Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_412/2022  
 
 
Arrêt du 9 août 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Juge présidant, 
Haag et Merz. 
Greffière : Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
Département fédéral de justice et police, Secrétariat général, Palais fédéral ouest, 3003 Berne, 
recourant, 
 
contre  
 
A.________, représenté par Me Benoît Fischer, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
Procédure administrative; accès à des documents officiels, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 7 juin 2022 (A-2022/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par lettre du 1 er septembre 2020, A.________, avocat à Lausanne, a adressé au Secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après: le SEM) une demande d'accès fondée sur la loi fédérale du 17 décembre 2004 sur le principe de la transparence dans l'administration (LTrans, RS 152.3), tendant à obtenir une copie des "Aides à l'argumentation", des "éléments de composition" (textes standardisés, "Bausteine") concernant l'Erythrée, ainsi que d'un document désigné sous l'acronyme APPA (Asylpraxis/Pratique en matière d'asile/Prassi in materia d'asilo) concernant ce même pays.  
Les documents requis sont cités dans la prise de position interne du SEM relative à la décision du Comité des Nations-Unies contre la torture (CAT) du 7 décembre 2018 intitulée "Eritrea: Stellungnahme bettreffend Eingaben im Zusammenhang mit dem CAT-Urteil C/65/D811/2017 vom 7. Dezember 2018", document auquel le prénommé a eu accès à la suite d'une première recommandation du Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (ci-après: le Préposé fédéral) du 2 avril 2020. 
Par courriel du 1 er octobre 2020, le SEM a accordé un accès sans restriction aux éléments de composition et aux aides à l'argumentation concernant l'Erythrée, étant précisé que ces éléments étaient régulièrement mentionnés dans ses décisions en matière d'asile. En revanche, le SEM, se fondant sur l'art. 7 al. 1 let. b LTrans, a refusé intégralement l'accès à l'APPA concernant l'Erythrée, au motif que la divulgation de ce document porterait atteinte de manière significative au mandat légal du SEM dans le domaine des procédures d'asile, ainsi qu'au travail du Tribunal administratif fédéral: la publication de ce document fournirait aux requérants d'asile une sorte de guide sur la procédure d'asile en Suisse et serait susceptible d'orienter leur récit relatif aux motifs qui les ont conduits à fuir leur pays d'origine.  
 
B.  
Le 21 octobre 2020, A.________ a déposé une demande en médiation auprès du Préposé fédéral concernant l'accès à l'APPA sur l'Erythrée. À l'invitation du Préposé fédéral, le SEM lui a remis les documents sollicités ainsi qu'une prise de position complémentaire. Comme la séance de médiation organisée le 17 novembre 2020 n'a abouti à aucun accord, le Préposé fédéral a prononcé une recommandation le 4 février 2021. Aux termes de celle-ci, le SEM devait identifier et caviarder, en tenant compte du principe de proportionnalité, les passages de l'APPA concernant l'Erythrée remplissant les conditions de l'art. 7 al. 1 let. b LTrans et, ainsi, accorder un accès partiel au document demandé. 
À la demande du requérant, le SEM a rendu une décision datée du 16 mars 2021, par laquelle il a maintenu son refus total d'accès à l'APPA sur l'Erythrée. 
 
C.  
Par arrêt du 7 juin 2022, la Cour I du Tribunal administratif fédéral (ci-après: le TAF) a admis partiellement le recours déposé par A.________ contre la décision du 16 mars 2021. Elle a réformé la décision du 16 mars 2021 en ce sens que le SEM accorde un accès partiel à l'APPA sur l'Erythrée, dans sa teneur à la date de sa demande d'accès, à savoir au 1 er septembre 2020.  
 
D.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, le Département fédéral de justice et police (ci-après: le DFJP) demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 7 juin 2022. Il requiert à titre subsidiaire qu'un accès partiel (avec une proposition de caviardage) soit accordé. 
Le TAF renonce à se déterminer. A.________ conclut principalement à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet et plus subsidiairement encore à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens qu'un accès total à l'APPA lui est octroyé. Le Département fédéral de justice et police a répliqué. Un second échange d'écritures a été ordonné au terme duquel les parties ont confirmé leurs conclusions. L'intimé a produit une déclaration spontanée le 14 février 2023. Sur demande du Tribunal fédéral, le Département a produit la directive lui permettant de déléguer la compétence de signer un recours au Tribunal fédéral au Secrétaire général. 
Par ordonnance du 5 septembre 2022, le Président de la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral a admis la requête d'effet suspensif, déposée par le recourant. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF). Il contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis. 
 
