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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_608/2022  
 
 
Arrêt du 17 août 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix, Haag, Müller et Merz. 
Greffière : Mme Rouiller. 
 
Participants à la procédure 
1. Nicolas Grange, 
2. Association des promoteurs constructeurs genevois,, 
3. Chambre genevoise immobilière, 
tous les trois représentés par Me François Bellanger, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
Groupement des coopératives d'habitation genevoises, représenté par Me Aurèle Muller, avocat, 
intimé, 
 
Conseil d'Etat de la République et canton de Genève, rue de l'Hôtel-de-Ville 2, 1204 Genève. 
 
Objet 
Validité de l'initiative populaire cantonale "Pour + de logements en coopératives" (IN 180), 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 14 octobre 2022 (ACST/13/2022 - A/521/2022-INIT). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par arrêté du 15 septembre 2021, publié dans la Feuille d'avis officielle du 17 septembre 2021, le Conseil d'Etat de la République et canton de Genève (ci-après: le Conseil d'Etat) a constaté l'aboutissement de l'initiative législative cantonale intitulée "Pour + de logements en coopératives" (ci-après: l'initiative ou l'IN 180), lancée par le Groupement des coopératives d'habitation genevoises (ci-après: le comité d'initiative). Cette initiative vise à introduire, dans la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 de la République et canton de Genève (LGL/GE; RSG I 4 05), un nouvel art. 1 al. 2 let. d et, dans un nouveau chapitre IIB, un nouvel art. 14H. La teneur de ces nouveaux articles est la suivante: 
Art. 1, al. 2, lettre d (nouvelle, les lettres d et e devenant les lettres e et f) 
2 A cet effet, l'Etat: 
d) s'assure qu'un socle de 10% de l'ensemble du parc de logements soit détenu par des coopératives d'habitation sans but lucratif. Il utilise à cette fin les outils d'acquisition de terrains et de bien-fonds immobiliers du chapitre II de la présente loi; 
 
Chapitre IIB Coopératives d'habitation sans but lucratif (nouveau) 
Art. 14H Plan de développement de l'habitat coopératif (nouveau) 
1 L'Etat et les communes utilisent les outils d'acquisition de terrains et de bien-fonds immobiliers du chapitre II de la présente loi pour atteindre le socle de 10% fixé à l'article 1, alinéa 2, lettre d, d'ici à 2030, en particulier par la construction de logements par des coopératives d'habitation sans but lucratif. 
2 Le Conseil d'Etat fait un rapport annuel au Grand Conseil sur les moyens mis en oeuvre et les indicateurs permettant d'atteindre le socle fixé à l'article 1, alinéa 2, lettre d. 
3 Si ce socle de 10% n'est pas atteint en 2030, un nouveau plan de développement de l'habitat coopératif doit être lancé par le Conseil d'Etat. 
4 Une fois ce socle atteint, l'Etat et les communes mettent en oeuvre les moyens nécessaires pour qu'il soit maintenu. 
 
Selon l'exposé des motifs, la pénurie de logements sévissant à Genève a notamment pour conséquence que les loyers augmentent et que les jeunes et les familles peinent à trouver un appartement. Les coopératives d'habitation, sans but lucratif, permettent de construire des logements qui ne sont pas soumis à la spéculation immobilière et donc à la hausse des loyers. L'initiative vise ainsi à développer l'habitat coopératif à Genève, en demandant que, d'ici à 2030, 10% du parc de logements soient détenus par des coopératives, contre environ 5% à l'heure actuelle. 
Les 15 juin et 9 juillet 2021, le comité d'initiative a déposé les listes de signatures auprès du Service des votations et élections. 
Après avoir entendu le comité d'initiative au sujet de la validité de l'initiative, le Conseil d'Etat a, par arrêté du 12 janvier 2022, déclaré l'IN 180 valide. 
 
