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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_188/2022  
 
 
Arrêt du 20 septembre 2022  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Hohl, Présidente, Kiss et Rüedi. 
Greffière: Mme Raetz. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Valentin Schumacher et Me Raphaël Tinguely, avocats, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
représenté par Me Olivier Thévoz et Me Ludivine Veuthey, avocats, 
intimé. 
 
Objet 
société anonyme; responsabilité de l'administrateur, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 16 mars 2022 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (PT19.028673-211325; 137). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. La société C.________ SA, ayant notamment pour but le commerce de dispositifs médicaux et d'implants, était dotée d'un capital-actions de 100'000 fr., entièrement libéré. D.________ en était l'administrateur président et son principal actionnaire. B.________ a quant à lui occupé la fonction d'administrateur, avec signature individuelle, du 15 octobre 2014 au 3 novembre 2016.  
C.________ SA était une start-up qui souhaitait se développer en Suisse. Son financement était assuré par D.________. Depuis sa création jusqu'au mois de juin 2016, celui-ci a versé plusieurs milliers de francs par mois sur le compte de la société, à l'exception du mois de mai 2016 où aucun versement n'est intervenu. Des montants ont également été crédités par " Filial E.________ " sur le compte de la société du 5 février au 18 avril 2016. Ces différents apports financiers ont permis à C.________ SA de disposer de liquidités pour s'acquitter de ses charges, à tout le moins jusqu'au mois d'avril 2016. 
Le bilan intermédiaire de la société au 31 décembre 2015, établi en mai 2016, fait état d'actifs sous forme d'argent liquide à hauteur de 10'533 fr. 30 et de " machines et appareils " à hauteur de 3'240 fr. 74. Les passifs, s'élevant au total à 288'078 fr. 35, comprennent notamment une dette envers D.________ de 158'850 fr. 37 et le capital social de 100'000 fr. Le découvert s'élève à 274'304 fr. 31. 
Au 31 décembre 2016, le bilan intermédiaire de C.________ SA présente un découvert de 357'892 fr. 92 et aucun produit. Il fait état d'une dette envers D.________ de 218'727 fr. 93 et d'une créance d'une filiale de C.________ SA, " Filial E.________ ", de 68'860 fr. 
 
A.b. A.________ SA est une société active dans le domaine du leasing de biens mobiliers.  
Les 3 décembre 2015 et 13 janvier 2016, elle a conclu deux contrats avec C.________ SA portant sur le leasing de matériel informatique et d'une licence d'utilisation d'un logiciel. 
Les 7 décembre 2015 et 28 janvier 2016, A.________ SA paraissait s'être acquittée de factures de fournisseurs des objets précités, pour des montants de 15'814 fr. 80 et 13'334 fr. 60. Selon la cour cantonale, l'instruction n'a pas permis d'établir si ces montants avaient effectivement été payés par A.________ SA aux fournisseurs. 
Dès le 13 mai 2016, A.________ SA a adressé des rappels à C.________ SA concernant le paiement des mensualités de ces contrats. Elle a ensuite résilié ces contrats, en réclamant le paiement des montants de 14'601 fr. 20 et de 12'997 fr. 65. 
 
A.c. Le 12 mai 2016, B.________ a adressé un courriel à D.________, lui demandant s'il avait prévu de transférer dans les prochains jours de nouveaux fonds sur le compte de la société, car il était en manque d'argent pour payer notamment le leasing informatique (résumé de la traduction libre figurant dans l'arrêt attaqué).  
Par courriel du 17 mai 2016, D.________ a répondu que les investisseurs avec qui il avait initié ce projet avaient arrêté le financement. Il était par conséquent obligé de " geler " le projet et de résilier les contrats en cours. Toutes les activités seraient transférées en xxx (idem). 
Le 18 mai 2016, B.________ a écrit à D.________ qu'il avait bien compris qu'en ce moment, il n'avait plus la possibilité d'obtenir ou de transférer des fonds complémentaires à la société suisse. B.________ a évoqué la solution de la mise en faillite immédiate de la société (idem). 
Le 30 mai 2016, D.________ a répondu qu'il n'avait pas réussi à trouver d'investisseurs. Il a ajouté que la crise en xxx l'avait ruiné, ce qu'il ne pouvait pas prévoir (idem). 
 
