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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_166/2022  
 
 
Arrêt du 29 juin 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jametti, Présidente, Hohl, Kiss, 
Rüedi et May Canellas, 
greffière Monti. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Patrick Fontana, avocat, 
demanderesse et recourante, 
 
contre  
 
Z.________ SA, 
représentée par Me Jacques Evéquoz, avocat, 
défenderesse et intimée. 
 
Objet 
devoir d'aviser le juge du surendettement de la société anonyme; dommage causé par le retard à donner un tel avis, 
 
recours en matière civile contre le jugement rendu le 2 mars 2022 par la Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais (C1 19 190). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. La société anonyme X.________ SA, sise en Valais, exploitait une entreprise de constructions. Y.________ en était l'administrateur unique et Z.________ SA l'organe de révision. La société était soumise à un contrôle restreint (art. 727a CO).  
A.________ SA mettait du personnel à sa disposition. Dès la fin de l'année 2008, cette entreprise a été payée avec retard pour ses services, puis n'a plus été rémunérée dès juillet 2009. 
 
A.b. Le 5 février 2010, l'administrateur Y.________ a déposé un avis de surendettement auprès du Tribunal cantonal (VS). Celui-ci a prononcé la faillite de la société en février 2010.  
A.________ SA a produit une créance de 141'244 fr. 35 qui a été colloquée en troisième classe. 
Des actes de défaut de biens ont été délivrés pour 5'223'420 fr. 69. A.________ SA n'a touché aucun dividende. 
La masse en faillite a cédé ses droits à A.________ SA et à d'autres créancières (M.________ SA, N.________ SA et O.________ Sàrl). 
 
B.  
 
B.a. Ces trois sociétés anonymes ont chacune intenté une action en responsabilité contre l'administrateur et l'organe de révision de la faillie. La société à responsabilité limitée en a fait de même ultérieurement. Dans sa demande déposée le 23 mai 2012 devant le tribunal précité, A.________ SA concluait au paiement de 141'244 fr. 35, équivalant à son propre découvert.  
Une expertise comptable a été confiée à la succursale vaudoise d'une fiduciaire zurichoise. Un rapport principal élaboré par deux de ses collaborateurs a été rendu le 28 juillet 2015, suivi d'un complément le 11 février 2016. 
Il s'est avéré que les pièces justificatives de la comptabilité avaient été détruites sans qu'on pût désigner un coupable. Ceci dit, les comptes de l'exercice 2008, malgré le bénéfice affiché, présentaient une situation bien meilleure qu'elle ne l'était en réalité: Une "facture" de quelque 400'000 fr. avait été enregistrée dans le chiffre d'affaires alors qu'elle ne se rapportait à aucuns travaux effectifs. En outre, il existait un écart important (supérieur à 1,5 millions de fr.) entre les montants facturés sur certains chantiers et le prix de revient réel. S'ils avaient été établis correctement, ces comptes auraient mis en exergue un surendettement de 770'000 fr. au moins en valeur d'exploitation, respectivement de 1'817'000 fr. au moins en valeur de liquidation. L'organe de révision de la faillie - qui avait cumulé les fonctions en participant aussi à l'établissement des comptes - "aurait dû se rendre compte de la situation préoccupante de la société en janvier ou février 2009 au plus tard, lors de la clôture des comptes 2008". 
Les quatre causes ont été jointes le 27 juin 2019. 
Par jugement du 7 août 2019, le tribunal a intégralement admis les demandes et condamné solidairement l'administrateur et l'organe de révision à indemniser les quatre créancières, à raison de 141'244 fr. 35 pour A.________ SA. Ayant confondu le dommage direct des créanciers sociaux avec le dommage indirect, celles-ci n'avaient invoqué dans leurs écritures que le dommage personnellement subi, voire le découvert après la faillite. Ceci dit, la thématique avait été suffisamment exposée dans les actes introductifs d'instance pour que les experts fussent interrogés sur le dommage. Celui-ci pouvait être estimé à 3'449'000 fr., soit la différence entre le découvert final estimé à 5'266'000 fr. et le surendettement de 1'817'000 fr. prévalant selon les derniers comptes du 31 décembre 2008. L'on pouvait admettre que le découvert après la liquidation de la faillite correspondait au découvert à l'ouverture de celle-ci. Le total des conclusions étant inférieur à 3'449'000 fr., elles pouvaient toutes être allouées. 
 