B.  
Par acte du 14 février 2022, Nicolas Grange, la Chambre genevoise immobilière (ci-après: CGI) et l'Association des promoteurs constructeurs genevois (ci-après: APCG) ont recouru auprès de la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) contre l'arrêté du 12 janvier 2022, concluant principalement à son annulation et à l'invalidation de l'IN 180. 
Par arrêt du 14 octobre 2022, la Cour de justice a rejeté le recours en tant qu'il était recevable. Laissant indécise la question de la qualité pour recourir de la CGI et de l'APCG, elle a considéré en substance que l'initiative était conforme au droit supérieur, notamment à la garantie de la propriété et au principe de la proportionnalité, et qu'elle était exécutable dès lors qu'elle prévoyait un objectif général, non contraignant. Elle a également jugé que le texte de l'IN 180 remplissait les exigences de clarté, dans la mesure où il était suffisamment précis pour permettre au corps électoral d'apprécier la portée du texte qui lui serait soumis. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, Nicolas Grange, la CGI et l'APCG demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 14 octobre 2022 et l'arrêté du Conseil d'Etat du 12 janvier 2022, ainsi que d'invalider l'IN 180. 
Le comité d'initiative conclut au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt cantonal du 14 octobre 2022. La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Conseil d'Etat persiste dans les motifs et les conclusions prises dans son arrêté du 12 janvier 2022. 
Les recourants, puis le comité d'initiative, ont par la suite persisté dans leurs conclusions. Le Conseil d'Etat a fait de même, sans plus d'observations. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis. 
 
1.1. Selon l'art. 82 let. c LTF, le Tribunal fédéral connaît des recours qui concernent le droit de vote des citoyens ainsi que les élections et votations populaires.  
Ce recours est notamment ouvert pour contester, comme en l'espèce, la décision prise par l'autorité cantonale de valider une initiative et de la présenter au vote populaire, pour autant que le droit cantonal charge l'autorité compétente de vérifier d'office la conformité des initiatives aux règles supérieures. Dans ce cas, le citoyen dispose d'une prétention à ce que ce contrôle obligatoire soit effectué correctement et à ce que le corps électoral soit dispensé de se prononcer, le cas échéant, sur des dispositions qui paraissent d'emblée contraires au droit matériel supérieur (ATF 139 I 195 consid. 1.3.1; 128 I 190 consid. 1.3; arrêt 1C_105/2019 du 16 septembre 2020 consid. 3, non publié in ATF 147 I 183). 
L'art. 60 al. 4 de la Constitution cantonale genevoise du 14 octobre 2012 (Cst./GE; RS 131.234) impose au Conseil d'Etat d'examiner la validité des initiatives (al. 1) et de déclarer la nullité de celles qui violent l'unité du genre (al. 2) ou de la matière (al. 3), ou qui sont contraires au droit supérieur (al. 4). Cette disposition ouvre la voie du recours pour violation des droits politiques. 
La Cour de justice a ainsi statué en tant que dernière instance cantonale (cf. art. 88 LTF). 
 
1.2. La qualité pour recourir dans le domaine des droits politiques appartient à toute personne disposant du droit de vote dans l'affaire en cause (art. 89 al. 3 LTF), même si elle n'a aucun intérêt juridique personnel à l'annulation de l'acte attaqué (ATF 138 I 171 consid. 1.3; 134 I 172 consid. 1.3.3; arrêt 1C_393/2022 du 31 mars 2023 consid. 1.2, destiné à la publication).  
La qualité pour recourir de Nicolas Grange, citoyen genevois, est ainsi indiscutable. Dans ces circonstances, la question de la qualité pour recourir de la CGI et de l'APCG, non tranchée par l'autorité cantonale, peut également demeurer indécise à ce stade. 
 
