et l'avait libéré sur-le-champ de son obligation de travailler. Dans ce contexte, le versement de la participation à C.________ à la fin du mois de juillet ne pouvait pas engager l'intimé, mais bien plutôt P.________, F.________ et D.________. Or, ces personnes connaissaient le décalage temporel entre l'encaissement des commissions facturées et le paiement de la rémunération au courtier. Cette problématique du calcul des commissions était aussi connue de R.H.________ et de J.________. En fin de compte, les responsables de la recourante avaient consenti au paiement de la "participation" à C.________. 
 
5.4. Le raisonnement des juges cantonaux adopte la prémisse que C.________ serait un tiers dont les graves manquements pourraient rompre le lien de causalité. Cette question est sujette à discussion. En tout état de cause, la rupture du lien de causalité est rarement retenue par la pratique (ATF 146 III 387 consid. 6.3.1).  
Aussi est-il préférable de commencer par examiner les autres conditions nécessaires pour engager la responsabilité organique et/ou contractuelle de l'administrateur et directeur employé par la société. 
 
6.  
Le dommage tient ici au fait que la recourante a versé au courtier des avances sur commissions calculées d'après les transactions fictives qu'il avait annoncées, lesquelles n'ont évidemment généré aucun revenu. L'intimé aurait favorisé la perpétration des infractions et serait co-responsable du dommage en découlant. 
 
6.1. Les premiers juges ont consacré en tout et pour tout quatre lignes au préjudice: entre 2010 et 2012, A.________ SA avait payé à C.________ 1'558'764 fr. de rémunération en trop. Cette somme avait été confirmée par l'expert [sic!] et devait être retenue au titre du dommage subi par ladite société.  
En appel, l'intimé avait reproché à la Chambre patrimoniale de ne pas avoir distingué les différents postes du dommage prétendument causé en 2010, 2011 et 2012, "se contentant de considérations totalement générales et approximatives". De surcroît, elle avait omis de préciser "pour chaque montant en quoi il aurait été imputable" à l'intimé. Dans sa réponse, la recourante s'était contentée de renvoyer au jugement de première instance et de paraphraser l'expertise - opération qu'elle répète dans son recours. 
L'arrêt attaqué évoque ces griefs. Il livre quelques détails supplémentaires résultant de l'expertise puis conclut que "le calcul exact du montant du dommage n'est pas en soi déterminant pour l'issue du (...) litige". Les juges d'appel se sont dispensés d'approfondir cette question car ils estimaient pouvoir retenir une rupture du lien de causalité. Dans la mesure où la cour de céans entend contourner cet écueil (consid. 5.4 supra), ces moyens méritent d'être pris en compte.  
 
6.2. En 2010, C.________ aurait "touché 41'477 fr. de trop par rapport au chiffre d'affaires qu'il avait réalisé", selon le constat des juges d'appel fondé sur l'expertise.  
L'intimé a contesté et conteste toujours ce poste du dommage. A raison. On cherche en vain dans les décisions cantonales et l'expertise la cause de ce trop-perçu. Rien n'indique qu'il y aurait eu cette année-là des opérations impayées, ni a fortiori qu'un éventuel défaut de recouvrement serait imputable à des infractions du courtier. L'on en veut pour preuve que l'expertise ne retient aucune "perte sur débiteurs" (soit des commissions non encaissées) en 2010. Dans ces conditions, il est exclu de faire supporter ce poste à l'intimé.  
 
6.3.  
 
6.3.1. En 2011, le courtier a touché 397'767 fr. de commissions (ou de "participation variable"). L'expert a retenu une "rémunération excédentaire 2010 et 2011" de 364'767 fr. Il ne peut être suivi. D'une part, il a intégré dans son calcul le montant de 41'477 fr., qui concerne l'année précédente et n'entre pas en ligne de compte (consid. 6.2 supra). D'autre part, il a pris comme base de calcul la totalité de la rémunération du courtier, salaire fixe compris (300'000 fr.). Or, la recourante n'en a pas exigé le remboursement (et, si tel avait été le cas, il faudrait soumettre cette question juridique au juge, et non à l'expert).  
L'expert explique que les revenus nets encaissés ont atteint 748'954 fr., de sorte que le courtier aurait dû en toucher 50%, soit 374'477 fr. Dans les faits, il a obtenu 397'767 fr. L'excédent serait ainsi de 23'290 fr. (397'767 - 374'477). 
 
