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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_307/2023  
 
 
Arrêt du 15 janvier 2024  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Herrmann, Président, von Werdt, Bovey, Hartmann et De Rossa. 
Greffière : Mme de Poret Bortolaso. 
 
Participants à la procédure 
A.________ AG, 
représentée par Me Jacques Haldy, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
représentée par Me Pascal Nicollier, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
passage nécessaire (art. 694 CC), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour d'appel civile, du 26 mai 2020 (AX16.050681-200475 198) et l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour d'appel civile, du 28 février 2023 (PS16.050681-211745 95). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 13 août 2010, au décès de C.C.________, B.________ a hérité des parcelles nos 169 et 171 de la commune de U.________ dont elle est propriétaire individuelle. C.C.________ avait elle-même hérité de ces parcelles de son époux D.C.________ en 1989.  
La parcelle no 171 résulte d'un fractionnement, intervenu en 1958. Elle bénéficie d'une servitude de passage à pied et pour tous véhicules, usage de garage et canalisations d'eau et d'égout (ID.018-2002/002032) à la charge de la parcelle no 172. 
Cette servitude a été constituée le 23 octobre 1961, lors de la vente de la parcelle no 172 par D.C.________ - alors propriétaire de la parcelle plus vaste dont sont issus les feuillets nos 171 et 172 ensuite du fractionnement -, afin d'accéder au bien-fonds no 171 dont il était resté propriétaire. Elle permet d'accéder en véhicule à la parcelle no 172, d'y garer celui-ci et de gagner ensuite par un escalier relativement raide d'une cinquantaine de marches la maison construite en 1961 sur le bien-fonds no 171
 
A.b. La parcelle no 174, située dans la même commune, appartient depuis le 9 septembre 2022 à la société A.________ AG. Dite parcelle appartenait auparavant à E.________, administratrice de la société précitée. Le transfert de propriété a été inscrit au registre foncier le 24 avril 2023.  
 
A.c. Souhaitant effectuer des travaux sur la maison érigée sur la parcelle no 171, B.________ a rapidement entrepris des démarches afin d'obtenir un accès carrossable à celle-ci, directement depuis la voie publique.  
 
A.c.a. Elle a dans un premier temps pris contact avec E.________, alors propriétaire de la parcelle no 174, afin de trouver un arrangement. Les discussions n'ont cependant pas abouti.  
 
A.c.b. B.________ a ensuite tenté de créer un accès à son habitation en passant par la parcelle no 169 dont elle est également propriétaire. Par courriel du 6 juillet 2015, l'inspecteur des forêts l'a toutefois informée de l'impossibilité d'un tel accès: celui-ci nécessiterait une autorisation de défrichement que l'inspection cantonale ne serait pas en mesure de délivrer et le terrain, en forte pente, n'était pas adapté à la réalisation d'une route d'accès.  
 
A.c.c. B.________ a finalement mandaté l'ingénieur-géomètre F.________ (bureau G.________ SA, ingénieurs et géomètres officiels) afin de déterminer le passage le plus adéquat donnant un accès carrossable à sa parcelle depuis la voie publique selon le plan de quartier "V.________". L'ingénieur-géomètre a indiqué avoir envisagé trois variantes différentes, passant respectivement par les parcelles nos 169, 170 et 174 et avoir finalement opté pour la variante passant par la parcelle no 174, qui correspondait selon lui à la solution la moins dommageable d'un point de vue technique et par rapport à la situation actuelle.  
 
B.  
Le 14 novembre 2016, après l'échec de la tentative de conciliation, B.________ a agi à l'encontre de E.________ devant le Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois (ci-après: le tribunal civil). Elle concluait à ce que la précitée soit astreinte à faire inscrire au registre foncier, à charge de la parcelle no 174 et au profit de la parcelle no 171, une servitude de passage à pied et pour tous véhicules d'une largeur de trois mètres, selon le tracé proposé par l'ingénieur-géomètre. L'inscription devait s'effectuer moyennant une indemnité de l'ordre de 35'300 fr. ou d'un montant que justice dirait, ordre étant donné au conservateur du registre foncier de Vevey de procéder à l'inscription sollicitée. 
 
