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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale  
Tribunal federal  
 
 
 
 
2C_953/2021  
 
 
Arrêt du 30 août 2023  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz, 
Hänni, Hartmann et Ryter. 
Greffière : Mme Vuadens. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
recourante, 
 
contre  
 
1. Département fédéral de l'environnement, 
des transports, de l'énergie et de la 
communication, 
Palais fédéral Nord, 3003 Berne, 
2. Chemins de fer fédéraux suisses CFF SA, 
Konzern Recht und Compliance, 
Vulkanplatz 11, 8048 Zurich, 
représentés par Maître Brigitta Kratz, avocate, 
intimés. 
 
Objet 
Énergie, interprétation d'une concession hydroélectrique, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 8 octobre 2021 (A-4148/2020). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Par concession du 20 juillet 1917 (ci-après : la concession de 1917), le Conseil fédéral a accordé aux Chemins de fer fédéraux (désormais les Chemins de fer fédéraux suisses CFF SA, ci-après : les CFF) le droit d'utiliser toutes les forces hydrauliques de la Barberine et de l'Eau Noire sur le territoire des communes de Salvan, Vernayaz, Finhaut et Trient, pour une durée de cinquante ans, prolongeable pour une nouvelle durée de cinquante ans. Cette concession comprenait notamment le droit d'ériger un barrage à l'extrémité inférieure du plateau de Barberine et de transformer celui-ci en bassin d'accumulation d'une capacité de 39 millions de m3. Le barrage a été inauguré en 1925. Parallèlement à la concession de 1917, les communes valaisannes de Finhaut, Martigny, Martigny-Combe, Salvan, Trient et Vernayaz ont, entre 1915 et 1924, octroyé aux CFF le droit d'utiliser les eaux du Trient, du Pêcheux, du Torrent de Finhaut et du Triège inférieur. En 1929, le canton du Valais a octroyé aux CFF le droit d'utiliser les forces hydrauliques du Rhône entre la confluence du Trient et l'embouchure du canal de fuite de l'usine de Vernayaz.  
 
A.b. Dans le courant des années 1950 a germé le projet de construire l'aménagement hydroélectrique franco-suisse d'Emosson, un ouvrage bien plus important sur le plateau de Barberine, qui collecterait les eaux des vallées avoisinantes en France et en Suisse et qui submergerait le barrage des CFF. Dans ce contexte, les CFF et la société A.________ SA ont conclu, les 6 et 9 juin 1961, un accord de principe au sujet de ce nouveau barrage et de la sauvegarde des droits et des intérêts des CFF (ci-après : l'accord de 1961).  
 
A.c. Le 15 décembre 1964 est entrée en vigueur la Convention du 23 août 1963 entre la Confédération suisse et la République française au sujet de l'aménagement hydroélectrique d'Emosson (RS 0.721.809.349.1).  
 
A.d. Par concession du 27 juin 1966 (ci-après : la concession de 1966), le Conseil fédéral a accordé à A.________ SA le droit d'utiliser, dans les limites fixées par la concession, les forces hydrauliques mises en valeur dans l'aménagement hydroélectrique d'Emosson jusqu'au 31 décembre de la 80ème année suivant l'expiration du délai fixé pour la mise en service des usines du Châtelard et de la Bâtiaz, soit jusqu'au 31 décembre 2055. L'étendue de la concession y est définie aux art. 22 s. comme suit:  
Art. 22 Droit d'utilisation 
 
1 Par le fait de la présente concession et de celle qui est accordée par la France, le concessionnaire acquiert le droit d'utiliser toutes les forces hydrauliques qui font l'objet de la Convention conclue avec la République française en date du 23 août 1963, au sujet de l'aménagement hydro-électrique d'Emosson. [...] 
2 Le droit d'utilisation comprend notamment celui : 
a) de capter les eaux de la Barberine au moyen d'un grand barrage implanté dans la gorge de ce cours d'eau, au débouché de la plaine d'Emosson, 
b) de capter entre les cotes 1575 et 1520 les eaux du Val Ferret supérieur, des torrents de Treutse Bo, de Planereuse et de Saleina, du Val d'Arpette, du torrent de Jure, du Trient, du Nant Noir et du Pêcheux, puis de conduire ces eaux dans un bassin de compensation dit des Esserts, dans la Vallée de l'Eau Noire, et de là, par pompage, dans le bassin d'accumulation d'Emosson, 
c) d'amener par gravité, dans le bassin d'accumulation d'Emosson, les eaux captées en France dans les hauts bassins de l'Arve, du Giffre et de l'Eau Noire, 
d) d'accumuler dans le bassin d'Emosson, jusqu'à la cote 1930 environ, les eaux ainsi captées en Suisse et en France, 
e) d'utiliser ces eaux sur les chutes du Châtelard, des Esserts et de La Bâtiaz jusqu'à la restitution dans le Rhône, à la cote 453 environ, à l'exclusion toutefois des débits indiqués aux articles 23, 33 et 34 de la présente concession. 
 
Art. 23 Limites apportées au droit d'utilisation du concessionnaire 
 
1 Sont exclus du droit d'utilisation du concessionnaire : 
a) un débit annuel, représentant : 
 
- les apports annuels moyens du bassin d'accumulation actuel de la Barberine en provenance de la Barberine, ainsi que des régions du Nant de Drance, du Triège et du Bel'Oiseau, sans déduction des déversements actuels de cette accumulation, ainsi que 
- les débits annuels moyens soustraits par l'aménagement d'Emosson aux prises d'eau des CFF existant actuellement sur le Trient, l'Eau Noire et le Pêcheux, réduits en proportion de l'augmentation de chute disponible; 
b) un volume d'accumulation, représentant : 
 
- le volume de la retenue de Barberine dans son état actuel, y compris le volume mort, ainsi que 
- un volume supplémentaire de 17 millions de m3. 
2 Le débit annuel et le volume d'accumulation mentionnés sous chiffre 1, a et b seront réservés aux CFF (ou à leurs successeurs en droit) dans la retenue d'Emosson, conformément à l'accord de principe des 6/9 juin 1961 (ou à tout autre accord qui lui sera substitué) conclu entre les CFF et le concessionnaire. Ce dernier aura l'obligation de tolérer, dans les limites de cet accord, le refoulement dans la retenue d'Emosson des débits dont les CFF disposeront au Châtelard. Il en sera de même du prélèvement des débits dont les CFF disposeront dans la retenue d'Emosson pour les refouler dans l'accumulation du Vieux Emosson. 
3 Le concessionnaire prendra, conformément à l'accord de principe précité, les dispositions nécessaires au rétablissement des ouvrages de prise et d'amenée d'eau de l'usine de Barberine. 
4 Sauf cas de force majeure, le concessionnaire ne devra à aucun moment entraver l'exploitation des usines des CFF de Barberine, du Trient, de Vernayaz et du Nant de Drance sans l'assentiment des CFF. 
(...) 
8 Les débits réservés, définis à l'article 33 ci-dessous, sont aussi exclus du droit d'utilisation du concessionnaire. 
 