1.1. L'arrêt attaqué, relatif à une demande d'accès à des documents officiels au sens de la LTrans, constitue une décision finale (art. 90 LTF) rendue dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) par le Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 let. a LTF).  
 
1.2. Selon l'art. 89 al. 2 let. a LTF, les départements fédéraux ont la qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral si l'acte attaqué est susceptible de violer la législation fédérale dans leur domaine d'attributions.  
Le droit de recours des autorités fédérales sert à surveiller l'exécution du droit fédéral dans les cantons et dans l'administration fédérale et à garantir son application correcte et uniforme, si nécessaire en dernière instance par le Tribunal fédéral. Le droit de recours des autorités fédérales ne présuppose pas un intérêt (public) spécifique digne de protection allant au-delà (cf. ATF 142 II 324 consid. 1.3.1; 136 II 359 consid. 1.2; arrêts 2C_614/2019 et 2C_623/2019 du 25 juin 2020 consid. 1.2, non publié in : ATF 146 II 384). 
Le droit fédéral de l'asile appartient aux domaines de compétence du DFJP. Le Département est ainsi légitimé à recourir au Tribunal fédéral en vertu de l'art. 89 al. 2 let. a LTF
 
1.3. Selon l'art. 49 al. 1 let. a de la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration du 21 mars 1997 (LOGA; RS 172.010), le chef du département peut autoriser le secrétaire général ou les personnes qui le représentent à signer certaines affaires. Selon la directive du DFJP pour la délégation de l'autorisation de signature du chef de département du 1 er février 2012, produite devant le Tribunal fédéral, le secrétaire général ainsi que son suppléant sont habilités à signer des recours au Tribunal fédéral au nom du chef de département. Le droit de signature ne doit donc pas être mis en doute, contrairement aux réserves émises par l'intimé (cf. ATF 136 II 457 consid. 2.4).  
 
1.4. Les autres conditions de recevabilité sont au surplus réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière.  
 
2.  
La loi sur le Tribunal fédéral ne connaît pas l'institution du recours joint, de sorte que, s'il entendait contester l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, l'intimé devait agir dans le délai de recours de l'art. 100 LTF. A défaut, il ne peut, dans sa détermination sur le recours, que proposer l'irrecevabilité et/ou le rejet, en tout ou partie, de celui-ci (ATF 145 V 57 consid. 10.2 et les références citées). 
Par conséquent, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur la conclusion subsidiaire de l'intimé tendant à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens qu'un accès total au document lui est octroyé. 
 
3.  
En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, les mémoires de recours doivent être motivés. Conformément à l'art. 42 al. 2 LTF, les motifs doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit. Pour satisfaire à cette exigence, il appartient au recourant de discuter au moins brièvement les considérants de la décision litigieuse (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1). 
 
4.  
Il n'est plus contesté devant le Tribunal fédéral que le document de 33 pages intitulé "Asylpraxis Eritrea" portant sur les pratiques en matière d'asile (APPA) concernant l'Erythrée constitue un document officiel au sens de l'art. 5 al. 1 LTrans. Il s'agit d'un document de travail destiné aux collaborateurs du SEM pour les aider à traiter les demandes d'asile de requérants érythréens. Il comprend 6 chapitres (1. Directives générales de traitement, 2. Indications de clarification, 3. Coopération avec le Service de renseignement de la Confédération et le Ministère public de la Confédération, 4. Clarifications concernant la personne, 5. Pratique de l'asile, 6. Pratique du renvoi). Il contient notamment des directives pratiques spécifiques à l'Erythrée, des listes de questions générales, des instructions à destination des collaborateurs du SEM relatives aux clarifications à entreprendre et à la manière d'y parvenir en présence de certaines configurations de fait données. Il traite aussi de la pratique en matière d'asile en fonction des motifs du départ d'Erythrée et donc du type de (crainte de) persécution (future) alléguée, avec des références aux bases légales applicables, ainsi qu'à la jurisprudence de l'ancienne Commission de recours suisse en matière d'asile et du TAF. L'APPA contient en outre des informations sur l'Erythrée qui ressortent déjà, en grande partie, d'autres sources d'information publiques. 
 