B.a. E.________ a conclu à l'irrecevabilité de la demande et, subsidiairement, au rejet des conclusions prises au pied de celle-ci.  
Par jugement incident du 31 juillet 2017, confirmé par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après la Cour d'appel civile ou la cour cantonale) le 13 décembre 2017, la demande a été déclarée recevable. 
 
B.b. L'expert H.________ (société I.________ SA) a déposé un rapport d'expertise le 4 avril 2019.  
 
B.c. S'appuyant sur l'art. 125 let. a CPC, E.________ a requis, puis obtenu le 3 septembre 2019, la limitation de la procédure à la question de l'éventuel état de nécessité créé par l'ancien propriétaire de la parcelle no 171, à savoir feu D.C.________.  
Un jugement incident a été rendu sur ce point le 24 février 2020, le premier juge déclarant que l'état de nécessité créé par le précité n'était pas opposable à B.________, la procédure opposant les parties se poursuivant. Cette décision a été confirmée par la Cour d'appel civile le 26 mai 2020. 
 
B.d. Une inspection locale a été menée le 15 juin 2021. Trois témoins ont été entendus à cette occasion.  
L'inspection locale a permis d'établir que des escaliers relativement raides conduisaient, depuis la parcelle no 172, à la maison située sur la parcelle no 171. Celle-là n'était actuellement pas habitée. Le terrain présentait une déclivité importante en contrebas de la parcelle no 171 et le terrain au sud-est de la maison J.________ (parcelle no 172) était extrêmement raide. Il a également été constaté, au pied de la parcelle no 169, l'existence d'un embryon de chemin ainsi qu'une végétation et une pente importante. 
 
B.e. Le 30 juin 2021, le président du tribunal civil a rejeté la demande déposée par B.________, mis les frais judiciaires et les dépens à sa charge et rejeté toutes autres ou plus amples conclusions.  
 
B.f. Statuant le 28 février 2023 sur l'appel formé par B.________, la cour cantonale l'a admis (ch. I) et réformé le jugement entrepris, notamment en ce sens que la demande déposée par la précitée était admise (ch. II.I); moyennant paiement d'une indemnité de 35'300 fr. par B.________ à E.________, celle-ci devait concéder sur sa parcelle no 174, au bénéfice du bien-fonds no 171, un passage nécessaire à pied et pour tous véhicules s'exerçant sur l'assiette définie par le plan du géomètre officiel G.________ SA du 14 novembre 2016, lequel faisait partie intégrante du jugement (ch. II.II); le chiffre II serait exécutoire au jour du paiement de l'indemnité qui y était mentionnée et dès cette date, sur réquisition de la demanderesse B.________, le conservateur du registre foncier procéderait à l'inscription de la servitude de passage nécessaire (II.III), toutes autres ou plus amples conclusions étant rejetées (ch. II.VI).  
 
C.  
Le 24 avril 2023, la société A.________ AG (ci-après: la recourante) - devenue entre-temps propriétaire de la parcelle no 174 (let. A.b supra) - exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral à l'encontre de la décision cantonale du 28 février 2023 ainsi que contre celle, incidente, rendue le 26 mai 2020 (cf. let. B.c) et confirmant que l'état de nécessité créé par feu D.C.________ n'était pas opposable à B.________ (ci-après: l'intimée). La recourante conclut à l'admission de son recours (ch. 1); à ce que le dispositif de l'arrêt rendu le 26 mai 2020 par la cour cantonale soit réformé (ch. 2) dans le sens que son appel est admis (ch. 2.I), que l'état de nécessité créé par feu D.C.________ est opposable à l'intimée (ch. 2.II), que la procédure divisant les parties est close (ch. 2.III) et la demande déposée le 14 novembre 2016 par l'intimée est rejetée (ch. 2.IV); à ce que le dispositif de l'arrêt rendu le 28 février 2023 par la cour cantonale soit réformé (ch. 3) en ce sens que la demande déposée le 14 novembre 2016 par l'intimée est rejetée (ch. 3.I).  
Invitée à se déterminer sur la substitution de partie requise par E.________ suite à l'acquisition de sa parcelle no 174 par la recourante (let. A.b supra), l'intimée indique ne pas s'y opposer; celle-ci n'a en revanche pas été invitée à se déterminer sur le fond du litige.  
 