1.3. Les autres conditions de recevabilité sont remplies, de sorte qu'il y a en principe lieu d'entrer en matière.  
 
2.  
Les trois conditions de validité d'une initiative populaire cantonale que prévoit l'art. 60 Cst./GE sont l'unité du genre, l'unité de la matière et la conformité au droit supérieur; s'y ajoutent, déduites de la liberté de vote garantie par les art. 34 al. 2 Cst. et 44 Cst./GE, l'exigence de clarté du texte de l'initiative et celle de son exécutabilité (ATF 133 I 110 consid. 8; arrêt 1C_638/2021 du 16 novembre 2022 consid. 2, non publié in ATF 149 I 33). 
Pour examiner la validité matérielle d'une initiative, la première règle d'interprétation est de prendre pour point de départ le texte de l'initiative, qu'il faut interpréter selon sa lettre. Bien que l'interprétation repose en principe sur le libellé, une référence à la motivation de l'initiative et aux prises de position de ses auteurs n'est pas exclue si elle est indispensable à sa compréhension. La volonté des auteurs doit être prise en compte, à tout le moins, dans la mesure où elle délimite le cadre de l'interprétation du texte et du sens que les signataires ont pu raisonnablement lui attribuer (ATF 147 I 183 consid. 6.2; 143 I 129 consid. 2.2; arrêt 1C_391/2022 du 3 mai 2023 consid. 3.3, destiné à la publication). Au surplus, une disposition ne doit pas être analysée séparément, mais comme la partie d'un tout; cette interprétation systématique doit examiner non seulement l'emplacement formel de la disposition, mais également la cohérence matérielle des différentes dispositions (cf. ATF 147 I 183 consid. 8.1; 111 Ia 292 consid. 3d; arrêt 1C_529/2015 du 5 avril 2016 consid. 4.7.3; cf. aussi Camilla Jacquemoud, Les initiants et leur volonté, 2022, p. 196 s. et Bénédicte Tornay, La démocratie directe saisie par le juge, 2008, p. 67 ss). 
Saisi d'un recours pour violation des droits politiques, le Tribunal fédéral revoit librement l'interprétation et l'application du droit fédéral et du droit constitutionnel cantonal, ainsi que des dispositions de rang inférieur qui sont étroitement liées au droit de vote ou en précisent le contenu et l'étendue (ATF 141 I 221 consid. 3.1; 135 I 19 consid. 4; arrêt 1C_638/2021 du 16 novembre 2022 consid. 3, non publié in ATF 149 I 33). 
 
3.  
En premier lieu, les recourants reprochent à la Cour de justice d'avoir jugé que l'IN 180 était conforme à l'exigence de la clarté. Selon eux, la formulation de l'initiative serait imprécise en lien avec trois aspects: le type de logements concernés (art. 1 al. 2 let. d LGL/GE projeté), la teneur de l'objectif visé et la notion de "nouveau plan de développement" prévue par l'art. 14H al. 3 LGL/GE. 
 
3.1. En matière de droits politiques, le texte de l'initiative est soumis à une exigence de clarté. En effet, selon l'art. 34 al. 2 Cst., la garantie des droits politiques protège la libre formation de l'opinion des citoyens et des citoyennes et l'expression fidèle et sûre de leur volonté. Les votations et élections doivent être organisées de telle manière que la volonté du corps électoral puisse s'exercer librement. Cela implique en particulier une formulation adéquate des questions soumises au vote. Celles-ci ne doivent pas être rédigées dans des termes propres à induire en erreur le citoyen (ATF 133 I 110 consid. 8.1; arrêt 1C_59/2018 du 25 octobre 2018 consid. 3.1). Les personnes appelées à s'exprimer sur le texte de l'initiative doivent être à même d'en apprécier la portée, ce qui n'est pas possible s'il est équivoque ou imprécis (cf. ATF 139 I 292 consid. 5.8; 133 I 110 consid. 8; arrêt 1C_644/2021 du 16 novembre 2022 consid. 7.1).  
 
3.2.  
 
3.2.1. Les recourants estiment d'abord que la Cour de justice a méconnu l'exigence de la clarté en lien avec le type de logements concernés par l'initiative. Ils considèrent que la lecture de l'art. 1 al. 2 let. d LGL/GE projeté ne permettrait pas de comprendre quels logements seraient visés par les termes "ensemble du parc de logements". Dans la mesure où l'IN 180 est insérée dans la LGL, ces termes pourraient se référer tant à l'ensemble des logements subventionnés au sens de l'art. 16 LGL/GE qu'à l'ensemble des logements du canton.  
Cette formulation entraînerait également une incertitude quant au champ d'application des outils d'acquisition de terrains et de bien-fonds immobiliers prévus par le chapitre II de la LGL/GE. Dans le cadre de cette loi, l'Etat dispose d'un droit de préemption et d'expropriation pour la réalisation des logements d'utilité publique visés par l'art. 16 LGL/GE. Les recourants soutiennent que, si l'art. 1 al. 2 let. d LGL/GE projeté visait l'ensemble des habitations du canton, l'IN 180 permettrait alors à l'Etat d'utiliser les instruments d'acquisition prévus par la LGL/GE non seulement pour la réalisation de logements d'utilité publique, mais également pour des logements à loyers libres. Une telle possibilité serait contraire au but de la LGL/GE, qui prévoit le recours à ces instruments pour la construction de logements d'utilité publique uniquement. 
 
