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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_658/2022  
 
 
Arrêt du 23 mai 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Müller. 
Greffier : M. Alvarez. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourant, 
 
contre 
 
Préposé cantonal à la protection des données et à la transparence de la République et canton de Genève, 
boulevard Helvétique 27, 1207 Genève, 
intimé, 
 
Office cantonal de la population et des migrations du canton de Genève, route de Chancy 88, 1213 Onex. 
 
Objet 
Procédure administrative, accès aux données personnelles d'un dossier de naturalisation d'un tiers, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 15 novembre 2022 (ATA/1149/2022 - A/2173/2022-LIPAD). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 14 janvier 2022, A.________ a demandé à l'Office cantonal genevois de la population et des migrations (ci-après: OCPM) une copie du dossier de naturalisation de son épouse, B.________. Il exposait faire l'objet d'une procédure pénale, dans le cadre de laquelle il avait été condamné sur la base d'accusations infondées de son épouse, pour viol, violences psychiques et physiques. Or, durant sa procédure de naturalisation, son épouse avait déclaré une relation harmonieuse. Une procédure de divorce était en cours. 
 
B.  
Par arrêt du 31 janvier 2022, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève a déclaré A.________ coupable de viol, de lésions corporelles simples, de séquestration et de voies de fait, et l'a condamné, notamment, à une peine privative de liberté de trois ans et demi ainsi qu'à une peine pécuniaire de 180 jours-amende. A.________ a déclaré vouloir recourir au Tribunal fédéral contre cette arrêt. 
 
C.  
Dès lors que le prénommé était judiciairement séparé de son épouse et qu'il ne vivait plus avec elle, l'accès aux données requises nécessitait son consentement. L'OCPM a sollicité le consentement de B.________, qui l'a refusé. Le 25 avril 2022, l'OCPM a demandé son préavis au Préposé cantonal à la protection des données quant à une consultation en dépit du défaut de consentement. Le 25 mai 2022, le préposé a émis un préavis défavorable. Si un intérêt digne de protection devait être reconnu, il s'effacerait dans tous les cas devant l'intérêt privé prépondérant de B.________. On ne voyait enfin pas en quoi le dossier de naturalisation constituerait un élément indispensable pour le recours de l'intéressé pendant au Tribunal fédéral. 
Par décision du 2 juin 2022, l'OCPM a refusé à A.________ la consultation du dossier de naturalisation de son épouse, partageant l'avis du Préposé cantonal à la protection des données. Le 2 juillet 2022, A.________ a recouru contre cette décision à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève. Par arrêt du 15 novembre 2022, la Cour de justice a rejeté le recours. Elle a considéré qu'au regard des faits reprochés à A.________ et du fait que des procédures pénales et civiles étaient en cours entre les époux, l'intérêt du prénommé à accéder au dossier s'effaçait devant celui - prépondérant - de son épouse à ce qu'il n'obtienne pas d'informations supplémentaires et potentiellement sensibles sur elle. 
 
D.  
Le 24 janvier 2023, A.________ dépose contre cet arrêt un recours en matière administrative. Il conclut à l'annulation de cette décision et à ce qu'il soit autorisé à consulter le dossier de naturalisation de B.________. Subsidiairement, il demande que lui soit remises exclusivement les données le concernant figurant dans ce dossier. Il requiert également le bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Pour le Préposé cantonal à la protection des données, le recours n'apporte aucun élément nouveau susceptible de remettre en question sa position. L'OCPM n'a pas d'observations à faire valoir. Le recourant réplique et persiste implicitement dans ses conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
L'arrêt attaqué, relatif à une demande d'accès à des documents au sens de la loi cantonale du 5 octobre 2001 sur l'information du public, l'accès aux documents et la protection des données personnelles (LIPAD; RS/GE A 2 08), est une décision finale rendue, en dernière instance cantonale, dans une cause de droit public. Le recours est dès lors en principe recevable comme recours en matière de droit public (art. 82 let. a LTF), indépendamment de sa désignation erronée (cf. ATF 134 III 379 consid. 1.2; arrêt 2C_152/2023 du 9 mars 2023 consid. 4). Le recourant a pris part à la procédure devant l'autorité précédente (art. 89 al. 1 let. a LTF) et est particulièrement touché par l'arrêt attaqué qui lui refuse l'accès au dossier de naturalisation de son épouse, dont il prétend avoir besoin pour sa défense pénale. Il jouit partant d'un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (art. 89 al. 1 let. b et c LTF). Pour le surplus, le recours a été interjeté dans les formes et délais utiles, de sorte qu'il convient d'entrer en matière. 
 