D.  
La requête d'effet suspensif a été admise par ordonnance présidentielle du 30 mai 2023. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours porte tant sur la décision cantonale du 28 février 2023, finale (art. 90 LTF), que sur celle du 26 mai 2020, de caractère incident, n'étant pas contesté que celle-ci influe sur le sort de celle-là (art. 93 al. 3 LTF). En tant que l'intimée ne s'oppose pas à la substitution de parties (art. 17 PCF, par renvoi de l'art. 71 LTF) suite à la vente du bien-fonds no 174 (let. C supra), la recourante dispose bien de la qualité pour recourir (art. 76 LTF). Les autres conditions de recevabilité du recours en matière civile sont par ailleurs réalisées (art. 72 al. 1 LTF; art. 74 al. 1 let. b LTF; art. 75 al. 1 et 2 LTF; art. 100 al. 1 avec l'art. 46 al. 1 let. a LTF).  
 
2.  
 
2.1. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 s. LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF); cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, il n'examine en principe que les griefs soulevés (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et les références). Le recourant doit par conséquent discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1; 142 III 364 consid. 2.4 et la référence). Le Tribunal fédéral ne connaît en outre de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été invoqué et motivé par le recourant ("principe d'allégation", art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et détaillée (ATF 148 I 127 consid. 4.3; 147 IV 453 consid. 1; 146 IV 114 consid. 2.1).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il peut rectifier ou compléter d'office les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire selon l'art. 9 Cst. (ATF 148 IV 39 consid. 2.3.5; 147 I 73 consid. 2.2; 144 II 246 consid. 6.7), ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Le recourant qui soutient que les faits ont été établis d'une manière manifestement inexacte ne peut se borner à contredire les constatations litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre appréciation des preuves; il doit indiquer de façon précise en quoi ces constatations sont arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3). Une critique portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves qui ne satisfait pas au principe d'allégation susmentionné (cf. supra consid. 2.1) est irrecevable (ATF 148 V 366 consid. 3.3; 147 IV 73 consid. 4.1.2; 145 IV 154 consid. 1.1 et la référence).  
 
3.  
 
3.1. Il apparaît avant tout essentiel de souligner que la recourante ne nie pas l'insuffisance des voies d'accès à la parcelle no 171 et ainsi, l'état de nécessité invoqué par l'intimée pour fonder sa demande. Celui-ci est ainsi établi.  
 
3.2. Il convient ensuite de préciser que le raisonnement du premier juge rejetant la demande a été écarté par la cour cantonale.  
 
3.2.1. La première instance a dénié le passage nécessaire réclamé par l'intimée en raison du fait que sa parcelle no 171 se situait en zone forestière et n'était pas constructible; elle ne pouvait dès lors prétendre à un passage nécessaire devant s'aligner sur les conditions d'équipement suffisant de la LAT (loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979; RS 700).  
 
3.2.2. La cour cantonale a relevé que la jurisprudence (publiée aux ATF 136 III 130) ne soulevait la problématique de coordination des critères d'équipements suffisants des art. 19 et 20 LAT avec l'idée de suffisance de l'accès selon l'art. 694 CC qu'en lien avec les nouvelles constructions. Cette question n'avait toutefois pas à se poser si l'insuffisance de l'accès existait pour une construction existante et, à plus forte raison, si cette insuffisance existait pour un bâtiment auquel les art. 19 ss LAT n'étaient pas applicables au moment de l'édification dès lors que celle-ci était plus ancienne. Il fallait au contraire considérer que cette jurisprudence ne réglait un alignement en fonction du droit public des constructions que pour les terrains à bâtir et non pour des terrains déjà bâtis. L'art. 694 CC devait, pour des immeubles existants, permettre de corriger des insuffisances anciennes, sans qu'un lien pût être fait avec des règles cantonales anciennes abrogées qui présidaient autrefois à la délivrance du permis de construire.  
Cette motivation n'est pas remise en cause par la recourante. 
 
