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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4P.97/2003 /ech 
 
Arrêt du 4 septembre 2003 
Ire Cour civile 
 
Composition 
MM. les Juges Corboz, Président, Nyffeler et Favre. 
Greffière: Mme Godat Zimmermann. 
 
Parties 
X.________ Sàrl, 
A.________, 
B.________, 
recourants, 
tous les trois représentés par Me Mathieu North, avocat, rue de Seyon 2, 2001 Neuchâtel 1, 
 
contre 
 
CAP Compagnie d'assurance de protection juridique SA, 
intimée, représentée par Me Jean-Claude Schweizer, avocat, avenue de la Gare 1/Boine 2, case postale 2253, 2001 Neuchâtel 1, 
Ière Cour civile du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, rue du Pommier 1, case postale 1161, 2001 Neuchâtel 1. 
 
Objet 
arbitraire; appréciation des preuves 
 
(recours de droit public contre le jugement de la Ière Cour civile du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel du 7 avril 2003) 
 
Faits: 
A. 
CAP Compagnie d'assurance de protection juridique SA (ci-après: CAP SA) est active dans le domaine de l'assurance de protection juridique depuis de nombreuses années. Le 29 mars 1995, elle a déposé la marque «CAP Compagnie Assurance de Protection Juridique», accompagnée d'éléments figuratifs («logo»), auprès de l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IFPI). 
 
Du 1er août 1990 au 6 mars 1992, A.________ - qui adoptera le nom de son épouse lors de son mariage avec B.________ - a été agent général de CAP SA à Neuchâtel. A la suite de la fermeture de l'agence neuchâteloise, il a été employé au «back office» de la société, à Genève, jusqu'au 31 décembre 1992. 
 
Le 29 octobre 1997, B.________et A.________ ont fondé X.________ Sàrl, pour des parts respectives de 1000 fr. et 19 000 fr.; l'épouse était gérante de la société. Tel que décrit au registre du commerce, le but de X.________ Sàrl consiste dans la «prestation de services dans les domaines tertiaires, mobiliers et immobiliers, soit achat, vente, courtage, conseil, mandat, assistance, fourniture, recrutement, recherche, consultation, gestion, domiciliation, analyse, commercialisation dans les branches juridiques, d'assurances, de finances et de psychologie». La société dispose d'un bureau à Neuchâtel et exerce son activité en Suisse romande. Dans ses relations avec la clientèle et notamment sur son papier à lettres, X.________ Sàrl a utilisé les mots «CAP JURIDIQUE» et «Conseils, Assistance et Protection juridiques». Par ailleurs, elle a déposé la marque de service «CAP JURIDIQUE» en janvier 1999. 
 
Par jugement du 18 avril 2000, le Tribunal de police du district de Neuchâtel a condamné A.________ à cinq jours d'emprisonnement et à une amende de 500 fr. pour infractions à la loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD; RS 241). B.________ a été acquittée. La Cour de cassation pénale cantonale a confirmé ce jugement. 
B. 
Le 14 avril 2000, CAP SA a déposé une demande en constatation du droit à la marque, en nullité et en cessation de trouble contre B.________, A.________ et X.________ Sàrl. Elle concluait à la constatation qu'elle seule est titulaire de la marque « CAP Compagnie d'assurance de protection juridique SA », à l'interdiction faite aux défendeurs d'utiliser la marque «CAP JURIDIQUE», les lettres «CAP» et la raison sociale ou individuelle «Conseils, Assistance et Protection juridiques», à la constatation de la nullité de la marque «CAP JURIDIQUE», à la radiation de la marque «CAP JURIDIQUE» par l'IFPI et à la publication du jugement. 
 
Par jugement du 7 avril 2003, la Ière Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois a interdit aux défendeurs d'utiliser la marque «CAP JURIDIQUE» ainsi que la dénomination «CAP Conseils, Assistance et Protection juridiques»; en outre, elle a ordonné la publication d'un résumé de sa décision dans la Feuille officielle de la République et Canton de Neuchâtel et dans les quotidiens «L'Express» et «L'Impartial», à une reprise. 
C. 
X.________ Sàrl, B.________ et A.________ interjettent un recours de droit public au Tribunal fédéral. Ils demandent l'annulation du jugement du 7 avril 2003. 
 
