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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_202/2022  
 
 
Arrêt du 7 juillet 2022  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Hohl, Présidente, Kiss et May Canellas. 
Greffière: Mme Raetz. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Francesco La Spada, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
représenté par Me Andreas Fabjan, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
procédure civile; avance de frais, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 23 mars 2022 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (C/5172/2020, ACJC/415/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 18 novembre 2021, le Tribunal de première instance du canton de Genève a condamné A.________ à libérer immédiatement de sa personne et de ses biens l'appartement de quatre pièces situé à l'avenue de U.________ à V.________, sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP. Il a autorisé B.________ à requérir l'évacuation de celle-ci par la force publique dès l'entrée en force du jugement. Il a également condamné A.________ à verser à B.________ un montant total de 249'210 fr. avec intérêts, puis la somme de 3'500 fr. pour tout mois d'occupation supplémentaire dès décembre 2021. 
Le 17 janvier 2022, A.________ (ci-après: l'appelante), désormais représentée par Me C.________, a formé appel à l'encontre de ce jugement auprès de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
Par décision du 19 janvier 2022, la cour cantonale a imparti à l'appelante un délai au 21 février 2022 pour verser une avance de frais fixée à 9'000 fr. Il était précisé qu'elle pouvait, si elle en remplissait les conditions, requérir l'assistance judiciaire. 
Par décision du 25 février 2022, un " ultime délai " a été fixé à l'appelante au 14 mars 2022 pour opérer le versement précité. Son attention était attirée sur le fait que, faute de fournir l'avance requise dans le délai supplémentaire imparti, son appel serait déclaré irrecevable. 
Le 14 mars 2022, l'appelante a sollicité une prolongation de ce délai au 15 mai 2022. Elle a indiqué ne pas disposer de la somme requise, mais avoir " pris des mesures dans ce sens, lesquelles devraient aboutir d'ici la fin du mois d'avril 2022 ". 
A l'échéance de l'ultime délai imparti au 14 mars 2022, l'appelante n'avait pas fourni l'avance de frais requise. 
Par arrêt du 23 mars 2022, la cour cantonale a déclaré l'appel irrecevable, au motif que l'avance de frais n'avait pas été versée dans le délai fixé. 
 
B.  
L'appelante (ci-après: la recourante), agissant désormais seule, a exercé un recours en matière civile au Tribunal fédéral à l'encontre de cet arrêt. Elle a conclu en substance à son annulation et à ce qu'un délai de cinq jours à compter de la notification de l'arrêt du Tribunal fédéral lui soit accordé pour le versement de l'avance de frais de 9'000 fr. Par ailleurs, elle a sollicité l'octroi de l'effet suspensif. 
B.________ (ci-après: l'intimé) et la cour cantonale n'ont pas été invités à se déterminer. 
La demande d'effet suspensif a été rejetée par ordonnance du 16 mai 2022, au motif que le recours apparaissait dénué de toute chance de succès. 
Par courrier du 23 mai 2022, Me Francesco La Spada a informé le Tribunal fédéral que la recourante l'avait chargé de représenter ses intérêts dans la procédure. Il a ajouté qu'elle avait versé le montant de 9'000 fr. sur le compte clients de l'étude en vue du paiement de l'avance de frais de la cour cantonale. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment celles afférentes à la valeur litigieuse minimale de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF) et au délai de recours (art. 46 al. 1 let. a et 100 al. 1 LTF). Demeure réservée la recevabilité des griefs particuliers. 
 
2.  
 
2.1. Le recours peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le recourant doit discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 140 III 86 consid. 2). Le Tribunal fédéral n'examine la violation de droits fondamentaux que si le grief correspondant a été invoqué et motivé par la partie recourante conformément au principe de l'allégation (art. 106 al. 2 LTF; ATF 139 I 229 consid. 2.2; 134 II 244 consid. 2.2). Le recourant doit indiquer quel droit ou principe constitutionnel a été violé par l'autorité précédente et dans quelle mesure, en présentant une argumentation claire et circonstanciée; des critiques simplement appellatoires ne sont pas admissibles (ATF 143 II 283 consid. 1.2.2; 142 III 364 consid. 2.4; 139 I 229 consid. 2.2).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). " Manifestement inexactes " signifie ici " arbitraires " (ATF 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références).  
 
2.3. Devant le Tribunal fédéral, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).  
La pièce nouvelle produite par la recourante, soit un formulaire de demande de modification d'acomptes de l'Administration fiscale cantonale complété le 30 avril 2022, ne relève manifestement pas de l'exception prévue à l'art. 99 al. 1 LTF et est au demeurant postérieure à l'arrêt attaqué. Elle se révèle dès lors irrecevable. Il en va de même du fait que la recourante a versé l'avance de frais de 9'000 fr. sur le compte clients de l'étude de Me Francesco La Spada. 
 
