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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_883/2023  
 
 
Arrêt du 4 mars 2024  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président, 
Hurni et Hofmann. 
Greffière : Mme Paris. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par 
Me Kathrin Gruber, avocate, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy. 
 
Objet 
Mesure thérapeutique institutionnelle en milieu fermé, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 10 octobre 2023 (ACPR/782/2023 - PS/56/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par décision du 26 avril 2023, le Service de l'application des peines et mesures (ci-après: le SAPEM) a ordonné l'exécution en milieu fermé de la mesure thérapeutique institutionnelle prononcée par la Chambre d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Chambre pénale) le 30 mars 2017 contre A.________. Il a ainsi révoqué le placement en milieu ouvert ordonné le 21 octobre 2022. 
 
B.  
Par arrêt du 10 octobre 2023, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté le recours formé par A.________ contre la décision du 26 avril 2023. 
Il ressort en substance de cet arrêt les faits suivants: 
 
B.a. Par arrêt du 30 mars 2017, la Chambre pénale a condamné A.________ à une peine privative de liberté de quatre ans, sous déduction de 456 jours de détention avant jugement, pour instigation à tentative de brigandage commise le 12 juillet 2013 et tentative de meurtre commise le 23 janvier 2016. L'exécution de la peine a été suspendue au profit de la mesure thérapeutique institutionnelle.  
 
B.b.  
 
B.b.a. Selon le rapport d'expertise psychiatrique du 3 mars 2014, établi dans le cadre de la procédure relative à l'instigation à tentative de brigandage, A.________ souffrait d'un trouble de la personnalité de type borderline et d'une dépendance importante à l'alcool, aux opiacés, à la cocaïne et aux benzodiazépines. Le risque de passage à l'acte était renforcé dans des états d'intoxication aigus. L'intéressée était à risque de commettre de nouvelles infractions de nature similaire si elle se retrouvait dans une situation de consommation dans le milieu de la toxicomanie de rue et qu'elle cherchait un moyen d'obtenir de l'argent pour financer sa consommation. Un traitement institutionnel en milieu ouvert spécialisé dans le traitement des personnes toxicodépendantes, accompagné d'un traitement de substitution et d'une psychothérapie bien conduite centrée sur le trouble borderline, était souhaitable et de nature à améliorer la prévention du risque de récidive.  
 
B.b.b. Le rapport d'expertise psychiatrique du 4 mai 2016, rendu dans le cadre de la procédure relative à la tentative de meurtre, confirmait le diagnostic. A.________ avait de nombreux antécédents psychiatriques et avait été hospitalisée à plusieurs reprises. Le risque de récidive était qualifié d'élevé en raison de l'association du trouble de la personnalité dont elle souffrait - qui était lui-même un facteur d'impulsivité et de violence - et de la dépendance à l'alcool. À cela s'ajoutaient des facteurs défavorables comme la mauvaise intégration sociale, l'instabilité affective et familiale, l'absence d'intégration professionnelle, l'absence de projets réalistes et la mauvaise adhésion thérapeutique. Seule une mesure institutionnelle pouvait être envisagée. Un placement dans un pavillon spécialisé de la Clinique U.________ aurait pu avoir lieu, mais vu l'opposition de l'intéressée à toute hospitalisation et ses antécédents, il y avait lieu de craindre qu'elle fugue rapidement et ne se soumette pas au règlement, tout en consommant de l'alcool et en se mettant ainsi dans une situation de récidive. Le placement institutionnel en milieu ouvert n'apparaissait donc pas possible en l'état; un placement en milieu institutionnel fermé était préconisé, au sein de l'établissement V.________.  
 
B.c.  
 
