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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
4A_606/2018  
 
 
Arrêt du 4 mars 2020  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales Kiss, Présidente, 
Hohl et May Canellas. 
Greffière : Mme Godat Zimmermann. 
 
Participants à la procédure 
A.________ GmbH, 
représentée par Me Jean-Rodolphe Fiechter, avocat, 
recourante, 
 
contre 
 
Société anonyme B.________, 
représentée par Me Benoît Bovay, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
preuve à futur; frais d'expertise et dépens, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 7 septembre 2018 par la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal 
du canton de Vaud (JE13.017631-180954, 271). 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________ GmbH (ci-après: A.________), dont le siège social est à U.________ (---), exploite un bureau d'ingénieurs-conseils. En février 2012, cette société a conclu avec la Société anonyme B.________ (ci-après: SA B.________) un contrat portant sur des prestations d'ingénierie dans le cadre de la rénovation/construction de l'hôtel C.________, à V.________. Les activités de A.________ avaient trait à la poursuite, respectivement à l'achèvement de la planification de la technique du bâtiment, y compris la direction des travaux. 
Par courrier du 16 juillet 2012, A.________ s'est plainte auprès de la SA B.________. Ses critiques portaient sur la structure de l'organisation du projet et sur les divergences entre le contrat et la réalité sur le chantier. 
Les 2 juillet et 1er août 2012, A.________ a établi les factures partielles n° 6 par 75'816 fr. et n° 7 par 259'200 fr., lesquelles n'ont pas été réglées par la SA B.________. 
En septembre 2012, A.________ a suspendu les prestations de planification et de coordination qu'elle estimait dépasser celles convenues dans le contrat. 
Dans un courrier du 13 septembre 2012, la SA B.________ a notamment fait état d'un "dommage financier à sept chiffres" lié au comportement de A.________. En février 2013, elle annoncera une réclamation dès que le dommage subi aura été chiffré. 
Les échanges de correspondance entre les mandataires des parties n'ont pas permis d'aplanir les divergences, de sorte que la SA B.________ a résilié le contrat d'ingénieur par courrier du 3 octobre 2012, ce dont A.________ a pris acte par pli du 8 octobre 2012. 
Le 21 décembre 2012, A.________ a présenté à la SA B.________ la facture finale, comportant les montants de 1'739'156 fr.90 et de 11'508 fr.48. Ceux-ci n'ont pas été payés. 
 
B.   
Le 16 avril 2013, A.________ a déposé une requête de preuve à futur contre la SA B.________, portant sur les prestations qu'elle avait fournies dans le cadre du projet de rénovation/construction de l'hôtel C.________. 
La conclusion II de la requête tendait à la désignation, en qualité d'expert, d'un ingénieur CVSE (chauffage, ventilation, sanitaire et électricité) bilingue (allemand-français) aux fins de: 
 
" a.       documenter l'état actuel de l'objet en construction (...), en particulier et en détail les aspects liés à la technique du bâtiment; 
 
b.       constater si et dans quelle mesure le projet a subi des modifications depuis le 30.08.2012, en particulier et en détail les aspects liés à la technique du bâtiment; 
 
c.       constater sur la base de quels plans et de quel état des plans les travaux de technique du bâtiment ont été effectués depuis le 30.08.2012; 
 
d.       documenter l'organisation du projet au 30.08.2012 et celle en vigueur au jour de la présente requête; 
 
e.       documenter le flux d'informations et l'état de la planification de la technique du bâtiment au 03.10.2012 et au jour de la présente requête (en comparant l'état de la planification à ces deux dates) d'après les documents contenus dans la «Planbox»; 
 
f.       constater quand les différents plans et appels d'offres (en particulier ceux sur lesquels devait reposer la conception de la technique du bâtiment) ont été validés par le maître de l'ouvrage; 
 
g.       constater dans quelle mesure la planification de la technique du bâtiment postérieure au 03.10.2012 repose sur des plans de la requérante; 
 
h.       constater et documenter l'état de la planification générale au 13.09.2012, y compris le calendrier en prévision de l'ouverture du bâtiment historique et du nouveau bâtiment, y compris les dates prévues d'attribution des mandats aux ouvriers et spécialistes (y compris en ce qui concerne l'agencement d'intérieur); 
 
i.       comparer l'état de la planification de la technique du bâtiment et celui de la planification générale (architecture, agencement d'intérieur, statique, etc.) au 03.02.2012, en examinant en particulier aussi si les plans et concepts avaient été validés par les différents corps de métier (...) et le maître d'ouvrage; 
 