4.1. L'art. 6 LTrans garantit un droit général d'accès aux documents officiels. Ce droit d'accès général concrétise le but fixé à l'art. 1 LTrans, qui est de renverser le principe du secret de l'activité de l'administration au profit de celui de la transparence quant à la mission, l'organisation et l'activité du secteur public (ATF 148 II 16 consid. 3.4.1). Il s'agit en effet de rendre le processus décisionnel de l'administration plus transparent dans le but de renforcer le caractère démocratique des institutions publiques, de même que la confiance des citoyens dans les autorités, tout en améliorant le contrôle de l'administration (ATF 133 II 209 consid. 2.3.1; voir aussi ATF 142 II 340 consid. 2.2). Conformément à ce but, la loi définit de manière large la notion de documents officiels (art. 5 LTrans), le champ d'application à raison de la personne ( ratione personae, art. 2 LTrans) ainsi que les bénéficiaires et les conditions d'exercice du droit d'accès (art. 6 LTrans). La loi s'applique ainsi à l'ensemble de l'administration fédérale (art. 2 al. 1 let. a LTrans), y compris les organismes de droit public ou privé chargés de rendre des décisions.  
 
4.2. Dans les cas spécifiés à l'art. 7 al. 1 LTrans, l'accès aux documents officiels est restreint, différé ou refusé. Le législateur a procédé de manière anticipée à une pesée des intérêts en cause, dans la mesure où il énumère de manière exhaustive les différents cas où les intérêts publics ou privés apparaissent prépondérants. Selon la jurisprudence, l'atteinte aux intérêts publics ou privés protégés par cette disposition ne doit pas apparaître certaine, mais il ne suffit pas non plus qu'elle soit hypothétiquement liée à l'accès aux documents. Elle doit en outre apparaître sérieuse, n'importe quelle conséquence bénigne ou désagréable ne pouvant être assimilée à une atteinte (ATF 144 II 77 consid. 3 et les références citées).  
En présence d'une exception au droit d'accès, il convient d'examiner au cas par cas si les intérêts au maintien du secret l'emportent sur l'intérêt à la transparence ou si, cas échéant, en application du principe de proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 Cst.), un accès partiel peut être envisagé, par exemple par anonymisation, caviardage, publication partielle ou report dans le temps (ATF 142 II 313 consid. 3.6; 142 II 324 consid. 3.3). 
 
5.  
Le Département recourant soutient d'abord que la publication de l'APPA sur l'Erythrée, caviardé selon les indications du TAF, serait de nature à entraver une mesure concrète de l'autorité au sens de l'art. 7 al. 1 let. b LTrans
 
5.1. Selon l'art. 7 al. 1 let. b LTrans, le droit d'accès est limité, différé ou refusé lorsque l'accès à un document officiel entrave l'exécution de mesures concrètes prises par une autorité conformément à ses objectifs.  
Cette disposition garantit que des informations puissent être gardées secrètes lorsqu'elles servent à la préparation de mesures concrètes d'une autorité, notamment en matière de mesures de surveillance, d'inspections des autorités fiscales ou de certaines campagnes d'information (cf. ATF 144 II 77 consid. 4.3). Cette exception peut être invoquée lorsque, avec une grande probabilité, une mesure n'atteindrait plus ou pas entièrement son but si certaines informations qui préparent cette mesure étaient rendues accessibles (cf. Message du Conseil fédéral relatif à la LTrans du 12 février 2003 [Message LTrans], FF 2003 1807 ss, 1850 ch. 2.2.2.1.2). Le maintien du secret de l'information doit être vu comme la clé de la bonne exécution de la mesure envisagée (cf. Message LTrans, FF 2003 1850 ch. 2.2.2.1.2). 
Il ne suffit pas d'une simple possibilité d'entrave de mesures concrètes: le maintien du secret doit apparaître comme une condition au succès de ces mesures (URS STEIMEN, Basler Kommentar DSG/BGÖ, 3 ème éd. 2014, ad art. 7 LTrans N 19; COTTIER/SCHWEIZER/ WIDMER, in Brunner/Mader, Handkommentar zum Öffentlichkeitsgesetz, 2008, ad art. 7 N 24).  
L'information en question, si elle doit entraver l'exécution de mesures concrètes, ne doit pas nécessairement concerner un cas particulier et concret ( einzelfallbezogen). Elle peut, dans certaines circonstances, avoir pour objet la pratique d'une autorité (STEIMEN, op. cit., ad art. 7 LTrans N 20). Toutefois, l'accomplissement de tâches générales ou l'activité de surveillance d'une autorité dans son ensemble ne sont pas couverts par cette disposition (cf. ATF 144 II 77 consid. 4.2 s.).  
 