6.3.2. Cela étant, il est question dans l'expertise de "pertes sur débiteurs", c'est-à-dire de "commissions impayées sur les affaires générées par C.________", d'après la comptabilité analytique de la société. On ignore la cause du non-recouvrement, et donc ce qui justifierait d'en tenir l'intimé pour responsable, comme le déplorait celui-ci dans son appel.  
Les décisions cantonales, construites sur les allégations des parties, n'apportent pas de réponse claire à cette question: on y apprend que C.________ a admis ne pas avoir été honnête en 2012 et que l'intimé, lors de sa déposition, a contesté des opérations fictives en 2011, évoquant tout au plus des problèmes d'encaissement. 
La recourante n'a pas dénoncé ni établi des lacunes de ce point de vue. Elle peut tout au plus s'appuyer sur des propos ambigus tenus par l'intimé dans son appel (rapportés dans l'arrêt attaqué), et repris sous une forme très ramassée dans sa réponse au recours. Ainsi, dans un récapitulatif, il concluait qu'"il n'y avait pas [eu] de trades fictifs avant 2011, voire 2012". Dans le même temps, il reprochait à son adverse partie de n'avoir pas prouvé son dommage en 2011, soulignant que le courtier avait nié jusque devant le Tribunal correctionnel avoir inventé des opérations fictives en 2011. A titre subsidiaire, il reconnaissait le montant inférieur retenu par les autorités pénales (159'288 fr. 30) plutôt que celui arrêté par l'expert (364'767 fr.). Sans de plus amples précisions, il n'est pas possible de s'appuyer sur ces 159'288 fr. 30. Pour le même motif, n'est pas déterminant le fait que le courtier a transigé et reconnu devoir 1'558'764 fr. à la société, ou encore qu'une créance compensatrice de 1'390'509 fr. 50 a été prononcée à son encontre.  
En bref, des circonstances aussi peu étayées ne permettent pas de retenir un dommage lié à des malversations du courtier en 2011. 
 
6.4. Subsiste l'année 2012.  
Le courtier a touché 1'163'103 fr. de commissions brutes. Il a admis avoir annoncé des opérations fictives cette année-là, comme le relate l'arrêt attaqué. L'intimé ne conteste pas le fondement artificiel desdites commissions. En retenant en sus des notes de frais indues, l'expert a arrêté le versement excédentaire à 1'190'579 fr. A défaut de critiques soulevées dans la réponse au recours, l'on retiendra en définitive que le dommage de la recourante équivaut à ce montant. 
 
7.  
 