j.       constater sous quelle forme existait un calendrier professionnel, selon la méthode de planification en réseau adaptée à un projet de cette ampleur («  Netzwerkplantechnik »), à compter de 2009, et si ce calendrier a été mis à jour régulièrement."  
A l'appui de sa requête, A.________ faisait valoir une mise en danger des preuves. Elle alléguait que l'état du bâtiment, de même que celui de la planification, étaient sur le point de changer de manière irrémédiable, parce que de nouveaux chefs de projet avaient apparemment été nommés, qu'un nouvel ingénieur avait été mandaté pour succéder à A.________, que le chantier avançait et que la planification en matière de technique du bâtiment avait été entièrement revue depuis l'éviction de A.________. Elle soutenait que, sans mesures conservatoires ordonnées rapidement, les preuves disponibles ne le seraient plus lorsqu'elle ferait valoir ses honoraires en justice, respectivement le jour où elle devrait se défendre contre une action en dommages-intérêts déjà annoncée de longue date par la SA B.________. 
Dans sa détermination du 28 juin 2013, le conseil de A.________ a fait savoir que sa mandante ne s'opposait pas à ce que la SA B.________ pose des questions complémentaires à l'expert, pour autant toutefois que celle-ci supporte les frais y relatifs. 
La SA B.________ a conclu principalement à l'irrecevabilité ou au rejet de la requête de preuve à futur. A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la requête serait admise, elle a indiqué qu'elle souhaitait participer activement à l'expertise; dans un courrier du 1er juillet 2013, elle a requis que les questions suivantes soient posées à l'expert, en complément du questionnaire déposé par A.________ : 
 
"1. Quand la société A.________ GmbH a-t-elle effectué quelles prestations convenues contractuellement ? 
 
2. Quelles prestations convenues par les parties à la présente procédure n'ont pas été exécutées par la société A.________ GmbH ? 
 
3. Quelles prestations convenues ont été exécutées par la société A.________ GmbH et mises à disposition du maître de l'ouvrage à temps compte tenu du planning prévu ? 
 
4. Quel était l'état des prestations exécutées et mises à disposition du maître de l'ouvrage par la société A.________ GmbH en date du 3 septembre 2012, respectivement en date du 3 octobre 2012 (date de la résiliation du contrat) ? 
 
5. Dans quelle phase du contrat (1-10) les plans et documents mis à disposition du maître de l'ouvrage par la société A.________ GmbH jusqu'au 3 octobre 2012 peuvent-ils être classés ? 
 