B.b. Statuant le 2 mars 2022 sur les appels interjetés par l'administrateur et l'organe de révision de la faillie, le Tribunal cantonal valaisan a rejeté trois demandes (dont celle de A.________ SA) et pris acte de la transaction mettant un terme à la quatrième demande. Il a jugé que les allégués des créancières étaient insuffisants et le dommage non établi (cf. consid. 4 infra).  
 
C.  
A.________ SA a interjeté un recours en matière civile à l'issue duquel elle invite le Tribunal fédéral à condamner l'organe de révision Z.________ SA (l'intimée) à lui verser 141'244 fr. 35. 
L'intimée a déposé une réponse préconisant le rejet du recours. 
Un second échange d'écritures spontané s'en est suivi. 
L'autorité précédente s'est référée à son arrêt. 
La requête d'effet suspensif jointe au recours a été rejetée par ordonnance du 11 avril 2022. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment celles ayant trait au délai du recours (art. 100 al. 1 LTF) et à la valeur litigieuse minimale de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF). 
On relèvera que le recours ne vise pas l'administrateur de la faillie Y.________, si bien que le jugement libératoire du 2 mars 2022 est définitif pour lui. 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter ses constatations que si elles sont manifestement inexactes - c'est-à-dire arbitraires - ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).  
Pour critiquer l'état de fait retenu dans l'arrêt attaqué, le justiciable doit satisfaire au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées) : il doit expliquer clairement et de manière circonstanciée ce qui justifierait d'opérer des rectifications ou de combler des lacunes (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Dans cette seconde hypothèse, il doit démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'il a présenté aux autorités cantonales, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). A défaut de satisfaire à ces exigences, les affirmations qui s'écarteraient des faits arrêtés dans la décision entreprise ne pourront pas être prises en compte (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1), et les critiques appellatoires seront déclarées irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3). 
Vu ce qui précède, le long exposé des faits présenté dans le recours ne sera pas pris en compte dans la mesure où il s'écarte de la version retenue par l'arrêt attaqué, laquelle fait foi. 
 
2.2. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Cependant, il ne traite que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes (ATF 141 III 86 consid. 2; 140 III 115 consid. 2).  
 
3.  
 
3.1. Il est reproché aux organes de la société - désormais au seul organe de révision Z.________ SA - d'avoir tardé fautivement à aviser le juge de son surendettement (" Konkursverschleppung "). Celui-ci se serait accru dans l'intervalle, causant un dommage à la société (ATF 136 III 322 consid. 3.2; 132 III 564 consid. 5.1 i.f.).  
Comme l'ont expliqué les juges valaisans, ce préjudice est un dommage direct pour la société et un dommage "par ricochet" pour les créanciers sociaux: du fait de sa situation financière, celle-là ne peut plus payer ceux-ci (ATF 141 III 112 consid. 5.2.2; 132 III 564 consid. 3.1.2; sur la faculté des créanciers de conduire le procès pour la masse en faillite, cf. ATF 132 III 564 consid. 3.2.2; arrêt 4A_555/2009 du 3 mai 2010 consid. 2.2). Les demanderesses ont confondu les deux types de dommage, ce qui a influé sur leur manière de procéder (cf. consid. 6.3 infra).  
 