A.d. Au moment de la clôture des comptes au mois de mai 2016, C.________ SA et D.________ ont signé une convention, par laquelle ce dernier a déclaré postposer l'entier de sa créance de 158'850 fr. 37, afin d'éviter de devoir déposer un avis de surendettement au juge.  
 
A.e. Par courriel du 3 juin 2016, D.________ a informé B.________ de sa décision de " geler " C.________ SA (idem).  
 
A.f. Par courrier recommandé du même jour, B.________ a déposé auprès du Président du Tribunal d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois un avis de surendettement concernant C.________ SA, qu'il a complété le 29 juillet 2016.  
Par décision du 10 octobre 2016, le Président a rejeté la requête de faillite de C.________ SA, en considérant que l'insolvabilité de la société n'avait pas été prouvée, ni même rendue vraisemblable. 
 
A.g. Par décision du 4 avril 2017, le Tribunal de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a prononcé la faillite de C.________ SA.  
Le 23 juin 2017, A.________ SA a produit une créance de 32'243 fr. 86 dans la faillite, relative notamment à des redevances de leasing. Cette créance a été admise à l'état de collocation. 
Selon l'état de collocation, D.________ n'a pas fait valoir de créances à l'égard de C.________ SA dans le cadre de la faillite de celle-ci. 
Le 17 juillet 2018, A.________ SA s'est vu céder les droits de la masse en faillite relatifs à l'action en responsabilité au sens des art. 725 ss (sic) CO. 
 
B.  
 
B.a. A.________ SA a déposé une demande auprès du Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne, tendant à ce que B.________ soit condamné à lui verser la somme de 34'132 fr. 24, intérêts en sus. Elle a notamment exposé ce qui suit:  
 
" Si on admettait que B.________ avait agi à temps, soit lorsque le surendettement de la société est intervenu, la société faillie n'aurait pas accusé une perte de 357'892 fr. 92, mais une perte largement inférieure à celle-ci. Dans tous les cas, la différence entre la perte hypothétique (si le juge avait été avisé à temps) et la perte effective (suite au prononcé tardif de la faillite) est largement supérieure à 32'243 fr. 86 [sic], montant ici recherché. " 
Par jugement du 17 février 2021, le tribunal a rejeté la demande déposée par A.________ SA. 
 
B.b. Par arrêt du 16 mars 2022, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'appel formé par A.________ SA à l'encontre de ce jugement, et l'a confirmé.  
 
C.  
A.________ SA (ci-après: la recourante) a exercé un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Elle a conclu à sa réforme en ce sens que B.________ (ci-après: l'intimé) soit condamné à lui verser la somme de 34'132 fr. avec intérêts. Subsidiairement, elle a conclu à son annulation et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Dans sa réponse, l'intimé a conclu au rejet du recours. 
La cour cantonale s'est référée à son arrêt. 
La recourante a déposé une réplique spontanée, laquelle n'a pas suscité de duplique de l'intimé. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment celles afférentes à la valeur litigieuse minimale de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF) et au délai de recours (art. 46 al. 1 let. a et 100 al. 1 LTF). 
 
2.  
 
2.1. Le recours peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Eu égard, toutefois, à l'exigence de motivation qu'impose l'art. 42 al. 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), il n'examine que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes (ATF 140 III 115 consid. 2). Le recourant doit discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 140 III 86 consid. 2). Le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'argumentation juridique développée par les parties ou par l'autorité précédente; il peut admettre le recours, comme il peut le rejeter en procédant à une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). " Manifestement inexactes " signifie ici " arbitraires " (ATF 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi les conditions précitées seraient réalisées. Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). 
En matière d'appréciation des preuves, il y a arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait envisageable, voire préférable (ATF 136 III 552 consid. 4.2). 
 