6. Comment les prestations convenues par les parties et exécutées à temps par la société A.________ GmbH peuvent-elles être évaluées qualitativement ? Dans quelle mesure étaient-elles ou non utilisables pour le maître de l'ouvrage ?" 
Par courrier du 2 juillet 2013, le conseil de A.________ a indiqué que les questions posées par la SA B.________ complétaient parfaitement celles de sa mandante et que ces questions, autant que celles de A.________, concernaient bien les prétentions réciproques des parties, qu'il y aurait lieu de prouver dans un éventuel procès au fond. 
Par ordonnance du 24 juillet 2013, le Juge de paix du district de Lausanne a admis la requête d'expertise du 16 avril 2013; l'expert désigné était chargé de répondre aux dix questions formulées par A.________et aux six questions formulées par la SA B.________. Considérant que les parties participaient à parts égales à l'expertise, le juge a dit que l'avance des frais d'expertise serait effectuée par elles par moitié chacune, tout en précisant que la décision sur les frais interviendrait à l'issue de la procédure. 
Par ordonnance complémentaire du 28 novembre 2013, le juge a notamment désigné un nouvel expert en remplacement du premier. 
Dans un devis du 4 février 2014, l'expert a procédé à une première estimation distincte de ses frais en fonction des questions de chaque partie. Par décision du 18 février 2014, le premier juge a ordonné aux parties d'effectuer chacune une avance de frais de 31'860 fr. 
Dans un second devis, daté du 30 mars 2015, l'expert a estimé ses honoraires globaux à 114'480 fr., qu'il a répartis à raison de 68'580 fr. pour A.________ (232 heures de travail pour dix questions) et 45'900 fr. pour la SA B.________ (148 heures de travail pour six questions). Par courrier du 16 avril 2015, le juge de paix a indiqué qu'il envisageait de demander une avance de frais de 57'240 fr. à chaque partie. 
Dans une lettre du 24 avril 2015, la SA B.________ a refusé de payer une avance de frais supplémentaire, arguant que de simples questions complémentaires ne justifiaient pas que des frais soient mis à sa charge. Dans ses courriers des 5 et 13 mai 2015, A.________ a fait observer que la SA B.________ ne s'était pas bornée à poser des questions complémentaires et que les questions formulées par celle-ci engendraient un travail très conséquent pour l'expert, qui l'avait chiffré à 148 heures; la SA B.________ avait saisi l'occasion de la preuve à futur pour en demander une elle-même, de sorte qu'il serait erroné et inique de mettre l'ensemble des frais à la charge de A.________; il convenait ainsi que chaque partie avance un montant de 25'380 fr. (57'240 fr. - 31'860 fr.), conformément à la clé de répartition appliquée jusqu'alors. 
Par courrier du 3 juin 2015, le juge de paix a chargé l'expert de répondre prioritairement aux questions posées par A.________. 
Le 13 août 2015, une audience s'est tenue au sujet du complément d'avance de frais. Par courrier du 24 août 2015, A.________ a confirmé qu'elle effectuerait l'avance de frais supplémentaire requise de la SA B.________, quand bien même celle-ci ne soumettait pas à l'expert de simples questions complémentaires; à son sens, ces questions étaient formulées spécialement en vue de construire une action reconventionnelle, de sorte qu'il appartenait en définitive à la SA B.________ de supporter les honoraires de l'expert y relatifs; A.________ précisait agir ainsi afin de ne pas compromettre l'expertise qui était sur le point d'aboutir. 
L'expert a déposé son rapport le 28 octobre 2015. 
Par prononcé du 4 juillet 2016, confirmé par arrêt du 27 septembre 2016 de l'instance supérieure, le juge de paix a arrêté à 114'480 fr. le montant des honoraires dus à l'expert. 
Le 19 janvier 2017, le juge de paix a ordonné un complément d'expertise. Dans un premier temps, il a requis de l'expert qu'il procède à une estimation de ses honoraires séparément pour chaque partie, en fonction de leurs questions, afin d'exiger des avances de frais suffisantes de la part de chacune. L'expert a réparti ses frais à raison de 9'720 fr. à la charge de A.________et à raison de 3'240 fr. à la charge de l'intimée. 
La SA B.________ a refusé d'avancer les frais relatifs à ses propres questions. 
Le 27 mars 2017, le juge de paix a demandé à A.________ de fournir la totalité de l'avance de frais, sous réserve de la décision finale sur les frais qui interviendrait à la fin de la procédure de preuve à futur. 
L'expert a rendu son rapport complémentaire le 9 octobre 2017. 
Par prononcé du 14 décembre 2017, le juge de paix a arrêté à 12'960 fr. le montant des honoraires dus à l'expert pour le complément d'expertise. 
La liste d'opérations pour la procédure de preuve à futur du conseil de A.________ fait état de 150 heures de travail, alors que celle du conseil de la SA B.________ présente un total de 148.85 heures de travail. 
Par décision du 1er mai 2018, le juge de paix a arrêté les frais judiciaires à la charge de A.________ à 128'140 fr. et les a partiellement compensés avec les avances de frais effectuées (I), a dit qu'en conséquence, A.________ rembourserait à la SA B.________ l'avance de frais effectuée par cette dernière à hauteur de 27'000 fr. (II), a condamné A.________ à verser à la SA B.________ la somme de 30'000 fr. à titre de dépens (III) et a rayé la cause du rôle (IV). Le juge n'est pas revenu sur les honoraires de l'expert - d'ores et déjà arrêtés par décisions séparées à hauteur de 127'440 fr. (114'480 fr. + 12'960 fr.) - auxquels il a ajouté un émolument de décision de 700 fr. Il a décidé de mettre les frais judiciaires, y compris les frais d'expertise, à la charge de la requérante A.________, motif pris que les questions posées à l'expert par l'intimée SA B.________ avaient été considérées comme connexes au complexe de faits tels qu'allégués dans la requête de preuve à futur. 
Statuant le 7 septembre 2018 sur recours de A.________, la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a confirmé la décision du juge de paix. 
 
C.   
A.________ interjette un recours en matière civile. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt de la cour cantonale et au renvoi de la cause à cette autorité pour nouvelle décision dans le sens des considérants. A titre subsidiaire, elle demande la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens, d'une part, que les frais d'expertise fixés à 114'480 fr. (hors complément d'expertise) sont mis à la charge de A.________ à raison de 68'580 fr. (60%) et de la SA B.________ à raison de 45'900 fr. (40%), de sorte que la SA B.________ doit rembourser 14'040 fr. à A.________ qui en a fait l'avance et, d'autre part, que les dépens sont compensés. 
La SA B.________ propose le rejet du recours. 
Pour sa part, la cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (entre autres: ATF 141 III 395 consid. 2.1 p. 397; 139 III 252 consid. 1.1). 
 
1.1. L'arrêt attaqué a été rendu dans une procédure de preuve à futur, à laquelle les dispositions sur les mesures provisionnelles sont applicables (art. 158 al. 2 CPC). Une mesure provisionnelle donne lieu à une décision finale (art. 90 LTF) lorsqu'elle a été prononcée dans une procédure indépendante d'une procédure principale et qu'elle y met un terme (ATF 138 III 46 consid. 1.1 et les arrêts cités). La décision entreprise est intervenue dans une procédure autonome, indépendante de l'introduction d'une procédure au fond. Après avoir obtenu le rapport d'expertise et le complément requis, le juge de première instance a statué sur les frais et dépens et rayé la cause du rôle; ce faisant, il a mis un terme à la procédure. La décision de la cour cantonale sur recours doit être qualifiée de finale (arrêts 4A_419/2016 du 22 mars 2017 consid. 1.3.2 et 4D_54/2013 du 6 janvier 2014 consid. 1.1 non publié in ATF 140 III 30).  
 