4.  
La recourante prétend que le précédent propriétaire aurait créé l'état de nécessité dans lequel se trouvait la parcelle de l'intimée et qu'il lui serait par conséquent opposable. Elle invoque la violation de l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 CC). 
 
4.1. Cette question est traitée par l'arrêt incident du 26 mai 2020, lui aussi objet du présent recours (consid. 1 supra).  
Pour l'essentiel, les juges cantonaux ont relevé que la jurisprudence selon laquelle le propriétaire qui enclavait lui-même son immeuble ne pouvait réclamer ultérieurement de passage nécessaire était fondée sur l'interdiction de l'abus de droit et le principe " volenti non fit injuria ". Cette restriction ne visait cependant pas ses successeurs à titre universel ou particulier, la cour cantonale précisant que ce dernier principe ne créait pas une relation de droit des obligations qui pourrait être héritée à titre universel. Ainsi, le fait que la précédente propriétaire C.C.________ avait laissé le temps s'écouler sans agir - qui consistait en la conséquence de l'abus de droit -, ne pouvait être opposé à l'intimée. De même, à supposer délibéré - ce qui n'était pas établi - l'enclavement de l'ancien propriétaire D.C.________, le comportement de celui-ci ne pouvait lier la propriétaire actuelle de la parcelle no 171.  
Dès lors que le droit d'exiger le passage nécessaire était rattaché propter rem à la propriété de l'immeuble, l'intimée disposait ainsi d'une nouvelle créance lui permettant d'obtenir le droit de passage litigieux, ce dès le moment de l'acquisition de la propriété du bien-fonds.  
 
4.2. S'appuyant sur les arrêts publiés aux ATF 93 II 167 et 85 II 392, la recourante soutient que seul l'enclavement qui résulterait de causes objectives, non imputables au propriétaire de la parcelle enclavée, pourrait lui être opposé. Elle affirme pour l'essentiel que la jurisprudence rendue ultérieurement et à laquelle se référait l'autorité cantonale (singulièrement l'arrêt 5C.312/2001, repris par l'ATF 134 III 49), selon laquelle l'on ne saurait objecter au propriétaire qui achète un bien-fonds déjà construit d'avoir créé par sa faute un besoin d'accès, procéderait d'une mauvaise interprétation des décisions rendues antérieurement. En réalité, seul le caractère volontaire de l'enclavement fonderait l'abus de droit et il importerait peu que le propriétaire exigeant la cession du passage soit celui ayant procédé à l'enclavement: il ne ressortirait pas de la jurisprudence que l'acquéreur d'une parcelle enclavée devrait bénéficier d'un régime plus favorable que le propriétaire ayant procédé à l'enclavement. La recourante poursuit en affirmant qu'accorder un droit de passage nécessaire à l'intimée constituerait ainsi un abus de droit, au même titre que s'il avait été octroyé en faveur du propriétaire initial, ce non pas en raison d'une forme de "transmission de l'abus de droit", mais de l'application des règles générales ressortant des décisions les plus anciennement publiées. Elle soutient enfin le caractère inadmissible du raisonnement cantonal en tant qu'il suffirait alors au propriétaire à l'origine de l'enclave volontaire de transmettre son bien-fonds à ses enfants pour écarter l'abus de droit, de même que son incompatibilité avec la conception très stricte du droit de passage, qui constituait de jurisprudence constante une "véritable expropriation privée".  
 