 
A.e. Par décret du 30 décembre 1966, le Ministère de l'industrie de la République française a concédé à A.________ SA l'aménagement et l'exploitation de la chute du Châtelard, dans les bassins de l'Arve et de l'Eau Noire, dans le département de Haute-Savoie.  
 
A.f. Par arrêté du 27 octobre 1967, le Conseil fédéral a prolongé, jusqu'au 20 juillet 2017, la concession de 1917 des CFF. Par concessions du 9 septembre 1971, respectivement du 22 juin 1972, les communes de Finhaut et de Trient ont accordé aux CFF le droit d'utiliser les forces hydrauliques de l'Eau Noire, du Pêcheux, du Trient et des Ruisseaux de Finhaut sur leur territoire respectif jusqu'au 20 juillet 2017.  
 
A.g. Le 15 novembre 1972, le Conseil fédéral a modifié la concession de 1917 par un avenant applicable avec effet rétroactif au 20 juillet 1967 et valable jusqu'au 20 juillet 2017. Cet avenant redéfinissait l'étendue du droit d'utilisation concédé aux CFF à partir du moment où le bassin de Barberine cesserait d'être utilisable en raison de l'aménagement hydroélectrique d'Emosson, indiquait que les eaux concédées seraient utilisées dans les usines du Châtelard I et II et précisait les rapports entre l'aménagement des CFF et l'aménagement d'Emosson.  
 
A.h. L'aménagement hydroélectrique d'Emosson a été mis en service dans le courant de l'année 1975.  
 
A.i. Le 1er octobre 1984, les CFF et A.________ SA ont conclu une convention qui remplace l'accord de 1961 et qui définit les droits et obligations réciproques de chaque partie et les conditions fixées à l'exploitation des aménagements.  
 
A.j. Le 19 juillet 2002, les CFF ont adressé au Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (ci-après: le Département fédéral) une demande de principe de renouvellement de la concession de 1917. Le même jour, les CFF ont adressé aux communes de Finhaut, Salvan, Trient, Martigny-Combe, Martigny et Vernayaz, ainsi qu'au canton du Valais, une demande de renouvellement des concessions des forces hydrauliques communales et cantonale utilisées dans les centrales hydroélectriques de Trient et de Vernayaz.  
Le 16 septembre 2016, les CFF ont demandé au Département fédéral l'autorisation provisoire d'exploiter les usines hydroélectriques du Châtelard I et II jusqu'au 20 juillet 2022, parce que les documents nécessaires au renouvellement de la concession n'étaient pas encore disponibles. Invitée par le Département fédéral à se déterminer sur cette demande, A.________ SA a indiqué que celle-ci faisait abstraction des droits qui lui avaient été concédés et qu'elle allait initier des discussions avec les CFF dans le cas où des droits d'utilisation d'eau leur seraient accordés, réservant tous ses droits au sujet de la concession de Barberine dans l'intervalle. 
Par décision du 12 juillet 2017, le Département fédéral a autorisé les CFF à continuer l'exploitation des centrales électriques du Châtelard I et II à titre provisoire, du 21 juillet 2017 au 20 juillet 2022. Par décision du 21 juin 2017, le Conseil d'Etat du canton du Valais a autorisé les CFF à continuer l'exploitation des centrales hydroélectriques de Trient et de Vernayaz à titre provisoire, jusqu'au 20 juillet 2022. Ces décisions n'ont pas fait l'objet de recours. 
 
B.  
 
B.a. Le 27 juillet 2018, A.________ SA a demandé à l'Office fédéral des eaux et de la géologie (désormais: Office fédéral de l'environnement) de rendre une décision sur l'étendue de ses droits actuels, compte tenu de l'échéance de la concession de 1917 aux CFF et de la procédure de renouvellement en cours. De son point de vue, la concession de 1966 lui avait accordé le droit exclusif de capter notamment les eaux du Trient, du Pêcheux et de la Barberine, de sorte qu'à l'échéance de la concession de 1917 des CFF, elle pourrait continuer d'exploiter ces eaux sans être tenue à opérer des restitutions aux CFF.  
 
B.b. Par décision du 17 juin 2020, le Département fédéral a constaté que les droits d'eau des CFF n'avaient pas automatiquement changé d'ayant droit à l'échéance de leur concession le 20 juillet 2017, ce qui signifiait qu'ils ne faisaient pas partie des droits d'eau concédés à A.________ SA dans la concession de 1966 et que la limitation du droit d'utilisation de A.________ SA subsistait même après l'échéance de la concession des CFF. Par conséquent, les droits réservés aux CFF pouvaient faire l'objet d'un renouvellement de la concession.  
A.________ SA a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral. Elle a en substance fait valoir que, depuis l'entrée en vigueur de la concession de 1966, elle était seule concessionnaire des eaux décrites à l'art. 22 de la concession de 1966. Le débit annuel et le volume d'accumulation qui étaient mentionnés à l'art. 23 de la concession de 1966 se référaient seulement au débit et au volume réservés aux CFF en vertu de l'accord de restitution qu'elle avait négocié avec eux dans l'accord de principe de 1961. Depuis l'entrée en vigueur de la concession de 1966, les CFF n'avaient en effet plus aucun droit d'eau sur les débits de la Vallée du Trient qui étaient détournés vers Emosson. Le droit des CFF aux restitutions, qui était de nature contractuelle, avait pris fin à l'échéance de leur concession, le 20 juillet 2017. Par conséquent, A.________ SA demandait au Tribunal administratif fédéral de constater l'étendue de son droit d'utilisation selon la concession de 1966, que l'exclusion des débits figurant à l'art. 23 de la concession de 1966 était caduque depuis le 20 juillet 2017, qu'elle n'avait depuis cette date plus aucune obligation de restitution envers les CFF et que l'art. 33 al. 3 de la concession de 1966 était caduc. 
A titre de mesures provisionnelles, A.________ SA requérait qu'interdiction soit faite au Département fédéral de mettre à l'enquête, de publier ou d'octroyer toute nouvelle concession sur la Barberine et les eaux du Trient, du Pêcheux et de l'Eau Noire jusqu'à droit connu dans la présente procédure. Par décision incidente du 4 novembre 2020, le Tribunal administratif fédéral a rejeté la requête de mesures provisionnelles. Il a par ailleurs reconnu la qualité de partie aux CFF. 
 