1.2. L'arrêt attaqué a été rendu en matière civile (art. 72 LTF) par le tribunal supérieur désigné comme autorité cantonale de dernière instance, lequel a statué sur recours (art. 75 LTF). Devant la Chambre des recours civile, la contestation ne portait que sur la répartition des frais et dépens. En pareil cas, la valeur litigieuse déterminée conformément à l'art. 51 al. 1 let. a LTF correspond au montant contesté devant l'autorité précédente (ATF 143 III 46 consid. 1 p. 47; 137 III 47 consid. 1.2.2). Celui-ci représente en l'espèce le 40% des frais judiciaires par 128'140 fr. et les dépens par 30'000 fr. mis à la charge de la recourante; le seuil de 30'000 fr. fixé pour la recevabilité du recours en matière civile (art. 74 al. 1 let. b LTF) est ainsi largement dépassé. Formé par une partie ayant qualité pour recourir au sens de l'art. 76 al. 1 LTF, le recours a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.  
 
2.  
 
2.1. Dès lors que les décisions statuant sur une requête de preuve à futur sont considérées comme des mesures provisionnelles (ATF 138 III 46 consid. 1.1), seule peut être invoquée - même dans un recours en matière civile - la violation des droits constitutionnels (art. 98 LTF). Le Tribunal fédéral n'examine un tel grief que s'il a été invoqué et motivé conformément au principe d'allégation (art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire expressément soulevé et exposé de manière claire et détaillée (ATF 139 I 22 consid. 2.3; 137 III 580 consid. 1.3; 135 III 397 consid. 1.4 in fine). S'il se plaint d'une violation de l'art. 9 Cst., le recourant ne peut se borner à soutenir que la décision attaquée est entachée d'arbitraire, mais doit démontrer de manière précise en quoi elle est manifestement insoutenable (ATF 139 III 334 consid. 3.2.5 p. 339; 138 IV 13 consid. 5.1 p. 22; 134 II 349 consid. 3 p. 352).  
 
2.2. Une décision est arbitraire lorsqu'elle méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. L'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait concevable, voire préférable. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si la décision entreprise apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. Il ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables; encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 III 145 consid. 2; 141 III 564 consid. 4.1; 140 III 16 consid. 2.1 p. 18 ss, 167 consid. 2.1; 139 III 334 consid. 3.2.5 p. 339; 136 III 552 consid. 4.2 p. 560).  
 
2.3. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Sont visées également les constatations relatives au déroulement de la procédure devant les instances précédentes, soit les faits de la procédure ("  Prozesssachverhalt "). Ceux-ci recouvrent notamment les conclusions des parties, leurs allégations de fait, les arguments juridiques soulevés, les déclarations en procédure, le contenu d'une expertise (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 17 s.).  
Le Tribunal fédéral ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). "Manifestement inexactes" signifie ici "arbitraires" (ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1 p. 253; 140 III 115 consid. 2 p. 117; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). 
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi les conditions précitées seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18 et les références). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes en conformité avec les règles de procédure les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2 p. 90). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). 
 
3.   
Au terme de la procédure de preuve à futur, le juge de paix a mis les frais à la charge de la requérante. Sa décision a été confirmée par la cour cantonale. 
A ce stade, le litige porte sur la prise en charge des frais d'expertise par 114'480 fr. - à l'exclusion des frais du complément d'expertise et de l'émolument judiciaire - ainsi que sur les dépens. 
Il convient au préalable de rappeler les principes en la matière. 
 
3.1. La preuve à futur prévue à l'art. 158 CPC est une procédure probatoire spéciale de procédure civile, qui peut avoir lieu avant l'ouverture de l'action. L'art. 158 al. 1 let. b CPC prévoit deux cas de preuve à futur. Dans le premier cas, elle a pour but d'assurer la conservation de la preuve, lorsque le moyen de preuve risque de disparaître ou que son administration ultérieure se heurterait à de grandes difficultés. Une partie peut donc requérir une expertise ou une autre preuve sur des faits qu'elle entend invoquer dans un procès éventuel, en vue de prévenir la perte de ce moyen de preuve (ATF 142 III 40 consid. 3.1.1 p. 43). Dans le second cas, la preuve à futur hors procès est destinée à permettre au requérant de clarifier les chances de succès d'un éventuel procès au fond. Le requérant doit établir qu'il a un intérêt digne de protection à l'administration de la preuve. Il ne lui suffit pas d'alléguer avoir besoin d'éclaircir des circonstances de fait; il doit rendre vraisemblable l'existence d'une prétention matérielle concrète contre sa partie adverse, laquelle nécessite l'administration de la preuve à futur (ATF 142 III 40 consid. 3.1.1 p. 43 s.; 140 III 16 consid. 2.2.2; 138 III 76 consid. 2.4.2 p. 81).  
Tous les moyens de preuve prévus par les art. 168 ss CPC peuvent être administrés en preuve à futur hors procès, et ce conformément aux règles qui leur sont applicables. Lorsqu'il s'agit d'une expertise, les règles des art. 183 à 188 CPC s'appliquent. En particulier, le tribunal nomme un expert, préside au déroulement des opérations, instruit l'expert et lui soumet les questions soumises à expertise (art. 185 al. 1 CPC). Il donne aux parties l'occasion de s'exprimer sur ces questions et de proposer qu'elles soient modifiées ou complétées (art. 185 al. 2 CPC) et fixe à l'expert un délai pour déposer son rapport (art. 185 al. 3 CPC). Il communique ensuite celui-ci aux parties et leur offre la possibilité de demander des explications ou de poser des questions complémentaires à l'expert (art. 187 al. 4 CPC) (ATF 142 III 40 consid. 3.1.2 p. 44). 
La procédure de preuve à futur n'a pas pour objet d'obtenir qu'il soit statué matériellement sur les droits ou obligations des parties, mais seulement de faire constater ou apprécier un certain état de fait. Une fois les opérations d'administration de la preuve terminées, le juge clôt la procédure et statue sur les frais et dépens (ATF 142 III 40 consid. 3.1.3 p. 44). 
 
