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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_855/2016  
   
   
 
 
 
Arrêt du 26 juillet 2017  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
M. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, 
Jacquemoud-Rossari et Rüedi. 
Greffière : Mme Musy. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Daniel Kinzer, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Service d'application des peines et mesures (SAPEM), route des Acacias 82, 1211 Genève 26, 
intimé. 
 
Objet 
Placement en milieu fermé; intérêt juridiquement protégé, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 1er juillet 2016. 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Par arrêt du 7 octobre 2014, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice du canton de Genève a ordonné que A.________ soit soumis à un traitement institutionnel contre les addictions au sens de l'art. 60 CP, la peine privative de liberté de 4 ans et 6 mois, sous déduction de 489 jours de détention avant jugement, qui lui avait été infligée en première instance étant suspendue au profit de la mesure prononcée (art. 57 al. 2 CP). Dès le 25 novembre 2014, le Service d'application des peines et mesures (SAPEM) a placé A.________ au sein de la fondation B.________ à Lausanne.  
 
A.b. Par requête du 21 août 2015, le Ministère public, se fondant sur un rapport du SAPEM du 18 août 2015, a demandé au Tribunal d'application des peines et mesures (TAPEM) la levée de la mesure institutionnelle et la réincarcération immédiate de A.________ afin qu'il purge le solde de peine. Par ordonnance du 25 août 2015, le TAPEM a nommé Me Daniel Kinzer à la défense d'office de A.________. Ce dernier ne s'est pas présenté à l'audience du 1er septembre 2015 devant le TAPEM, qui a suspendu la procédure dans l'attente du traitement de la requête de récusation du Procureur déposée par A.________, finalement rejetée par arrêt du 2 novembre 2015 de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice.  
 
A.c. Le 2 septembre 2015, le SAPEM a émis un ordre d'écrou et demandé que A.________ soit détenu à la prison de Champ-Dollon dès son arrestation dans l'attente de la décision du TAPEM. Par décision du même jour, le SAPEM a décidé de "  la réintégration [de A.________] en milieu pénitentiaire fermé dans l'attente de la décision du Tribunal d'application des peines et des mesures quant à la poursuite de la mesure au sens de l'art. 60 CP ". L'autorité a justifié sa décision par le non-respect par l'intéressé du cadre mis en place par les intervenants de la fondation B.________, sa consommation régulière de produits stupéfiants, en particulier à l'intérieur de l'institution, ses fugues régulières et le fait qu'il n'était plus dans une démarche thérapeutique. Elle relevait également son défaut à l'audience du 1er septembre 2015 devant le TAPEM et que la fondation B.________ était sans nouvelle de lui depuis sa fugue signalée le 31 août 2015. Cette décision a été notifiée à A.________ le 14 janvier 2016. Dans l'intervalle, le 14 décembre 2015, l'intéressé avait été arrêté puis écroué à la prison de Champ-Dollon.  
 
A.d. Par jugement du 28 janvier 2016, le TAPEM a ordonné la levée de la mesure institutionnelle au sens de l'art. 60 CP et la réincarcération de A.________ dans l'exécution du solde de sa peine.  
 
B.   
Par arrêt du 1er juillet 2016, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice a déclaré irrecevable le recours de A.________ dirigé contre la "  décision de placement en milieu fermé (mesure conservatoire) " du SAPEM du 2 septembre 2015. En substance, elle a retenu que le recours n'avait pas été formé dans le délai et que A.________ n'avait plus d'intérêt actuel à faire constater la nullité, éventuelle, de la décision du SAPEM. Par ailleurs, la Chambre pénale de recours a rejeté la demande d'assistance judiciaire formée par A.________, considérant que son recours était dépourvu de chances de succès.  
 
C.   
A.________ forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral contre ce jugement. Il conclut, avec suite de frais et dépens, à ce qu'il soit ordonné à l'autorité intimée d'entrer en matière sur son recours contre la décision de placement en milieu fermé (mesure conservatoire) rendue par le SAPEM, et que l'assistance judiciaire pour la procédure cantonale de recours lui soit accordée. Il sollicite par ailleurs le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
 
D.   
Invités à se déterminer, la Chambre pénale de recours s'est référée aux considérants de son arrêt, tandis que le SAPEM a présenté des observations et conclu au rejet du recours. Le recourant a renoncé à répliquer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Selon l'art. 81 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière pénale quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente et a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée, à savoir, en particulier, l'accusé (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF). 
Attendu que le recourant se plaint d'un déni de justice formel dans la mesure où la cour cantonale a refusé d'entrer en matière sur ses griefs, et qu'il invoque par ailleurs une violation de son droit à l'assistance judiciaire, il dispose d'un intérêt à recourir contre la décision de dernière instance cantonale. La question de savoir si l'autorité précédente était bien-fondée à déclarer le recours cantonal irrecevable faute d'intérêt actuel sera examinée ci-après. 
 
2.  
 