7.1. La recourante reproche à l'intimé d'avoir accordé au courtier des conditions de travail trop libres qui auraient fait le lit de l'escroquerie.  
En principe, les courtiers devaient saisir chaque jour les transactions qu'ils concluaient dans le système informatique. Celui-ci générait automatiquement des confirmations adressées par courriel aux clients. et la facturation se faisait aussi généralement de façon automatique. C.________ a été dispensé d'enregistrer ses trades dans ce système. Il n'y avait donc pas de confirmation automatique aux clients, et les facturations se faisaient de façon manuelle. La société perdait ainsi des possibilités de contrôle sur l'activité du courtier: l'annonce aux clients d'opérations fictives, respectivement la facturation rapide et automatique de telles transactions auraient logiquement suscité des protestations rapides en cas d'erreurs, comme l'a souligné la responsable du service juridique.  
Il n'est guère contestable que ce système a été mis en place sur instructions de l'intimé. En revanche, l'on ignore le motif de cette dérogation. Z.________ a expliqué aux autorités pénales de façon sibylline que le courtier travaillait bien en 2010 et 2011 - alors que le dispositif avait été décidé d'emblée. Il appert aussi que deux dirigeants du service informatique, surpris par la désactivation de certains réglages dans le cas de C.________, avaient interpellé à l'époque le secrétaire général du groupe..., également administrateur de A.________ SA. Celui-ci leur avait répondu sobrement que Z.________ savait ce qu'il devait faire. Cette personne haut placée ne s'est manifestement pas inquiétée du procédé. 
Les décisions cantonales laissent tout au plus entrevoir quelques particularités de l'activité du courtier. Selon l'intimé, il s'agissait d'une activité nouvelle en Suisse, dont il n'avait pas connaissance jusque-là. Le courtier était en compétition sur ce produit avec Londres, respectivement avec P.________, ce qui avait conduit l'intimé à lui conseiller de ne pas répondre au prénommé qui cherchait à connaître les détails de cette activité. Les revenus étaient réalisés sur une période restreinte de l'année. Toujours d'après Z.________, les opérations changeaient en permanence, si bien qu'il était compliqué de les faire suivre par le back office chargé de la facturation; cet aspect aurait justifié la décision de procéder au moyen d'un relevé mensuel.  
Cela étant, l'on gardera à l'esprit que l'intimé a été disculpé de l'accusation de gestion déloyale, au motif notamment qu'il n'avait pas violé ses devoirs de gestion et de sauvegarde. L'intimé précise que les libertés octroyées au courtier étaient connues des autorités pénales, tout comme la raison de ce régime dérogatoire. La recourante ne se risque pas à contredire cette affirmation, qui est exacte. Cet élément pèse d'un poids certain, même s'il n'est pas possible d'en retenir plus. En effet, les juges d'appel ont reproché à l'intimé de citer des extraits de diverses pièces de la procédure pénale sans les relier à des allégués. L'intimé n'a émis aucun grief dans sa réponse au recours. Au contraire, il persiste sur sa lancée, usant du même procédé. 
S'y ajoute le fait que pendant plus de deux ans, le courtier a donné satisfaction. L'intimé a indiqué que cet employé travaillait bien et réalisait du chiffre d'affaires. En 2010, il a généré des commissions réelles de 2'191'953 fr. nets, selon l'expertise. En 2011, qui n'était apparemment pas une bonne année, il a encore permis d'encaisser des revenus réels à hauteur de 748'954 fr. 
Par ailleurs, l'état de fait décrit dans les décisions cantonales ne permet pas de comprendre précisément comment le courtier est parvenu à cacher son stratagème pendant quelque temps. Bien que la société, via l'intimé, eût renoncé à la confirmation des opérations et à la facturation automatiques, le courtier devait remettre chaque mois un tableau Excel des opérations, à charge pour le back office d'introduire ces informations dans le système et de facturer les clients sur cette base. L'intimé s'était fermement opposé à ce que le courtier envoyât lui-même des factures aux clients, cette opération devant se faire sous le contrôle du back office (let. A.c supra).  
Certains pans du jugement font supputer que la facturation ne suivait pas. On peut ainsi lire que F.________ ignorait l'absence de facturation des opérations censées générées par C.________ en 2012, tout comme l'intimé. Cependant, face aux autorités pénales, l'intimé a contesté que des boni aient été payés sans qu'une facture soit émise: tout au plus a-t-il admis qu'ils étaient versés sans attendre l'encaissement des factures. Lorsque s'est posée la question d'une avance de bonus en juin 2012, la comptabilité a effectué une simulation dont on nous dit qu'elle a été "calculée sur les montants enregistrés dans le système comme facturés, mais non sur les montants encaissés". La tournure peut suggérer que les opérations avaient été entrées dans la comptabilité comme du chiffre d'affaires avant qu'il y ait eu facturation. Semblent aller dans le même sens les explications de... : selon ce directeur du service informatique, dès qu'un trade était enregistré dans S.________, le système considérait que la facture avait été envoyée au client, raison pour laquelle la "comptabilité débiteurs" était directement mise à jour. Etait-ce bien le cas, et si oui, à qui la faute incombait-elle? Y avait-il des retards de facturations? Pour quelle raison? Etait-ce perceptible pour l'intimé? Toutes ces interrogations demeurent sans réponse. Les dérogations mises en place par l'intimé maintenaient un certain contrôle du back office, chargé de la facturation. E.________, responsable de ce département, était au courant du procédé mis en place (let. A.c supra). Or, selon le premier jugement, elle a dû prendre un congé-maternité dès novembre 2011 et n'a pas été remplacée, ses tâches étant réparties entre deux autres collaboratrices. L'intimé a vainement tenté de faire engager une remplaçante (l'amie de son fils); la société recourante était dans une logique de réduction des effectifs.  
Dans des circonstances aussi nébuleuses, il n'y a guère matière à reprocher à l'intimé de ne pas avoir découvert les agissements de C.________. 
P.________ a soutenu que la supercherie aurait pu être découverte en juin 2012 si l'intimé s'était donné la peine de demander à la direction financière les rapports indiquant les dettes des clients à trente jours, soixante jours et nonante jours. A elle seule, cette affirmation ne permet pas de charger l'intimé. Le décalage entre la comptabilisation des opérations et leur encaissement était connu de l'intimé et d'autres responsables. Cependant, si les décomptes pouvaient révéler des retards à l'encaissement, un tel phénomène n'était pas nécessairement imputable à des procédés malveillants. Il semble que la question du retard de paiement ait été récurrente, même à l'époque où les opérations du courtier étaient bien réelles. En outre, la société ne prétend pas avoir effectué des vérifications particulières lorsqu'il s'est agi de verser le solde des commissions à la fin du mois de juillet, après l'éviction de l'intimé. 
Encore une fois, dans des circonstances aussi vagues, que la recourante aurait dû le cas échéant clarifier en introduisant des allégués et offres de preuve pertinentes, on ne saurait reprocher à l'intimé d'avoir enfreint ses devoirs de fidélité et de diligence en accordant un système dérogatoire au courtier. 
 