B.c.a. Par décision du 27 juillet 2017, le SAPEM a ordonné l'exécution de la mesure institutionnelle en milieu fermé.  
Le premier plan d'exécution de la mesure, validé par le SAPEM le 15 janvier 2018, prévoyait le maintien en milieu fermé afin de maintenir l'intéressée dans un environnement relativement protégé et d'éviter des fugues et des rechutes, comme cela avait pu être constaté lors de précédents placements. Il était toutefois nécessaire que A.________ soit transférée rapidement dans un établissement approprié afin qu'une prise en charge dans son ensemble puisse être mise en place. Selon le deuxième plan d'exécution de la mesure, validé par le SAPEM le 11 octobre 2021, il était notamment recommandé que A.________ poursuive ses efforts et son travail sur le maintien de l'abstinence à long terme; un élargissement supplémentaire était considéré en l'état comme très prématuré. D'après le troisième plan d'exécution de la mesure, validé par le SAPEM le 15 septembre 2022, deux conduites avaient été effectuées, à satisfaction, les 16 février et 14 juin 2022. Malgré deux sanctions disciplinaires les 4 juillet et 15 août 2022, l'évolution de A.________ était globalement favorable et elle s'investissait de manière plus soutenue dans les soins. Un passage en milieu ouvert était envisagé dès que possible, afin de lui permettre de maintenir ses efforts et de la confronter à ses difficultés dans un cadre plus dynamique. 
 
B.c.b. Selon l'évaluation criminologique établie le 7 juillet 2022 par le Service de probation et d'insertion, le risque de récidive d'actes violents présenté par A.________ était qualifié de modéré à faible dans le cadre d'une prise en charge dans une institution en milieu ouvert. Elle évoluait positivement depuis plusieurs mois et s'était stabilisée. Son comportement était désormais bon et elle s'investissait de manière positive et régulière dans les soins. Le travail sur l'abstinence devait toutefois persister, en particulier dans un milieu ouvert dans lequel elle serait davantage confrontée aux produits stupéfiants et surtout à l'alcool. Elle était également encouragée à réfléchir à des projets d'avenir réalistes.  
 
B.d.  
 
B.d.a. Le 21 octobre 2022, le SAPEM a ordonné le placement de l'intéressée en milieu ouvert; A.________ a été transférée le 31 octobre 2022 de l'établissement V.________ à l'unité W.________ de la Clinique psychiatrique U.________.  
 
B.d.b. Par jugement du 2 novembre 2022, le Tribunal d'application des peines et des mesures a ordonné la poursuite de la mesure institutionnelle (art. 59 CP) prononcée à l'égard de A.________, étant rappelé que la mesure était valable jusqu'au 30 mars 2025.  
 
B.d.c. Le Service des mesures institutionnelles (ci-après: le SMI) a informé le SAPEM de différentes transgressions du cadre par A.________. Ainsi, le 3 décembre 2022, elle avait franchi les limites du domaine U.________ lors de l'une de ses sorties autorisées seule, rapportant une canette de bière qu'elle avait bue. En janvier 2023, elle avait fugué à plusieurs reprises: le 2 janvier (fugue constatée à 16h20 et un retour à 16h30), le 7 janvier (de 15h à 15h35), le 9 janvier (de 12h30 à 13h55), le 11 janvier (de 12h à 12h15 et de 15h55 à 16h55), le 12 janvier (de 12h40 à 13h55) et le 14 janvier (de 16h31 à 17h).  
 
B.d.d. Le 24 mars 2023, le SMI a rendu un rapport médical dont il ressortait que A.________, après une période initiale relativement favorable, avait consommé de l'alcool au début du mois de décembre 2022, avec une rapide augmentation de la fréquence et des valeurs d'alcoolémie pendant la première moitié de janvier 2023. Cette situation avait nécessité une surveillance accrue et une intensité des soins. Dès la réouverture du cadre, l'intéressée avait repris rapidement ses comportements transgressifs. Depuis le 16 mars 2023, cinq fugues avaient été signalées (dont la dernière d'une durée de plus de douze heures), ainsi que la consommation d'alcool quasi-quotidienne et, lors de la dernière fugue, une consommation de cocaïne par voie injectable. En outre, un changement important d'attitude de A.________ avait été constaté. Celle-ci annonçait ses fugues et ses consommations, dans un effort volontaire de mettre en échec le cadre institutionnel, compromettant la cohésion de l'ensemble des patients de l'unité et leurs positions face au cadre de la mesure. Les médecins considéraient que l'intéressée ne disposait pas, en l'état, des moyens psychiques pour s'adapter aux défis du milieu ouvert et s'interrogeaient sur la pertinence de la poursuite des soins dans ce contexte.  
 