2.1. Toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci. De jurisprudence constante, cet intérêt doit être actuel et pratique (cf. ATF 137 I 296 consid. 4.2 p. 299).  
 
2.2. Le recourant s'est plaint auprès de l'autorité précédente de l'illicéité de la décision du SAPEM du 2 septembre 2015, qui n'avait selon lui pas la compétence pour ordonner son placement en milieu pénitentiaire fermé. Cette décision rendue sans droit avait eu pour conséquence qu'il avait passé 45 jours de détention sans contrôle judiciaire et sans avoir été informé de son droit à requérir sa libération en tout temps.  
Selon la cour cantonale, le SAPEM n'avait pas ordonné une nouvelle mesure ni modifié la mesure existante, mais en avait uniquement transféré le lieu d'exécution, ce qu'il était en droit de faire. Le SAPEM ajoute dans ses déterminations que sa décision avait été prise à titre provisionnel, dans l'attente d'un lieu de placement plus adapté en fonction de la décision qui allait être rendue par le TAPEM. Or selon l'arrêt attaqué, tout intérêt à recourir contre la décision du SAPEM du 2 septembre 2015 avait disparu dans la mesure où elle avait été " entérinée " par le TAPEM, qui avait ordonné la levée de la mesure fondée sur l'art. 60 CP et la réincarcération du recourant par jugement du 28 janvier 2016.  
L'argumentation des parties implique d'examiner préalablement le fondement de la décision du SAPEM. 
 
2.2.1. L'art. 60 al. 3 CP - à la différence de l'art. 59 CP concernant le traitement des troubles psychiques et la jurisprudence y relative (ATF 142 IV 1; arrêt 6B_629/2009 du 21 décembre 2009) - ne prévoit pas que le traitement des addictions puisse être exécuté dans un établissement pénitentiaire; aux termes de cette disposition, le traitement s'effectue dans un établissement spécialisé ou, si besoin est, dans un hôpital psychiatrique. Ainsi, contrairement à ce qu'affirment la cour cantonale et le SAPEM, ce dernier ne pouvait pas ordonner le placement du recourant en établissement pénitentiaire comme modalité d'exécution de la mesure de l'art. 60 CP. Par ailleurs, l'exécution de la peine étant suspendue au profit de la mesure conformément à l'arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice du 7 octobre 2014, le SAPEM ne pouvait pas non plus ordonner la détention du recourant pour des motifs de sûreté dans le but de garantir l'exécution de la peine (cf. art. 440 al. 1 CPP). Même dans cette hypothèse, le cas doit être déféré au tribunal dans les cinq jours à compter de la mise en détention (art. 440 al. 2 CPP). Enfin, même si la mesure avait été levée, le SAPEM n'aurait pas été compétent pour ordonner la réintégration dans l'exécution du solde de la peine, dès lors qu'il appartient au tribunal de statuer sur les conséquences juridiques de la levée de la mesure, notamment de décider si le solde de la peine doit être exécuté (art. 62c al. 2 CP; ATF 141 IV 49 consid. 2.4 et 2.5 p. 52 s.).  
Le droit fédéral ne prévoit donc pas de mécanisme selon lequel l'autorité d'exécution rendrait une décision conservatoire de réincarcération jusqu'au prononcé du jugement du tribunal sur la réintégration dans l'exécution du solde de peine, lequel aurait pour effet de valider, avec effet ex tunc, la mesure provisionnelle de l'autorité d'exécution. Sous cet angle, la motivation cantonale viole le droit fédéral. 
 
2.2.2. Le SAPEM soutient que selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 142 IV 105 consid. 5.8 p. 3; arrêt 6A.20/2006 du 12 mai 2006 consid. 4.5), la détention d'un condamné à une mesure dans un établissement carcéral est conforme au droit matériel fédéral lorsqu'il s'agit d'une situation d'urgence transitoire de courte durée. La jurisprudence précitée concerne toutefois une situation différente de celle d'espèce, soit l'attente d'une place disponible dans un établissement approprié pour l'exécution de la mesure. Elle précise qu'un séjour temporaire dans un établissement de détention ou un établissement pénitentiaire n'est admissible que tant que celui-ci est nécessaire pour trouver un établissement approprié. En outre, il ne faut pas que le véritable but de la mesure ne réside plus que dans la mise en sûreté de l'intéressé. Une telle privation de liberté n'est ainsi valable que sous des conditions très strictes (ATF 142 IV 105 précité consid. 5.8.1 p. 115 s.).  
Il est ainsi douteux que le placement du recourant en établissement carcéral, pour une durée indéterminée et sous le motif du non-respect du cadre de la mesure, trouve une justification dans cette jurisprudence. 
 
