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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_274/2021  
 
 
Arrêt du 6 octobre 2021  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Hohl, Présidente, Kiss et Rüedi. 
Greffier : M. Douzals. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Boris Lachat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
représenté par Me Romolo Molo, 
intimé. 
 
Objet 
ordonnance de production du calcul de rendement net; préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF), 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 12 avril 2021 par la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève 
(C/14418/2019, ACJC/432/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par contrat du 20 mai 2019, B.________ (ci-après: le locataire, le demandeur ou l'intimé) a pris à bail auprès de A.________ (ci-après: la bailleresse, la défenderesse ou la recourante) un appartement de trois pièces dans un immeuble, propriété de la bailleresse et sis dans le canton de Genève, à compter du 1 er juin 2019.  
La formule officielle pour la conclusion d'un nouveau bail indiquait que le loyer mensuel était fixé à 1'570 fr., qu'il s'élevait précédemment à 1'430 fr. depuis le 1 er août 2018 et que la majoration de loyer était justifiée par une adaptation aux loyers usuels dans le quartier.  
 
B.  
 
B.a. Par requête du 2 décembre 2019, le locataire a contesté le loyer initial par-devant le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève.  
Selon le locataire, la date de construction de l'immeuble se situait moins de 30 ans avant la conclusion du bail, de sorte qu'il convenait de procéder à un calcul de rendement. Le 11 juin 2020, il a, à cette fin, produit divers documents. 
La bailleresse a, au contraire, avancé qu'elle avait acquis le terrain concerné en 1987 et que le mandat de pilotage des travaux de construction avait été décerné en 1988, de sorte que l'immeuble était ancien et qu'il n'y avait pas lieu de procéder à un calcul de rendement. 
 
B.b. Après avoir ordonné dans un premier temps l'audition de l'architecte responsable de la construction de l'immeuble, le tribunal y a finalement renoncé par ordonnance du 24 novembre 2020, au vu des documents produits par le locataire, et a notamment imparti à la bailleresse un délai au 7 janvier 2021 pour produire un calcul de rendement.  
 
B.c. Par arrêt du 12 avril 2021 notifié à la bailleresse le 14 avril 2021, la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice a rejeté le recours formé par celle-ci contre l'obligation de produire un calcul de rendement.  
 
C.  
Le 12 mai 2021, la bailleresse a formé un recours en matière civile contre cet arrêt. En substance, elle conclut, avec requête d'effet suspensif, à l'annulation de l'arrêt entrepris et à sa réforme, en ce sens qu'il n'y a pas lieu de procéder à un calcul du rendement net. 
Le locataire s'en rapporte à justice s'agissant de la requête d'effet suspensif et conclut à l'irrecevabilité, respectivement au rejet du recours. 
Les parties ont toutes deux déposé de brèves observations complémentaires. 
La cour cantonale s'en rapporte quant à la requête d'effet suspensif et se réfère aux considérants de son arrêt sur le fond. 
Par ordonnance présidentielle du 29 juin 2021, l'effet suspensif a été conféré au recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière civile au Tribunal fédéral n'est recevable que contre les décisions finales (art. 90 LTF), contre les décisions partielles (art. 91 LTF) et, sous réserve des cas visés par l'art. 92 LTF, contre les décisions incidentes (art. 93 al. 1 LTF) si celles-ci peuvent causer un préjudice irréparable (let. a) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. b). 
 
1.1.  
 
1.1.1. En vertu de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, pour qu'un recours immédiat soit ouvert, il faut que la décision rendue soit susceptible de causer un préjudice irréparable, soit un préjudice de nature juridique qui ne puisse pas être ultérieurement réparé entièrement par une décision finale favorable au recourant; un dommage économique ou de pur fait n'est pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 147 III 159 consid. 4.1; 142 III 798 consid. 2.2; 141 III 80 consid. 1.2; 138 III 333 consid. 1.3.1; 134 III 188 consid. 2.1-2.2). Cette condition s'apprécie par rapport à la décision de première instance; si la question qui a fait l'objet de la décision incidente de première instance peut être soulevée à l'appui d'un recours contre la décision finale, il n'y a pas de préjudice irréparable (arrêt 4A_2/2021 du 19 juillet 2021 consid. 1.2.1 et les arrêts cités).  
 