2.  
Au vu des critiques formulées par le recourant, il convient, à titre liminaire, de rappeler la cognition dont jouit le Tribunal fédéral et les exigences de motivation applicables aux recours formés devant lui. 
 
2.1. En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, les mémoires de recours doivent être motivés. Selon l'art. 42 al. 2 LTF, les motifs doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit. Pour satisfaire à cette exigence, il appartient au recourant de discuter au moins brièvement les considérants de la décision litigieuse et d'expliquer en quoi ceux-ci seraient contraires au droit (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF); il n'examine cependant la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par la partie recourante (cf. art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et détaillée (ATF 142 III 364 consid. 2; 141 I 36 consid. 1.3; 135 III 232 consid. 1.2).  
 
2.3. A cela s'ajoute que, sauf dans les cas cités expressément à l'art. 95 LTF, le recours devant le Tribunal fédéral ne peut pas être formé pour violation du droit cantonal en tant que tel. En revanche, il est possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal ou communal constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à d'autres droits constitutionnels (cf. ATF 143 I 321 consid. 6.1; 134 III 379 consid. 1.2). Dans ce cadre également s'appliquent les exigences strictes en matière de motivation définies par l'art. 106 al. 2 LTF; il appartient à la partie recourante de citer les dispositions du droit cantonal dont elle se prévaut et démontrer en quoi celles-ci auraient été appliquées arbitrairement ou d'une autre manière contraire au droit (cf. ATF 136 II 489 consid. 2.8; 133 IV 286 consid. 1.4; arrêt 1C_662/2018 du 7 août 2019 consid. 2).  
Lorsqu'il revoit l'interprétation et l'application du droit cantonal sous l'angle de l'arbitraire, le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables: il ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci se révèle insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, ou si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. Il ne suffit pas que la motivation de la décision critiquée soit insoutenable; encore faut-il que celle-ci se révèle arbitraire dans son résultat. En outre, il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution que celle adoptée par l'autorité intimée serait concevable, voire préférable (ATF 144 I 170 consid. 7.3; 142 II 369 consid. 4.3; 141 III 564 consid. 4.1). 
 
3.  
Le recourant se plaint du refus d'accès au dossier de naturalisation de son épouse prononcé par l'OCPM et confirmé par la Chambre administrative de la Cour de justice. 
 
3.1. Sur le plan cantonal, la LIPAD régit l'information relative aux activités des institutions et la protection des données personnelles (art. 1 al. 1 LIPAD). Aux termes de l'art. 26 al. 1 LIPAD, les documents à la communication desquels un intérêt public ou privé prépondérant s'oppose sont soustraits au droit d'accès institué par la loi (al. 1). Selon l'art. 39 al. 9 LIPAD, la communication de données personnelles à une tierce personne de droit privé n'est possible alternativement que si, une loi ou un règlement le prévoit explicitement (let. a), un intérêt privé digne de protection du requérant le justifie sans qu'un intérêt prépondérant des personnes concernées ne s'y oppose (let. b). Dans les cas visés à l'art. 39 al. 9 let. b LIPAD, l'organe requis est tenu de consulter les personnes concernées avant toute communication à moins que cela n'implique un travail disproportionné. A défaut d'avoir pu recueillir cette détermination, ou en cas d'opposition d'une personne consultée, l'organe requis sollicite le préavis du préposé cantonal. L'art. 26 al. 2 let. g LIPAD établit une exception au droit d'accès aux documents lorsque celui-ci implique une atteinte notable à la sphère privée d'administrés ou d'institutions. Il n'exclut pas automatiquement l'accès à tout document concernant la sphère privée d'un tiers mais exige, selon la jurisprudence cantonale non contestée, une pesée des intérêts en présence.  
 