3.2.2. Comme le retient la Cour cantonale, le texte de l'art. 1 al. 2 let. d 1 ère phrase LGL/GE projeté ne prête pas à confusion. Les termes "ensemble du parc de logements" se réfèrent non pas, comme les recourants le prétendent, aux seuls logements d'utilité publique visés par la LGL/GE, cette précision ne figurant pas dans le texte de la loi, mais à l'ensemble des logements du canton. L'exposé des motifs accompagnant l'initiative précise d'ailleurs que l'IN 180 vise à ce que, d'ici à 2030, "10% du parc de logements à Genève" soient détenus par des coopératives. Invité à préciser ces termes par le Conseil d'Etat, le comité d'initiative a expliqué que "l'initiative, et donc le socle minimal de 10% de logements en coopérative porte sur l'ensemble du parc de logement et pas uniquement sur le parc de logements d'utilité publique" (cf. arrêté du Conseil d'Etat du 12 janvier 2022 relatif à la validité de l'IN 180, n. 86). Par ailleurs, la LGL/GE utilise, à ses art. 2A al. 4 et 10, la notion de "parc de logements d'utilité publique", qui se distingue des termes "ensemble du parc de logements" prévus par l'initiative. A cet égard, le texte de l'initiative est donc suffisamment clair.  
Au surplus, les art. 1 al. 2 let. d et 14H al. 1 LGL/GE projetés ne peuvent être compris comme permettant l'utilisation des outils d'acquisition prévus par le chapitre II de la LGL/GE pour la construction d'autres logements que ceux d'utilité publique. Dans le cadre du système prévu par le chapitre II de la LGL/GE, l'art. 3 al. 1 LGL/GE dispose que le droit de préemption légal ne peut s'exercer qu'aux fins de construction de logements visés par la LGL/GE, soit des logements d'utilité publique. De même, une expropriation n'est envisageable qu'en lien avec des terrains nécessaires à la construction d'ensembles de logements d'utilité publique (art. 7 LGL/GE). L'art. 9 al. 1 LGL/GE précise encore que les terrains acquis en vertu du droit de préemption ou d'expropriation doivent être concédés en droit de superficie aux fins de construction de logements d'utilité publique. L'IN 180 se contente de renvoyer aux dispositions susmentionnées; elle n'établit aucune dérogation au système d'acquisition prévu par le chapitre II de la LGL/GE. Partant, et comme le retient la Cour de justice, le texte de l'initiative est clair et ne peut être compris par le corps électoral comme permettant à l'Etat d'utiliser son droit de préemption ou d'expropriation à des fins autres que la construction de logements d'utilité publique. 
En tout état, la signification à donner aux termes "ensemble du parc de logements", ainsi que la relation entre l'initiative et les outils d'acquisition prévus par la LGL/GE pourront être, le cas échéant, précisées dans ce sens au corps électoral dans le message explicatif. 
 
3.3.  
 
3.3.1. Les recourants reprochent aussi à l'autorité précédente d'avoir jugé que l'objectif d'atteindre un socle de 10% de logements en coopératives d'ici à 2030 était non contraignant. Ils font valoir que le texte de l'initiative en lien avec l'objectif fixé ne serait pas clair sur ce point également. L'art. 1 al. 2 let. d LGL/GE projeté dispose que l'Etat s'assure qu'un socle de 10% de l'ensemble du parc de logements soit détenu par des coopératives sans but lucratif; l'art. 14H al. 1 et 3 LGL/GE projeté fixe comme objectif que ce socle soit atteint d'ici à 2030. Les recourants estiment que les termes utilisés établiraient une obligation de l'Etat, et que l'objectif d'atteindre un socle de 10% d'ici à 2030 serait contraignant pour l'autorité.  
 