B.e. Le 23 mars 2023, le SAPEM a ordonné le placement en milieu fermé de A.________, à titre de mesure conservatoire. Entendue le 29 mars 2023, la prénommée s'est engagée, par écrit, à respecter le cadre institutionnel afin d'avancer dans sa mesure. Selon le SAPEM, elle semblait consciente qu'en cas de nouvelle fugue, une décision de placement en milieu fermé pourrait derechef être rendue à son égard.  
 
B.f. Le 3 avril 2023, A.________ a de nouveau été placée en milieu ouvert; elle a réintégré l'unité W.________ de la Clinique U.________. Le 13 avril 2023, le SAPEM a été avisé que l'intéressée avait fugué le jour même (de 22h55 à 23h16). Le 14 avril 2023, le SMI a signalé au SAPEM une nouvelle fugue (départ de l'unité à 19h15 en compagnie d'une visite). Par courriel du même jour, le SMI a informé le SAPEM que lors de la réadmission de A.________ (le 3 avril 2023), un programme pavillonnaire (sans sortie seule hors unité) avait été mis en place pour une durée de plusieurs semaines, à la suite des informations sur sa reprise de consommation de toxiques par voie intraveineuse (son propre traitement ou des substances illégales, notamment le crack) lors de sa brève incarcération. A.________ avait consommé de l'alcool le 10 avril 2023 déjà et avait été retrouvée dans la chambre d'un autre patient, ce qui était strictement interdit par le règlement de l'unité. En outre, le 13 avril 2023, elle avait été surprise dans sa chambre en train de préparer une injection d'un produit inconnu, étant souligné que, prise sur le fait, elle avait avalé le contenu de la seringue et refusé de dire de quel produit il s'agissait. Enfin, la fugue du jour même était intervenue juste après la levée du cadre sécurisant (chambre sécurisée et surveillance rapprochée du comportement) sur engagement écrit de l'intéressée à s'abstenir de comportements transgressifs. Selon les médecins, la consommation de toxiques, les transgressions récurrentes du cadre institutionnel et la promotion de ce comportement auprès de ses pairs seraient les objectifs principaux de cette patiente dans sa recherche de soulagement psychique, alors qu'elle démontrait une grave incapacité d'investir le travail thérapeutique proposé par l'unité en milieu ouvert. En outre, le comportement de A.________ compromettait le cadre institutionnel proposé à l'ensemble des patients fragiles, voire l'adhésion de certains patients souffrant notamment d'addiction. Malgré l'absence de comportement hétéro-agressifs significatifs, les médecins s'interrogeaient sur la pertinence de la prise en charge en milieu ouvert et craignaient la survenance et l'escalade d'incidents sérieux.  
 
B.g. Par décision du 16 avril 2023, le SAPEM a ordonné le placement en milieu fermé de A.________, à titre de mesure conservatoire.  
 
C.  
Contre l'arrêt du 10 octobre 2023, A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Elle conclut principalement à sa réforme en ce sens qu'elle soit immédiatement placée dans un établissement thérapeutique adéquat ouvert au sens de l'art. 59 al. 2 CP, ou, à défaut, que la mesure soit levée. A titre subsidiaire, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision, après avoir ordonné une expertise indépendante. 
Invités à se déterminer sur le recours, la cour cantonale a indiqué n'avoir pas d'observations à formuler, tandis que le Ministère public a formulé des observations et a conclu au rejet du recours. Par courrier daté du 14 décembre 2023, la recourante, invitée à se déterminer, a déposé une écriture. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral contrôle d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et examine librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 146 IV 185 consid. 2). 
Dirigé contre une décision sur l'exécution d'une mesure (art. 78 al. 2 let. b LTF) émanant d'une autorité cantonale de dernière instance (art. 80 al. 1 LTF), le recours, interjeté dans le délai légal (art. 100 al. 1 LTF) et satisfaisant aux exigences de forme (art. 42 al. 1 et 2 LTF), est recevable. La recourante, qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente, dispose d'un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision entreprise, partant de la qualité pour recourir (art. 81 al. 1 LTF). Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
 
2.1. La recourante soutient que l'exécution de la mesure thérapeutique en milieu fermé serait disproportionnée. Elle reproche en outre à l'autorité cantonale d'avoir révoqué son placement en milieu ouvert en se basant sur un rapport thérapeutique du SMI et non une (nouvelle) expertise psychiatrique.  
 