3.2. Sur ce dernier point, le Tribunal fédéral a jugé que la partie requérante doit prendre en charge l'émolument judiciaire en cas d'admission de sa requête de preuve à futur, même si la partie intimée a conclu au rejet de la requête. Faute de décision sur une prétention de droit matériel à l'issue de la procédure de preuve à futur, il n'y a en effet ni partie qui obtient gain de cause ni partie qui succombe, de sorte que la règle générale de répartition de l'art. 106 al. 1 CPC ne saurait s'appliquer (ATF 140 III 30 consid. 3.4.1 p. 32 ss). La répartition des frais en équité (cf. art. 107 al. 1 let. f CPC) commande de les faire supporter par la partie qui a intérêt à la preuve à futur, soit au requérant. Grâce à l'administration de la preuve requise, celui-ci a en effet la possibilité de sauvegarder un moyen de preuve en péril ou de clarifier ses chances dans un éventuel procès au fond; s'il choisit d'introduire un tel procès et qu'il obtient finalement gain de cause, il pourra en outre reporter sur la partie succombante les coûts de la procédure de preuve à futur (ATF 140 III 30 consid. 3.5 p. 34 s.). Les mêmes considérations valent pour les dépens de la partie intimée, qui doivent être pris en charge par la partie requérante, sous réserve d'un éventuel remboursement à l'issue du procès principal. En effet, l'intimé est attrait contre son gré à la procédure de preuve à futur et doit dans tous les cas participer à l'administration de la preuve, ce qui, s'il est représenté par un avocat, lui occasionne des coûts (ATF 140 III 30 consid. 3.6 p. 35).  
Dans l'arrêt publié aux ATF 139 III 33, le Tribunal fédéral a eu l'occasion de se prononcer plus spécifiquement sur la question de la répartition des frais d'administration des preuves (art. 95 al. 2 let. c CPC), singulièrement des frais d'expertise, au terme d'une procédure de preuve à futur hors procès. En principe, les frais d'administration des preuves sont à la charge de la partie requérant la preuve à futur, sous réserve d'une autre répartition dans le procès principal (consid. 4 p. 34). Lorsqu'il exerce son droit d'être entendu et pose à l'expert des questions complémentaires qui ne sortent pas du cadre défini par le requérant, l'intimé à la requête ne peut pas se voir imposer la prise en charge d'une partie des frais de la mesure probatoire, quand bien même il ne s'est pas opposé à la requête et que ses questions ont occasionné un travail supplémentaire de la part de l'expert. Il appartient au juge, auquel la décision définitive sur la formulation des questions incombe, de s'assurer que l'objet du procès déterminé par le requérant n'est pas étendu par des questions complémentaires de la partie adverse (consid. 4.3 p. 36; cf. également 140 III 16 consid. 2.2.3 p. 20 s.). Dans le cas ayant donné lieu à la jurisprudence précitée, le juge statuant sur la requête de preuve à futur avait transmis à l'expert les questions des parties après examen et reformulation partielle, en étant conscient que l'étendue de la preuve à futur était déterminée par la partie requérante; il apparaissait ainsi que les questions complémentaires de la partie intimée rentraient dans le cadre défini par la requête de preuve à futur et contribuaient à la force de l'expertise, dans l'intérêt de la partie requérante qui cherchait à éclaircir les responsabilités pour un dommage avant d'engager un procès (ATF 139 III 33 consid. 4.4 p. 36 s.). De plus, la partie intimée n'avait pas le choix d'introduire elle-même le procès au fond, dans lequel elle aurait pu obtenir une autre répartition des frais (ATF 139 III 33 consid. 4.5 p. 37). Par conséquent, le fait, pour la partie intimée, de poser des questions complémentaires dans un tel contexte ne pouvait, sous peine de verser dans l'arbitraire, être considéré comme une circonstance particulière au sens de l'art. 107 al. 1 let. f CPC, qui rendrait inéquitable la prise en charge de la totalité des frais d'expertise par la partie requérante et justifierait de les répartir entre les parties (ATF 139 III 33 consid. 4.4 p. 36 s. et consid. 4.6 p. 37 s.). 
Par ailleurs, s'il remplit l'une des conditions de l'art. 158 al. 1 CPC, l'intimé à la requête peut toujours demander l'extension de la preuve à futur à d'autres faits et/ou à d'autres moyens de preuve (ATF 140 III 16 consid. 2.2.3 p. 21); il devra alors prendre à sa charge les frais y relatifs (ATF 139 III 33 consid. 4 p. 34). 
 