B.c. Par arrêt du 8 octobre 2021, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours dans la mesure de sa recevabilité. Il a jugé que le débit annuel et le volume d'accumulation réservés à l'art. 23 de la concession de 1966 étaient exclus du droit d'utilisation concédé à la recourante. Ce débit annuel et ce volume d'accumulation avaient été concédés aux CFF jusqu'à l'échéance de leur concession le 20 juillet 2017. A cette date, les droits correspondants n'avaient pas été automatiquement transférés à A.________ SA, mais étaient revenus à l'autorité concédante, qui pouvait les concéder à nouveau.  
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ SA demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, principalement, 1) de réformer l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 8 octobre 2021 en ce sens où il est constaté que A.________ SA a notamment, conformément à la concession fédérale du 27 juin 1966, un droit d'utilisation comprenant celui : a. de capter les eaux de la Barberine au moyen d'un grand barrage implanté dans la gorge de ce cours d'eau, au débouché de la plaine d'Emosson; b. de capter entre les cotes 1575 et 1520 les eaux du Val Ferret supérieur, des torrents de Treutse Bo, de Planereuse et de Saleina, du Val d'Arpette, du Torrent de Jure, du Trient, du Nant Noir et du Pêcheux, puis de conduire ces eaux dans un bassin de compensation des Esserts, dans la vallée de l'Eau Noire, et de là, par pompage, dans le bassin d'accumulation d'Emosson; c. d'amener par gravité, dans le bassin d'accumulation d'Emosson, les eaux captées en France dans le hauts bassins de l'Arve, du Griffe et de l'Eau Noire; d. d'accumuler dans le bassin d'Emosson, jusqu'à la cote 1930 environ, les eaux ainsi captées en Suisse et en France; e. d'utiliser ces eaux sur les chutes du Châtelard, des Esserts et de la Bâtiaz jusqu'à la restitution dans le Rhône, à la cote 453 environ, à l'exclusion des débits selon les articles 33 al. 1 et 2 et 34; 2) de réformer l'arrêt attaqué en ce sens que l'exclusion des débits indiqués à l'art. 23 de la concession 27 juin 1966 est caduque depuis le 20 juillet 2017; 3) de réformer l'arrêt attaqué en ce sens que A.________ SA n'a aucune obligation de restitution en lien avec les débits annuels moyens soustraits aux prises d'eau des CFF sur le Trient, le Pêcheux et l'Eau Noire et jouit d'un droit d'utilisation plein et entier sur ces eaux; et 4) de réformer l'arrêt attaqué en ce sens qu'il est constaté que l'art. 33 al. 3 de la concession du 27 juin 1966 est caduc. Subsidiairement, A.________ SA conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause au Tribunal administratif fédéral ou au Département fédéral pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Le Tribunal administratif fédéral s'en tient à son arrêt. Le Département fédéral confirme sa position. Les CFF concluent à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. La recourante a répliqué. Le Tribunal administratif fédéral a confirmé s'en tenir à son arrêt, les CFF et le Département fédéral ont dupliqué. A.________ SA s'est encore déterminée, et les CFF ont déposé des observations sur ces déterminations. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue par le Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 let. a LTF) dans une cause qui relève du droit public (art. 82 let. a LTF) sans tomber sous le coup de l'une des exceptions de l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est donc ouverte.  
 
1.2. Selon l'art. 42 al. 1 LTF, les mémoires doivent indiquer les motifs. Conformément à l'art. 42 al. 2 1e phrase LTF, les motifs doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit. En présence d'une motivation manifestement insuffisante pour l'ensemble des griefs, le recours est en principe déclaré irrecevable (FLORENCE AUBRY GIRARDIN, in Commentaire de la LTF, 3e éd. 2022, n° 48 ad 42 LTF).  
Contrairement à la conclusion prise par les CFF, le recours ne saurait être considéré comme irrecevable dans son ensemble. Certes, la recourante discute très largement les faits et formule ainsi une motivation appellatoire non admissible (cf. infra consid. 2.2). Il n'en demeure pas moins qu'elle se plaint à suffisance d'une violation du principe de la confiance et qu'elle critique l'interprétation donnée à la concession de 1966 par le Tribunal administratif fédéral, soit d'une question pertinente et qui relève de l'application du droit fédéral. Dans cette mesure, la motivation présentée est suffisante. 
 
1.3. Dans ses conclusions, la recourante demande au Tribunal fédéral de constater que l'art. 33 al. 3 de la concession de 1966 est caduc. Elle ne formule toutefois aucune motivation à l'appui de cette conclusion, soulignant même de manière contradictoire dans son mémoire que "les art. 33 et 34 ne sont pas disputés" et qu'est seule litigieuse la question de la réserve des droits d'utilisation selon l'art. 23 de la concession de 1966 (recours p. 10). Dans sa motivation, elle ne mentionne par ailleurs pas l'art. 33 al. 3 de la concession de 1966. La conclusion liée à cette disposition, qui n'a fait l'objet d'aucune critique devant le Tribunal administratif fédéral, est donc irrecevable.  
 
1.4. Au surplus, le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les autres formes prescrites (art. 42 LTF) par la destinataire de l'arrêt attaqué, qui a qualité pour recourir (cf. art. 89 al. 1 LTF). Il convient donc d'entrer en matière sur le recours dans la mesure de sa recevabilité.  
 
2.  
 
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Toutefois, en vertu de l'art. 106 al. 2 LTF, il n'examine la violation de droits fondamentaux, ainsi que celle de dispositions de droit cantonal et intercantonal, que si ce grief a été invoqué et motivé par la partie recourante, c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et détaillée (ATF 147 II 44 consid. 1.2; 146 IV 114 consid. 2.1; 143 II 283 consid. 1.2.2).  
 