3.  
Tout d'abord, la recourante reproche aux juges cantonaux d'avoir considéré qu'elle n'avait pas prouvé son dommage direct, dans la mesure où elle n'aurait pas établi s'être acquittée de factures des fournisseurs pour les objets pris en leasing par C.________ SA. Elle dénonce une constatation manifestement inexacte des faits, une appréciation arbitraire des preuves, une violation des règles sur le fardeau de la preuve et une violation du principe de l'interdiction de l'arbitraire (art. 97 LTF, art. 8 CC et 150 CPC en lien avec l'art. 9 Cst.). 
La cour cantonale a laissé ouverte la question de savoir si la recourante était légitimée à se prévaloir tant d'un dommage direct que d'un dommage indirect, en expliquant que la réparation d'un dommage direct était de toute manière exclue. Pour ce dernier point, elle s'est fondée sur une double motivation, chacune suffisant à en sceller le sort. Elle a d'abord retenu qu'il ne pouvait rien être reproché à l'intimé, puisque, lors de la conclusion des contrats de leasing, les 3 décembre 2015 et 13 janvier 2016, il n'avait pas connaissance du surendettement de C.________ SA et pensait pouvoir compter sur le financement de D.________, ce jusqu'à ce que ce dernier l'informe, en mai 2016, qu'il ne pourrait plus verser des fonds à la société. La cour cantonale a ensuite ajouté que le dommage direct n'était pas établi. Or, lorsque la décision attaquée comporte plusieurs motivations indépendantes et suffisantes pour sceller le sort de la cause ou d'une partie de celle-ci, il incombe au recourant, sous peine d'irrecevabilité, de démontrer que chacune d'elles est contraire au droit (ATF 133 IV 119 consid. 6.3 et les références). La recourante ne semble s'en prendre qu'à la seconde motivation, liée à la preuve du dommage, de sorte que son moyen devrait être déclaré irrecevable. En tout état de cause, la première motivation n'est pas critiquable (cf. consid. 5.3 infra) et exclut donc toute réparation d'un prétendu dommage direct. La problématique liée à un tel dommage n'a dès lors pas à être examinée.  
 
4.  
La recourante dénonce encore une constatation manifestement inexacte des faits et une violation du principe de l'interdiction de l'arbitraire, dans la mesure où les juges cantonaux ont retenu qu'elle n'avait pas allégué que les objets remis en leasing ne lui étaient d'aucune utilité. 
Toutefois, la recourante procède à une lecture erronée du raisonnement des juges cantonaux à cet égard. Lorsqu'ils retiennent que " l'appelante n'a pas allégué que les objets remis en leasing à C.________ SA ne lui étaient d'aucune utilité ", le pronom " lui " se réfère à C.________ SA, et non à la recourante (appelante). En effet, ils examinent ensuite si les objets remis en leasing, à savoir du matériel informatique, étaient bel et bien utiles à C.________ SA. Ils expliquent qu'il était nécessaire pour cette société de se munir de matériel informatique afin de pouvoir lancer et développer son activité commerciale. Ils retiennent que la décision de louer du matériel informatique était raisonnablement défendable, voire dans l'ordre des choses, et donc que la conclusion des contrats de leasing ne procédait pas d'une violation du devoir de diligence de l'administrateur. Ainsi, la question de savoir si les objets remis en leasing étaient d'une quelconque utilité à la recourante n'est pas examinée par la cour cantonale. Il n'est pas non plus question d'un dommage pour la recourante en lien avec l'utilité de ces objets pour elle, contrairement à ce qu'elle semble soutenir.  
 
5.  
Ensuite, la recourante se prévaut d'une violation de l'art. 725 CO. Elle reproche à la cour cantonale d'avoir considéré que l'intimé n'avait pas violé son devoir de diligence et qu'il n'avait pas tardé à adresser un avis de surendettement au juge. 
 