5.2. En l'occurrence, le TAF a désigné les informations dont il estimait que la divulgation serait susceptible de compromettre sérieusement l'effectivité d'une mesure concrète prise par l'autorité. Il a ainsi considéré que les questions concrètes qui pouvaient être posées aux représentations suisses à l'étranger (respectivement celles auxquelles elles n'étaient pas en mesure de répondre) et une partie des informations à leur soumettre (ch. 2.2, 2.3 et 2.4, p. 5-8, de l'APPA sur l'Erythrée), ainsi que les clarifications à entreprendre concernant la personne (ch. 4.2, p. 12-13), la provenance d'Erythrée (ch. 5.5, p. 21-23 et p. 24-25), le mariage forcé (ch. 5.11, p. 29-30) et l'exigibilité du renvoi en présence de mineurs non accompagnés (ch. 6.2, p. 32-33) remplissaient les conditions de l'art. 7 al. 1 let. b LTrans (s'agissant des chiffres 5.5, 5.11 et 6.2).  
L'instance précédente a considéré que l'examen de la vraisemblance des motifs invoqués supposait que les demandeurs d'asile ne soient pas informés à l'avance des questions qui pourraient leur être posées lors des auditions; s'ils pouvaient s'y préparer en ayant accès au document sollicité et donc, dans une certaine mesure, aux méthodes d'investigation du SEM, notamment concernant la provenance d'Erythrée, la prise de décision quant au bien-fondé et au sérieux des motifs invoqués (ou quant à l'exécution du renvoi), serait sérieusement compromise. Le TAF a estimé qu'il convenait de garder à l'esprit que l'examen de la crédibilité des allégations de fait d'un requérant d'asile intervenait régulièrement sur la base d'indices: il s'agissait pour l'autorité de pondérer les signes d'invraisemblance en dégageant une impression d'ensemble et en déterminant, parmi les éléments portant sur des points essentiels et militant en faveur ou en défaveur de cette vraisemblance, ceux qui l'emportaient; par conséquent, l'intérêt à éviter que les requérants d'asile aient connaissance des méthodes d'instruction du SEM, en particulier à éviter un effet d'apprentissage ( Lerneffekt) des questions posées lors des auditions - ce qui serait de nature à compliquer de manière importante le travail d'instruction des demandes d'asile - devait l'emporter.  
Le TAF a ajouté que l'intérêt public au maintien du secret en ce qui concernait les questions qui pouvaient être posées pour déterminer la réalité ou non de la provenance d'Erythrée alléguée était important: la préservation de méthodes appropriées permettant d'établir l'identité d'une personne dans le but d'endiguer les demandes d'asile abusives devait être considérée comme un intérêt important de la Confédération, notamment s'agissant de la consultation du texte complet d'une analyse linguistique et de provenance (ci-après: analyse LINGUA). 
Par conséquent, le TAF a considéré que le secret des informations dont il a ordonné le caviardage constituait la clé du succès de l'exécution des procédures d'asile au sens de l'art. 7 al. 1 let. b LTrans, procédures qui ont pour but d'accorder une protection aux personnes qui en ont besoin, et donc à celles qui remplissent les conditions de reconnaissance de la qualité de réfugié, respectivement de l'octroi de l'asile ou dont l'exécution du renvoi de Suisse serait illicite, inexigible ou impossible. 
 