4.   
Sous le grief de constatation manifestement inexacte des faits, la recourante reproche à la Chambre des recours civile d'avoir nié que l'intimée avait à son tour requis une preuve à futur, profitant de la procédure introduite pour bénéficier de la mise en oeuvre de l'expert et, conformément à l'art. 158 CPC, poser des questions servant son propre intérêt, dans le seul but de préparer une action en dommages-intérêts contre la recourante. Elle invoque à cet égard le courrier du 13 septembre 2012, cité dans l'arrêt attaqué - dans lequel l'intimée décrit les violations du contrat d'ingénieur reprochées à la recourante - et relève que les six questions soumises à l'expert par l'intimée sont manifestement en rapport avec les griefs développés dans ce courrier. Le questionnaire de l'intimée constituerait ainsi une extension de la preuve à futur à caractère conservatoire requise par la recourante, à laquelle celle-ci ne s'est pas opposée pour autant que, comme elle l'indique notamment dans sa lettre du 28 juin 2013 mentionnée dans l'arrêt attaqué, les frais relatifs à ces questions soient supportés par l'intimée. Le caractère non purement complémentaire des questions de l'intimée ressortirait également de l'ordonnance du 24 juillet 2013 admettant la requête d'expertise de la recourante, dans laquelle le juge de paix, d'une part, constate que, subsidiairement à sa conclusion en irrecevabilité, voire en rejet de la requête, l'intimée demande à participer activement à l'expertise et, d'autre part, répartit l'avance des frais d'expertise par moitié entre les parties "dans la mesure où elles participent à parts égales à l'expertise". La recourante met également en avant l'absence de recours contre ladite ordonnance de la part de l'intimée, laquelle a par ailleurs versé la première avance exigée pour les frais d'expertise. Elle observe enfin que l'expert a été en mesure de chiffrer séparément ses honoraires en fonction du temps consacré aux questions respectives des parties. 
Invoquant l'art. 9 Cst., la recourante prétend que le premier juge, approuvé par la cour cantonale, a agi de manière arbitraire et contraire à la bonne foi en mettant finalement les frais d'expertise et tous les dépens à la charge de la recourante. En effet, cette décision serait totalement contraire aux principes fixés d'entrée de cause - dans l'ordonnance admettant la requête d'expertise et répartissant l'avance de frais par moitié entre les parties - et confirmés tout au long de la procédure, la réserve sur la décision finale sur les frais formulée dans le dispositif de l'ordonnance précitée ne concernant que la répartition exacte entre les parties. Comme il avait prévu de le faire, le juge aurait dû, en fin de procédure, mettre à la charge de chaque partie les frais occasionnés par leurs propres questions, soit 45'900 fr. à la charge de l'intimée et 68'580 fr. à la charge de la recourante, sous déduction des avances déjà effectuées. 
S'agissant des dépens, la recourante fait valoir que l'ampleur des opérations du conseil de l'intimée, équivalente à celle déployée par le conseil de la recourante, s'explique uniquement en raison des propres questions posées par l'intimée et leur traitement, ce qui démontre que leur caractère n'est pas strictement complémentaire et qui, partant, justifie une compensation des dépens. 
 
5.   
Les griefs de la recourante reviennent tous à s'en prendre aux conclusions que la cour cantonale a tirées de l'ordonnance du juge de paix admettant la requête d'expertise, dont le contenu n'avait pas été suffisamment pris en compte dans la décision de clôture de la procédure (cf. consid. 2.4 de l'arrêt attaqué). Ces éléments ont amené l'autorité précédente à confirmer la mise à la charge de la requérante de la totalité des frais d'expertise, jugée conforme à la jurisprudence rappelée plus haut (consid. 3.2). 
 