2.2.3. Quoi qu'il en soit, le jugement du TAPEM a eu pour effet que le recourant doit désormais exécuter le solde de sa peine, dont il conviendra d'en déduire notamment les 45 jours passés en établissement carcéral résultant de la décision du SAPEM. Sur interpellation de la cour cantonale, le recourant avait indiqué "  maint[enir] le recours, quand bien même la détention était désormais fondée sur la décision rendue par le Tribunal d'application des peines et mesures en date du 28 janvier 2016" (arrêt attaqué, p. 4). Il n'a cependant pas dit en quoi il subissait un préjudice du fait de ces 45 jours passés en milieu fermé, alors qu'il devait de toute façon, en vertu de la décision du TAPEM, exécuter le solde de sa peine de 4 ans et 6 mois infligée par le tribunal de première instance. Il ne l'explicite pas davantage devant le Tribunal fédéral.  
Il découle ainsi de ce qui précède que le jugement du TAPEM du 28 janvier 2016 prononçant la réintégration du recourant dans l'exécution du solde de peine n'avait certes pas pour effet d' "entériner " la décision du SAPEM. Ce jugement faisait néanmoins disparaître l'intérêt actuel et pratique du recourant à invoquer la nullité de la décision de l'autorité d'exécution, dès lors que les 45 jours de placement en milieu fermé en résultant devront être déduits du solde de sa peine, qu'il est actuellement en train d'exécuter. La cour cantonale était dès lors fondée à conclure à l'irrecevabilité du recours faute d'intérêt juridiquement protégé. 
 
2.2.4. La question de savoir si le recours cantonal était de surcroît tardif peut dès lors demeurer ouverte.  
 
3.   
Le recourant reproche à l'instance précédente d'avoir retenu que sa cause était dénuée de chances de succès. 
 
3.1. Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter; il ne l'est en revanche pas lorsque les chances de succès et les risques d'échec s'équilibrent à peu près, ou que les premières ne sont que légèrement inférieures aux secondes. L'élément déterminant réside dans le fait que l'indigent ne doit pas se lancer, parce qu'il plaide aux frais de la collectivité, dans des démarches vaines qu'une personne raisonnable n'entreprendrait pas si, disposant de moyens suffisants, elle devait les financer de ses propres deniers (cf. ATF 138 III 217 consid. 2.2.4 p. 218; 129 I 129 consid. 2.2 p. 133 ss). La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 133 III 614 consid. 5). Les chances de succès ne doivent pas être déniées lorsque les démarches à entreprendre portent sur des questions complexes et que leur issue apparaît incertaine (ATF 124 I 304 consid. 4b p. 309; arrêt 5A_842/2011 du 24 février 2012 consid. 5.3, non publié in ATF 138 III 217). L'assistance judiciaire peut être refusée lorsqu'il apparaît d'emblée que la démarche est manifestement irrecevable, que la position du requérant est juridiquement infondée (par exemple en raison du dépôt tardif de la plainte ou d'une infraction ne protégeant pas les intérêts privés) ou si la procédure pénale est vouée à l'échec, notamment lorsqu'une ordonnance de non-entrée en matière ou de classement doit être rendue. De manière générale, en cas de doute, l'assistance judiciaire doit être accordée, le cas échéant, en la limitant à la première instance (arrêt 1B_173/2014 consid. 3.1.1 du 17 juillet 2014 et les références citées).  
La cour cantonale a refusé la requête d'assistance judiciaire du recourant au motif que sa cause paraissait dépourvue de toute chance de succès, considérant qu'il était admis que le placement dans un établissement pénitentiaire fermé au sens de l'art. 76 al. 2 CP pouvait être ordonné par l'autorité d'exécution et que la décision rendue par le SAPEM n'était, dès lors, très vraisemblablement pas nulle. Or, comme vu ci-dessus, la mesure de l'art. 60 CP ne permet pas à l'autorité d'exécution de placer le recourant dans un établissement carcéral au sens de l'art. 76 al. 2 CP (consid. 2 supra). Sous cet angle, la cour cantonale ne pouvait pas fonder sa décision de refus de l'assistance judiciaire pour ce motif. En revanche, dès lors que le recourant ne disposait pas d'un intérêt pratique et actuel à recourir contre la décision du SAPEM, comme le relève l'arrêt cantonal, sa démarche paraissait effectivement dénuée de toute chance de succès. Le refus d'assistance judiciaire n'apparaît par conséquent pas mal fondé. 
 
4.   
Le recours est rejeté. Il n'était cependant pas dénué de toute chance de succès, compte tenu de la motivation cantonale erronée. En outre, la nécessité pour l'intéressé de recourir aux services d'un avocat ne fait pas de doute. L'assistance judiciaire doit par conséquent être accordée au recourant, qui ne dispose pas de ressources suffisantes (art. 64 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
La demande d'assistance judiciaire est admise et Me Daniel Kinzer, avocat à Genève, est désigné en qualité de conseil d'office de A.________. 
 
3.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4.   
La Caisse du Tribunal fédéral versera une indemnité de 1500 fr. à Me Daniel Kinzer au titre de l'assistance judiciaire. 
 
5.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours. 
 
 
Lausanne, le 26 juillet 2017 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Denys 
 
La Greffière : Musy