5.3. En revanche, pour l'instance précédente, en dehors des passages mentionnés au considérant qui précède, l'APPA sur l'Erythrée ne permettait pas aux demandeurs d'asile d'adapter leur récit de manière déterminante et n'était ainsi pas susceptible d'entraver sérieusement et avec un haut degré de probabilité l'examen correct de leur demande d'asile déposée en Suisse; il en allait ainsi notamment des considérations générales concernant la collaboration du SEM avec le Service de renseignement de la Confédération (SRC) et le Ministère public de la Confédération (MPC, ch. 3, p. 910), la pratique en matière de demandes de regroupement familial (ch. 4.3, p. 13-14), la possibilité de procéder à une analyse LINGUA (ch. 4.4, p. 14-15), et, surtout, de la pratique d'asile et de renvoi du SEM en relation avec l'Erythrée, soit la majeure partie du document (ch. 5 à 6.3, p. 15 ss [à l'exception des passages des ch. 5.5, 5.11 et 6.2 susmentionnés qui énumèrent ou dont l'on peut inférer les questions concrètes à poser lors des auditions]).  
S'agissant de la pratique d'asile et de renvoi, le TAF a considéré que la bonne réalisation des tâches du SEM, à savoir l'exécution des procédures d'asile, ne justifiait pas qu'elle doive échapper au principe de transparence; de fait, la pratique telle que décrite dans l'APPA en relation notamment avec le refus de service ou la désertion du service national érythréen (ch. 5.1, p. 15-17), le risque de recevoir une convocation pour le service national (ch. 5.2, p. 18), la soustraction au service dans l'armée populaire (ch. 5.3, p. 15-17), le départ illégal d'Erythrée (ch. 5.4, p. 19-21 [sous réserve du troisième facteur supplémentaire mentionné en page 20 qui ne ressort pas tel quel de la jurisprudence et qui pourrait, avec le degré de vraisemblance requis, orienter de manière déterminante le récit des requérants relatif à leurs motifs de fuite]), l'appartenance à un groupe religieux non reconnu par l'Etat (ch. 5.6, p. 26), à un parti d'opposition ou l'exercice d'activités politiques en exil (ch. 5.7, p. 26-27), les mutilations génitales féminines (ch. 5.10, p. 28) et le renvoi de Suisse (ch. 6, p. 31-33) ressortait directement de la jurisprudence de l'ancienne Commission suisse de recours en matière d'asile et du TAF, ainsi que du Manuel "Asile et retour", publié par le SEM et accessible sur son site Internet (cf. en particulier Articles D1 "La qualité de réfugié", D2.1 "Les persécutions liées au genre", D3 "Les motifs subjectifs survenus après la fuite"). Ledit Manuel est un outil de travail destiné aux collaborateurs du SEM qui contient les informations les plus importantes sur des thèmes spécifiques et prend en considération les dispositions légales, la doctrine, la jurisprudence et la pratique qui s'y rapportent. 
L'instance précédente a encore ajouté que la pratique en matière d'asile relative à l'Erythrée telle que décrite dans l'APPA reposait aussi sur des rapports de l'EASO (European Asylum Support Office) et de l'unité analyse pays du SEM, librement accessibles sur Internet: la pratique en matière d'asile et de renvoi concernant l'Erythrée étant déjà publique, sa divulgation ne permettait ainsi pas, avec une haute probabilité, de contourner la règlementation relative à la procédure d'asile en Suisse et ne compromettait pas sérieusement son déroulement, si bien qu'aucun intérêt public prépondérant ne permettait de justifier le refus d'accès. 
Par surabondance, l'instance précédente a relevé que la pratique en question pouvait être aisément déduite des textes normatifs en la matière et avait des conséquences importantes sur la situation de droit ou de fait des requérants d'asile en Suisse: ces éléments militaient aussi pour une publication; dans la mesure où l'APPA en question tendait à unifier la pratique d'asile en ce qui concerne les requérants d'asile érythréens, il existait un intérêt public important à ce que celle-ci soit rendue accessible; les demandeurs d'asile et leurs représentants juridiques ayant connaissance de cette pratique pourront ainsi déceler un éventuel changement non motivé de la part du SEM dans un cas particulier ou, le cas échéant, contester utilement le bien-fondé des motifs avancés. 
En définitive, pour le TAF, la publication de la pratique d'asile en Suisse, pour autant qu'aucun motif d'intérêt public ne s'y oppose, permettait de favoriser son uniformité, le respect de l'égalité de traitement, sa conformité au droit et, partant, sa légitimité. 
 