5.1. Selon l'arrêt attaqué, le juge de paix «a considéré que les questions posées par l'intimée étaient connexes», sans plus amples précisions. Cette constatation sur l'examen qui aurait été opéré par le juge de paix apparaît arbitraire. En effet, rien dans l'ordonnance admettant la requête ne laisse supposer que le magistrat se soit penché spécifiquement, à l'instar du juge dans l'affaire ayant donné lieu à l'ATF 139 III 33, sur la problématique de l'étendue de la preuve à futur et de l'admissibilité, dans ce contexte, des questions posées par la partie intimée à la requête. Contrairement à l'avis de la cour cantonale, le seul fait que le juge n'a pas signalé que lesdites questions sortaient du cadre du litige ne signifie pas  ipso facto qu'il les tenait pour des questions purement complémentaires pour lesquelles des frais d'expertise ne pouvaient pas être mis à la charge de l'intimée. Quant à l'absence d'opposition de la requérante mise en exergue par l'autorité précédente, elle n'est pas non plus déterminante, dès lors qu'avant le prononcé du juge de paix, l'intéressée avait indiqué ne pas s'opposer à ce que son adverse partie pose des questions complémentaires à l'expert à condition que celle-ci supporte les frais y relatifs. En réalité, en admettant la requête de preuve à futur, le juge de paix a soumis à l'expert les questions de la requérante telles quelles, après avoir rejeté le moyen de l'intimée tiré d'une "  fishing expedition ", tout en regrettant "la formulation relativement large utilisée par la requérante pour ses questions". S'agissant du questionnaire proposé par l'intimée, le juge a simplement relevé que celle-ci souhaitait "participer activement" à l'expertise au cas où la requête de preuve à futur serait admise et, en conséquence, il a soumis à l'expert, sans plus ample examen, les questions telles que formulées par l'intimée.  
 
5.2. En ce qui concerne le souhait de l'intimée de participer activement à l'expertise constaté dans l'ordonnance admettant la requête, la cour cantonale observe qu'il était subsidiaire à la conclusion tendant à l'irrecevabilité, respectivement au rejet de la requête; elle refuse d'y voir une requête de preuve à futur formulée par l'intimée.  
A cet égard, le fait que l'intimée ait conditionné sa participation active à l'expertise à l'admission de la requête de la recourante ne saurait, en soi, exclure que les questions soumises à l'expert à titre subsidiaire puissent donner lieu à des frais à la charge de l'intimée. Sauf à verser dans l'arbitraire, la cour cantonale ne pouvait pas analyser la participation active demandée par l'intimée en se limitant à ce seul élément et en faisant abstraction du contexte et des faits de la procédure, dont la teneur des écritures des parties. 
Or, du déroulement des événements avant le dépôt de la requête de preuve à futur tel qu'il résulte de l'arrêt attaqué, il apparaît que les parties s'adressaient réciproquement des griefs et faisaient chacune valoir l'une envers l'autre des prétentions en lien avec l'exécution du contrat d'ingénierie. Critiquant la structure de l'organisation de ce projet conséquent et évoquant des divergences entre le contrat et la réalité sur le chantier, la recourante a fini par suspendre les prestations de planification et de coordination qui dépassaient à son sens celles convenues contractuellement. En outre, elle faisait état de factures partielles impayées durant le contrat, puis a cherché en vain à obtenir le solde de ses honoraires après la fin des relations contractuelles. De son côté, l'intimée se plaignait de violations contractuelles de la part de la recourante, lui causant un dommage très important. C'est elle qui a ensuite résilié le contrat de manière prématurée, après que les conseils des parties ne furent pas parvenus à aplanir les divergences. Après la fin du contrat, elle a confirmé disposer envers la recourante d'une prétention en réparation d'un dommage qu'elle n'était pas encore en mesure de chiffrer. 
Par ailleurs, dans sa requête de preuve à futur, la recourante fait mention de prétentions réciproques des parties. Et après avoir pris connaissance des questions proposées par l'intimée, elle confirme, dans sa détermination du 2 juillet 2013 antérieure à l'ordonnance du juge de paix, que lesdites questions concernent bien les prétentions réciproques des parties. 
Il convient enfin de relever que la requête de preuve à futur a été déposée à titre conservatoire; il s'agissait notamment pour la requérante d'obtenir certains renseignements et constatations sur l'état du bâtiment, respectivement de la planification à des moments donnés, alors que le chantier se poursuivait avec son successeur et de nouveaux chefs de projet. Pour leur part, les questions de l'intimée portaient plus spécifiquement sur les prestations de la requérante (date, contenu, inexécution, exécution à temps, qualité, utilité, etc.). 
 