2.2.  
 
2.2.1. En général, le traitement institutionnel selon l'art. 59 CP s'effectue dans un établissement psychiatrique approprié ou dans un établissement d'exécution des mesures (art. 59 al. 2 CP). Il s'effectue toutefois dans un établissement fermé tant qu'il y a lieu de craindre que l'auteur s'enfuie ou commette de nouvelles infractions. Il peut aussi avoir lieu dans un établissement pénitentiaire au sens de l'art. 76 al. 2 CP dans la mesure où il est assuré par du personnel qualifié (art. 59 al. 3 CP).  
 
2.2.2. La question de savoir si le placement doit s'effectuer en milieu fermé ou non relève, à l'instar du choix de l'établissement où s'effectuera la mesure, de la compétence de l'autorité d'exécution. Cela étant, si un placement en milieu fermé apparaît déjà nécessaire au moment du prononcé du jugement, le juge peut et doit l'indiquer dans les considérants - mais non dans le dispositif - en traitant des conditions de l'art. 59 al. 3 CP (ATF 142 IV 1 consid. 2.4.4 et consid. 2.5; arrêt 6B_776/2021 du 8 novembre 2021 consid. 1.2). Le détenu n'a pas, en principe, le droit de choisir le lieu de l'exécution de la sanction (arrêts 6B_481/2022 du 29 novembre 2022 consid. 1; 6B_30/2022 du 21 février 2022 consid. 1).  
 
2.2.3. L'art. 59 al. 3 CP subordonne le traitement dans un établissement fermé à un risque de fuite ou de récidive. Selon la jurisprudence, il doit s'agir d'un risque qualifié, puisque toutes les mesures supposent un risque de récidive (cf. art. 56 al. 1 let. b CP). Le risque est qualifié quand il est concret et qu'il est hautement probable que le condamné commette d'autres infractions dans l'établissement ou en dehors de celui-ci. Il s'agit d'un danger qui ne peut être combattu que par le placement dans un établissement fermé. Conformément au principe de la proportionnalité, l'exécution de la mesure dans un établissement fermé suppose une sérieuse mise en danger de biens juridiques essentiels (arrêts 6B_360/2023 du 15 mai 2023 consid. 2.1; 6B_1069/2021 du 12 novembre 2021 consid. 1.1; 6B_1216/2018 du 16 janvier 2019 consid. 1.1; 6B_319/2017 du 28 septembre 2017 consid. 1.1).  
Savoir si le risque est qualifié est une question du droit (cf. arrêts 6B_360/2023 précité consid. 2.1; 6B_817/2021 du 30 mars 2022 consid. 2.2.1; 6B_1243/2017 du 13 mars 2018 consid. 1.1; 6B_1348/2017 du 22 janvier 2018 consid. 1.1.3 et les arrêts cités). Toutefois, les questions psychiatrique et juridique sont souvent difficiles à distinguer en pratique. La tâche principale d'une expertise médicolégale est de clarifier l'état psychique de l'intéressé et de poser un pronostic (cf. arrêts 6B_360/2023 précité consid. 2.1; 6B_817/2021 précité consid. 2.2.1; 6B_1243/2017 précité consid. 1.1; 6B_1348/2017 précité consid. 1.1.3; 6B_708/2015 du 22 octobre 2015 consid. 3.3 non publié in ATF 142 IV 1). 
 
2.2.4. Selon l'art. 56 al. 3 CP, pour ordonner une des mesures prévues aux art. 59 à 61, 63 et 64 ou en cas de changement de sanction au sens de l'art. 65, le juge se fonde sur une expertise. Celle-ci se détermine sur la nécessité et les chances de succès d'un traitement, la vraisemblance que l'auteur commette d'autres infractions et sur la nature de celles-ci et les possibilités de faire exécuter la mesure.  
 