7.2. Dans la foulée, la recourante déplore que l'intimé n'ait pas exercé un contrôle plus soutenu sur le courtier après lui avoir octroyé de telles libertés et l'avoir vertement critiqué en automne 2011 ( supra let. A.c i.f.).  
On ignore ce qui a provoqué cet accès d'exaspération. Il appert toutefois qu'en 2010, le courtier avait réalisé une excellente performance en quelques mois. Sous réserve de ce rappel à l'ordre, il n'apparaît pas que le courtier ait causé problème en 2011. Au moment où il a menacé de quitter la société en juin 2012, l'intimé a eu tôt fait d'accepter ses exigences en supprimant la clause litigieuse, jugeant important de garder un courtier qu'il tenait pour excellent. Au demeurant, la recourante reste muette sur les mesures de contrôle qui auraient dû être exercées et, comme cela vient d'être souligné, l'on ignore le détail des circonstances ayant permis au courtier de duper la société durant quelque temps, ainsi que les raisons ayant conduit à mettre en lumière la supercherie. L'escroc a manifestement su gagner la confiance des cadres supérieurs en commençant par réaliser d'excellentes performances réelles malgré les libertés dont il jouissait. En fin de compte, les circonstances ne sont pas suffisamment étayées pour retenir un défaut de surveillance à la charge de l'intimé. 
 
8.  
 
8.1. La recourante soulève encore un autre grief: l'intimé aurait aussi favorisé le versement de commissions indues en supprimant une clause contractuelle censée faire supporter au courtier le défaut d'encaissement des opérations réalisées. L'intimé aurait désinformé ses collègues en juin 2012.  
 