5.4. Face au raisonnement très détaillé du TAF, le recourant se contente de relever que l'APPA sur l'Erythrée décrit onze cas de figure concrets et détaille les conditions qui doivent être remplies pour que l'asile soit accordé, sous le chapitre 5. Il soutient que si ces informations devenaient publiques, les requérants d'asile pourraient adapter leur récit pour le faire correspondre à un de ces cas de figure. Partant, le recourant ne répond pas vraiment aux arguments du TAF (voir consid. 5.3). Il n'expose en particulier pas en quoi l'accès à ce document caviardé permettrait à un requérant d'asile de modifier son histoire pour apporter la preuve de sa qualité de réfugié (art. 7 de la loi fédérale sur l'asile du 26 juin 1998 [LAsi; RS 142.31]). En effet, ces onze cas énumérés dans le document litigieux ressortent soit du Rapport de l'EASO sur l'Erythrée, soit de la jurisprudence du TAF. Le recourant semble à cet égard dénoncer le fait que l'APPA envisage dans un seul et même document tous les aspects à prendre en compte et tous les motifs susceptibles d'être allégués par les requérants d'asile, ce qui faciliterait les recherches des personnes intéressées. Cet argument manque toutefois de pertinence dans la mesure où le fait de faciliter le travail de recherche d'un administré n'est pas un motif permettant de limiter le droit d'accès. Au contraire, le principe de la transparence permet de faire profiter le citoyen d'un travail de compilation d'informations effectué par l'autorité. Le refus d'accès à un document officiel ne saurait dès lors être motivé par le seul fait de protéger le travail de plus-value apporté par l'administration.  
Le Département recourant relève aussi qu'il est question dans l'APPA de l'application de l'art. 53 LAsi ou de l'art. 1 let. F de la Convention relative au statut des réfugiés (RS 0.142.30). Il semble soutenir que ces informations pourraient permettre aux requérants d'asile de construire de manière artificielle des motifs d'asile. Le recourant n'explique cependant pas en quoi le bref paragraphe qui traite des motifs d'exclusion et qui mentionne ces deux dispositions (p. 30 du document litigieux) contiendrait une information permettant à un requérant d'asile d'adapter son récit. Il semble perdre de vue que le Manuel "Asile et Retour", disponible sur Internet, contient aussi un chapitre de 17 pages traitant de l'indignité et de l'exclusion de la qualité de réfugié au sens des deux dispositions précitées. 
Le Département soutient encore que les explications relatives à la possibilité de procéder à une analyse LINGUA (ch. 4.4) pourraient inciter les représentants juridiques à taire certaines connaissances linguistiques, empêchant la réalisation par exemple d'une telle analyse linguistique et de provenance. Le passage succinct qui traite de ce sujet énumère les langues officielles de l'Erythrée: on peine à saisir en quoi il permettrait d'entraver la mise en oeuvre d'une analyse de compétence linguistique. 
Le Département avance enfin qu'il serait encore plus difficile de faire la différence entre des personnes qui sont réellement persécutées et des personnes capables de feindre qu'elles ont été victimes de persécutions. Partant, le recourant n'apporte pas, alors qu'il lui appartenait de le faire (art. 42 al. 2 LTF), la démonstration de l'entrave de son travail: il prétend uniquement que cet accès rendrait son travail plus compliqué, ce qui n'est pas suffisant pour motiver un refus d'accès à un document public. 
 
6.  
Le recourant se plaint aussi d'une violation de l'art. 7 al. 1 let. d LTrans. 
 
6.1. L'art. 7 al. 1 let. d LTrans permet de limiter, différer ou refuser l'accès à un document officiel qui risque de compromettre les intérêts de la Suisse en matière de politique extérieure et ses relations internationales.  
Ce risque existe lorsque la divulgation d'informations est de nature à affaiblir la position du pays dans des négociations actuelles et futures (cf. art. 8 al. 4 LTrans) ou à altérer ses relations avec d'autres Etats ou organisations internationales. Le préjudice encouru pour la Suisse en cas de divulgation des documents en cause doit être important et il doit exister un risque sérieux qu'il se produise pour admettre une exception au principe de la transparence (cf. ATF 142 II 313 consid. 4.2; arrêt 1C_222/2018 du 21 mars 2019 consid. 4.1). 
Selon la doctrine, peuvent tomber dans le champ d'application de cette exception les rapports ou les notes analysant la situation sur place d'un pays ou exposant la politique étrangère de son gouvernement. La publication de remarques critiques à l'endroit du gouvernement étranger peut aussi conduire à une détérioration des relations bilatérales (COTTIER/SCHWEIZER/WIDMER, op. cit., ad art. 7 N 31). 
 