3.  
La cour cantonale a retenu que l'appelante avait requis la prolongation, d'une durée importante, de l'ultime délai qui lui avait été imparti pour fournir l'avance de frais requise. Même si cette avance s'élevait à un montant non négligeable, l'appelante s'était limitée à alléguer ne pas disposer des liquidités suffisantes, sans autre explication ou élément étayant ses dires. Elle avait par ailleurs sollicité une prolongation de deux mois de l'ultime délai qui lui avait été fixé en invoquant de manière très vague qu'elle avait " pris des mesures " afin de trouver les liquidités nécessaires, sans indiquer lesquelles et, à nouveau, sans étayer d'aucune manière ses allégations. De plus, elle avait allégué que les mesures invoquées " devraient aboutir " d'ici la fin du mois d'avril 2022, ce qui indiquait que l'obtention des fonds était possible, mais non certaine. L'appelante n'avait dès lors pas rendu vraisemblable les conditions d'application de l'art. 144 al. 2 CPC concernant la prolongation des délais fixés judiciairement. 
 
4.  
Tout d'abord, la recourante dénonce une violation des art. 101 et 144 CPC. Elle soutient que la décision du 25 février 2022 n'indiquait pas que le délai était non prolongeable, contrairement à l'usage. Ainsi, la cour cantonale devait lui octroyer un bref délai pour procéder au versement de l'avance de frais en cas de refus de sa demande de prolongation du délai. La recourante se réfère aux arrêts 5A_280/2018 du 21 septembre 2018 et 1C_171/2012 du 13 juin 2012. 
 
4.1. Selon l'art. 101 CPC, également applicable en instance d'appel (arrêt 5A_654/2015 du 22 décembre 2015 consid. 5.1), le tribunal impartit un délai pour la fourniture des avances (al. 1). Si les avances ne sont pas fournies à l'échéance d'un délai supplémentaire, le tribunal n'entre pas en matière sur la demande (al. 3). L'art. 101 al. 3 CPC implique la fixation d'office d'un délai de grâce pour s'acquitter des avances (ATF 138 III 163 consid. 4.2). Ce délai de grâce, qui pourra être bref, est prolongeable aux conditions de l'art. 144 al. 2 CPC (arrêt 5A_654/2015 précité consid. 5.1; cf. arrêt 5A_350/2019 du 26 octobre 2020 consid. 3.4.2).  
Aux termes de l'art. 144 al. 2 CPC, les délais fixés judiciairement peuvent être prolongés pour des motifs suffisants, lorsque la demande en est faite avant leur expiration. Il appartient à la partie d'invoquer de façon motivée ces motifs (arrêt 5A_654/2015 précité consid. 5.2). 
 
4.2. La recourante ne critique pas ici le refus de sa demande de prolongation de délai. En revanche, elle reproche à la cour cantonale de ne pas avoir assorti ce refus d'un bref délai.  
La jurisprudence dont se prévaut la recourante ne lui est d'aucun secours. Il ressort de l'arrêt 5A_280/2018 précité consid. 4.1 que le refus d'une prolongation de délai doit être accompagné d'un bref délai pour accomplir l'acte soumis au délai, à moins que la demande de prolongation ne doive être considérée comme dilatoire (arrêt 1C_171/2012 précité consid. 2.4 et 2.5) ou que le requérant ne dût, de bonne foi, supposer dès le début qu'il ne bénéficierait d'aucune prolongation de délai. Sur ce dernier point, le Tribunal fédéral a relevé que dans le cas qui lui était soumis, le tribunal avait qualifié le délai supplémentaire prévu à l'art. 101 al. 3 CPC d' " unique " ( einmalig), mais pas de " non prolongeable " ( nicht erstreckbar) ou " d'ultime " ( letztmalig). Ainsi, le requérant pouvait partir du principe que sa demande de prolongation de délai serait traitée et, qu'en cas de refus, un bref délai lui serait imparti, dans la mesure où sa demande n'était pas dilatoire. Le tribunal avait également interprété sa fixation du délai de cette façon. Dès lors, le tribunal était fondé à assortir son refus de prolongation de délai d'un bref délai de grâce (arrêt 5A_280/2018 précité consid. 4.2).  
En l'occurrence, l'instance précédente a indiqué dans sa décision du 25 février 2022 qu'un " ultime délai " était imparti au 14 mars 2022 pour procéder au versement de l'avance de frais. On ne se trouve donc pas dans le même cas de figure que celui de la jurisprudence précitée. Au vu de cette mention, la recourante devait supposer de bonne foi - jusqu'à une réponse contraire du tribunal - qu'elle ne bénéficierait d'aucune prolongation de délai et que le délai fixé expirerait définitivement le 14 mars 2022. Dans ces circonstances, elle ne saurait reprocher à la cour cantonale de ne pas avoir accompagné le refus de prolongation de délai d'un bref délai supplémentaire. 
 
5.  
 
5.1. Ensuite, la recourante soutient que l'instance précédente aurait dû lui octroyer " un court délai ", en se fondant sur l'art. 5 Cst., ainsi que sur la garantie de l'accès au juge consacrée aux art. 29a Cst. et 6 par. 1 CEDH. Elle reproche à l'instance précédente de n'avoir pas tenu compte du fait que son appel portait sur un jugement en expulsion de son logement, lequel constitue également son lieu de travail, que le montant de l'avance de frais était élevé et devait être fourni dans un délai de moins de deux mois, et qu'elle rencontrait des difficultés financières. Elle s'était vue privée d'un accès à la justice à cause d'un manque de moyens qui aurait été pallié quelques jours après l'expiration du délai imparti, voire dans le mois suivant.  
 