2.3. En l'espèce, la juridiction cantonale a justifié le placement en milieu fermé de la recourante par le risque de récidive qualifié qu'elle représentait. Pour se faire, le SAPEM et à sa suite les juges cantonaux se sont fondés sur les rapports du SMI de 2023, dont les constats médicaux faisaient, selon eux, écho aux conclusions émises par les experts psychiatres en 2016. Or si l'art. 56 al. 3 CP impose au juge de se fonder sur une expertise pour ordonner une des mesures prévues aux art. 59 à 61, 63 et 64 ou en cas de changement de sanction au sens de l'art. 65 (cf. consid. 2.1.4 supra), cette disposition ne cite pas le placement en milieu fermé de la personne en cours d'exécution d'une mesure thérapeutique institutionnelle (cf. arrêt 6B_925/2022 du 29 mars 2023 consid. 4), qui relève de la compétence de l'autorité d'exécution (cf. consid. 2.1.2 supra). Partant, le SAPEM et à sa suite la juridiction cantonale pouvaient se fonder sur les rapports du SMI pour prononcer le placement en milieu fermé de la recourante.  
 
2.4. Par ailleurs, la recourante ne saurait être suivie lorsqu'elle affirme qu'il n'existait aucun risque de récidive qualifié. Si l'évaluation criminologique du 7 juillet 2022 retenait certes un risque de récidive modéré à faible, le Service de probation et d'insertion qui l'a émise se plaçait alors dans un contexte d'abstinence à l'alcool et aux toxiques. Quant aux médecins du SMI, qui ont effectivement indiqué dans leurs rapport de 2023 que - pour l'instant - la recourante n'avait pas eu de comportements hétéro-agressifs, ils ont néanmoins souligné leur crainte de la survenance d'incidents sérieux, en milieu ouvert, en raison de l'accès aux toxiques et à l'alcool. Il faut ainsi admettre avec la cour cantonale que ces constats rejoignaient ceux des experts psychiatres émis en 2014 et 2016. Ceux-ci avaient retenu un risque de passage à l'acte renforcé dans des états d'intoxication aigus (cf. let. B.b.a supra) et un risque de récidive élevé en raison de l'association du trouble de la personnalité dont souffrait la recourante et de la dépendance à l'alcool (cf. let. B.b.b supra). Vu la consommation de toxiques et celle d'alcool quasi-quotidienne constatées en mars 2023, lorsque la recourante était placée en milieu ouvert, la juridiction cantonale était fondée à retenir un risque de récidive qualifié, justifiant le placement dans un établissement fermé. Compte tenu des biens juridiques menacés, à savoir l'intégrité corporelle, voire la vie, la mesure respecte par ailleurs le principe de la proportionnalité (cf. consid. 2.2.3 supra).  
 
Pour le surplus, en se contentant d'affirmer, à la fin de son argumentation relative au principe de la proportionnalité, que son placement en milieu fermé "serait de nature à engager la responsabilité de l'Etat car cela constitue un traitement inhumain et dégradant contraire à l'art. 3 CEDH, comme l'a reconnu la Cour EDH dans l'arrêt W.A. c. Suisse", la recourante ne formule pas de grief conforme aux exigences de motivation prévues aux art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF. En tout état de cause, il sied de préciser que l'arrêt de la CourEDH W.A. c. Suisse du 2 novembre 2021 (requête n° 38958/16) auquel elle se réfère n'interdit pas, sur le principe, le placement en établissement pénitentiaire fermé d'un détenu atteint de troubles mentaux (cf. consid. 3.2 infra).  
 
3.  
 
3.1. La recourante soutient que son placement à la prison X.________ serait illicite dès lors qu'il ne s'agirait pas d'un établissement adéquat au sens notamment de l'art. 56 al. 5 CP. Elle invoque la jurisprudence de la CourEDH (en particulier les arrêts Kadusic c. Suisse du 9 janvier 2018 [requête n° 43977/13] et W.A. c. Suisse précité), l'art. 5 CEDH et l'art. 58 CP.  
 
3.2.  
 