CAP SA conclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. 
 
Pour sa part, l'autorité cantonale se réfère à son jugement. 
 
Parallèlement à cette procédure, les recourants ont déposé un recours en réforme contre la même décision. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
1.1 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ). 
 
La cour cantonale a statué en instance cantonale unique (cf. art. 58 al. 3 de la loi fédérale sur la protection des marques et des indications de provenance [LPM; RS 232.11]), art. 12 al. 2 LCD et art. 21 let. c ch. 1 de la loi d'organisation judiciaire neuchâteloise); le jugement attaqué est ainsi final au sens de l'art. 86 al. 1 OJ. Par ailleurs, il ne peut faire l'objet d'aucun autre recours sur le plan fédéral, s'agissant du grief tiré de violations directes de droits constitutionnels (art. 84 al. 2 OJ). 
 
Ayant succombé presque entièrement en instance cantonale, les recourants sont personnellement touchés par la décision entreprise. Ils ont ainsi un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que ce jugement n'ait pas été adopté en violation de leurs droits constitutionnels; en conséquence, la qualité pour recourir doit leur être reconnue (art. 88 OJ). 
 
Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ) dans la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), le recours est recevable à cet égard. 
2. 
Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 129 I 113 consid. 2.1 p. 120; 128 III 50 consid. 1c p. 53/54 et les arrêts cités). 
2.1 Le moyen fondé sur la violation de l'art. 8 Cst. ne répond pas aux exigences susmentionnées. En effet, les recourants se contentent de se plaindre d'une inégalité de traitement par rapport à d'«autres entreprises», mais ne font pas valoir concrètement des exemples de comparaison (cf. ATF 129 I 113 consid. 5.1 p. 125/126; cf. également ATF 125 I 431 consid. 4b/aa p. 435/436). En réalité, le grief soulevé se confond avec celui de l'appréciation arbitraire des preuves. En tant que tel, le moyen pris de la violation de l'art. 8 Cst. est irrecevable. 
2.2 Il en va de même du grief lié à une prétendue atteinte à la liberté économique des recourants (art. 27 Cst.), dont la motivation extrêmement succincte ne satisfait pas aux conditions posées par l'art. 90 al. 1 let. b OJ
3. 
Les recourants se plaignent également d'une violation de l'art. 29 al. 1 et 2 Cst. 
3.1 D'une part, ils estiment que le jugement attaqué présente comme établis des faits qu'un témoin ne tenait que pour possibles. Ce faisant, ils reprochent à la cour cantonale de s'être livrée à une appréciation arbitraire des preuves. Le moyen pris d'un traitement inéquitable de la cause n'a en l'espèce pas de portée propre par rapport au grief fondé sur la violation de l'art. 9 Cst., que les recourants ont également soulevé et qui sera examiné plus loin. 
3.2 D'autre part, les recourants sont d'avis que la cour cantonale aurait dû reconnaître le caractère déterminant des preuves qu'ils ont administrées pour démontrer que le sigle CAP est à la disposition de tout un chacun. 
 
Selon la jurisprudence, le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend, notamment, le droit pour le justiciable de participer à l'administration des preuves et de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort du procès (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa p. 16; 126 V 130 consid. 2b p. 131/132; 124 I 49 consid. 3a, 241 consid. 2). 
 
En l'espèce, les recourants n'affirment pas s'être heurtés à un refus d'administration de preuves de la part des juges neuchâtelois, ni avoir été empêchés de fournir des preuves, mais reprochent à la cour cantonale de n'avoir pas considéré comme déterminants les moyens de preuve qu'ils avaient produits. Or, il s'agit là d'un grief lié à l'appréciation des preuves. Le moyen fondé sur la violation de l'art. 29 al. 2 Cst. est irrecevable. 
4. 
Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; encore faut-il que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motif objectif et en violation d'un droit certain. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution paraît également concevable, voire même préférable (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 128 I 81 consid. 2 p. 86, 177 consid. 2.1 p. 182, 273 consid. 2.1 p. 275; 128 II 259 consid. 5 p. 280). 
 