3.3.2. L'objectif d'atteindre un socle de 10% de logements en coopérative d'ici à 2030 ne peut être considéré comme étant contraignant pour l'autorité. En effet, la systématique prévue par l'initiative indique que l'IN 180 vise à établir un objectif général et non un objectif contraignant. Ainsi, l'art. 1 al. 2 let. d LGL/GE projeté ne se réfère qu'au chiffre de 10%, sans fixer d'objectif temporel. Ensuite, et même s'il ressort de l'art. 14H al. 1 LGL/GE projeté que le socle de 10% devrait être atteint en 2030, l'alinéa 3 du même article prévoit d'ores et déjà la mesure que devrait prendre le Conseil d'Etat si cet objectif était manqué, à savoir l'adoption d'un nouveau plan de développement de l'habitat coopératif. A cet égard, invité par le Conseil d'Etat à lui faire part de ses déterminations, le comité d'initiative a précisé que le "socle de 10% de logements en coopérative doit être compris comme un objectif légal général [...] et non une injonction à réaliser de manière absolument impérative dans le délai imparti" (cf. arrêté du Conseil d'Etat du 12 janvier 2022 relatif à la validité de l'IN 180, n. 11). Enfin, l'initiative ne prévoit aucune sanction si l'objectif des 10% ne devait pas être atteint d'ici 2030.  
Partant, et comme le retient l'autorité précédente, le corps électoral ne saurait voir dans le texte de l'IN 180 autre chose qu'un objectif général d'atteindre un socle de 10% de logements en coopérative, le délai fixé à 2030 n'apparaissant pas contraignant. 
 
3.4. Toujours en lien avec l'exigence de la clarté, les recourants estiment que l'IN 180 devrait préciser à quoi les termes de "nouveau plan de développement", prévus à l'art. 14H al. 3 LGL/GE font référence; le principe de la clarté exigerait que le contenu dudit plan figure dans l'initiative elle-même.  
 
3.4.1. Selon la jurisprudence rendue en application de l'art. 42 al. 2 LTF, la motivation doit exposer de manière concise en quoi l'acte attaqué viole le droit. Cela présuppose que la partie recourante se penche au moins brièvement sur les considérants de la décision attaquée. La partie recourante ne peut pas se contenter de reprendre devant le Tribunal fédéral le point de vue qu'elle avait déjà soulevé dans son recours devant l'instance précédente, sans discuter, même brièvement, les considérants de la décision attaquée (ATF 140 II 456 consid. 2.2.2). Ainsi, elle ne peut se contenter de reprendre mot pour mot la même motivation que celle présentée à l'autorité précédente, sans tenir compte des motifs retenus dans l'arrêt attaqué (ATF 145 V 161 consid. 5.2).  
 
3.4.2. Dans son arrêt, la Cour de justice considère que les termes "nouveau plan de développement" renvoient au plan d'action en faveur des coopératives établi en 2016. L'art. 14H al. 3 LGL/GE projeté enjoint ainsi le Conseil d'Etat à actualiser le plan datant de 2016. Elle juge également qu'il n'est pas critiquable, du point de vue du principe de la clarté, que le contenu d'un éventuel plan prévu pour 2030 ne figure pas dans le texte de l'initiative.  
Devant l'autorité de céans, les recourants se contentent de reproduire le grief soumis à l'autorité cantonale. En particulier, ils ne s'en prennent pas, même sommairement, à l'interprétation de la Cour de justice qui voit dans la notion de "nouveau plan de développement" une référence au plan d'action en faveur des coopératives existant depuis 2016. Une telle manière de procéder n'est pas admissible au regard de l'art. 42 al. 2 LTF et ce grief doit être déclaré irrecevable. 
 
3.5. Au vu de ce qui précède, le texte de l'IN 180 apparaît suffisamment clair et précis pour permettre au corps électoral d'en apprécier la portée. L'exigence de la clarté est par conséquent respectée et le grief doit être écarté dans la mesure où il est recevable.  
 
4.  
Les recourants font ensuite grief à l'autorité précédente d'avoir validé l'IN 180 alors que celle-ci serait inexécutable. Partant de la prémisse selon laquelle l'objectif de 10% de logements en coopérative d'ici à 2030 est contraignant, ils estiment que la construction de quelque 11'000 logements d'ici à 2030 ne laisserait d'autre choix à l'Etat que d'utiliser systématiquement son droit de préemption pour acquérir suffisamment de terrains. Une telle situation aurait pour effet soit de bloquer toutes les transactions immobilières (dans la mesure où les promoteurs n'investiront plus dans des terrains avec la certitude d'être préemptés), soit, si les transactions continuent, de "nationaliser" l'ensemble des terrains à bâtir. Dans le premier cas, les acquisitions seraient alors bloquées, rendant impossible la réalisation de l'objet de l'initiative. Dans le second cas, une "nationalisation" de tous les terrains à bâtir serait constitutive d'une violation de la garantie de la propriété, qui constituerait un obstacle insurmontable à l'exécution de l'IN 180. Les recourants affirment encore que, dans tous les cas, la réalisation de 11'000 logements en coopérative d'ici à 2030, soit en 7 ans, serait impossible. Ils estiment aussi que la réalisation de cet objectif épuiserait les ressources financières et organisationnelles de l'Etat, qui ne serait pas à même de suivre la réalisation de tant de logements. 
 