3.2.1. En vertu de l'art. 5 par. 1 CEDH, toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales: s'il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent (let. a) ou s'il s'agit de la détention régulière d'une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d'un aliéné, d'un alcoolique, d'un toxicomane ou d'un vagabond (let. e).  
Dans sa jurisprudence, la CourEDH considère que, pour respecter l'art. 5 par. 1 CEDH, la détention doit avoir lieu "selon les voies légales" et "être régulière". En la matière, elle renvoie pour l'essentiel à la législation nationale et consacre l'obligation d'en respecter les normes de fond comme de procédure. Elle exige de surcroît la conformité de toute privation de liberté au but de l'art. 5 CEDH, à savoir protéger l'individu contre l'arbitraire. Il doit exister un lien entre le motif censé justifier la privation de liberté et le lieu, ainsi que le régime de détention (arrêts de la CourEDH Kadusic c. Suisse du 9 janvier 2018, § 45; Papillo c. Suisse du 27 janvier 2015 [requête n° 43368/08], § 41 s.; cf. arrêts 6B_161/2021 du 8 avril 2021 consid. 2.3; 6B_1320/2019 du 29 janvier 2020 consid. 2.1; 6B_330/2019 du 5 septembre 2019 consid. 1.1.2).  
En principe, la détention d'une personne souffrant de troubles mentaux ne peut être considérée comme "régulière" au regard de l'art. 5 par. 1 let. e CEDH que si elle s'effectue dans un hôpital, dans une clinique ou dans un autre établissement approprié (arrêts de la CourEDH W.A c. Suisse du 2 novembre 2021 [requête n° 38958/16], § 37; Papillo c. Suisse du 27 janvier 2015 [requête n° 43368/08], § 42 et les références citées). Le seul fait que l'intéressé ne soit pas intégré dans un établissement approprié n'a toutefois pas pour effet automatique de rendre sa détention irrégulière au regard de l'art. 5 par. 1 CEDH. Un équilibre raisonnable doit être ménagé entre les intérêts opposés en cause, étant entendu qu'un poids particulier doit être accordé au droit à la liberté. Dans cet esprit, la CourEDH prend en compte les efforts déployés par les autorités internes en vue de trouver un établissement adapté pour évaluer la régularité du maintien en détention dans l'intervalle (cf. arrêts de la CourEDH Papillo c. Suisse précité, § 43 et les références citées; De Schepper c. Belgique du 13 octobre 2009 [requête n° 27428/07], § 47 s.; cf. ATF 142 IV 105 consid. 5.8.1 p. 117; arrêts 6B_161/2021 du 8 avril 2021 consid. 2.3; 6B_1320/2019 du 29 janvier 2020 consid. 2.1; 6B_840/2019 du 15 octobre 2019 consid. 2.5.3).  
 
3.2.2. Le Tribunal fédéral a retenu, en tenant compte de la jurisprudence de la CourEDH, que le placement dans un établissement pénitentiaire ou de détention d'une personne faisant l'objet d'une mesure, et ayant fait l'objet d'une condamnation entrée en force, est compatible avec le droit fédéral matériel en tant que solution à court terme, pour pallier une situation d'urgence, dans l'attente d'un transfert dans un établissement spécialisé (arrêts 6B_360/2023 précité consid. 3.1; 6B_925/2022 précité consid. 5.1.2; 6B_1069/2021 précité consid. 2.2 et 2.4). À plus long terme, le Tribunal fédéral a considéré qu'une mesure thérapeutique institutionnelle pouvait également être exécutée dans un établissement pénitentiaire si le traitement était assuré par du personnel qualifié (arrêts 6B_925/2022 précité consid. 5.1.2; 6B_481/2022 précité consid. 3.3.2, 6B_1322/2021 du 11 mars 2022 consid. 2.5.2 et 6B_705/2015 du 22 septembre 2015 consid. 1.4.2 concernant les EPO; 6B_27/2018 du 30 mai 2018 consid. 4.2 et 6B_154/2017 du 25 octobre 2017 consid. 2 concernant la prison de Champ-Dollon; 6B_660/2019 du 20 août 2019 consid. 4.4; 6B_538/2013 du 14 octobre 2013 consid. 6.1.2). En revanche, à défaut de traitement assuré par du personnel qualifié, un placement à long terme dans un établissement pénitentiaire n'est pas admissible, car le but de la mesure ne doit pas être compromis (ATF 148 I 116 consid. 2.3; 142 IV 105 consid. 5.8.1).  
 