5.2. La recourante ne décrit pas clairement si elle conteste le refus de la prolongation de délai en tant que tel ou le fait que ce refus n'était pas assorti d'un bref délai supplémentaire, comme susmentionné.  
Quoi qu'il en soit, la cour cantonale a expliqué de manière détaillée les raisons pour lesquelles elle a refusé la prolongation de délai. Celles-ci étaient liées à la motivation insuffisante de la demande en ce sens présentée par la requérante, alors représentée par une avocate. Conformément aux exigences de motivation prévalant devant le Tribunal fédéral, il appartenait à la recourante de discuter les motifs développés par l'instance précédente pour attaquer utilement l'arrêt entrepris, ce qu'elle n'a pas fait. 
En outre, selon les constatations de la cour cantonale, liant le Tribunal fédéral, dans sa requête de prolongation de délai, la recourante n'avait pas indiqué qu'elle disposerait avec certitude du montant de l'avance de frais dans les jours suivants ou " dans le mois à venir ", comme elle tente de le faire croire. Ses allégations étaient au contraire vagues, incertaines et non étayées. Celles concernant sa situation financière étaient tout aussi lacunaires. Dans ces conditions, la recourante ne saurait formuler un quelconque reproche à l'encontre de la cour cantonale. 
Par ailleurs, en se contentant de soutenir que les décisions judiciaires " doivent être proportionnées au but visé ", la recourante ne présente pas une motivation suffisante s'agissant d'une prétendue violation de l'art. 5 Cst. 
En lien avec l'art. 6 par. 1 CEDH, la recourante se prévaut de ce que la Cour européenne des droits de l'homme a considéré, s'agissant des frais ou taxes judiciaires dont un justiciable était redevable, que leur montant, apprécié à la lumière des circonstances particulières d'une affaire donnée, y compris la solvabilité de l'intéressé et la phase de la procédure à laquelle la restriction en question était imposée, était un facteur à prendre en compte pour déterminer si un requérant avait bénéficié de son droit d'accès à un tribunal (arrêt CEDH Kaiser c. Suisse du 9 janvier 2018, requête n° 35294/11, § 62 CEDH; arrêt CEDH Ramos c. Suisse du 14 octobre 2010, requête n° 10111/06, § 37). La recourante n'a jamais contesté le montant de l'avance de frais. Quoi qu'il en soit, la somme de 9'000 fr. ne paraît pas excessive au regard de l'importante valeur litigieuse de la cause. De plus, la recourante a joui d'un délai global de presque deux mois pour exécuter le versement et a été dûment avertie des conséquences d'un retard. L'avance de frais a en outre été requise dans la phase d'appel, et non en première instance. Au demeurant, tel que susmentionné, la recourante s'est limitée, dans sa requête de prolongation du délai imparti pour procéder au versement de l'avance de frais, à alléguer ne pas disposer de liquidités suffisantes et avoir pris des mesures pour y pallier, sans autre explication ou élément étayant ses dires. Dans ces conditions, on ne décèle aucune violation de la garantie de l'accès au juge conférée par l'art. 6 par. 1 CEDH.  
 
6.  
La recourante se prévaut encore d'une violation des art. 8 et 29 Cst. Elle allègue avoir été traitée différemment des autres justiciables car selon l'usage, trois prolongations de délai étaient accordées lorsque le justiciable peinait à verser l'avance de frais.Les quelques lignes qu'elle consacre à la prétendue violation de droits constitutionnels ne satisfont pas aux exigences de motivation accrue prévalant en la matière. En particulier, il ne suffit pas d'alléguer qu'il est " d'usage " que les autorités judiciaires octroient trois prolongations de délai pour en déduire un quelconque droit. 
 
7.  
Enfin, la recourante dénonce une violation de l'art. 9 Cst. Elle soutient qu'en ne tenant pas compte de sa situation et en la privant de la seule voie de droit lui permettant de contester l'expulsion de son logement, tant le raisonnement que le résultat de l'arrêt attaqué étaient profondément choquants. 
Or, la recourante ne parvient pas, en quelques phrases, à démontrer que la cour cantonale aurait sombré dans l'arbitraire en refusant la prolongation de délai, sans l'assortir d'un bref délai, et en déclarant l'appel irrecevable. Au contraire, la position de l'instance précédente est motivée et convaincante. On n'y décèle nulle trace d'arbitraire. 
 
8.  
En définitive, le recours, manifestement mal fondé aux termes de l'art. 109 al. 2 let. a LTF, doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
La recourante, qui succombe, prendra en charge les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). En revanche, elle n'aura pas à indemniser l'intimé, lequel n'a pas été invité à déposer une réponse. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 7 juillet 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Hohl 
 
La Greffière : Raetz