5.1. En vertu de l'art. 754 al. 1 CO, les membres du conseil d'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à l'égard de la société, de même qu'envers chaque actionnaire ou créancier social, du dommage qu'ils leur causent en manquant intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs. La responsabilité des administrateurs envers la société est subordonnée à la réunion des quatre conditions générales suivantes: la violation d'un devoir, une faute (intentionnelle ou par négligence), un dommage et l'existence d'un rapport de causalité (naturelle et adéquate) entre la violation du devoir et la survenance du dommage. Il appartient à la partie demanderesse à l'action en responsabilité de prouver la réalisation de ces conditions (art. 8 CC), qui sont cumulatives (ATF 136 III 148 consid. 2.3; 132 III 564 consid. 4.2; arrêt 4A_133/2021 du 26 octobre 2021 consid. 7.1).  
L'administrateur qui n'exerce pas ses attributions avec toute la diligence nécessaire (art. 717 al. 1 CO) manque à ses devoirs (première condition) au sens de l'art. 754 al. 1 CO. Il appartient notamment à l'administrateur de contrôler de manière régulière la situation économique et financière de la société (ATF 132 III 564 consid. 5.1). 
En vertu de l'art. 725 al. 2 CO, s'il existe des raisons sérieuses d'admettre que la société est surendettée, un bilan intermédiaire est dressé et soumis à la vérification d'un réviseur agréé; s'il résulte de ce bilan que les dettes sociales ne sont couvertes ni lorsque les biens sont estimés à leur valeur d'exploitation, ni lorsqu'ils le sont à leur valeur de liquidation, le conseil d'administration en avise le tribunal, à moins que des créanciers de la société n'acceptent que leur créance soit placée à un rang inférieur à celui de toutes les autres créances de la société dans la mesure de cette insuffisance de l'actif. Exceptionnellement, il peut être renoncé à un avis immédiat au juge, si des mesures tendant à un assainissement concret et dont les perspectives de succès apparaissent comme sérieuses sont prises aussitôt (ATF 132 III 564 consid. 5.1; arrêt 4A_133/2021 précité consid. 7.2.1). En pratique, pour déterminer s'il existe des " raisons sérieuses " d'admettre un surendettement, le conseil d'administration ne doit pas seulement se fonder sur le bilan, mais aussi tenir compte d'autres signaux d'alarmes liés à l'évolution de l'activité de la société, tels que l'existence de pertes continuelles ou l'état des fonds propres. L'administrateur qui tarde de manière fautive à aviser le juge au sens de l'art. 725 al. 2 CO répond du dommage qui en découle (ATF 132 III 564 consid. 5.1; arrêt 4A_133/2021 précité consid. 7.2.1). 
 
5.2. La cour cantonale a relevé que les premiers juges avaient considéré que le surendettement de C.________ SA ressortant du bilan intermédiaire au 31 décembre 2015 (établi en mai 2016) ne résultait que des apports financiers de D.________, visant à permettre à la société de développer ses activités; il n'y avait donc aucune raison de craindre des difficultés financières, à tout le moins jusqu'à l'annonce de l'arrêt de tout financement par celui-ci, en mai 2016. La cour cantonale a expliqué que le bilan intermédiaire de C.________ SA au 31 décembre 2015 faisait état d'un découvert de 288'078 fr. 35 (recte: 274'304 fr. 31), dont une dette envers D.________ de 158'850 fr. 37 et une somme de 100'000 fr. à titre de capital social. Au moment de la clôture des comptes, au mois de mai 2016, C.________ SA et le prénommé avaient signé une convention par laquelle ce dernier avait accepté de postposer sa créance dans le but d'éviter de devoir déposer l'avis de surendettement au juge. La postposition de la créance de D.________ n'était pas suffisante pour pallier les pertes de C.________ SA et l'intimé devait donc procéder à l'avis de surendettement à compter de la fin du mois de mai 2016, période correspondant au demeurant au moment où le prénommé avait annoncé qu'il cessait de verser des fonds à la société. L'intimé avait avisé le juge par courrier recommandé du 3 juin 2016 et l'avait complété, sur requête du juge, le 26 juillet 2016. L'intimé n'avait pas tardé à procéder selon l'art. 725 al. 2 CO. Il avait agi dès qu'il avait su que la société rencontrait des difficultés financières et qu'elle ne recevrait plus d'apports suffisants pour combler les pertes ou permettre la continuation des activités de la société.  
 