4.1. Selon la jurisprudence, une initiative populaire doit être invalidée si son objet est impossible (ATF 128 I 190 consid. 5; arrêt 1C_146/2020 du 7 août 2020 consid. 3.2, in SJ 2021 I p. 61). Il ne se justifie pas, en effet, de demander au peuple de se prononcer sur un sujet qui n'est pas susceptible d'être exécuté. L'invalidation ne s'impose toutefois que dans les cas les plus évidents (ATF 139 I 292 consid. 7.4; arrêt 1C_146/2020 du 7 août 2020 consid. 3.2, in SJ 2021 I p. 61). L'obstacle à la réalisation doit être insurmontable: une difficulté relative est insuffisante, car c'est avant tout aux électeurs qu'il appartient d'évaluer les avantages et les inconvénients qui pourraient résulter de l'acceptation de l'initiative (ATF 128 I 190 consid. 5; 99 Ia 406 consid. 4c). Par ailleurs, l'impossibilité doit ressortir clairement du texte de l'initiative; si celle-ci peut être interprétée de telle manière que les voeux des initiants sont réalisables, elle doit être considérée comme valable (arrêt 1C_146/2020 du 7 août 2020 consid. 3.2, in SJ 2021 I p. 61). L'impossibilité peut être matérielle ou juridique.  
 
4.2. Comme cela a été relevé ci-dessus, l'objectif d'atteindre 10% de logements détenus par des coopératives d'habitation d'ici à 2030 n'est pas contraignant (cf. consid. 3.3 ci-dessus); au surplus, les droits de préemption et d'expropriation prévus par la LGL/GE ne constituent qu'un moyen parmi d'autres pour atteindre l'objectif fixé par l'IN 180 (cf. consid. 3.2 ci-dessus). La Cour de justice en conclut que l'Etat ne sera nullement tenu de faire un usage systématique des outils d'acquisition prévus par la LGL/GE et réfute, par conséquent, l'argument des recourants selon lequel la mise en oeuvre de l'IN 180 conduirait soit à un blocage des transactions, soit à une nationalisation de l'ensemble des terrains. Elle relève enfin que la question de la capacité financière ou organisationnelle de l'Etat a trait à un argumentaire politique et non à la validité juridique de l'initiative.  
Dans leurs écritures, les recourants n'examinent pas les considérants de l'arrêt attaqué. Ils se contentent de reprendre, à peu de choses près, les arguments soulevés devant l'autorité cantonale, pourtant réfutés de manière circonstanciée par cette dernière. Un tel procédé n'expose pas en quoi l'arrêt attaqué est contraire au droit et n'est par conséquent pas conforme aux exigences de motivation de l'art. 42 al. 2 LTF (cf. consid. 3.4.1 ci-dessus). Partant, le grief d'inexécutabilité de l'initiative est irrecevable. 
 
4.3. En tout état, l'initiative litigieuse n'apparaît pas absolument impossible à mettre en oeuvre, d'autant plus que la date butoir de 2030 ne constitue, comme on l'a vu, qu'un objectif général, non contraignant (cf. consid. 3.3 ci-dessus). D'une part, d'autres moyens que les droits de préemption et d'expropriation de la LGL/GE existent pour mettre en oeuvre l'IN 180, les recourants se contentant de supputer que l'initiative ne laisserait d'autre choix à l'Etat que d'utiliser systématiquement cette faculté. D'autre part, et contrairement à ce que les recourants allèguent, un blocage des transactions ou une nationalisation des terrains à bâtir ne constituent pas des obstacles suffisants pour nier au corps électoral son droit à se prononcer sur l'initiative litigieuse. Ainsi, l'IN 180 n'apparaît pas inexécutable et il revient par conséquent au peuple de décider s'il souhaite, ou non, l'accepter, avec les avantages et les inconvénients qui pourraient en résulter.  
Au surplus, le grief des recourants concernant une violation de la garantie de la propriété entraînée par une éventuelle nationalisation des terrains à bâtir relève en l'espèce de la conformité au droit supérieur et non de l'exécutabilité de l'initiative. 
 