2.2. Pour statuer, le Tribunal fédéral se fonde sur les faits établis par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des situations visées à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 148 V 366 consid. 3.3; 147 I 73 consid. 2.2) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause. Le recourant doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions sont réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergeant de celui qui est contenu dans l'acte attaqué. Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques appellatoires portant sur l'état de fait ou l'appréciation des preuves (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 114 consid. 2.1; 137 II 353 consid. 5.1).  
En l'espèce, comme déjà indiqué (supra consid. 1.2), la recourante a parsemé ses écritures de faits qui ne résultent pas de l'arrêt attaqué et de considérations appellatoires sur leur appréciation. Elle n'explique toutefois pas en quoi l'état de fait contenu dans l'arrêt attaqué serait manifestement inexact ou incomplet et partant arbitraire. Le Tribunal fédéral n'en tiendra donc pas compte et se fondera sur les faits ressortant de l'arrêt attaqué. 
 
3.  
En droit fédéral, les concessions hydroélectriques sont régies par la loi fédérale du 22 décembre 1916 sur l'utilisation des forces hydrauliques (loi sur les forces hydrauliques [LFH]; RS 721.80), en vigueur depuis le 1 er janvier 1918. Depuis cette date, certaines dispositions de cette loi ont été modifiées. C'est le cas de l'art. 54, consacré aux dispositions obligatoires des concessions, dont la teneur actuelle résulte d'une révision partielle de la loi, entrée en vigueur le 1er mai 1997 (RO 1997 991). D'après les principes généraux en matière de droit transitoire, on applique, en cas de changement de règles de droit et sauf réglementation transitoire contraire, les dispositions en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement et qui a des conséquences juridiques (ATF 138 V 176 consid. 7.1.2; 137 V 105 consid. 5.3.1; 129 II 497 consid. 5.3.2). En l'occurrence, le litige concerne une concession qui a été octroyée avant l'entrée en vigueur de la révision partielle susmentionnée. Faute de droit transitoire, c'est l'art. 54 aLFH dans sa teneur en vigueur en 1966 qui est applicable à la présente cause. 
 
4.  
Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal administratif fédéral a retenu que le litige porté devant lui consistait à déterminer si le Département fédéral avait correctement appliqué le droit en constatant que les droits d'eau réservés aux CFF dans la concession de 1966 n'avaient pas automatiquement changé d'ayant droit à l'échéance de leur concession, le 20 juillet 2017, de sorte qu'ils ne faisaient pas partie des droits d'eau qui avaient été concédés à la recourante dans la concession de 1966. En effet, selon les juges précédents, la concession de 1966 avait octroyé à la recourante le droit d'utiliser toutes les forces hydrauliques mentionnées à l'art. 22, à l'exception du débit annuel et du volume d'accumulation indiqués à l'art. 23, qui en étaient exclus pour être réservés aux CFF. Par conséquent, à l'échéance de la concession des CFF le 20 juillet 2017, les droits correspondants n'avaient pas été automatiquement transférés à la recourante, mais étaient revenus à l'autorité concédante, qui pouvait les concéder à nouveau. 
 
4.1. La recourante soutient que les juges précédents ont mal saisi l'objet du litige. De son point de vue, l'objet du litige ne porterait pas sur l'étendue des droits d'eau qui lui ont été concédés. L'étendue de leur concession résulterait clairement de l'art. 22 de la concession de 1966 et ne serait ni contestée ni contestable. Le litige ne porterait que sur le point de savoir si elle est toujours tenue à restituer aux CFF le débit annuel et le volume d'accumulation mentionnés à l'art. 23 de la concession de 1966 même après l'échéance de la concession de ces derniers le 20 juillet 2017.  
 
 
4.2. La recourante n'explique toutefois pas en quoi le Tribunal administratif fédéral aurait violé le droit fédéral en définissant l'objet du litige. Il s'agit en réalité d'une question d'interprétation de la concession de 1966. Ainsi, la recourante part de la prémisse qu'elle s'est vu concéder le droit d'utiliser l'entier des forces hydrauliques décrites à l'art. 22 de la concession de 1966 (y compris le débit annuel et le volume d'accumulation décrits à l'art. 23 de la concession de 1966), alors qu'en interprétant les mêmes textes, le Tribunal administratif fédéral, suivant la position du Département fédéral, aboutit à la conclusion inverse.  
 
4.3. Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu de redéfinir l'objet du litige tel qu'il a été circonscrit par le Tribunal administratif fédéral, et qui revient à s'interroger sur l'étendue du droit d'utilisation qui a été concédé à la recourante dans la concession de 1966. Il convient en revanche de vérifier le bien-fondé de l'interprétation donnée à ce texte par le Tribunal administratif fédéral. Au préalable, il est utile de rappeler les règles qui régissent les concessions hydrauliques et celles relatives à leur interprétation (infra consid. 5).  
 
5.  
Selon l'art. 76 al. 2 Cst. (cf. art. 24bis al. 1 let. b aCst.), la Confédération est compétente pour fixer les principes applicables à l'utilisation de l'eau pour la production d'énergie. A cet effet, elle a édicté la loi fédérale du 22 décembre 1916 sur les forces hydrauliques (ATF 128 II 112 consid. 4a; arrêt 2C_453/2020 du 5 août 2021 consid. 6). Selon l'art. 3 al. 1 LFH, la communauté qui dispose de la force d'un cours d'eau peut l'utiliser elle-même ou en concéder l'utilisation à des tiers. 
Par ailleurs, en vertu de l'art. 76 al. 5 Cst. (cf. art. 24bis al. 4 aCst.), la Confédération statue, avec le concours des cantons concernés, sur les droits relatifs aux ressources en eau qui intéressent plusieurs États. Cette disposition habilite la Confédération à adopter les conventions internationales nécessaires à la réalisation d'un ouvrage à caractère international et à délivrer la concession pour la part relevant des ressources en eaux suisses (ETIENNE POLTIER/THIERRY LARGEY, in Commentaire de la Constitution fédérale, 2021, n° 58 ad art. 76 Cst.). Pour l'aménagement d'Emosson, qui accumule des eaux provenant de plusieurs vallées situées en France et en Suisse, la Confédération a, conformément à cette disposition constitutionnelle, conclu une convention avec la République française le 23 août 1963 et octroyé à la recourante une concession le 27 juin 1966 (supra let. A.b à A.d). 
 