5.3. La recourante se contente de soutenir que puisque C.________ SA présentait déjà un découvert au 31 décembre 2015 et que l'intimé devait surveiller en permanence la situation économique et financière de la société, la cour cantonale ne pouvait pas considérer que l'intimé n'avait pas violé ses devoirs en attendant le mois de mai 2016 pour dresser un bilan intermédiaire et le 17 juin 2016 pour aviser le juge du surendettement.  
Toutefois, la cour cantonale a retenu que l'intimé avait eu connaissance en mai 2016 des difficultés financières de la société et du fait que cette dernière ne recevrait plus d'apports suffisants pour combler les pertes ou permettre la continuation de ses activités. Déterminer ce que les administrateurs connaissaient à un moment donné et dire quelles étaient les données disponibles à cette époque pour saisir la situation sont des questions de fait (ATF 128 III 180 consid. 2e; arrêt 4A_373/2015 du 26 janvier 2016 consid. 3.1.4). Or, la recourante ne démontre pas l'arbitraire de la constatation de ce que l'intimé savait et n'invoque d'ailleurs même pas l'arbitraire en lien avec cela. 
En réalité, la recourante fait valoir que l'intimé aurait dû connaître le surendettement avant le mois de mai 2016. Toutefois, dans son raisonnement, la cour cantonale a pris en compte les circonstances du cas d'espèce. Elle s'est implicitement fondée sur la motivation des premiers juges, ayant considéré qu'il n'y avait aucune raison de craindre des difficultés financières au vu des apports financiers de D.________, ce jusqu'à l'annonce de l'arrêt de tout financement par celui-ci, en mai 2016. La recourante ne critique pas explicitement cette appréciation. Les compléments qu'elle a fournis dans sa réplique sont tardifs et dès lors, irrecevables. Au demeurant, on peut relever que D.________ a lui-même été surpris de ses difficultés financières, au vu de ce qui ressort de l'échange de courriels avec l'intimé au courant du mois de mai 2016. 
En somme, l'argumentation de la recourante ne permet ni de démontrer l'arbitraire dans les constatations de la cour cantonale concernant ce dont avait connaissance l'intimé, ni de retenir que l'intimé aurait dû connaître le surendettement avant la date retenue par la cour cantonale. 
Pour le surplus, la recourante ne soutient pas qu'en avisant le juge par courrier recommandé du 3 juin 2016, alors que l'intimé a connu (ou devait connaître) le surendettement à la fin du mois de mai 2016, il aurait agi de manière tardive. 
La cour cantonale a laissé ouverte la question de savoir si le fait que l'autorité de première instance en matière de faillite n'avait pas prononcé la faillite à la suite de cet avis devait être imputé à l'intimé. Elle a en effet relevé qu'en tout état de cause, il n'était pas possible d'établir un dommage qui aurait résulté d'un éventuel avis tardif de surendettement au juge de la part de l'intimé. Ce point est l'objet du dernier argument de la recourante, comme exposé ci-dessous. 
 
6.  
Enfin, la recourante reproche à la cour cantonale d'avoir, dans le calcul du dommage, déduit une dette d'un montant de 68'860 fr. figurant au passif de C.________ SA au 31 décembre 2016. Cela avait eu pour effet de réduire artificiellement le surendettement de la société. La cour cantonale avait ainsi nié à tort une aggravation du surendettement. La recourante dénonce une constatation manifestement inexacte des faits et une violation de l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.). 
 
6.1.  
 