3.2. Pour établir le dommage causé par la poursuite de l'exploitation de l'entreprise (" Fortführungsschaden zufolge Konkursverschleppung "), il faut se référer au surendettement existant lors du prononcé effectif de la faillite, puis soustraire le surendettement moindre prévalant au moment où la faillite aurait dû être prononcée si les organes s'étaient montrés vigilants (ATF 136 III 322 consid. 3.2 ab initio et 3.2.1; 132 III 564 consid. 6.2; 132 II 342 consid. 2.3.3; arrêts 4A_188/2022 du 20 septembre 2022 consid. 6.1.1; 4A_133/2021 du 26 octobre 2021 consid. 7.3.1.1 et 7.3.1.3; 4A_97/2017 du 4 octobre 2017 consid. 4.1 ab initio et 4.1.2; voir aussi PETER BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht, 5e éd. 2022, § 16 n. 220 et les nombreux arrêts cités en sous-note 700; BERNARD CORBOZ, Le dommage dans les actions en responsabilité contre les organes sociaux, in Développements récents en droit commercial II, [Chabot éd.] 2013, p. 106).  
L'on se gardera de confondre le moment où la faillite aurait dû être prononcée avec celui, antérieur, où l'administrateur aurait eu des "raisons sérieuses d'admettre que la société [était] surendettée" (art. 725 al. 2 aCO) : à ce stade-ci, il est censé dresser un bilan intermédiaire à la valeur d'exploitation et à la valeur de liquidation (ce que précise désormais expressément l'art. 725b al. 1 première phrase nCO), qui sera vérifié par un réviseur agréé puis, s'il apparaît que les dettes sociales ne sont plus couvertes par les actifs, le juge devra être avisé. Encore faut-il pronostiquer à quelle date la faillite aurait été prononcée (arrêts précités 4A_188/2022 consid. 6.1.2; 4A_133/2021 consid. 7.3.1.2; 4A_97/2017 consid. 4.1.1; 4A_270/2016 du 7 octobre 2016 consid. 2.2.1; BÖCKLI, op. cit., § 16 n. 224). 
 
3.3. Le demandeur qui intente l'action sociale en réparation du dommage causé à la société doit alléguer et prouver l'aggravation de la situation financière, soit l'état du patrimoine social aux deux dates déterminantes (prononcé de faillite effective et prononcé de faillite antérieur), à la valeur de liquidation (ATF 136 III 322 consid. 3.2.1 p. 326, confirmé à maintes reprises, dont à l'arrêt 4A_218/2020 du 19 janvier 2021 consid. 6.1.2; BÖCKLI, op. cit., § 16 n.223). Pour ce faire, il devra demander la mise en oeuvre d'une expertise. Peu importe que le dossier contienne tous les documents et les pièces disponibles: il n'appartient pas au juge de reconstituer l'état du patrimoine de la société, seul un expert disposant des connaissances techniques nécessaires (arrêts précités 4A_188/2022 consid. 6.1.2; 4A_133/2021 consid. 7.3.1.3 et 7.3.1.4; 4A_97/2017 consid. 4.1.2 et 4.1.3; 4A_270/2016 consid. 2.2.2).  
L'art. 42 al. 2 CO, qui facilite la preuve lorsque le montant exact du dommage ne peut être établi, a naturellement vocation à s'appliquer en ce domaine (WALTER STOFFEL : Leuchttürme oder Untiefen?, in RSDA 2017 p. 655 i.f. -656). Le demandeur n'est pas pour autant dispensé de fournir au juge, dans la mesure où l'on peut raisonnablement l'exiger de lui, tous les éléments de fait qui constituent des indices sur l'existence du dommage et permettent ou facilitent son estimation: en d'autres termes, l'art. 42 al. 2 CO ne permet pas à la personne lésée de formuler des prétentions de n'importe quel montant sans indications précises (parmi une jurisprudence fermement ancrée, cf. notamment arrêts précités 4A_133/2021 consid. 7.3.1.5; 4A_218/2020 consid. 6.1.3; 4A_97/2017 consid. 4.1.3).  
 
 
4.  
Dans le cas concret, la cour cantonale a recensé deux types d'obstacles aux conclusions des demanderesses: 
 
- au niveau des allégations: 
aucune demanderesse n'avait indiqué quand la faillite aurait dû être prononcée si les organes avaient accompli leurs devoirs respectifs.  
Le surendettement existant à l'ouverture effective de la faillite, en février 2010, n'avait pas non plus été allégué. 
- Au niveau probatoire, 
la preuve du dommage n'avait pas été rapportée: 
les experts s'étaient fondés sur le découvert final dans la faillite (5'266'160 fr. 69) dont ils avaient soustrait le surendettement qui aurait pu être constaté en février 2009 (1'817'000 fr.). Le premier juge avait postulé que le surendettement à l'ouverture effective de la faillite équivalait au découvert final, sous prétexte que n'avaient pas été invoquées des variations conjoncturelles qui auraient diminué la valeur des biens, ou des exécutions de contrats qui auraient pu accroître le découvert. Une telle prémisse était erronée: quelque deux ans s'étaient écoulés entretemps et d'importants frais avaient été encourus durant la liquidation. Au demeurant, semblable affirmation ne devrait émaner que d'un expert et non d'un juge, vu le caractère technique de la question. Le demandeur aurait dû solliciter l'expert pour qu'il évalue, à la valeur de liquidation, l'état financier de la société en février 2010. 
La cour cantonale n'ignorait pas que les pièces justificatives de la comptabilité avaient été détruites. Les demanderesses n'étaient pas pour autant démunies pour établir un état financier de la société au mois de février 2010. Le jugement de faillite évoquait un bilan intermédiaire au 31 décembre 2009 et le dossier comprenait un bilan avec un compte de pertes et profits au 31 décembre 2009, plus un journal imprimé le 4 février 2010. Les experts auraient pu travailler sur ces bases, moyennant des ajustements. 
 