6.2. L'art. 7 al. 1 let. d LTrans se réfère à des notions juridiques indéterminées et il est admis, dans ce cadre, que l'autorité administrative dispose d'un certain pouvoir d'appréciation pour déterminer quelles informations seraient de nature à compromettre les intérêts de la Suisse en matière de politique extérieure si elles étaient rendues publiques. Ainsi, l'opportunité politique d'une décision de refus d'accès prise par une autorité fédérale en application de l'art. 7 al. 1 let. d LTrans ne doit être revue qu'avec une certaine retenue par les instances judiciaires. Cette retenue ne porte toutefois que sur l'opportunité politique de la décision et non pas sur l'appréciation juridique du litige. Là aussi, les autorités exécutives ne jouissent pas d'un blanc-seing total et leurs décisions doivent être au moins compréhensibles dans leur ensemble et demeurer objectives. Les autorités exécutives doivent exercer leur pouvoir d'appréciation d'une manière conforme à leurs devoirs. Indépendamment de cette adéquation politique, les décisions restent pleinement contrôlables par les tribunaux, y compris la question de savoir si et dans quelle mesure il existe une composante politique et si la marge de manoeuvre a été utilisée conformément aux obligations (ATF 142 II 313 consid. 4.3).  
 
6.3. En l'espèce, le TAF a constaté que le SEM n'avait pas établi à satisfaction de droit que la divulgation de l'APPA sur l'Erythrée risquerait, de manière hautement probable, de compromettre les intérêts de la Suisse en matière de politique extérieure et ses relations internationales.  
L'instance précédente a considéré que s'il était vrai que la divulgation d'une position critique des autorités suisses à l'égard d'un Etat étranger pouvait, dans certaines circonstances, donner lieu à un risque déterminant sous l'angle de l'art. 7 al. 1 let. d LTrans, le document litigieux décrivait essentiellement la pratique en matière d'asile à l'égard des demandeurs d'asile érythréens telle qu'elle résulte de la jurisprudence de l'ancienne Commission de recours en matière d'asile et du TAF. Cette pratique, notoirement critique à l'égard de la situation prévalant en Erythrée, était donc publique. Aussi, l'APPA sur l'Erythrée renvoyait à des informations sur le pays d'origine (Country of Origin Information [COI]) qui, elles aussi, étaient, en grande partie du moins, publiques. En effet, le SEM, plus particulièrement son unité d'analyse pays, était l'auteur principal de différents rapports EASO mais aussi de rapports "Focus Eritrea", librement accessibles sur Internet; ces rapports, qui se fondaient sur une grande variété de sources, dépeignaient une situation particulièrement problématique du point de vue du respect des droits humains en Erythrée. Or, le document litigieux ne faisait, en quelque sorte, que de décrire les conséquences juridiques en matière d'asile et de renvoi de ces informations sur le pays d'origine. Si ces rapports contenaient fréquemment des mentions indiquant qu'ils avaient été établis de manière indépendante par les analystes pays du SEM et ne devaient pas nécessairement être considérés comme une prise de position officielle de la Suisse ou de ses autorités, il n'en demeurait pas moins que le SEM ne s'en était jamais distancié. Au contraire, le SEM renvoyait à ces rapports sur son site Internet (www.sem.admin.ch/sem/fr/home/asyl/eritrea.html; www.sem.admin.ch/sem/fr/home/international-rueckkehr/herkunftslaender.html, tous deux consultés en juillet 2023), et il était permis de douter que les autorités érythréennes fassent véritablement la distinction entre une prise de position officielle du SEM sur l'Erythrée et celle découlant des rapports de son unité d'analyse pays. 
Le TAF a ajouté que la position critique officielle du SEM lui-même à l'égard du gouvernement érythréen et de la situation régnant sur place était, elle aussi, largement publique: pour s'en convaincre, il suffisait de consulter la section « Foire aux questions sur l'Erythrée » sur son site Internet (www.sem.admin.ch/sem/fr/home/asyl/eritrea/faq.html, consulté en juillet 2023). À titre illustratif, on pouvait notamment relever qu'à la question « Quelle est, d'après le SEM, la situation en Erythrée ? », il y était notamment indiqué « L'Erythrée est un Etat autocratique qui se caractérise par un parti unique et par une liberté d'opinion et une liberté de la presse très réduites. [...]. De nombreux cas de violations des droits de l'homme ont été rapportés dans la partie militaire du service national notamment (détentions arbitraires et tortures, par ex.). Outre les soldats, les principales victimes de ces violations sont les membres de communautés religieuses non reconnues et les opposants au régime. Ces personnes sont généralement placées en détention sans être jugées et sans que leurs familles en soient informées. Les conditions de détention en Erythrée sont précaires et les actes de torture fréquents ». À la question « Quelle est la situation au sein de l'armée érythréenne ? », il était notamment mentionné « [...]. Le gouvernement érythréen considère le service national comme un projet visant à remettre l'Etat sur pied et auquel chaque citoyen doit apporter sa contribution. C'est pourquoi ceux qui désertent ou refusent de servir sont considérés comme des « traitres à la nation » et sanctionnés avec une dureté démesurée ». Ensuite, à la question « Qu'est ce qui incite les Erythréens à quitter leur pays et à se rendre en Europe ? », le SEM poursuivait comme suit: « [...]. Les personnes qui critiquent la politique et le service national, de même que celles qui pratiquent une religion non enregistrée (pentecôtistes, témoins de Jéhovah, par ex.), sont arrêtées, mises en détention sans accusation ni délai dans des endroits inconnus et, parfois, torturées. Par le passé, de telles pratiques étaient monnaie courante vis-à-vis des anciens déserteurs revenus en Erythrée. Les Erythréens obtiennent l'asile non pas à cause de la situation économique dans leur pays, mais parce qu'ils y sont exposés à des sanctions excessives et d'ordre politique s'ils y retournent après avoir déserté ou refusé d'y servir». 
Le TAF a enfin mentionné le Rapport du Département fédéral de justice et police (DFJP) en réponse à la lettre du Haut-Commissariat des droits de l'homme (HCDH) du 19 juin 2019 sur la situation des requérants d'asile érythréens en Suisse: pratique en matière d'asile et de renvoi, levée des admissions provisoires, retour et principe de l'aide d'urgence, disponible sur Internet; ce document décrivait partiellement la pratique du SEM et du Tribunal administratif fédéral en lien avec les demandes d'asile de requérants érythréens; on pouvait y lire en particulier que la Suisse partait du principe que les déserteurs et les réfractaires en Erythrée étaient arbitrairement punis sans procès et que les mesures punitives habituellement appliquées pouvaient constituer de la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants au sens de l'art. 3 de la Convention contre la torture (CAT, RS 0.105), de l'art. 25 al. 3 Cst. et de l'art. 3 CEDH
 
