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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_573/2021  
 
 
Arrêt du 17 août 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Chaix, Juge présidant, 
Müller et Pont Veuthey, Juge suppléante. 
Greffière : Mme Sidi-Ali. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Jonathan Gretillat, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
C.________, 
toutes les deux représentées par Me Alexis Bolle, avocat, 
intimées, 
 
Conseil communal de la Ville de Neuchâtel, Faubourg de l'Hôpital 2, 2000 Neuchâtel, 
Conseil d'Etat de la République et canton de Neuchâtel, Le Château, rue de la Collégiale 12, 2000 Neuchâtel. 
 
Objet 
autorisation de construire des logements adaptés pour personnes âgées, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, du 24 août 2021 (CDP.2021.35-AMTC). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 1er juillet 2016, A.________ a déposé auprès du Conseil communal de la Ville de Neuchâtel une demande de sanction définitive portant sur la démolition d'une ancienne construction et l'édification d'une nouvelle bâtisse, composée de vingt-et-un logements adaptés pour des personnes âgées, sur les parcelles nos 8101 et 14530 du cadastre de Neuchâtel. L'enquête publique s'est déroulée du 15 juillet au 25 août 2016 et a suscité plusieurs oppositions. Le projet a été modifié et les plans ont fait l'objet d'une procédure d'ajustement au cours de laquelle les opposantes ont été invitées à se déterminer. 
 
B.  
Par décision du 18 juillet 2019, le Conseil communal de la Ville de Neuchâtel a déclaré mal fondées les deux oppositions et octroyé la sanction définitive des plans et le permis de construire le 22 juillet 2019. 
Saisi d'un recours contre ces décisions, le Conseil d'Etat l'a rejeté par acte du 21 décembre 2020. B.________ et C.________ ont interjeté recours devant la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la République et Canton de Neuchâtel contre la décision du Conseil d'Etat en concluant à son annulation. 
Par arrêt du 24 août 2021, la Cour de droit public du Tribunal cantonal a admis le recours. En substance, elle a admis que le grief relatif à la violation de l'art. 100 du règlement d'aménagement de la Ville de Neuchâtel (désigné ci-après RA), soulevé postérieurement à l'opposition, ne pouvait être qualifié de tardif dans la mesure où il n'excédait pas le cadre défini par l'objet de la contestation. Elle a également souligné que même en interprétant extensivement l'art. 100 RA, la construction projetée ne pouvait pas être admise, la façade la plus longue n'étant pas située face au lac et n'étant pas perpendiculaire aux courbes de niveaux. Enfin, l'autorité de dernière instance cantonale a souligné qu'on ne saurait vider de sa substance l'art. 100 RA au motif que la loi fédérale sur l'aménagement du territoire prévoit une obligation de densification. Elle est arrivée à la conclusion que le projet nécessitait une demande de dérogation à l'art. 100 RA ce qui impliquait une nouvelle mise à l'enquête publique. 
 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ recourt contre cette décision en concluant à l'annulation de la décision rendue le 24 août 2021 par la Cour de droit public du Tribunal cantonal neuchâtelois, à la confirmation de la décision de sanction définitive de la Ville de Neuchâtel du 22 juillet 2019 et subsidiairement au renvoi de la cause à la Cour de droit public du Tribunal cantonal neuchâtelois pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Invité à se déterminer, le Tribunal cantonal renonce à se déterminer sur le recours et conclut au rejet du recours. Le département de l'économie de la sécurité et de la culture du canton de Neuchâtel conclut à l'admission du recours, se référant à une jurisprudence de la cour cantonale qui avait selon lui admis la construction dans un cas comparable. La Ville de Neuchâtel renonce à se déterminer. Les intimées concluent au rejet du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis. 
Dirigé contre une décision finale prise en dernière instance cantonale dans le domaine du droit public des constructions, le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public conformément aux art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. En tant que propriétaire de la parcelle concernée, respectivement requérante de l'autorisation de construire litigieuse, la recourante bénéficie de la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF
Les autres conditions de recevabilité sont réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le recours. 
 