3.2. Pour justifier l'accès aux données personnelles de son épouse contenues dans son dossier auprès de l'OCPM, le recourant faisait valoir que tant les déclarations faites par celle-ci dans le cadre de sa procédure de naturalisation que les enquêtes menées par l'OCPM permettraient de contredire ses allégations dans la procédure pénale. En l'absence de consentement de l'épouse du recourant, le Préposé cantonal à la protection des données a été consulté par l'OCPM; il a formulé un préavis négatif, que l'office cantonal a suivi. Au regard de la gravité des faits reprochés au recourant dans le cadre de la procédure pénale et du fait que des procédures pénales et civiles étaient en cours, l'intérêt du recourant à accéder au dossier s'effaçait devant celui - prépondérant - de son épouse, à ce qu'il n'obtienne pas d'informations supplémentaires et potentiellement sensibles sur elle.  
 
3.2.1. Le recourant conteste cette appréciation. Il n'expose cependant pas en quoi elle procéderait d'une application arbitraire des dispositions cantonales applicables, qu'il ne mentionne au demeurant pas; plus généralement, il ne démontre pas que l'appréciation des autorités précédentes, singulièrement la pesée des intérêts opérée par ces dernières, serait indéfendable. Il était au demeurant loisible au recourant de solliciter directement du juge pénal la production des documents concernés dans le cadre de la procédure pénale. Or, le refus éventuel du juge pénal constitue une décision relevant de la procédure pénale, qu'il n'appartient pas au juge administratif d'examiner. Aussi les critiques élevées par le recourant, contre les juges pénaux, sous couvert de vouloir démontrer le caractère prétendument indispensable des données requises, ne sont-elles pas pertinentes, pas plus que les développements quant aux erreurs prétendument commises par ses avocats sur ce point.  
 
3.2.2. S'agissant des spéculations du recourant quant au contenu du dossier de naturalisation qu'il fonde sur le refus de consentement de son épouse, celles-ci sont également impropres à démontrer l'arbitraire dans l'appréciation des autorités précédentes, confirmée par la Cour de justice; elles dénotent en outre le caractère purement exploratoire de la démarche du recourant.  
 
3.2.3. Il faut encore, sur la base des éléments pénaux figurant au dossier (cf. notamment Jugement du Tribunal correctionnel du 26 janvier 2021 consid. 2.2), concéder à l'instance précédente que certains actes reprochés au recourant ont été commis après la naturalisation de son épouse, si bien que son dossier de naturalisation ne pourrait contenir d'éléments utiles à leur propos. A ce sujet, même si l'on voulait suivre les assertions appellatoires du recourant - irrecevables pour ce motif (cf. ATF 141 IV 369 consid. 6.3; 137 II 353 consid. 5.1) - et admettre, contrairement à ce qu'a retenu le Préposé à la protection des données, qu'aucune infraction n'a été commise après la naturalisation de l'épouse du recourant, cela ne rendrait pas pour autant arbitraire l'appréciation des autorités précédentes: il n'apparaît pas indéfendable, au regard des très graves atteintes physiques et psychologiques infligées à l'épouse du recourant, le constat de stress post-traumatique de celle-ci et l'existence de procédures pénales et civiles pendantes entre les parties, d'avoir jugé que même si un intérêt privé digne de protection du recourant devait être reconnu, celui-ci s'effacerait devant l'intérêt privé prépondérant de son épouse à ce que ses données personnelles ne soient pas communiquées.  
 
3.2.4. Devant le Tribunal fédéral, le recourant forme enfin une conclusion subsidiaire portant sur la consultation des informations au dossier de naturalisation le concernant exclusivement et les déclarations faites par son épouse à son sujet. Il ne prétend cependant pas qu'il aurait formulé une telle demande devant les autorités précédentes ni ne se plaint à cet égard d'un déni de justice. Il n'explique pas non plus en quoi il aurait été arbitraire de lui refuser ces informations, pas plus qu'il ne démontre que cela conduirait - dans le cas particulier - à un résultat insoutenable. Insuffisamment motivé, les explications en lien avec ce chef de conclusion sont irrecevables (art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF).  
 
3.3. Il s'ensuit que le grief doit être écarté, ce qui conduit au rejet du recours, dans la faible mesure de sa recevabilité. Les conclusions du recours étaient d'emblée dénuées de chances de succès, ce qui conduit au refus de l'assistance judiciaire (art. 64 al. 1 LTF). Cela étant, au vu de la situation personnelle du recourant, le présent arrêt sera néanmoins rendu sans frais (art. 66 al. 1 2ème phrase LTF).  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
L'assistance judiciaire est refusée. 
 
3.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au recourant, à l'Office cantonal de la population et des migrations du canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative. 
 
 
Lausanne, le 23 mai 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Alvarez