4.3. La jurisprudence retient qu'un propriétaire ne saurait réclamer de passage au sens de l'art. 694 CC lorsqu'il a lui-même causé l'état de nécessité, qu'il l'a toléré ou s'en est accommodé, ou encore lorsqu'il a adopté un comportement contraire au principe de la bonne foi, par exemple en supprimant un passage existant pour en obtenir un plus commode. Le refus du passage suppose donc que le propriétaire ait provoqué l'état de nécessité en agissant de façon délibérée (ATF 134 III 49 consid. 4.1 et les auteurs cités; arrêts 5A_757/2022 du 17 mai 2023 consid. 7.1; 5A_410/2008 du 9 septembre 2008 consid. 4.1; cf. ATF 136 III 130 consid. 5.4.3; arrêt 5A_449/2014 du 2 octobre 2014 consid. 5.2.3 et les références). Il est en revanche admis que l'on ne peut objecter au propriétaire qui achète un bien-fonds déjà construit d'avoir créé par sa faute le besoin d'accès (arrêt 5C.312/2001 du 4 février 2002 consid. 6b).  
Ainsi que le remarque la recourante, cette dernière affirmation, reprise ultérieurement par l'ATF 134 III 49 consid. 4.1, se fonde sur l'ATF 93 II 167. Dans cette dernière affaire, le besoin d'accès se justifiait en raison d'une modification objective de circonstances, à savoir le passage en zone à bâtir de la parcelle sur laquelle le propriétaire réclamant le passage nécessaire avait construit sa maison, initialement située en zone agricole. Or l'on ne saisit pas les motifs pour lesquels ce serait erronément que la jurisprudence aurait étendu ce raisonnement à la situation de l'acheteur d'un fonds dépourvu d'accès: le comportement répréhensible ne saurait en effet consister en l'achat d'un immeuble mal desservi, mais doit se limiter à la création délibérée de l'état d'enclavement, dont l'acquéreur n'est objectivement pas responsable (MARTIN-RIVARA, La servitude de passage nécessaire, 2021, n. 271). Le même raisonnement doit s'appliquer à l'héritier du propriétaire à l'origine de l'enclavement, qui ne peut lui non plus se voir imputer à faute l'état de nécessité créé volontairement par celui dont il hérite, n'étant pas avéré qu'une attitude abusive pourrait se transmettre à titre universel. L'admettre conduirait de surcroît à perpétuer l'état de nécessité, ce qui serait finalement contraire à l'esprit même de l'institution du passage nécessaire (CARONI-RUDOLF, Der Notweg, 1969, p. 130). 
Il s'ensuit qu'imputer à l'intimée l'enclavement créé et maintenu par ses prédécesseurs - singulièrement D.C.________ - n'est pas fondé, étant au demeurant précisé que le caractère délibéré de cet enclavement n'apparaît pas avoir été clairement arrêté: l'arrêt du 26 mai 2020 indique en effet qu'il n'était nullement établi que D.C.________ aurait été conscient de l'existence de son droit légal au passage nécessaire en enclavant sa parcelle (cf. son consid. 3.3.2) et cela n'est pas discuté, ni a fortiori établi, par l'arrêt du 28 février 2023.  
 
5.  
La recourante prétend ensuite que grever son bien-fonds d'un passage nécessaire en faveur de la parcelle de l'intimée ne se conformerait pas au critère de l'état antérieur des voies d'accès, visé à l'art. 694 al. 2 CC; elle reproche à l'autorité cantonale de s'être fondée sur le critère subsidiaire du passage le moins dommageable. 
 
 
5.1. La cour cantonale a relevé que la parcelle no 171 était certes née de la parcellisation en 1958 d'une grande parcelle touchant à la voie publique par le nord. Sa perte d'accès était cependant postérieure à ce seul parcellement et n'était en l'état pas explicable par un fait établi. Se référant à leur jurisprudence, les juges cantonaux ont ensuite relevé que la subsidiarité du critère du passage le moins dommageable à celui de l'état antérieur des lieux n'était pas illimitée dans le temps: lorsque la parcellisation avait eu lieu plus de cinquante ans auparavant et qu'à l'époque, l'accès ne répondait pas aux exigences actuelles, c'était ainsi la solution subsidiaire du passage le moins dommageable qui devait primer. Or la perte d'un accès possible par le nord ne résultait pas en l'occurrence de la parcellisation et l'on ignorait si, lorsqu'il avait été supprimé, il pouvait être suffisant au sens de l'actuelle jurisprudence du Tribunal fédéral, qui ne consacrait le principe d'un accès en véhicule dans le périmètre des localités que depuis les années 1960. Cela étant, il apparaissait clairement que le passage sollicité par l'intimée sur la parcelle de la recourante était moins dommageable que celui qui devrait raccorder le fonds de l'intimée au travers de la parcelle no 170, partiellement construite au sud, pour monter jusqu'au travers des parcelles nos 165 à 168, étant précisé que le chemin existant ne pouvait plus être utilisé à cet effet.  
 