5.  
 
5.1. Au préalable, l'on notera que le présent litige doit être jugé à l'aune de l'ancien droit de la société anonyme (en particulier l'ancien art. 725 al. 2 aCO), même si cela n'influe pas à proprement parler sur l'analyse juridique.  
 
 
5.2. La recourante s'en prend aux deux pans du raisonnement synthétisé ci-dessus (consid. 4).  
Tout d'abord, elle fait grief à l'autorité précédente d'avoir sombré dans le formalisme excessif et l'abus de droit lorsqu'elle a retenu des lacunes dans les allégations des parties. Le grief vaudrait en particulier pour la date hypothétique d'ouverture de la faillite. 
A ce sujet, les demanderesses (plus exactement deux d'entre elles) ont simplement allégué que si les comptes avaient été bouclés correctement et si l'organe de révision avait effectué correctement des vérifications le 11 février 2009, le surendettement aurait exigé un dépôt de bilan à cette date. 
Interpellés sur ce point, les experts ont expliqué que le réviseur des comptes (qui participait aussi à l'établissement des comptes, ce que les juges ont critiqué) "aurait dû se rendre compte de la situation préoccupante de la société en janvier ou février 2009 au plus tard, lors de la clôture des comptes 2008". A ce moment-là, il aurait pu inférer un surendettement de 1'817'000 fr. selon la valeur de liquidation. 
Le premier juge a considéré que l'on pouvait jouer avec la marge d'appréciation laissée par les experts (janvier ou février 2009) et le fait que l'organe de révision avait cumulé les fonctions, ce qui facilitait au moins la découverte du surendettement. Il en a conclu que si le réviseur avait montré la diligence requise, il aurait constaté le surendettement de la société en même temps qu'il bouclait les comptes; il aurait alors pu effectuer les vérifications nécessaires et aviser le juge le 11 février 2009 au plus tard. 
 
5.3. La recourante soulève la problématique des faits qui ont été révélés par une expertise sans avoir été allégués: de son point de vue, le juge devrait pouvoir en tenir compte, sauf à tomber dans le formalisme excessif ou l'abus de droit.  
Le CPC fédéral n'a pas repris la règle qu'avaient instituée certaines procédures cantonales, permettant de prendre en compte des faits prouvés par expertise, mais non allégués. Un courant doctrinal soutient qu'au nom de la vérité matérielle, de tels faits devraient pouvoir être retenus. La maxime des débats et le principe de disposition seraient liés au principe de célérité, lequel ne serait nullement menacé par une telle dérogation (ALFRED BÜHLER, Gerichtsgutachter und -gutachten im Zivilprozess, in Gericht und Expertise, [SWR] 2005, p. 70-73; ANNETTE DOLGE, in Basler Kommentar, 3e éd. 2017, n° 16 ad art. 183 CPC; JEANNIN/BOHNET, Les pièges du fardeau de l'allégation en procédure civile, in Jusletter du 16 novembre 2015 p. 6-7; SVEN RÜETSCHI, in Berner Kommentar, 2012, n os 44 et 46 ad art. 183 CPC). Dans des états de fait complexes, les parties ne peuvent pas citer en détail tous les éléments factuels, mais le justiciable devrait au moins faire clairement ressortir sur quels faits il attend un résultat de l'expertise (CHRISTOPH LEUENBERGER, Nicht behauptete Tatsachen als Ergebnisse des Beweisverfahrens, in Rechtsetzung und Rechtsdurchsetzung, [FS für Hans Kellerhals], 2005, p. 317 i.f. -318, et la référence à MAX GULDENER, Schweizerisches Zivilprozessrecht, 3e éd. 1979, p. 350).  
 