3.3. Il découle de ce qui précède qu'un placement de la recourante dans l'établissement pénitentiaire X.________ ne viole pas le droit fédéral et conventionnel si le traitement de l'intéressée est assuré par du personnel qualifié. A cet égard, la recourante soutient laconiquement que cet établissement ne disposerait pas de personnel thérapeutique qualifié. Elle ne formule toutefois aucune argumentation à l'appui de son grief dès lors que, dans son développement, elle s'en prend en réalité uniquement aux soins prodigués dans l'établissement ouvert (l'unité W.________ de la Clinique U.________) dans lequel elle a été placée, qu'elle estime inadéquats par rapport à sa pathologie. En l'occurrence, la prison pour femmes X.________ dispose d'une infrastructure médicale gérée par le service de médecine et de psychiatrie pénitentiaire, dépendant du CHUV (SMPP). Il répond donc aux exigences découlant de l'art. 59 al. 3 CP, de sorte que le placement de la recourante dans cet établissement, alors qu'elle exécute une mesure thérapeutique institutionnelle, n'est pas en soi illicite ou contraire à l'art. 5 CEDH (cf. arrêt 6B_449/2022 du 22 novembre 2022 consid. 3.2.1).  
 
3.4. C'est également en vain que la recourante soutient que, eu égard à l'art. 58 CP, elle ne pouvait pas être placée dans un établissement pénitentiaire. De jurisprudence constante, l'art. 59 al. 3 CP, en qualité de lex specialis, prime l'art. 58 al. 2 CP (ATF 142 IV 1 consid. 2.4.3; arrêts 6B_925/2022 précité consid. 5.5; 6B_1322/2021 précité consid. 2.6.2; 6B_1069/2021 précité consid. 2.2 et les références citées). Ainsi, la nécessité de principe prévue par l'art. 58 CP de séparer les lieux d'exécution des peines et des mesures n'empêche pas le placement de celui qui a été condamné à une mesure thérapeutique institutionnelle dans un établissement pénitentiaire où une telle séparation n'est pas possible. En se contentant d'affirmer que la jurisprudence du Tribunal fédéral en la matière serait contraire à celle de la CourEDH, sans étayer son argument, la recourante ne soulève pas un grief recevable (cf. art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF). La recourante ne saurait par ailleurs être suivie lorsqu'elle affirme que la jurisprudence du Tribunal fédéral à cet égard serait contraire à la lettre de la loi et qu'il n'y aurait pas de place pour une lex specialis. Si, comme elle le soulève, il n'est effectivement pas impossible qu'un établissement pénitentiaire dispose de deux secteurs distincts, le fait d'admettre - quand cette possibilité n'existe pas - que l'exécution d'une mesure thérapeutique institutionnelle puisse tout de même se faire dans un établissement fermé (art. 59 al. 3 CP), relève bien d'une lex specialis par rapport à l'art. 58 al. 2 CP.  
 
4.  
Invoquant les art. 62c al. 1 CP et 56 al. 6 CP, la recourante soutient que l'illicéité de la mesure devrait justifier sa levée. Le placement de la recourante en milieu fermé n'étant toutefois pas illicite, comme précédemment exposé, le grief est mal fondé. 
 
5.  
Vu ce qui précède, la cour cantonale était fondée à confirmer, sans qu'il fût nécessaire d'ordonner une expertise psychiatrique, le placement en milieu fermé de la recourante, respectivement la révocation du placement en milieu ouvert ordonné le 21 octobre 2022. 
Le recours se révèle mal fondé et doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. Comme il était d'emblée dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). La recourante supportera les frais judiciaires, dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa situation financière, laquelle n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, au Ministère public de la République et canton de Genève, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, et au Service de l'application des peines et mesures (SAPEM). 
 
 
Lausanne, le 4 mars 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Abrecht 
 
La Greffière : Paris