5.2. La recourante affirme que l'état antérieur des propriétés et des voies d'accès devait être examiné en premier lieu. Ce ne serait que lorsque l'état de nécessité ne résulterait pas d'une modification de l'état des propriétés ou des voies d'accès que le droit de passage pourrait être demandé au propriétaire sur le fonds duquel le passage était le moins dommageable. En l'occurrence, la parcelle no 171 était issue d'une division parcellaire antérieure et bénéficiait déjà d'une servitude de passage à pied à charge de la parcelle no 172, consécutive à la division parcellaire de 1958 et donnant accès à la voie publique. Avant le remaniement parcellaire, la parcelle no 171 bénéficiait ainsi d'un accès direct à la voie publique et il aurait convenu d'étudier en primeur la question de l'accès par la parcelle no 172. L'interprétation de la cour cantonale consistant à imposer une limite temporelle à l'application du critère de l'état antérieur des parcelles était par ailleurs arbitraire dès lors qu'elle ne ressortait pas de l'art. 694 CC et conduisait à un résultat choquant, qui protégerait le propriétaire qui morcelait son patrimoine pour ensuite bénéficier d'un passage nécessaire sur celui d'un tiers.  
 
 
5.3.  
 
5.3.1. Selon l'art. 694 al. 2 CC, le droit au passage nécessaire s'exerce en premier lieu contre le voisin à qui le passage peut être le plus naturellement réclamé en raison de l'état antérieur des propriétés et des voies d'accès, et, au besoin, contre celui sur le fonds duquel le passage est le moins dommageable. Lorsque la nécessité d'un droit de passage est reconnue et que plusieurs fonds voisins offrent une issue vers la voie publique, l'art. 694 al. 2 CC établit ainsi un ordre de priorité (arrêts 5A_777/2017 du 29 janvier 2018 consid. 4.4.1; 5C.246/2004 du 2 mars 2005 consid. 2.2, notamment publié in SJ 2005 I 481 et la référence).  
L'on tiendra compte en premier lieu de l'état antérieur des propriétés et des voies d'accès. Ainsi, dans le cas où la parcelle n'a plus d'accès à la voie publique ensuite de la division d'un fonds, ou de l'aliénation d'une parcelle contiguë appartenant au même propriétaire, le passage sera accordé sur l'autre parcelle qui, elle, a encore un accès à la route (arrêts 5A_777/2017 précité ibid.; 5C.246/2004 précité consid. 2.2.1 et les nombreuses références). Les voies d'accès existantes, mais insuffisantes au regard des besoins actuels, notamment parce que le passage est trop étroit ou ne permet pas l'accès avec un véhicule à moteur, entrent aussi en ligne de compte; en pareil cas, le passage nécessaire est dû par le propriétaire du fonds sur lequel s'exerce le droit de passage existant, si un accès suffisant est possible à travers ce fonds (arrêt 5C.246/2004 précité consid. 2.3).  
Ce n'est que si aucun fonds ne répond à ces critères, à savoir lorsque l'état de nécessité ne résulte pas d'une modification de l'état des propriétés ou des voies d'accès, que le droit de passage peut être demandé au propriétaire sur le fonds duquel le passage est le moins dommageable (arrêts 5A_777/2017 précité ibid. et les références; 5C.246/2004 précité consid. 2.2.2 et les références).  
 