5.4. En l'occurrence, le premier juge s'est satisfait de l'allégué des demanderesses (consid. 5.2 supra) et de la réponse donnée par les experts. Sur cette base, il a retenu la date hypothétique du prononcé de la faillite (11 février 2009). Un tel procédé n'apparaît pas d'emblée critiquable (cf. arrêt précité 4A_97/2017 consid. 4.2, qui laisse la question en suspens).  
Cependant, il n'est pas nécessaire d'en discourir plus avant, ni de déterminer si les conclusions qu'en a tirées le premier juge sont conformes au droit fédéral. Car un autre obstacle se dresse. 
 
6.  
 
6.1. La cour cantonale a considéré que le dommage n'était pas prouvé: l'on ignorait le surendettement à l'ouverture effective de la faillite le 23 février 2010. L'expert s'était basé sur le découvert final et le premier juge avait validé cette façon de faire, considérant que le montant équivalait au découvert final. Les juges cantonaux se sont inscrits en faux contre cette assimilation (consid. 4 supra).  
 
6.2. La recourante ne tente nullement de contrer ce raisonnement. Elle se borne à soutenir globalement que le jugement aboutit à un résultat arbitraire qui heurte le sens de la justice et de l'équité. Une critique aussi peu étoffée ne satisfait pas aux exigences de motivation. Et l'analyse des juges d'appel n'apparaît pas entachée d'une erreur manifeste: sachant que la liquidation d'une faillite implique une série d'opérations et des frais (liquider les biens périssables ou dispendieux à conserver, encaisser les créances échues, intenter des actions révocatoires, etc...), l'état de fait qui lie la cour de céans n'autorise guère à conclure que le surendettement, respectivement la situation patrimoniale de la société n'aurait pas varié entre l'ouverture et la clôture de la faillite.  
 
6.3. La recourante objecte encore qu'elle se trouvait dans un état de nécessité probatoire comme les pièces comptables avaient entièrement disparu - soi-disant par la faute de l'administrateur.  
Une défense sommaire, simplement axée sur l'absence de certaines pièces comptables et n'expliquant pas en quoi les allégations auraient concrètement permis d'estimer le dommage, ne justifie pas le recours à l'art. 42 al. 2 CO (cf. arrêt précité 4A_218/2020 consid. 6.1.2). Le moyen brandi se heurte à l'écueil de l'irrecevabilité. Il faut garder à l'esprit que les demanderesses cherchaient avant tout à recouvrer leurs créances et qu'elles ont confondu le dommage direct de la société avec le dommage indirect des créanciers sociaux, qui ne sont affectés que par ricochet. Cette erreur s'est ressentie au niveau de leurs allégations, des pièces produites et des questions posées aux experts. Elle sonne le glas de la prétention pécuniaire émise par la recourante. En effet, l'art. 42 al. 2 CO n'a pas vocation à remédier à ce type d'erreur. La cour cantonale n'a pas méconnu les difficultés probatoires dans le cas d'espèce, mais elle a supputé qu'elles étaient surmontables, motivation à l'appui. Et la recourante s'abstient tout bonnement d'opposer une critique suffisamment étayée. 
 
6.4. Dans ces circonstances, il n'apparaît pas que l'autorité précédente aurait enfreint le droit fédéral en retenant que le surendettement en février 2010 n'avait pas été prouvé et que les demanderesses - dont la recourante - devaient en supporter les conséquences. Ce motif suffit à rejeter l'action de A.________ SA, et partant son recours.  
Les autres griefs s'en trouvent privés d'objet, si bien qu'il n'est pas nécessaire de les traiter. 
 
7.  
En définitive, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable, aux frais de son auteur (art. 66 al. 1 LTF) qui versera une indemnité à son adverse partie pour ses frais d'avocat (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'500 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 6'500 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour civile II du Tribunal cantonal valaisan et, pour information, à Y.________, M.________ SA, N.________ SA et à P.________. 
 
 
Lausanne, le 29 juin 2023 
 
Au nom de la I re Cour de droit civil  
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
La Greffière : Monti