2.  
La recourante se plaint d'une constatation manifestement inexacte des faits et soutient que l'autorité cantonale de dernière instance se serait limitée à prendre en compte le nom des façades figurant sur les plans sans examiner véritablement l'orientation des dites façades dans le cadre de l'application de l'art. 100 RA (art. 97 al. 1 LTF). Elle soutient également que la façade la plus longue n'est pas perpendiculaire aux courbes de niveau, mais suit l'ancienne structure du mur de vigne. 
 
2.1.  
 
2.1.1. Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF (ATF 142 I 155 consid. 4.4.3). Le recourant ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 142 II 355 consid. 6). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, le recourant doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. Les faits et les critiques invoqués de manière appellatoire sont irrecevables (ATF 141 IV 369 consid. 6.3).  
 
2.1.2. L'art. 100 du RA, sous l'intitulé "quartiers étagés selon l'ancienne structure des murs de vigne" a la teneur suivante:  
 
1 Dans les quartiers étagés selon l'ancienne structure des murs de vigne, l'organisation en terrasses successives, les anciens chemins de vigne, les murs de soutènement en pierre, l'implantation des constructions, le dégagement vers le lac sont des caractéristiques urbanistiques à respecter lors de toute intervention, que ce soit sur le domaine public ou privé. 
2 L'implantation parallèle aux courbes de niveau est prescrite. 
3 La façade la plus longue doit être obligatoirement située face au lac. 
 
 
2.2. En l'espèce, contrairement aux affirmations de la recourante sur ce point, la cour cantonale ne s'est pas uniquement attachée aux dénominations attribuées aux façades sur les plans. Elle a constaté que la façade la plus longue était la façade est. Elle a ensuite examiné quelle était la véritable orientation de la façade dite ouest et souligné que les appartements de cette façade bénéficient d'un dégagement sur le lac. Elle a souligné cependant qu'il ressortait des plans déposés par la recourante que cette façade n'est ni parallèle aux courbes de niveau, ni située face au lac. En outre, elle est arrivée à la conclusion qu'il n'était pas possible de retenir à titre de longueur de la façade sud, l'addition des longueurs des façades ouest et sud. La cour a souligné que, même en interprétant de façon extensive le règlement communal sur la notion de façade, la condition posée par l'art. 100 al. 2 RA qui exige une implantation parallèle aux courbes de niveau, n'est pas réalisée.  
La recourante, qui fait état du caractère heptagonal du bâtiment, de sa décomposition en sept façades et non quatre comme l'a retenu l'arrêt attaqué, ainsi que de l'orientation sud - nommée ouest sur les plans -de la façade la plus longue, ne parvient pas à démontrer que cette constatation des faits serait contraire aux pièces du dossier ou qu'elle serait manifestement inexacte. En effet, la façade que la recourante appelle sud est en réalité orientée au sud-sud-ouest et la rive du lac est globalement orientée sud-sud-est. Ainsi, même à suivre cette appréhension du projet et prendre en considération l'orientation plus fine de chaque portion de façade, la recourante ne parvient pas à démontrer que la façade la plus longue serait parallèle au lac ou perpendiculaire aux courbes de niveau. 
En tant qu'il dénonce une constatation inexacte des faits, le recours est mal fondé. 
 
3.  
La recourante se plaint d'une violation des principes ancrés dans la LAT, à savoir le développement de l'urbanisation vers l'intérieur du milieu bâti (art. 1 al. 2 let. a bis LAT), la création d'un milieu bâti compact (art. 1 al. 2 let. b LAT), la densification des surfaces de l'habitat (art. 3 al. 3 let. a bis LAT) et l'obligation pour les cantons, en collaboration avec les communes, de prendre les mesures nécessaires pour rendre les zones à bâtir existantes disponibles (art. 15a LAT). 
 
3.1. L'art. 1 al. 1 LAT préconise une utilisation mesurée du sol. La Confédération, les cantons et les communes soutiennent par des mesures d'aménagement les efforts qui sont entrepris notamment aux fins d'orienter le développement de l'urbanisation vers l'intérieur du milieu bâti, en maintenant une qualité de l'habitat appropriée (art. 1 al. 2 let. a bis LAT). Cette disposition prône une meilleure utilisation des réserves existant à l'intérieur du territoire urbanisé déjà largement bâti, tout en maintenant et encourageant une urbanisation de la meilleure qualité possible.  
 