5.1. Par la concession hydroélectrique, la collectivité concédante confère ainsi à un particulier le droit d'exploiter des eaux publiques pour produire de l'électricité (ETIENNE POLTIER, Droit de l'énergie, 2020, p. 92; JACQUES FOURNIER, Vers un nouveau droit des concessions hydroélectriques, 2002, p. 4). Au travers de la concession, le concessionnaire acquiert, dans les limites de l'acte de concession, le droit d'utiliser le cours d'eau (art. 43 al. 1 LFH). Une fois concédé, le droit d'utilisation ne peut être retiré ou restreint sauf pour cause d'utilité publique et moyennant indemnité (art. 43 al. 2 LFH). Les droits conférés par une concession au concessionnaire relèvent donc de la catégorie des droits acquis, tant que dure la concession (cf. ATF 145 II 140 consid. 4.2; 142 I 99 consid. 2.4.3; 128 II 112 consid. 10 a) bb); arrêt 1C_494/2015 du 3 novembre 2017 consid. 3.1; ETIENNE POLTIER, op. cit., p. 97 n° 248).  
 
5.2. Il peut arriver que le droit d'utiliser les forces hydrauliques d'un cours d'eau soit concédé successivement à deux concessionnaires distincts (cf. ATF 130 II 18 consid. 3.3). Tel est le cas lorsqu'une première concession a été accordée en lien avec le droit d'utiliser la force hydraulique dépendant d'un premier système de retenue et que ce système fait par la suite l'objet d'une seconde phase de construction en vue d'améliorer la production d'énergie, entraînant l'octroi d'une seconde concession portant sur un volume d'eau supérieur, accordée à un autre concessionnaire (HANS WYER, Rechtsfragen der Wasserkraftnutzung, 2000, p. 43 s.; FOURNIER, op. cit., p. 147; DOMINIK STRUB, Wohlerworbene Rechte. Insbesondere im Bereich des Elektrizitätsrechts, 2001, p. 191). Ces situations donnent lieu à un réseau d'accords souvent complexes (FOURNIER, op. cit., p. 145). Le droit fédéral n'exclut pas ce cas de figure, mais prévoit, à l'art. 45 LFH, que la concession ne porte pas atteinte aux droits privés des tiers ou aux concessions antérieures (STRUB, op. cit., p. 192). En d'autres termes, la nouvelle concession ne peut porter atteinte aux droits acquis du premier concessionnaire, de sorte qu'un système doit être mis en place pour éviter cette conséquence (WYER, op. cit., p. 44 s.). A cet égard, plusieurs solutions sont envisageables (cf. WYER, op. cit., p. 44 s). Si la seconde concession englobe la force hydraulique qui faisait l'objet de la première concession ("umfassende Zweitkonzession"; WYER, op. cit., p. 46), il y a atteinte aux droits acquis du premier concessionnaire (BALTHASAR BRANDNER, in Kommentar zum Energierecht, 2016, Bd I, n° 2 ad art. 45 WRG). Ce dernier peut se voir alors exproprier ses droits d'utilisation par le second concessionnaire qui s'en est vu accorder le droit par l'autorité concédante (cf. art. 46 LFH), moyennant une pleine indemnité (BRANDNER, in op. cit., n° 12 ss ad art. 46 WRG; BLAISE KNAPP, La fin des concessions hydrauliques, in Revue de droit suisse, 1982, p. 133). Il se peut aussi, comme on le rencontre en pratique, qu'un accord de reprise soit conclu entre les deux concessionnaires (contrat de restitution). Par ce contrat, que la doctrine estime relever du droit privé et qui constitue une solution juridiquement hybride par rapport à la garantie des droits acquis, les concessionnaires conviennent de prestations compensatoires versées par le nouveau concessionnaire au précédent. Celles-ci peuvent prendre la forme de fourniture d'énergie, d'argent ou du droit de continuer d'utiliser une partie de l'eau (WYER, op. cit., p. 45; STRUB, op. cit., p. 192; FOURNIER, op. cit., p. 147; BRANDNER, in op. cit. n° 2 ad art. 45 WRG). Enfin, il est aussi concevable que la seconde concession soit limitée et ne porte pas sur les droits accordés au premier concessionnaire ("echte beschränkte Zweitkonzession", WYER, op. cit., p. 46). Celui-ci peut alors continuer à exploiter la force hydraulique conformément à sa concession.  
Définir quel système a été choisi est déterminant pour savoir à qui reviennent les droits d'utiliser la force hydraulique à l'expiration de la première concession. Ces droits reviennent de facto au second concessionnaire, si la seconde concession avait absorbé les droits de la première; ils font en effet alors partie des droits acquis du second concessionnaire (STRUB, op. cit., p. 192). En revanche, ils reviennent à l'autorité concédante si la seconde concession réservait les droits du premier concessionnaire et excluait ceux-ci de la seconde concession. Pour déterminer qui peut disposer des droits conférés par la première concession à l'expiration de celle-ci, il convient donc d'interpréter les différents accords conclus en fonction du cas d'espèce (STRUB, op. cit., p. 192; WYER, op. cit., p. 47). A cet égard, l'interprétation de la seconde concession revêt une importance particulière. 
 
5.3. Les règles d'interprétation des concessions hydrauliques dépendent de la nature de la clause concernée. En effet, la concession hydroélectrique est un acte juridique mixte, composé de clauses bilatérales (ou contractuelles) et de clauses unilatérales (ou décisionnelles). Le contenu des clauses bilatérales est négocié par les parties, alors que les clauses unilatérales résultent directement ou impérativement de la loi (cf. ATF 130 II 18 consid. 3.1; 109 II 76 consid. 2 p. 76; cf. aussi arrêts 2C_81/2020 du 13 juillet 2020 consid. 3.1; 2C_825/2013 du 24 mars 2014 consid. 2.1; 2C_815/2012 du 24 juin 2013 consid. 2.1). La clause qui définit l'étendue des droits concédés, par exemple les débits utilisables, est une clause décisionnelle (cf. ATF 130 II 18 consid. 3.1). Une telle clause ne repose pas sur les manifestations de volonté réciproques et concordantes des parties, mais sur l'exercice d'une compétence prédéterminée par une norme, en l'occurrence par l'art. 3 al. 1 LFH. Le fait que la décision de concession suppose la coopération du concessionnaire ("mitwirkungsbedürftige Verfügung"; cf. PIERRE TSCHANNEN/MARKUS MÜLLER/MARKUS KERN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 5e éd. 2022, n° 1262), ne change rien au caractère unilatéral de l'octroi d'une concession (cf. aussi, dans le même sens, FOURNIER, op. cit., p. 150, qui parle de l'acte de concession comme d'un acte unilatéral approuvé par son bénéficiaire; cf. encore, dans le contexte plus général du rôle de la volonté de l'administré dans le processus de décision, PIERREMOOR/ETIENNE POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3e éd. 2011, p. 205, qui relèvent que l'accord de l'administré est une condition nécessaire à l'existence d'une décision, mais qu'il ne représente pas une manifestation de volonté participant à sa création).  
 