1.1.2. La recevabilité du recours de l'art. 93 al. 1 let. b LTF requiert la réalisation de deux conditions cumulatives.  
La première condition suppose que l'admission du recours conduirait immédiatement à une décision finale. Il faut que le Tribunal fédéral puisse mettre définitivement fin à la procédure dans l'hypothèse où il parviendrait à la solution inverse de celle retenue par l'autorité cantonale, c'est-à-dire en jugeant différemment la question tranchée dans la décision incidente attaquée (ATF 133 III 629 consid. 2.4.1; 132 III 785 consid. 4.1 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral doit pouvoir rendre lui-même la décision finale (cf. art. 107 al. 2 LTF). 
Quant à la seconde condition posée par l'art. 93 al. 1 let. b LTF, elle suppose que la décision finale permette d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. Il appartient à la partie recourante d'établir la réalisation de cette condition, sauf si elle découle manifestement de la décision attaquée ou de la nature de la cause; le recourant doit en particulier indiquer de manière détaillée quelles questions de fait sont encore litigieuses, quelles preuves - déjà offertes ou requises - devraient encore être administrées et en quoi celles-ci entraîneraient une procédure probatoire longue et coûteuse (ATF 134 II 137 consid. 1.3; 133 III 629 consid. 2.4.2; arrêt 5A_101/2021 du 28 mai 2021 consid. 1.2). Tout complément d'instruction entraîne nécessairement des frais et un prolongement de la procédure, de sorte qu'une telle mesure ne suffit pas en soi pour ouvrir la voie d'un recours immédiat. La procédure probatoire, par sa durée et son coût, doit s'écarter notablement des procès habituels. Si l'administration des preuves doit se limiter à l'audition des parties, à la production de pièces et à l'interrogatoire de quelques témoins, un recours immédiat n'est pas justifié. Il en va différemment s'il faut envisager une expertise complexe, plusieurs expertises, l'audition de très nombreux témoins ou l'envoi de commissions rogatoires dans des pays lointains (arrêts 4A_235/2016 du 7 mars 2017 consid. 1.1; 4A_436/2015 du 17 mai 2016 consid. 1.3.1 et l'arrêt cité; 4A_671/2014 du 6 mai 2015 consid. 1.5.1). 
 
1.1.3. À la différence de celle de l'art. 237 al. 2 CPC, la réglementation de l'art. 93 al. 1 LTF repose sur le principe selon lequel le Tribunal fédéral ne doit en principe s'occuper d'une affaire qu'une seule fois, lorsqu'il est certain que la partie recourante subit effectivement un dommage définitif. Les conditions de cette disposition doivent donc être examinées de manière restrictive, le recours immédiat revêtant un caractère exceptionnel (ATF 147 III 159 consid. 4.1; 144 III 253 consid. 1.3; 143 III 290 consid. 1.3-1.4; 142 III 798 consid. 2.2; 141 III 80 consid. 1.2; 138 III 94 consid. 2.2; 135 I 261 consid. 1.2; 134 III 426 consid. 1.3.2, 188 consid. 2.2; 133 III 629 consid. 2.1; 133 IV 288 consid. 3.2; BERNARD CORBOZ, in Commentaire de la LTF, 2 e éd. 2014, no 19 ad art. 93 LTF; pour l'ancien recours en réforme, cf. ATF 122 III 254 consid. 2a).  
 
1.2. La recevabilité du recours contre une décision admettant ou refusant des moyens de preuve offerts par les parties doit être examinée au regard de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, la let. b de cette disposition ne pouvant entrer en considération.  
Une telle décision ne cause en principe pas de préjudice irréparable puisqu'il est normalement possible, en recourant contre la décision finale, d'obtenir l'administration de la preuve refusée à tort ou d'obtenir que la preuve administrée à tort soit écartée du dossier (ATF 141 III 80 consid. 1.2 et les arrêts cités; 134 III 188 consid. 2.3; arrêt 4A_132/2021 du 26 mars 2021 consid. 5.2). Ce n'est que dans des cas exceptionnels qu'il peut y avoir un préjudice irréparable, par exemple lorsque le moyen de preuve refusé risque de disparaître ou qu'une partie est astreinte, sous la menace de l'amende au sens de l'art. 292 CP, à produire des pièces susceptibles de porter atteinte à ses secrets d'affaires ou à ceux de tiers sans que le tribunal ait pris des mesures aptes à les protéger (arrêts 5A_1058/2019 du 4 mai 2020 consid. 1.2 et les arrêts cités; 5A_315/2012 du 28 août 2012 consid. 1.2.1; sous l'empire de l'art. 87 OJ, cf. arrêt 4P.335/2006 du 27 février 2007 consid. 1.2.4 et les références citées). 
 