5.  
Les recourants reprochent finalement à la Cour de justice d'avoir jugé que l'IN 180 était conforme au droit supérieur, en particulier qu'elle ne violait ni le principe de la proportionnalité, ni la garantie de la propriété. 
 
5.1. D'une manière générale, une initiative populaire cantonale, quelle que soit sa formulation, doit respecter les conditions matérielles qui lui sont imposées. Elle ne doit, en particulier, rien contenir de contraire au droit supérieur, qu'il soit cantonal, intercantonal, fédéral ou international. En vertu du principe de la force dérogatoire du droit fédéral ancré à l'art. 49 al. 1 Cst., les cantons ne sont pas autorisés à légiférer dans les matières exhaustivement réglementées par le droit fédéral. Dans les autres domaines, ils peuvent édicter des règles de droit, pour autant qu'elles ne violent ni le sens ni l'esprit du droit fédéral et qu'elles n'en compromettent pas la réalisation (ATF 143 I 129 consid. 2.1 et les arrêts cités; arrêt 1C_393/2022 du 31 mars 2023 consid. 2.1).  
Lorsque, à l'aide des méthodes reconnues, le texte d'une initiative se prête à une interprétation la faisant apparaître comme conforme au droit supérieur, elle doit être déclarée valable et être soumise au peuple. L'interprétation conforme doit ainsi permettre d'éviter autant que possible les déclarations d'invalidité. Tel est le sens de l'adage "in dubio pro populo", selon lequel un texte n'ayant pas un sens univoque doit être interprété de manière à favoriser l'expression du vote populaire. Cela découle également du principe de la proportionnalité (art. 34 et 36 al. 2 et 3 Cst.), selon lequel une intervention étatique doit porter l'atteinte la plus restreinte possible aux droits des citoyens. Les décisions d'invalidation doivent autant que possible être limitées, en retenant la solution la plus favorable aux initiants (ATF 147 I 183 consid. 6.2; 143 I 129 consid. 2.2; arrêt 1C_391/2022 du 3 mai 2023 consid. 3.3, destiné à la publication). 
Cela étant, la marge d'appréciation de l'autorité de contrôle est évidemment plus grande lorsqu'elle examine une initiative non formulée que lorsqu'elle se trouve en présence d'une initiative rédigée de toutes pièces, sous la forme d'un acte normatif. Cependant lorsque, de par son but même ou les moyens mis en oeuvre, le projet contenu dans une telle initiative ne pourrait être reconnu conforme au droit supérieur que moyennant l'adjonction de réserves ou de conditions qui en modifient profondément la nature, une telle interprétation entre en conflit avec le respect, fondamental, de la volonté des signataires de l'initiative et du peuple appelé à s'exprimer; la volonté de ce dernier ne doit pas être faussée par la présentation d'un projet qui, comme tel, ne serait pas constitutionnellement réalisable (ATF 143 I 129 consid. 2.2; arrêt 1C_391/2022 du 3 mai 2023 consid. 3.3, destiné à la publication). 
 
5.2. Les recourants font en premier lieu valoir que fixer un socle de 10% de l'ensemble du parc de logements devant être détenu par des coopératives viole le principe de la proportionnalité.  
Se fondant là aussi sur la prémisse que le socle de 10% de logements en coopératives d'ici à 2030 constitue un objectif contraignant, les recourants estiment que cet objectif serait trop élevé à la lumière des outils dont l'Etat dispose, et qu'il serait donc disproportionné. Hormis les instruments d'acquisition de la LGL/GE, qui ne concernent que les logements d'utilité publique, l'Etat ne disposerait d'aucun outil lui permettant d'atteindre l'objectif de l'IN 180. Dans la mesure où les moyens à disposition de l'Etat seraient insuffisants, les recourants font valoir que l'IN 180 ne serait pas apte à obtenir les résultats escomptés, à savoir la création de logements durablement moins chers et plus écologiques dans des immeubles favorisant les liens sociaux entre voisins. Enfin, en favorisant la réalisation de constructions par des coopératives d'habitation au détriment d'autres types de logements, l'initiative aboutirait à un résultat disproportionné. 
 
5.2.1. Le principe de la proportionnalité exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés - règle de l'aptitude -, que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive - règle de la nécessité -, et qu'il existe un rapport raisonnable entre le but visé et les intérêts publics ou privés compromis - règle de la proportionnalité au sens étroit - (cf. ATF 146 I 157 consid. 5.4; 140 I 168 consid. 4.2.1).  
 