6.1.1. Lorsqu'il s'agit de déterminer le dommage que les organes ont causé à la société en tardant de manière fautive à aviser le juge de l'état de surendettement (art. 725 al. 2 CO), il y a lieu de comparer, conformément à la théorie de la différence, le montant actuel du patrimoine du lésé et le montant qu'aurait ce même patrimoine si l'événement dommageable ne s'était pas produit. Le dommage de la société consiste dans l'augmentation du découvert entre le moment où la faillite aurait été prononcée si l'administrateur n'avait pas manqué à ses devoirs et le moment (impliquant une perte supérieure) où la faillite a effectivement été prononcée ( Fortführungsschaden; ATF 136 III 322 consid. 3.2; 132 III 342 consid. 2.3.3; arrêt 4A_133/2021 précité consid. 7.3.1 et 7.3.1.1).  
La première date déterminante (moment où la faillite aurait été prononcée si l'administrateur n'avait pas manqué à ses devoirs) présuppose d'établir le moment où l'administrateur avait des " raisons sérieuses d'admettre que la société [était] surendettée " (art. 725 al. 2 CO); à partir de cette date et en fonction des circonstances concrètes, il faut alors déterminer (projection) la date à laquelle la faillite aurait été prononcée. Cette dernière date doit être distinguée du moment où l'administrateur est tenu de dresser le bilan intermédiaire au sens de l'art. 725 al. 2 CO et de la date à laquelle la société a commencé à être surendettée (arrêts 4A_133/2021 précité consid. 7.3.1.2; 4A_97/2017 du 4 octobre 2017 consid. 4.1.1). 
Quant à la deuxième date déterminante, elle correspond au jour du prononcé de la faillite et ne nécessite donc aucune projection (arrêt 4A_133/2021 précité consid. 7.3.1.2). 
 
6.1.2. Le demandeur qui exerce l'action sociale en réparation du dommage causé à la société elle-même (quand bien même il a choisi de se limiter au montant de son propre découvert) a la charge d'alléguer et de démontrer l'aggravation de la situation financière de la société, soit d'alléguer et d'établir, à la valeur de liquidation, l'état du patrimoine de cette société aux deux dates déterminantes. Si le demandeur ne parvient pas à établir le dommage, le juge doit, en application de l'art. 8 CC, statuer à son détriment (ATF 132 III 689 consid. 4.5; 126 III 189 consid. 2b; arrêt 4A_133/2021 précité consid. 7.3.1.4).  
 
6.1.3. Dire s'il y a eu dommage et quelle en est la quotité est une question de fait qui lie le Tribunal fédéral (cf. art. 105 al. 1 LTF; ATF 131 III 360 consid. 5.1; arrêts 4A_133/2021 précité consid. 7.3.1.6: 4A_599/2018 du 26 septembre 2019 consid. 3.1). Celui-ci n'intervient que si l'autorité cantonale a méconnu la notion juridique du dommage ou s'est laissé guider par des critères erronés (ATF 127 III 73 consid. 3c; arrêt 4A_133/2021 précité consid. 7.3.1.6).  
 
6.2. La cour cantonale a rappelé que le bilan intermédiaire de C.________ SA au 31 décembre 2015 faisait état d'un découvert de 288'079 (sic) fr. 35 (recte: 274'304 fr. 31). Elle a ajouté que si on ne tenait pas compte de la dette envers D.________ de 158'850 fr. 37, qui avait été postposée et qui n'avait pas été produite dans la faillite, il en résultait un découvert de 129'228 fr. 98 (recte: 115'453 fr. 94), dont une somme de 100'000 fr. à titre de capital social. Au 31 décembre 2016, le découvert de la société s'élevait à 357'892 fr. 92. Toutefois, à cette date, la créance du prénommé figurait au bilan à hauteur de 218'727 fr. 93, ce qui laissait subsister une perte de 139'164 fr. 99, capital social compris. Ainsi, entre le 31 décembre 2015 et le 31 décembre 2016, il y avait eu une augmentation de l'endettement de la société de 9'936 fr. 01 (recte: 23'711 fr. 05). Cela étant, au 31 décembre 2016, le bilan faisait état d'une créance d'une filiale de C.________ SA à hauteur de 68'860 fr. Cette filiale, qui avait crédité la société de versements en 2016, n'avait pas produit sa créance dans la faillite, de sorte que l'on pouvait considérer que cette créance résultait vraisemblablement de fonds versés par D.________. Or, en tenant compte de cette créance (en la déduisant), on s'apercevait que l'avis de surendettement prétendument tardif au juge n'avait causé aucune augmentation du découvert dans la faillite (9'936 fr. 01 [recte: 23'711 fr. 05] - 68'860 fr.). Pour le reste, il n'apparaissait pas que la situation de la société se serait détériorée entre la fin de l'année 2016 et le prononcé de la faillite, qui avait eu lieu le 4 avril 2017. Ainsi, il n'était pas possible d'établir qu'un dommage aurait résulté d'un éventuel avis tardif de surendettement au juge de la part de l'intimé.  
 