6.4. A nouveau, le recourant ne répond pas aux arguments détaillés avancés par le TAF. Il se contente de faire valoir que l'accès à l'APPA sur l'Erythrée créerait un précédent qui se traduirait inévitablement par des demandes d'accès aux APPA portant sur d'autres pays, comme la Chine et la Russie. Pour lui, l'accès à l'APPA sur l'Erythrée doit donc être considéré dans une perspective plus large que la seule question de ce pays.  
Le recourant perd cependant de vue que l'objet du présent litige est l'accès à l'APPA sur l'Erythrée et qu'il concerne uniquement ce pays: il n'y a pas d'effet automatique sur d'autres APPA et il conviendra, cas échéant, d'examiner l'application des exceptions prévues par la LTrans, pour chaque pays concerné. Ce grief n'a donc pas de portée. 
Pour le reste, le Département se borne à reprocher au TAF d'être "quelque peu simpliste en ce qui concerne la politique de sécurité de la Suisse". Il affirme que certains Etats autoritaires comme l'Erythrée cherchent à positionner en Suisse des fidèles du régime chargés de mettre la diaspora sous leur coupe et de la surveiller activement; rendre public l'APPA sur l'Erythrée permettrait encore plus facilement au régime de faire entrer ses agents en Suisse en les faisant passer pour des requérants d'asile; la sécurité intérieure de la Suisse s'en trouverait affectée. A nouveau, cette simple affirmation ne répond pas au raisonnement étoffé du TAF à ce sujet (voir supra consid. 6.3). 
 
6.5. Enfin, le Département propose, à titre subsidiaire, un caviardage supplémentaire. Il n'explique cependant pas en quoi les passages qu'il souhaite voir caviardés comprendraient des informations qui compromettraient sérieusement les méthodes d'examen du SEM ou sa prise de position en cas de publication.  
 
7.  
Il s'ensuit que le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). L'intimé, assisté d'un avocat, a droit à des dépens, à la charge du Département fédéral de justice et police (art. 68 al. 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Une indemnité de dépens de 3'000 francs est allouée à l'intimé, à la charge du Département fédéral de justice et police. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au Département recourant, au mandataire de l'intimé, à la Cour I du Tribunal administratif fédéral et au Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence. 
 
 
Lausanne, le 9 août 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Chaix 
 
La Greffière : Tornay Schaller