5.2.2. Le grief des recourants a en réalité trait à la question de l'opportunité de l'IN 180 d'un point de vue politique, et non à sa conformité au droit supérieur. Les recourants se contentent en effet d'affirmer que les moyens affectés à la réalisation du but poursuivi par l'initiative sont insuffisants. Saisi pour examiner la validité d'une initiative cantonale législative, il n'appartient pas au Tribunal fédéral de se prononcer sur l'opportunité de celle-ci (arrêt 1C_644/2021 du 16 novembre 2022 consid. 6). Le grief doit être déclaré irrecevable.  
 
5.3. Les recourants se plaignent ensuite d'une violation de la garantie de la propriété (art. 26 Cst.), induite par le manque de clarté allégué de l'IN 180. Ils reprennent l'idée selon laquelle l'initiative litigieuse permettrait à l'Etat d'exercer ses droits de préemption et d'expropriation prévus par le chapitre II LGL/GE non seulement, comme c'est le cas aujourd'hui, pour la création de logements d'utilité publique, mais également pour construire des logements à loyers libres. Une telle pratique constituerait une restriction inadmissible à la garantie de la propriété.  
 
5.3.1. La garantie de la propriété est ancrée à l'art. 26 al. 1 Cst. Elle n'est toutefois pas absolue. Comme tout droit fondamental, elle peut être restreinte aux conditions fixées à l'art. 36 Cst. La restriction doit ainsi reposer sur une base légale (al. 1), être justifiée par un intérêt public (al. 2) et respecter le principe de la proportionnalité (al. 3).  
L'exercice par une collectivité d'un droit de préemption légal sur un immeuble constitue une restriction grave du droit de propriété garanti par l'art. 26 al. 1 Cst. (ATF 142 I 76 consid. 3.1 et références); tel est également le cas d'une expropriation formelle (arrêt 1C_121/2018 du 8 mai 2019 consid. 8). Pour être compatible avec l'art. 26 Cst., l'exercice de ces droits doit par conséquent satisfaire aux conditions fixées à l'art. 36 Cst. (ATF 142 I 72 consid. 3.1 et références; arrêt 1C_121/2018 du 8 mai 2019 consid. 8). 
 
5.3.2. Il a été vu plus haut que le texte de l'IN 180 était clair et ne pouvait être compris comme autorisant l'utilisation des outils d'acquisition prévus par le chapitre II de la LGL/GE pour la construction d'autres logements que ceux d'utilité publique (cf. consid. 3.2 ci-dessus). Dans ce cadre, l'Etat ne peut faire valoir un droit de préemption ou d'expropriation au sens de la LGL/GE qu'aux seules fins de construire des logements d'utilité publique. Partant, l'initiative litigieuse n'élargit pas le champ d'application des instruments d'acquisition prévus par le chapitre II de la LGL/GE, dont la constitutionnalité n'est pas contestée. Il s'ensuit que le grief de violation de la garantie de propriété est mal fondé.  
En tout état, l'exercice tant du droit de préemption que du droit d'expropriation pourra, le cas échéant, faire l'objet d'un contrôle par les autorités judiciaires dans des cas concrets. Une utilisation des outils d'acquisition prévus par la LGL/GE à des fins non conformes au but de cette loi pourra ainsi être contestée devant les tribunaux, ce qui permettra d'en contrôler la constitutionnalité. 
 
5.4. En définitive, le texte de l'initiative litigieuse est conforme au droit supérieur. Dans ces conditions, c'est à juste titre que l'initiative a été déclarée valable et propre à être soumise à votation populaire.  
 
6.  
Il s'ensuit que le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Les frais judiciaires sont mis à la charge des recourants, qui succombent (art. 65 et 66 al. 1 LTF). Une indemnité de dépens, également à la charge des recourants, est allouée au comité d'initiative en tant qu'intimé, qui a procédé à l'aide d'un mandataire professionnel (art. 68 al. 2 LTF). Il n'est pas alloué d'autres dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des recourants. 
 
3.  
Une indemnité de dépens de 2'000 fr. est allouée au Groupement des coopératives d'habitation genevoises, à la charge solidaire des recourants. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Conseil d'Etat et à la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 17 août 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Rouiller