6.3. En l'espèce, la recourante reproche à la cour cantonale d'avoir retenu que la dette d'un montant de 68'860 fr. provenait de fonds versés par D.________. Elle ajoute que même si tel était le cas, la cour cantonale ne pouvait pas la déduire du passif, puisqu'il ne ressortait pas du dossier qu'il aurait renoncé à demander le remboursement de cette somme. Le fait que la créance n'ait pas été produite dans la faillite ne permettait pas non plus de la déduire. Ce qui était déterminant, c'est qu'elle figurait au bilan. En réalité, le surendettement avait augmenté de 274'304 fr. 31 (au 31 décembre 2015) à plus de 350'000 fr. (au 31 décembre 2016).  
Tout d'abord, la question de la provenance du montant de 68'860 fr. relève des constatations de fait. En l'occurrence, la recourante ne parvient pas, en quelques phrases, à démontrer que la cour cantonale aurait sombré dans l'arbitraire en retenant que ceux-ci provenaient de D.________. 
Autre est la question de savoir si ce montant pouvait ou non être déduit dans le calcul du dommage. Elle peut néanmoins souffrir de demeurer indécise. 
En effet, les circonstances du cas d'espèce ont ceci de particulier que la cour cantonale a elle-même retenu que l'intimé n'avait pas agi de manière tardive en avisant le juge par courrier recommandé du 3 juin 2016, ce qui, tel qu'on l'a vu, n'est pas critiquable. Il n'y a ainsi pas lieu d'analyser un éventuel dommage en considérant que la faillite aurait dû être prononcée le 31 décembre 2015, puisqu'à ce moment-là, l'intimé ne saurait se voir reprocher une violation de son devoir de diligence. Devant la cour cantonale, l'appelante soutenait néanmoins que le fait que l'autorité de première instance en matière de faillite avait rejeté la requête de faillite le 10 octobre 2016 était imputable à l'intimé. Ainsi, on pourrait tout au plus retenir que la faillite aurait dû être prononcée le 10 octobre 2016, voire au plus tôt le 3 juillet 2016, après l'avis au juge du 3 juin 2016. Or, il ne ressort pas des constatations de la cour cantonale qu'entre le 10 octobre 2016 (voire le 3 juillet 2016) et le jour du prononcé de la faillite, soit le 4 avril 2017, la situation de la société se serait détériorée. Les juges cantonaux ont expressément relevé qu'il n'apparaissait pas qu'elle se serait dégradée entre le 31 décembre 2016 et le 4 avril 2017. Pour la période d'octobre 2016 (voire de juillet 2016) à décembre 2016, l'état de fait cantonal ne contient aucune donnée précise. Il est constaté que D.________ a procédé à des versements sur le compte de C.________ SA jusqu'au mois de juin 2016, et que la société " Filial E.________ " a versé des montants du 5 février au 18 avril 2016. Cela est toutefois antérieur à la période pertinente. Il n'est pas fait état de quelconques dettes intervenues durant ladite période, que ce soit celles des créanciers susmentionnés ou d'autres créanciers. 
Au vu de ce qui précède, on doit considérer qu'il n'est pas établi que l'intimé aurait causé un quelconque dommage à C.________ SA. 
 
7.  
En définitive, le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
Les frais judiciaires et les dépens seront mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 20 septembre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Hohl 
 
La Greffière : Raetz