5.3. Finalement, le juge de paix a considéré que les parties participaient à parts égales à l'expertise et, partant, a mis la moitié de l'avance de frais à la charge de chaque partie, la décision finale sur les frais étant réservée. Pour la cour cantonale, le juge n'a, ce faisant, pas préjugé de la répartition des frais d'expertise eux-mêmes, puisque la décision sur ce point était renvoyée à la fin de la procédure de preuve à futur. Certes. Mais cette réserve signifie simplement que le juge n'est pas lié par la répartition par moitié de l'avance de frais. Elle n'empêche nullement de considérer que le partage de l'avance de frais entre deux parties participant à parts égales à l'expertise est un élément à prendre en compte lorsqu'il s'agit de répartir les frais d'expertise à l'issue de la procédure de preuve à futur. A ce sujet, les points suivants doivent être relevés.  
Il est incontesté que la partie qui requiert une preuve à futur doit avancer les frais d'administration des preuves, conformément à la règle générale consacrée à l'art. 102 al. 1 CPC (ATF 140 III 30 consid. 3.2 p. 31). L'art. 102 al. 2 CPC prévoit toutefois que lorsque les parties requièrent les mêmes moyens de preuve, chacune avance la moitié des frais. C'est précisément dans ce sens que le juge de paix a statué. L'intimée n'a pas recouru contre l'ordonnance statuant sur la requête de preuve à futur et répartissant l'avance de frais. Elle a ensuite payé - à concurrence de 27'000 fr. si l'on se réfère au point II. du dispositif de la décision du juge de paix du 1er mai 2018 - l'avance exigée par le juge conformément à cette ordonnance après le premier devis de l'expert, lequel distinguait ses frais selon les questions de chaque partie. Ce n'est que quatorze mois plus tard, alors que l'expertise était manifestement déjà en cours, que l'intimée a refusé de régler l'avance supplémentaire fixée à la suite du second devis de l'expert, en invoquant le caractère purement complémentaire de ses questions. 
 
5.4. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que la cour cantonale a admis, les circonstances de l'espèce se distinguent de celles envisagées dans l'ATF 139 III 33 qui justifiaient de mettre les frais d'expertise entièrement à la charge de la partie requérant la preuve à futur.  
Les parties ici en cause étaient en litige à propos de l'exécution de leurs obligations contractuelles respectives au point que l'intimée avait mis un terme prématuré au contrat d'ingénierie. La recourante entendait obtenir le solde de ses honoraires et l'intimée invoquait la responsabilité contractuelle de sa partenaire pour fonder une prétention en dommages-intérêts. La recourante a introduit ensuite une requête d'expertise à but conservatoire, faisant état d'une mise en danger des preuves nécessaires lorsqu'elle ferait valoir ses honoraires en justice, respectivement devrait se défendre contre une action en dommages-intérêts de l'intimée. Et les questions que l'intimée entendait soumettre à l'expert portaient en particulier sur l'exécution par la requérante de ses obligations contractuelles. Dans une telle constellation, la "participation active" à l'expertise demandée par l'intimée apparaît comme l'expression d'une volonté de se joindre à la preuve à futur, dans le but d'obtenir, dans son propre intérêt, des éléments de fait permettant de régler l'ensemble du litige. Le juge de paix a conforté cette vision des choses en reprenant telles quelles les questions des parties, en constatant que les parties participaient à parts égales à l'expertise et en partageant l'avance de frais par moitié entre les deux parties, conformément à l'art. 102 al. 2 CPC applicable aux requêtes communes de moyens de preuve. Et, dans un premier temps, l'intimée n'a pas contesté devoir participer aux coûts de l'expertise puisqu'elle n'a pas recouru contre l'ordonnance du 24 juillet 2013 et a payé une avance en février 2014, à la suite d'une première estimation qui distinguait déjà les frais d'expertise en fonction des questions respectives des parties. Ce n'est que bien plus tard, alors que les travaux de l'expert étaient déjà sérieusement entamés, qu'elle est revenue sur sa position. 
Ces éléments doivent être tenus pour des circonstances particulières au sens de l'art. 107 al. 2 CPC qui font apparaître comme manifestement inéquitable une répartition des frais conforme à la règle générale en matière de preuve à futur. En tant qu'il fait supporter à la requérante la totalité des frais de l'expertise elle-même dans ces circonstances, l'arrêt attaqué est arbitraire dans son résultat et doit être annulé. 
Il convient de renvoyer la cause à la cour cantonale pour une nouvelle répartition des frais de l'expertise, hors complément, fixés à 114'480 fr. Elle examinera en particulier si la répartition estimée dans le second devis de l'expert, daté du 30 mars 2015, peut être confirmée (68'580 fr. pour les 232 heures consacrées aux dix questions de la recourante et de 45'900 fr. pour les 148 heures consacrées aux six questions de l'intimée). 
 
6.   
Les considérations qui précèdent conduisent à conclure que l'intimée n'a pas simplement participé à la preuve à futur au titre de son droit d'être entendue, mais a pris une part active, dans son propre intérêt, à la procédure de preuve à futur à laquelle elle s'est jointe. Dans la mesure où la répartition en équité commande de partager les frais d'expertise entre les parties, il apparaît arbitraire que les dépens de l'intimée soient, comme la cour cantonale l'a confirmé, mis à la charge de la recourante. Sur ce point également, il convient d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause à la cour cantonale afin qu'elle se prononce sur une compensation totale ou partielle des dépens. 
 
7.   
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être admis. L'arrêt attaqué sera annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle formulation du dispositif en ce qui concerne les frais et dépens, tenant compte des considérants du présent arrêt relatifs aux frais d'expertise (hors complément d'expertise) et aux dépens. 
L'intimée qui succombe prendra en charge les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et versera des dépens à la recourante (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée. 
 
3.   
L'intimée versera à la recourante une indemnité de 5'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 4 mars 2020 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
La Greffière : Godat Zimmermann