3.2. L'appréciation de la cour cantonale repose notamment sur des motifs d'intégration, éléments précisément destinés à préserver la qualité de l'habitat dans le quartier considéré. L'autorité de dernière instance a ainsi confirmé sa propre jurisprudence qui, contrairement aux affirmations du Conseil d'Etat sur ce point, avait admis la construction de deux corps de bâtiments distincts car le bâtiment dans son ensemble faisait face au lac sur sa longueur (CDP.2018.14. du 10 août 2018, consid. 3d). Elle a souligné que l'obligation de densification n'a pas pour conséquence qu'un règlement communal qui tient compte des caractéristiques principales du lieu où les immeubles doivent être construits et fixe un certain nombre de règles contraignantes, serait, en soi, contraire au droit fédéral. Elle est arrivée à la conclusion que la construction projetée ne correspondait pas aux exigences du règlement communal, exigences qui ne pouvaient être mises en échec en se fondant sur les principes établis par le droit fédéral. Elle souligne en particulier que le respect du droit communal n'aurait pas pour conséquence que les parcelles nos 8101 et 14530 du cadastre de Neuchâtel seraient inconstructibles. Elle a clairement indiqué que si le projet devait être maintenu tel que prévu, une demande de dérogation à l'art. 100 RA devrait être présentée, ce qui implique une nouvelle mise à l'enquête publique du projet. La recourante tente de vider de leur substance les règles de police des constructions appliquées, au motif qu'elles la priveraient de la possibilité de réaliser le projet de construction qu'elle juge approprié. Il n'est en réalité pas question d'atteinte à la possibilité de construire, mais uniquement au libre choix du traitement architectural du projet.  
Le grief est ainsi infondé. 
 
4.  
La recourante soutient que le règlement d'aménagement de la Ville de Neuchâtel ne pourrait être qualifié de base légale formelle au sens de l'art. 36 Cst. 
 
4.1. Selon l'art. 26 al. 1 Cst., la propriété est garantie. Comme tout droit fondamental, celle-ci peut être restreinte aux conditions fixées à l'art. 36 Cst. La restriction doit ainsi reposer sur une base légale, plus particulièrement une loi au sens formel si la restriction est grave, être justifiée par un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité. Lorsque l'atteinte est grave, outre que la base légale doit être une loi au sens formel, celle-ci doit être claire et précise (ATF 148 I 33 consid. 5.1; 147 I 393 consid. 5.1.1; 140 I 168 consid. 4). L'atteinte au droit de propriété est tenue pour particulièrement grave lorsque la propriété foncière est enlevée de force ou lorsque des interdictions ou des prescriptions positives rendent impossible ou beaucoup plus difficile une utilisation du sol actuelle ou future conforme à sa destination (ATF 140 I 168 consid. 4; 135 I 233 consid. 2.1; 131 I 333 consid. 4.2).  
 
4.2. En l'occurrence, nul n'est besoin de qualifier l'atteinte. En dépit d'une terminologie qui peut prêter à confusion, l'acte sur lequel se fonde la cour cantonale pour refuser l'autorisation de construire a toutes les caractéristiques d'une loi au sens formel car il émane du parlement communal (art. 95 al. 1 Cst./NE; RS 131.23). Dans ces conditions, l'acte législatif communal offre les mêmes garanties, du point de vue de la légitimité démocratique, qu'une loi cantonale, et constitue par conséquent une base légale suffisante (ATF 135 I 233 consid. 2.1; 131 I 133 consid. 4.3; 122 I 305 consid. 5a).  
L'argumentation de la recourante quant à la nature du règlement attaqué tombe ainsi à faux. 
 
5.  
Il s'ensuit que le recours est rejeté. 
La recourante, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires (art. 65 et 66 LTF). Les intimées, qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un avocat, ont droit à des dépens, à la charge de la recourante (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 francs, sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Une indemnité de dépens de 3'000 francs est allouée aux intimées, à la charge de la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Conseil communal de la Ville de Neuchâtel, au Conseil d'Etat de la République et canton de Neuchâtel et à la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel. 
 
 
Lausanne, le 17 août 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Chaix 
 
La Greffière : Sidi-Ali