1.3. Selon la jurisprudence, une partie ne dispose pas d'un droit à obtenir une décision séparée, ni sur la compétence (cf. ATF 147 III 159 consid. 4.2; arrêts 4A_264/2018 du 7 juin 2018 consid. 4.3 et les références citées; 5A_231/2018 du 28 septembre 2018 consid. 3.2), ni a fortiori sur une autre question préjudicielle de fond. Une éventuelle limitation de la procédure et de la décision à des questions de recevabilité ou de fond relève en effet du large pouvoir d'appréciation du juge (arrêt 5A_231/2018 précité consid. 3.2).  
Pour déterminer dans un cas concret s'il y a décision séparée sur une question préjudicielle, il faut se baser sur le dispositif de la décision. 
La décision qui, selon son dispositif, fixe un délai à la bailleresse pour produire le calcul de rendement de la chose louée n'est qu'une ordonnance de preuves. Même si elle présuppose que le tribunal envisage d'admettre que l'immeuble ne revêt pas la qualification d'immeuble ancien, elle ne constitue pas une décision séparée sur la qualification d'immeuble ancien ou non (question préjudicielle qui ne permettrait d'ailleurs pas de mettre fin à la procédure au sens de l'art. 237 al. 1 CPC et qui ne remplit pas la première condition de l'art. 93 al. 1 let. b LTF). 
 
1.4.  
 
1.4.1. En l'espèce, le dispositif de la décision de première instance du 24 novembre 2020, qui est déterminante pour apprécier la condition du dommage irréparable, " fixe un délai [...] à la bailleresse pour produire le calcul de rendement ". Le tribunal n'a pas statué séparément sur la question de savoir si au moins 30 ans s'étaient écoulés depuis la construction de l'immeuble, respectivement depuis sa dernière acquisition. Cette décision n'a fait l'objet que d'un recours au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC.  
Même si elle est entrée en matière malgré les doutes qu'elle nourrissait au sujet de la recevabilité de ce recours, la cour cantonale a conclu que le tribunal, qui avait considéré, " à titre préjudiciel " de surcroît, que la construction de l'immeuble litigieux remontait à moins de 30 ans et que celui-ci n'était donc pas ancien, avait valablement invité la bailleresse à lui fournir les éléments permettant de procéder à un calcul de rendement, " étant [...] rappelé que le juge n'est pas définitivement lié par ses ordonnances de preuve [ s] ". 
Il n'y a donc eu aucune décision séparée du tribunal, ni aucune décision définitive de la cour cantonale au sujet de la qualification d'immeuble ancien ou non, de sorte que le recours en matière civile doit être déclaré irrecevable. 
La recourante ne peut tirer aucun argument en sa faveur de l'arrêt 4A_400/2017 du 13 septembre 2018 consid. 1.1, non publié in ATF 144 III 514. Dans cette affaire en effet, le tribunal des baux avait rejeté l'action en contestation du loyer initial déposée par les locataires, au motif qu'il s'agissait d'un immeuble ancien pour lequel la bailleresse n'avait pas produit assez d'exemples de logements comparatifs; se basant sur les statistiques genevoises, il en avait conclu que le loyer contesté n'était pas abusif. Sur appel des locataires, la cour cantonale s'était prononcée sur la question de fond, en jugeant qu'il ne s'agissait pas d'un immeuble ancien, et avait renvoyé la cause au tribunal des baux pour procéder au calcul de rendement net. En présence d'une décision de renvoi ayant statué sur la question de la qualification de l'immeuble, le Tribunal fédéral a estimé qu'il se justifiait d'entrer en matière parce que la bailleresse, si elle devait être contrainte de fournir immédiatement les pièces nécessaires à un calcul de rendement, ne pourrait plus faire contrôler à l'occasion d'un recours contre l'arrêt final qu'elle n'avait pas eu, selon les règles de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC; devoir de collaborer; Mitwirkungspflicht; ATF 142 III 568 consid. 2.1), l'obligation de les produire (arrêt 4A_400/2017 précité consid. 1.1, non publié in ATF 144 III 514). Or, autre est la situation en l'espèce: il n'y a pas eu de décision séparée du tribunal, ni de décision sur la question de fond de la cour cantonale.  
 
1.4.2. La décision attaquée ne remplit pas non plus les conditions de l'art. 93 al. 1 let. b LTF, contrairement à ce que soutient la bailleresse recourante. En effet, le Tribunal fédéral lui-même ne pourrait de toute façon pas mettre fin définitivement à la procédure.  
 
1.5. Il s'ensuit que le recours doit être déclaré irrecevable, frais judiciaires et dépens à la charge de son auteur (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 6 octobre 2021 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Hohl 
 
Le Greffier : Douzals