En matière d'appréciation des preuves, il y a arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur le sens et la portée d'un tel élément, ou encore lorsqu'elle tire des constatations insoutenables des éléments recueillis (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 I 208 consid. 4a). 
4.1 Selon les recourants, la cour cantonale a retenu de manière arbitraire que la fondation de X.________ Sàrl n'était intervenue que deux ans après l'échéance de la clause d'interdiction de concurrence contenue dans le contrat de travail conclu entre A.________ et l'intimée. 
 
La constatation incriminée n'a aucune incidence sur l'issue du litige. Selon le jugement attaqué, l'interdiction de concurrence était valable jusqu'à fin décembre 1995, de sorte que la clause contractuelle y relative ne liait plus A.________ lors de la création de X.________ Sàrl en 1997. Or, que la période de prohibition de concurrence ait pris fin le 31 décembre 1995, comme les juges neuchâtelois l'ont retenu, ou le 31 mars 1992, comme les recourants le soutiennent, est sans importance puisque, de toute manière, la cour cantonale a jugé que l'intimée ne pouvait plus invoquer la clause en question pour s'en prendre à la fondation de X.________ Sàrl. 
 
Au surplus, dans son appréciation du caractère déloyal ou non du comportement des recourants, les juges cantonaux ont relevé que A.________ était un ancien employé de l'intimée, ce qui est exact, mais n'ont pas retenu à charge du fondateur de X.________ Sàrl le fait que deux ans seulement séparaient l'échéance de la clause de prohibition de concurrence de la création de la nouvelle société. Le moyen est manifestement mal fondé. 
4.2 Les recourants soutiennent ensuite que l'assimilation des activités de X.________ Sàrl et de CAP SA est contraire à la réalité et aux preuves administrées. Cette dernière société n'offrirait pas de conseils juridiques à sa clientèle. 
 
Il est exact que, d'une part, l'intimée ne peut exercer aucune activité étrangère à l'assurance (cf. art. 12 al. 1 de la loi fédérale sur la surveillance des institutions d'assurance privées [LSA; RS 961.01]) et que, d'autre part, X.________ Sàrl n'a pas le droit d'opérer dans ce secteur économique. Il n'en demeure pas moins que l'activité de conseil, de recherche, de consultation, de gestion et de commercialisation exercée en particulier par X.________ Sàrl dans les «branches juridiques» et «d'assurances» est largement définie et apparaît ainsi suffisamment proche de celle de l'intimée pour que la cour cantonale puisse constater sans arbitraire, notamment sur la base du but social de chacune des sociétés, que celles-ci offrent toutes deux à leur clientèle des conseils juridiques et que leur domaine d'activité s'étend à toute la Suisse romande. Là aussi, le grief pris de la violation de l'art. 9 Cst. doit être rejeté. 
4.3 D'après les recourants, la cour cantonale s'est fondée de manière arbitraire sur le témoignage de D.________. Elle ne pouvait pas tenir pour établi le fait que l'employée de X.________ Sàrl devait transmettre à A.________ les appels téléphoniques des personnes cherchant en réalité à atteindre CAP SA et que son patron ne renvoyait pas ses interlocuteurs à cette dernière société. En effet, les déclarations de D.________seraient contradictoires dans la mesure où le témoin a également affirmé qu'il ne pouvait pas entendre la conversation téléphonique entre A.________ et l'appelant qui s'était trompé. 
 
Selon sa déposition, D.________ devait passer à A.________ les appels des personnes qui aboutissaient chez X.________ Sàrl en croyant atteindre CAP SA. L'employée avait parlé avec A.________ de ces problèmes d'«erreur d'aiguillage», dus à son sens au fait que les gens cherchaient dans le répertoire téléphonique de Neuchâtel une société qui n'y figurait plus. Le témoin ne se souvenait pas de la réponse de son patron à cet égard. 
 