5.4. Selon la jurisprudence, les clauses bilatérales d'une concession s'interprètent selon les règles qui président à l'interprétation des contrats (art. 18 CO; recherche de la volonté réelle et commune des parties puis, si cette volonté ne peut être établie, de la volonté objective telle qu'elle découle du principe de la confiance; arrêts 2C_81/2020 du 13 juillet 2020 consid. 3.1; 2C_258/2011 du 30 août 2012 consid. 4.1; sur les règles d'interprétation des contrats, ATF 144 V 84 consid. 6.2.1; 144 III 93 consid. 5.2.3). Les clauses unilatérales d'une concession doivent en revanche être interprétées selon les règles applicables aux décisions (cf. FOURNIER, op. cit., p. 150). Il s'agit d'en dégager le sens véritable, conformément à leur signification juridique concrète, en s'écartant au besoin du sens littéral (cf. ATF 147 V 369 consid. 4.2.1; 120 V 496 consid. 1a; arrêt 8C_818/2021 du 12 mai 2022 consid. 4.2). Le principe de la confiance limite toutefois cette interprétation: une décision doit être comprise dans le sens que son destinataire pouvait et devait lui attribuer selon les règles de la bonne foi, compte tenu de l'ensemble des circonstances qu'il connaissait ou qu'il aurait dû connaître (ATF 115 II 415 consid. 3a; arrêts 8C_818/2021 du 12 mai 2022 consid. 4.2; 9C_571/2019 du 23 juillet 2020 consid. 4.4.2; 2A.453/2002 du 6 décembre 2002 consid. 3.1; cf. aussi ATF 120 V 496 consid. 1a).  
 
5.5. L'art. 54 LFH, respectivement l'art. 54 aLFH (supra consid. 3), décrit les dispositions qu'une concession doit obligatoirement contenir, dont l'étendue du droit d'utilisation concédé fait partie (cf. art. 54 let. b LFH, resp. art. 54 let. b aLFH). Il n'impose toutefois pas de règle quant à la manière dont l'étendue du droit d'utilisation doit être définie dans la concession (cf. ATF 107 Ib 140 consid. 3a, dans lequel le Tribunal fédéral a relevé que le fait que le volume d'eau concédé soit décrit de manière positive ou négative importait peu). Par ailleurs, lorsque les eaux captées pour alimenter de petites usines exploitées par un concessionnaire sont incluses dans un projet plus vaste, la loi fédérale sur les forces hydrauliques n'interdit pas à l'autorité concédante de définir l'étendue des droits concédés à un nouveau concessionnaire en retranchant de son droit d'utilisation une certaine quantité d'eau définie, cas échéant de manière forfaitaire, en vu de préserver l'exercice de la concession antérieure. Dans une telle situation, les eaux ainsi exclues de la seconde concession ne font donc pas partie des droits acquis du second concessionnaire (supra consid. 5.2).  
Comme déjà indiqué (supra consid. 5.3), les clauses d'une concession qui définissent l'étendue du droit d'utilisation concédé, conformément à l'art. 54 aLFH/LFH, sont des clauses unilatérales, qui doivent être interprétées selon les règles applicables pour déterminer le sens des décisions. 
 
6.  
En l'occurrence, le Tribunal administratif fédéral a interprété la concession de 1966 et il est parvenu à la conclusion que la recourante ne s'était pas vu concéder le droit d'utiliser les débits et volumes décrits à l'art. 23 de ladite concession, qui étaient réservés aux CFF. En d'autres termes, la concession de 1966 ne comprenait pas le droit d'utiliser les eaux réservées aux CFF. 
 
6.1. La recourante fait valoir que le Tribunal administratif a procédé à une interprétation erronée de la concession de 1966. De son point de vue, il ressort de la concession de 1966 qu'elle s'était vu accorder le droit d'utiliser l'ensemble des forces hydrauliques décrites à l'art. 22 de la concession de 1966 et que les débits et volumes réservés à l'art. 23 ne représentaient que des débits et volumes forfaitaires qu'elle était contractuellement tenue de restituer aux CFF, en vertu d'un contrat de restitution qui avait précisément pour but de dédommager les CFF pour la perte de leurs droits d'eaux du fait de la concession de 1966. Cette obligation de restitution était partant caduque depuis la fin de la concession des CFF le 20 juillet 2017, de sorte que, depuis cette date, elle était libérée de toute obligation de restitution et pouvait utiliser sans restriction l'entier des forces hydrauliques qui lui avaient été concédées.  
 
6.2. L'art. 22 de la concession de 1966 décrit le "droit d'utilisation" de la recourante et l'art. 23 de la concession de 1966 fixe les "limites" apportées à ce droit d'utilisation. L'étendue de la concession de la recourante doit être déterminée par l'interprétation de ces deux dispositions. Comme il s'agit d'interpréter des clauses unilatérales, leur sens doit être dégagé en vertu des règles d'interprétation des décisions (supra consid. 5.4 et 5.5).  
 
6.2.1. L'art. 22 al. 1 de la concession de 1966 indique que la recourante acquiert, par le fait de la concession, le droit d'utiliser toutes les forces hydrauliques qui font l'objet de la Convention du 23 août 1963 avec la France au sujet de l'aménagement d'Emosson. L'alinéa 2 de la disposition expose en quoi consiste le droit d'utilisation ainsi concédé. Il comprend 1) le droit de capter les eaux des rivières mentionnées aux lettres a et b, 2) le droit d'amener les eaux ainsi captées, par pompage ou par gravité, dans le bassin d'accumulation d'Emosson (lettres b et c), 3) le droit d'accumuler ces eaux dans ce bassin d'accumulation (lettre d) et 4) le droit de les utiliser sur les chutes du Châtelard, des Esserts et de la Bâtiaz, à l'exclusion toutefois des débits indiqués aux art. 23, 33 et 34 de la concession de 1966 (lettre e).  
Le texte de l'art. 22 al. 2 let. e de la concession de 1966 prévoit ainsi que le droit d'utiliser les eaux mentionnées aux lettres a et b est restreint, puisque la recourante n'a pas le droit d'utiliser les débits indiqués aux art. 23, 33 et 34 de la concession de 1966. Ces débits sont expressément exclus ("à l'exclusion toutefois"), ce qui signifie littéralement que la recourante ne s'est pas vu concéder le droit de les utiliser sur les chutes du Châtelard, des Esserts et de la Bâtiaz pour produire de l'électricité. Il s'ensuit que l'art. 22 al. 2 let. e de la concession de 1966 définit l'étendue des eaux que la recourante peut utiliser pour produire de l'électricité, en partant de l'entier des forces hydrauliques des cours d'eaux mentionnés aux lettres a et b, duquel sont toutefois déduits les débits indiqués plus précisément aux art. 23, 33 et 34 de la concession de 1966. 
L'art. 23 de la concession de 1966 confirme cette lecture. L'art. 23 al. 1 décrit le débit annuel et le volume d'accumulation qui sont exclus du droit d'utilisation de la recourante. Les alinéas 2 à 4 de la disposition précisent que ce débit annuel et ce volume d'accumulation seront réservés aux CFF, conformément à l'accord de principe de 1961 conclu entre la recourante et les CFF ou à tout autre accord qui lui sera substitué, puis détaillent les obligations qui incombent à la recourante à cet égard. Ces obligations consistent, en substance, à tolérer le refoulement des eaux réservées aux CFF, pour que ceux-ci puissent les turbiner dans leurs usines, et à s'abstenir d'entraver les CFF dans l'exploitation de ces usines. Il ressort ainsi de la lettre de l'art. 23 de la concession de 1966 que le Conseil fédéral a voulu non seulement exclure un débit annuel et un volume d'accumulation de la concession de la recourante (al. 1), mais aussi lui imposer des obligations destinées à garantir la possibilité pour les CFF de continuer à exploiter leurs usines (al. 2 à 4). 
Comme le relève le Département fédéral dans sa réponse au recours, les art. 22 et 23 de la concession de 1966 constituent ensemble le chapitre VI de la concession de 1966, intitulé "Étendue de la concession" (art. 105 al. 2 LTF). Cette systématique confirme que l'art. 23 de la concession de 1966 est intrinsèquement lié à l'art. 22, en ce sens qu'il contribue à circonscrire les eaux que la recourante s'est vu concéder et qu'elle peut utiliser en tant que concessionnaire pour produire de l'énergie. Selon les termes clairs de l'art. 22 al. 2 let. e de la concession de 1966, la recourante est en droit d'utiliser l'entier des forces hydrauliques pour produire de l'électricité, à l'exception toutefois des débits qui sont exclus de ce droit d'utilisation, dont ceux qui sont décrits à l'art. 23 font partie. 
 
6.3. La recourante soutient au contraire qu'une interprétation objective de la concession de 1966 ne peut que conduire au constat selon lequel elle s'est vu concéder toutes les forces hydrauliques mentionnées à l'art. 22 et que l'art. 23, qui renvoie à l'accord qu'elle a conclu avec les CFF en 1961 et à tout autre accord qui lui serait substitué, se limite à rappeler l'existence d'une obligation contractuelle de restitution à l'égard des CFF, qui aurait été réglée entre les parties à ce contrat et sans intervention de la Confédération. De son point de vue, le fait que l'art. 23 de la concession de 1966 se réfère à un débit annuel et à un volume d'accumulation définis de manière forfaitaire serait la preuve qu'elle est bien concessionnaire de toutes forces hydrauliques réelles décrites à l'art. 22 de la concession, que les CFF ont perdu leurs droits d'eau depuis la concession de 1966 et qu'elle n'est tenue qu'à une obligation contractuelle et forfaitaire de restitution, qui n'existe toutefois plus depuis la fin de la concession des CFF le 20 juillet 2017. Après cette date, cette obligation contractuelle de restitution serait par conséquent caduque, de sorte qu'elle aurait recouvré le droit d'utiliser sans restriction l'entier des forces hydrauliques qui lui avaient été concédées.  
 
6.4. Ce raisonnement ne convainc pas.  
D'abord, la recourante n'explique pas comment son interprétation peut être compatible avec la lettre et la systématique de la concession de 1966 qui lui a été octroyée, dont il ressort que le droit d'utiliser les forces hydrauliques pour produire de l'électricité est défini aux art. 22 et 23 de cette concession en ce sens que la recourante peut utiliser toutes les forces hydrauliques décrites à l'art. 22 (définition positive), à l'exclusion du débit annuel et du volume d'accumulation décrits à l'art. 23 al. 1 (définition négative; cf. supra consid. 5.5). 
Ensuite, la recourante retient à tort que le fait que le débit annuel et que le volume d'accumulation exclus de son droit d'utilisation soient décrits de manière forfaitaire à l'art. 23 al. 1 serait la preuve que la limitation de son droit d'utilisation est liée à son obligation contractuelle de restitution aux CFF. En effet, la loi fédérale sur les forces hydrauliques ne s'oppose pas à ce que l'autorité concédante définisse l'étendue d'une concession en excluant certains débits ou volumes d'accumulation "forfaitaires", en particulier lorsque, comme dans le cas d'espèce, l'autorité concédante entend permettre à un concessionnaire antérieur de pouvoir continuer à exploiter ses usines en vertu de la concession qui lui a été octroyée. Dans le cas d'espèce, comme le nouvel aménagement d'Emosson a submergé le barrage des CFF, le fait de circonscrire l'étendue de la concession de la recourante en excluant un débit annuel et un volume d'accumulation de manière "forfaitaire" pour les réserver aux CFF apparaît au demeurant comme la seule solution pour que la recourante puisse savoir de manière claire quelle est la quantité d'eau qu'elle peut utiliser pour produire de l'énergie. 
C'est par ailleurs en vain que la recourante fait valoir que la concession de 1966 se limiterait à rappeler son obligation contractuelle de restitution aux CFF. Dès lors que le Conseil fédéral a, dans la concession de 1966, restreint le droit d'utilisation de la recourante en soustrayant de son droit d'utilisation le débit et le volume décrits à l'art. 23 al. 1 de la concession de 1966, on ne se trouve pas dans une situation de chevauchement de concessions successives, soit dans une situation où le premier concessionnaire se voit privé de la possibilité d'utiliser les forces hydrauliques qui lui avaient été concédées au profit du second concessionnaire. En restreignant d'emblée le droit d'utilisation de la recourante par exclusion de débits et de volumes qu'il a réservés en même temps aux CFF, le Conseil fédéral a évité un tel chevauchement et imposé à la recourante des obligations destinées à garantir que les CFF pourraient continuer à turbiner les eaux concédées qui leur sont réservées sans entrave (cf. les cas de figure décrits supra consid 5.2). En d'autres termes, même si l'accord que celle-ci et les CFF ont conclu en 1961 a pu représenter un contrat de restitution lorsqu'il a été conclu, il n'en reste pas moins que le Conseil fédéral a, en 1966, circonscrit l'étendue du droit d'utilisation de la recourante de manière à distinguer les eaux que la recourante et les CFF pourraient respectivement utiliser en vertu de leur concession respective et ces droits ne se recoupent pas. Cette interprétation est confirmée par le fait que, le 15 novembre 1972, le Conseil fédéral a modifié la concession de 1917 par un avenant qui redéfinit l'étendue du droit d'utilisation concédé à partir du moment où le bassin de Barberine cesserait d'être utilisable en raison de l'aménagement hydroélectrique d'Emosson (supra let. A.g.). 
 
6.5. La recourante objecte aussi que la Confédération n'avait pas la compétence d'octroyer des droits d'eau sur des ressources hydrauliques en France, ce qui confirmerait que "la concession sur les forfaits accordée aux CFF ne se confond pas avec les débits réels concédés à A.________ SA".  
L'art. 22 al. 1 de la concession de 1966 renvoie à la convention du 23 août 1963 entre la Confédération suisse et la République française au sujet de l'aménagement hydroélectrique d'Emosson (RS 0.721.809.349.1; supra let. A.c.) en ce qui concerne l'étendue des droits concédés. Il ressort de l'art. 1 par. 2 de cette convention que celle-ci ne s'applique pas aux eaux qui se déversaient alors dans le bassin existant de la Barberine, soit naturellement, soit artificiellement. Comme l'a relevé à juste titre le Tribunal administratif fédéral (consid. 7.5.2.1 de l'arrêt attaqué), la Suisse et la France ont délimité dans cette disposition le champ d'application de la convention de 1963 dans un sens négatif et, en tant que les droits des CFF entraient en considération, elles en ont précisé l'étendue dans un échange de lettres du 23 août 1963 (cf. Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale du 16 septembre 1963 concernant l'approbation de deux conventions entre la Suisse et la France au sujet de l'aménagement hydroélectrique d'Emosson et d'une rectification de la frontière franco-suisse (FF 1963 II 691 p. 699). Cet échange de lettres du 23 août 1963 (reproduit in FF 1963 II 691 p. 718 s.) vise à préciser "le sens et la portée de l'art. 1 par. 2 de la convention". Il indique sous chiffre 1 que la réglementation des droits d'utilisation des CFF restera en tout temps exclusivement affaire de la Suisse. Sous chiffre 2, il réserve aux CFF et exclut ainsi du champ d'application de la convention de 1963: a. un débit annuel représentant les apports annuels moyens du bassin d'accumulation actuel de la Barberine en provenance de la Barberine, ainsi que des régions du Nant de Drance, du Triège et du Bel'Oiseau, sans déduction des déversements actuels de cette accumulation, ainsi que les débits annuels moyens soustraits par l'aménagement d'Emosson aux prises d'eau des intimés existant actuellement sur le Trient, l'Eau Noire et le Pêcheux, réduits en proportion de l'augmentation de chute disponible; b. un volume d'accumulation représentant le volume de la retenue de Barberine dans son état actuel, y compris le volume mort, ainsi qu'un volume supplémentaire de 17 millions de m3. Ainsi, et contrairement à ce que soutient la recourante, la Confédération a bien la compétence d'octroyer des droits d'eau sur des ressources hydrauliques en France en tant qu'elles concerneraient les CFF, ces eaux étant expressément exclues de la convention de 1963. A cela s'ajoute que l'échange de lettres du 23 août 1963 atteste aussi que le Conseil fédéral avait l'intention de préserver les droits des CFF, car il précise sous chiffre 3 que "la concession suisse prévoira les dispositions nécessaires au rétablissement des ouvrages de prise et d'amenée d'eau de l'usine de Barberine et à la sécurité de l'exploitation des usines des CFF". 
Si l'art. 23 de la concession de 1966 se limitait à prévoir une obligation contractuelle de la recourante à l'égard des CFF, on ne voit pas pourquoi le Conseil fédéral aurait alors fait en sorte que des débits soient exclus du champ d'application de la convention de 1963, de préciser que la réglementation des droits d'utilisation des CFF resterait en tout temps exclusivement affaire de la Suisse et que la concession suisse contiendrait les dispositions nécessaires à la sécurité de l'exploitation des usines des CFF. Ces démarches ne peuvent s'expliquer autrement que par la volonté du Conseil fédéral de s'assurer que les CFF pourraient continuer à utiliser leur exploitation nonobstant l'octroi de la concession à la recourante, en réservant pour elle des débits et volumes qui seraient de ce fait exclus de la concession de la recourante. 
 
6.6. La recourante allègue encore que les CFF auraient fait l'objet d'une expropriation de leurs droits d'eau. L'existence d'une expropriation formelle ne ressort toutefois nullement de l'arrêt attaqué (art. 105 al. 1 LTF; supra consid. 2.2). Il n'y a donc pas à s'attarder plus avant sur ce point.  
 
6.7. Enfin, le principe de la confiance invoqué par la recourante ne saurait aller à l'encontre de l'interprétation claire de la concession. Du reste, la recourante n'apporte aucun élément propre à faire apparaître qu'elle pouvait et devait comprendre de bonne foi la concession de 1966 en ce sens que son art. 23 se limitait à mentionner une obligation contractuelle de restitution à l'égard des CFF, mais qu'il ne restreignait pas l'étendue de sa propre concession. Il n'y a donc aucun motif de s'écarter d'une lecture objective de la concession de 1966.  
 
7.  
Ce qui préc ède conduit au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. 
 
8.  
Succombant, la recourante supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Les CFF ont droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF), contrairement au Département fédéral (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité.  
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr. sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera aux CFF une indemnité de 10'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, aux CFF, au Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication et au Tribunal administratif fédéral, Cour I.  
 
 
Lausanne, le 30 août 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
La Greffière : S. Vuadens