5.3.2. La doctrine apporte toutefois un tempérament à l'ordre de priorité fixé dans le texte légal et estime que la pesée des intérêts entre les propriétaires des potentiels fonds servants peut exceptionnellement aboutir à la primauté du critère du dommage sur celui de l'antériorité des voies d'accès; il est ainsi admis qu'en cas de disproportion manifeste entre les inconvénients encourus par les potentiels grevés, l'ordre de priorité peut s'inverser (MEIER-HAYOZ, Berner Kommentar, 3e éd. 1975, n. 34 ad art. 694 CC; LIVER, Das Eigentum, in Schweizerisches Privatrecht V/1, 1977, p. 271; CARONI-RUDOLF, op. cit., p. 98 s.; MARTIN-RIVARA, op. cit., n. 299). Une auteure considère également que la référence à l'état antérieur des propriétés et des voies d'accès ne devrait pas permettre de remonter indéfiniment dans le temps. Elle relève que le but du critère d'antériorité consiste à privilégier les issues "les plus naturelles" alors que l'écoulement du temps peut conduire à ce que les issues antérieures apparaissent déraisonnables par rapport à d'autres issues, devenues entre temps plus logiques compte tenu de l'état des lieux (MARTIN-RIVARA, op. cit., n. 298). Le Tribunal fédéral a laissé cette question ouverte (arrêt 5A_777/2017 précité consid. 4.5); l'arrêt querellé du 28 février 2023 permet de noter que la jurisprudence cantonale vaudoise va plus loin encore en délimitant le critère d'antériorité en ce sens que celui-ci ne serait plus décisif passé une génération, voire après plus de cinquante ans (cf. également arrêt 5A_777/2017 précité ibid.).  
 
5.4. Déterminer si l'on peut opposer une limite temporelle au critère de l'état antérieur des propriétés peut ici demeurer indécis, étant précisé qu'il consiste finalement en une pondération des intérêts des propriétaires susceptibles d'être grevés du passage nécessaire, admise par la doctrine pour tempérer l'ordre de priorité établi par l'art. 694 al. 2 CC. La cour cantonale a en effet indiqué que la perte d'accès de la parcelle no 171 était postérieure au parcellement opéré en 1958 et n'était en l'état pas explicable par un fait établi. Cette constatation n'est pas remise en cause par la recourante, qui se limite à affirmer que la parcelle no 171 bénéficiait d'un accès direct à la voie publique avant le parcellement. L'expertise administrée en cours de procédure n'apporte pas de clarification sur ce point. Dans cette mesure, le critère de l'état antérieur des propriétés n'apparaît plus réellement déterminant (consid. 5.3.1 supra). Il est au demeurant incontesté que la parcelle no 171 dispose déjà d'une servitude de passage pour tous véhicules sur la parcelle no 172, mais qu'elle ne permet pas malgré tout un accès suffisant sur toute son étendue: l'accès motorisé n'est possible que jusqu'au garage et son aménagement n'est plus envisageable au-delà, vu l'escalier bordant la maison située sur la parcelle no 172, en pente raide. L'on peine ainsi à comprendre l'affirmation de la recourante, qui, se fondant sur le fait qu'une servitude "à pied" existerait déjà à charge de la parcelle no 172 et au bénéfice de celle de l'intimée, reproche à la cour cantonale de ne pas avoir examiné si l'aménagement d'une servitude permettant un accès motorisé serait envisageable. Il s'ensuit qu'un recours à l'aménagement d'un passage selon le critère du moindre dommage causé aux propriétaires des fonds servants apparaît fondé. La pondération opérée dans ce contexte par les juges cantonaux est laissée intacte par la recourante; il n'y a en conséquence pas lieu d'y revenir.  
 
6.  
En définitive, le recours est rejeté aux frais de son auteur (art. 66 al. 1 LTF). L'intimée a droit à des dépens pour sa détermination sur la requête d'effet suspensif, à laquelle elle a indiqué ne pas s'opposer (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Une indemnité de 200 fr., à verser à l'intimée à titre de dépens, est mise à la charge de la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour d'appel civile. 
 
 
Lausanne, le 15 janvier 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : de Poret Bortolaso