8.2. Tel qu'il avait été envisagé par les ressources humaines, l'avenant prévoyait d'allouer au courtier 50% des commissions facturées et reçues par la société, sous déduction des factures en souffrance depuis plus de six mois (" billed and received by the Company [...], less [...] outstanding payment[s] over 6 months past due "; let. A.e supra).  
L'intimé a expliqué que la société versait les commissions sans attendre que les factures fussent encaissées, ce qui intervenait parfois beaucoup plus tard. Par cette clause, elle se réservait le droit, à défaut d'encaissement, de "récupérer" la commission payée (par anticipation, réd.) au courtier, ou de la déduire des montants dus sur de prochaines performances. 
Il est constant que le courtier a refusé d'accepter l'avenant tel qu'il lui était soumis en raison de cette clause. Il a menacé de partir. Considérant que C.________ était un excellent broker réalisant des performances élevées et disposant d'une importante clientèle, le demandeur a biffé le passage litigieux et apposé son paraphe. Il a déclaré avoir pris une décision de " management ". Le courtier a accepté de signer le nouveau contrat ainsi modifié.  
On concédera à la recourante que le directeur financier F.________ était réticent à l'idée de verser une avance de bonus en 2012: il a commencé par demander une simulation, pour ensuite faire remarquer qu'aucun chiffre d'affaires ne semblait avoir été encaissé en 2012, ce qui devrait dicter un refus (let. A.g supra). L'intimé a évoqué les nouveaux contrats prévoyant "une date maximum d'encaissement" sans mentionner qu'il avait rayé cette clause dans l'avenant concernant C.________. Il s'est borné à soulever le problème juridique lié au fait que l'employeuse pouvait parfois être responsable du défaut d'encaissement. Suite à quoi le directeur financier a indiqué que si la société était contractuellement tenue de payer un bonus en juillet, il ne voyait pas d'obstacle. Interrogé sur son silence relatif à la clause litigieuse, l'intimé a expliqué aux autorités pénales qu'il n'était plus concerné après avoir été déchu de ses responsabilités, tandis que F.________ venait d'être nommé administrateur. Sans doute était-il marri d'avoir été éconduit des affaires de la société. Mais comme employé, il restait astreint à un devoir de fidélité et de diligence - y compris après avoir été libéré de son obligation de travailler, comme le fait observer la recourante (arrêt 4A_297/2016 du 17 novembre 2016 consid. 4.3.1).  
Cela étant, son silence critiquable n'a pas prêté à conséquence. Car au plus tard le 10 juillet 2012, le directeur des ressources humaines R.H.________ possédait une copie de l'avenant modifié par l'intimé. Il l'a transmise à la responsable du service juridique, qui a dit vouloir contacter D.________. Celui-ci connaissait tout l'échange de discussions concernant l'avance de bonus (let. A.g supra).  
L'intimé était inapte à modifier seul l'avenant puisqu'en mars 2012, il était (encore) doté de la signature collective à deux. Son pouvoir étant publié au registre du commerce, il était opposable au courtier. Et l'accord oral prétendument donné par D.________ était inopérant, sachant que ce collaborateur n'avait pas la faculté de représenter la société recourante. La modification de l'avenant ne liait donc pas la société, sauf à être ratifiée par une personne apte à l'engager, ce qui pouvait se produire le cas échéant par actes concluants (ATF 128 III 129 consid. 2b i.f.; arrêts 4A_87/2011 du 16 mai 2011 consid. 2.1; cf. art. 38 al. 1 CO; ROLAND MÜLLER, Haftung für Unterschriften im Namen einer Gesellschaft, in Entwicklungen im Gesellschaftsrecht V, 2010, p. 192 et 210).  
On ignore ce qui est advenu entre l'échange de courriels du 10 juillet 2012 et le versement de l'avance de 150'000 fr. (à une date indéterminée), puis le paiement du solde de 1'013'103 fr. à la fin du mois. Cependant, l'arrêt attaqué retient - sans susciter des griefs de la recourante - que P.________, F.________ et D.________ connaissaient le problème du décalage temporel entre le paiement (anticipé) des bonus à C.________ et l'encaissement des commissions facturées aux clients - tout comme R.H.________ et la responsable des affaires juridiques. Qui plus est, il n'a pu échapper au service juridique que la société n'était pas liée par la modification approuvée par le seul intimé. Or, nonobstant ces éléments, l'entité a versé 1'163'103 fr. de commissions en juillet 2012. 
Une seule conclusion s'impose: les responsables de la société ont "consenti" par actes concluants à payer des commissions sans revendiquer l'application de la clause qu'avait supprimée Z.________ sans pouvoirs. Qu'elle se fonde sur une appréciation des preuves ou sur le principe de la confiance, cette interprétation résiste au grief de violation du droit fédéral. 
Partant, la société est mal prise de reprocher à l'intimé une modification contractuelle qui ne l'engageait pas, mais qu'elle a ratifiée en connaissance de cause. Que les dirigeants précités aient connu ou non, à l'époque, les libertés concédées au courtier (let. A.c supra), avec la perte des possibilités de contrôle qui en découlait (consid. 7.1 in principio), est inapte à modifier cette conclusion. Le courtier avait jusqu'ici donné satisfaction. A l'instar de l'intimé, les responsables pensaient qu'il était performant et voulaient avant tout le garder au service de la société.  
 
8.3. En bref, l'état de fait qui lie la cour de céans ne permet pas de retenir à l'encontre de l'intimé une violation de ses devoirs de diligence et de fidélité, qu'ils trouvent leur fondement dans le droit des sociétés ou le droit du travail. Cette conclusion scelle le sort de l'action en responsabilité et, partant, des autres griefs soulevés.  
Vu les réflexions qui précèdent, le recours doit être rejeté aux frais de son auteur (art. 66 al. 1 LTF), qui versera à son adverse partie une indemnité pour ses frais d'avocat (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais de procédure, fixés à 16'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 18'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois. 
 
 
Lausanne, le 11 mai 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
La Greffière : Monti