Ainsi, même si elle n'entendait pas le contenu de la conversation entre A.________ et son interlocuteur, D.________ savait que ce dernier avait tenté de joindre CAP SA; dans cette hypothèse, elle avait en effet reçu l'ordre de transmettre la communication à A.________, sans pouvoir prendre d'initiative quant à l'acheminement de l'appel. 
 
Les constatations retenues par la cour cantonale sur la base de cette déposition ne vont pas au-delà des déclarations du témoin et ne portent nullement sur le contenu des conversations entre les clients de CAP SA et A.________. Elles sont parfaitement soutenables et résistent au grief d'arbitraire. 
4.4 Sur un autre point, les recourants critiquent la retranscription par la cour cantonale des propos du témoin D.________ au sujet du nombre de méprises enregistrées. A lire le jugement attaqué, l'employée de X.________ Sàrl aurait reçu à de nombreuses reprises des appels de clients croyant s'adresser à CAP SA, alors que, sur plusieurs centaines de communications notées sur des fiches manuscrites pendant six mois, seul un ou deux appels tous les quinze jours correspondaient à une confusion entre les deux sociétés. 
 
Dans les considérants en droit de son jugement, la juridiction cantonale a admis quatre motifs, à ses yeux déterminants, pour établir un rapport de concurrence entre les deux entreprises, ainsi que les risques de confusion possibles. Sur la base du témoignage de D.________, elle a retenu en particulier «qu'il arrivait régulièrement que des clients s'adressent à tort à X.________ Sàrl, croyant être en contact avec CAP». Cette constatation est conforme aux déclarations de l'employée de X.________ Sàrl; en effet, le témoin a affirmé avoir reçu de tels appels environ une ou deux fois par quinzaine, ce qui établit la régularité de la réalisation du risque de confusion, même si ce dernier, en ce qui concerne les appels téléphoniques, n'avait pas l'intensité que reflétait l'expression «à de nombreuses reprises» utilisée dans la partie en fait du jugement en cause. 
 
Cependant, dans la mesure où l'argumentation des premiers juges repose en outre sur trois autres constatations de fait tirées de preuves documentaires et des déclarations des parties, venant largement corroborer la réalisation du risque de confusion établi par le témoignage de D.________, l'appréciation globale des preuves à laquelle s'est livrée la juridiction cantonale ne saurait être qualifiée d'arbitraire. Au regard de l'art. 2 LCD, l'existence d'un risque de confusion, même indirect, suffit. Or, le témoignage de l'employée de X.________ Sàrl démontre non seulement l'existence d'un tel risque, mais sa réalisation, à certaines occasions. Le résumé imprécis, maladroit, voire inexact de la déposition du témoin, rédigé dans la partie en fait de la décision entreprise, n'a pas eu les conséquences que lui prêtent les recourants dans l'examen juridique de la cause. Là encore, le moyen tiré d'une appréciation arbitraire des preuves est mal fondé. 
4.5 Selon les recourants, la cour cantonale est tombée dans l'arbitraire en ne reconnaissant pas l'absence de caractère distinctif du sigle CAP. 
 
Ce moyen, en rapport avec l'application de la LPM, est également développé dans le recours en réforme connexe. Vu la subsidiarité absolue du recours de droit public (art. 84 al. 2 OJ), le grief est irrecevable. 
5. 
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
Les recourants, qui succombent, prendront à leur charge les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ) et verseront à l'intimée une indemnité à titre de dépens (art. 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
2. 
Un émolument judiciaire de 4000 fr. est mis solidairement à la charge des recourants. 
3. 
Les recourants, débiteurs solidaires, verseront à l'intimée une indemnité de 5000 fr. à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Ière Cour civile du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel. 
Lausanne, le 4 septembre 2003 
Au nom de la Ire Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: La Greffière: