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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_483/2022, 1C_486/2022  
 
 
Arrêt du 9 novembre 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Müller. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
1C_483/2022 
Chemins de fer fédéraux suisses CFF SA, Acquisitions et ventes-région ouest, avenue de la Gare 43, 1003 Lausanne, 
représentée par Me Benoît Carron, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Ville de Genève, Département de l'aménagement, des constructions et de la mobilité, case postale 3983, 1211 Genève 3, 
intimée, 
 
Commission fédérale d'estimation 
du 1er arrondissement, 
 
et 
 
1C_486/2022 
Ville de Genève, Département de l'aménagement, des constructions et de la mobilité, case postale 3983, 1211 Genève 3, 
recourante, 
 
contre  
 
Chemins de fer fédéraux suisses CFF SA, Acquisitions et ventes-région ouest, avenue de la Gare 43, 1003 Lausanne, 
représentée par Me Benoît Carron, avocat, 
intimée, 
 
Commission fédérale d'estimation 
du 1er arrondissement. 
 
Objet 
Indemnité pour expropriation partielle, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 6 juillet 2022 (A-862/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
La Ville de Genève est propriétaire des quatre parcelles n° s 1635, 1797, 1947 et 1990 du Registre foncier de la Commune de Genève, section Eaux-Vives. Les parcelles nos 1635, 1797 et 1947, situées entre la rue Crespin et la rue Michel Chauvet, forment un ensemble sur lequel se trouvent actuellement le parc et l'école primaire des Contamines. La parcelle n° 1635, d'une surface totale 2'624 m², est sise en partie en zone de verdure (1'940 m²) et en partie en 3e zone de construction (684 m²). Elle est occupée par une partie (470 m²) de l'école précitée. La parcelle n° 1947, d'une surface totale de 5'604 m² se trouve également en partie en zone de verdure (857 m²) et en partie en 3 èm e zone de construction (4'747 m²). Elle supporte 450 m² du bâtiment de l'école. La parcelle n° 1797, d'une surface totale de 8'459 m², est également sise en partie en zone de verdure (7'540 m²) et en partie en 3 èm e zone de construction (919 m²). Le bâtiment de l'école empiète sur cette parcelle pour 1 m². Située dans un secteur distinct des précédentes, la parcelle n° 1990, d'une surface totale de 840 m², jouxte la route de Malagnou. Sise en 3e zone de construction, elle est affectée à une contre-allée, à des places de stationnement et à un trottoir et constitue en outre un chemin d'accès à l'école de Roches.  
 
B.  
Par décision du 5 mai 2008, l'Office fédéral des transports a approuvé les plans du projet ferroviaire Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse (CEVA), accordant aux Chemins de fer fédéraux suisses (les CFF) et à l'Etat de Genève le droit d'exproprier les propriétaires concernés, parmi lesquels figure la Ville de Genève notamment pour les parcelles susmentionnées, selon les plans d'emprise et les tableaux des droits à exproprier (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_342/2011, 1C_343/2011, 1C_344/2011 et 1C_348/2011 du 15 mars 2012). 
 
C.  
En avril 2016, les CFF ont saisi la Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement (CFE) de quatre requêtes en estimation pour la constitution, sur chacune des parcelles précitées, d'une servitude de superficie pour tunnel ferroviaire, d'une servitude de restriction au droit de bâtir et d'une servitude de tolérance d'exploitation ferroviaire. 
Par décision du 28 juin 2017, la CFE a considéré que la Ville de Genève ne subissait aucun dommage pour les servitudes sur les parcelles nos 1947 et 1990. Par décision du 24 août 2017, elle a accordé 256'680 fr. d'indemnité pour la parcelle n° 1635 et 381'430 fr. pour la parcelle n° 1635. La valeur des fonds a été estimée à 2'000 fr./m² pour la 3ème zone et à 50 fr./m² pour la zone de verdure, et la diminution de valeur a été estimée à 20% en raison des servitudes de superficie et de restriction des droits à bâtir, la servitude de tolérance ferroviaire ne causant en revanche aucune diminution. 
Par arrêt du 3 juillet 2018, le Tribunal administratif fédéral (TAF) a annulé les décisions du 28 juin et du 24 août 2017 et a renvoyé les causes à la CFE pour instruction complémentaire et nouveau prononcé au sens des considérants. Les décisions attaquées étaient contradictoires et ne motivaient pas suffisamment les prix retenus pour les différentes zones. L'autorité inférieure devait aussi expliquer si la dépréciation de 20%, applicable à la surface couverte par l'assiette des servitudes, comprenait également la diminution de la valeur du reste du terrain. 
Par nouvelle décision du 18 janvier 2021, la CFE a débouté la Ville de Genève de ses quatre demandes d'indemnité. Les trois parcelles nos 1947, 1797 et 1635 se trouvaient dans une zone réservée à l'intérêt général selon le plan de quartier (PDQ) Contamines, et destinées à des activités scolaires ou d'intérêt public; les possibilités de construire (implantations théoriques) n'étaient pas impactées par les servitudes des CFF. La parcelle n° 1990 était grevée de servitudes limitant considérablement les possibilités de mise en valeur; les constructions envisageables pouvaient être réalisées sans être impactées par les servitudes. 
 
D.  
Par arrêt du 6 juillet 2022, le TAF a partiellement admis le recours des CFF et réformé la décision de la CFE. Se référant à un précédent arrêt entré en force, il a considéré que la valeur vénale de l'ensemble des terrains devait être estimée à 50 fr./m² y compris pour les parties se trouvant en 3ème zone de construction, soumises au PLQ Contamines qui limitait la construction à des bâtiments d'utilité publique. L'indemnité pour les servitudes (soit 3'486 m² au total), estimée à 20% de l'emprise, était de 34'860 fr. Pour la diminution de la valeur de la partie restante (soit 14'041 m²), le TAF a retenu que les surfaces affectées en zone de verdure (9'069 m²), inconstructibles, n'étaient pas affectées par les servitudes; pour la partie sise en zone de construction 3 (4'972 m²), les servitudes limitaient les constructions souterraines à un niveau (deux pour la parcelle n° 1947), ce qui correspondait à une perte de valeur de 7,5%, soit 18'645 fr. au total. Les CFF étaient donc condamnés à payer à la Ville de Genève une indemnité de 53'505 fr. avec intérêts. 
 
E.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public (cause 1C_483/2022), les CFF demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du TAF et de débouter la Ville de Genève de sa demande d'indemnité, subsidiairement de renvoyer la cause au TAF ou à la CFE pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
La Ville de Genève forme également un recours en matière de droit public (cause 1C_486/2022), par lequel elle demande l'annulation de l'arrêt du TAF en tant qu'il fixe à 50 fr./m² la valeur vénale des parcelles, et la condamnation des CFF à lui verser 1'645'680 fr. d'indemnité, avec intérêts. 
Le TAF se réfère à son arrêt, sans observations. La CFE s'en rapporte à justice. 
Dans la cause 1C_483/2022, la Ville de Genève conclut au rejet du recours. Les CFF ont renoncé à de nouvelles déterminations et persistent dans leurs conclusions. 
Dans la cause 1C_486/2022, les CFF concluent à la jonction des causes et au rejet du recours de la Ville de Genève. Dans ses dernières observations, la Ville de Genève adhère à la demande de jonction des causes et persiste dans ses conclusions sur le fond. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les deux recours sont dirigés contre le même jugement; ils concernent le même complexe de faits et portent dans une large mesure sur les mêmes questions de droit. Il se justifie de les joindre et de statuer par un seul arrêt (art. 71 LTF et 24 PCF). 
 
2.  
Les recours en matière de droit public (art. 82 let. a LTF) sont interjetés en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre un arrêt final rendu par le Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 let. a LTF et 87 al. 1 de la loi fédérale sur l'expropriation - LEx, RS 711). Les CFF ont qualité pour agir en vertu des art. 78 al. 1 LEx et 89 al. 1 LTF, tout comme la Ville de Genève en tant qu'expropriée se plaignant d'une indemnisation insuffisante. 
 
3.  
Les recourants présentent chacun des remarques relatives aux faits de la cause. Les CFF rappellent leurs conclusions devant la CFE, ainsi que les considérants retenus par celle-ci dans sa décision; ils en concluent que la CFE aurait répondu aux injonctions du premier arrêt du TAF et que ses constats seraient corrects. La Ville de Genève constate que l'essentiel des faits pertinents figurerait dans la partie en droit de l'arrêt attaqué, la partie en fait étant consacrée à un simple rappel du déroulement de la procédure; elle se réfère dès lors aux faits ressortant de la partie en droit. 
 
3.1. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recourant ne peut critiquer les constatations de fait que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire; cf. ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 144 II 281 consid. 3.6.2 - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 148 I 160 consid. 3; 145 V 188 consid. 2; 142 II 355 consid. 6).  
 
3.2. Le rappel du raisonnement de la CFE ne figure certes pas in extenso dans l'arrêt attaqué. Il est toutefois mentionné aux consid. 6.1 et 7.1 de l'arrêt du TAF et ne constitue d'ailleurs pas un élément directement pertinent dans la mesure où seul ce dernier peut faire l'objet du présent recours. Au demeurant, la question de savoir si le raisonnement de la première instance est conforme à l'arrêt de renvoi, et plus généralement au droit, ne constitue pas une question de fait que le recourant peut contester en s'appuyant sur l'art. 97 LTF. S'il fallait y voir un grief formel, celui-ci serait irrecevable.  
 
3.3. La Ville de Genève est pour sa part libre de reprendre les éléments de fait retenus dans l'arrêt attaqué, dans la mesure où ils ne sont pas valablement contestés céans. Elle ne formule d'ailleurs pas de grief particulier à cet égard.  
 
4.  
Le recours de la Ville de Genève concerne essentiellement la valeur vénale retenue pour l'ensemble des terrains grevés, soit 50 fr./m². Les CFF ne remettent pas en cause ce montant. Il s'agit dès lors de la première question à résoudre. La recourante conteste la référence, pour les parcelles nos 1637, 1947 et 1797, à un précédent arrêt du TAF du 18 mars 2021 (cause A 6933/2017) concernant la parcelle n° 3063; elle relève que cette parcelle faisait partie du domaine public, dont l'usage pouvait être assimilé à celui d'une zone de verdure; cette appréciation ne pourrait en revanche s'appliquer à des terrains se trouvant en 3ème zone de construction, qui demeurent constructibles malgré les contraintes imposées par le PLQ. L'arrêt attaqué omettrait ensuite de prendre en compte la position particulière de la Ville de Genève et de ses obligations en matière de planification des installations scolaires, ce qui implique une obligation d'acquisition aux prix du marché. Même si ces parcelles ne sont par la suite plus commercialisées, elles conserveraient une valeur élevée, estimée selon son expert à 2'000 fr./m². Elle estime qu'il en irait de même pour la parcelle n° 1990. 
 
4.1. Selon l'art. 16 LEx, l'expropriation ne peut avoir lieu que moyennant indemnité pleine et entière. L'art. 19 LEx précise que pour la fixation de l'indemnité, doivent être pris en considération tous les préjudices subis par l'exproprié du chef de la suppression ou de la diminution de ses droits; l'indemnité comprend a) la pleine valeur vénale du droit exproprié, b) en cas d'expropriation partielle d'un immeuble - ou de plusieurs immeubles dépendant économiquement les uns des autres -, le montant dont est réduite la valeur vénale de la partie restante (y compris la perte ou la diminution d'avantages influant sur la valeur vénale de ladite partie, cf. art. 22 al. 2 LEx), et c) le montant de tous les autres préjudices subis par l'exproprié, en tant qu'ils peuvent être prévus, dans le cours normal des choses, comme une conséquence de l'expropriation.  
La valeur vénale d'un bien est la valeur qui lui est attribuée dans des circonstances normales, à une époque déterminée et à l'occasion d'un échange d'ordre économique (arrêt 1C_141/2013 du 5 septembre 2013 consid. 5). La pleine valeur vénale du droit exproprié correspond au prix de vente qui pourrait être obtenu en cas d'aliénation sur le marché, dans des conditions ordinaires (ATF 122 II 246 consid. 4a, ATF 106 Ib 223 c. 3a). Il s'agit de la valeur objective de l'objet, soit celle qui correspond au prix d'aliénation, abstraction faite des prix spéculatifs ou de bradage. Pour ce qui concerne les éléments de nature juridique à retenir dans l'évaluation, ceux-ci relèvent des réglementations de droit public qui définissent les utilisations légales possibles du bien exproprié. La possibilité d'une utilisation meilleure du bien exproprié que celle qui en est faite par l'exproprié doit également être retenue quant à la détermination de sa valeur vénale, conformément à l'art. 20 al. 1 LEx, lorsqu'elle paraît non seulement plausible, mais hautement vraisemblable dans un proche avenir; des possibilités purement théoriques ou de vagues projets de meilleure utilisation ne suffisent pas (ATF 134 II 49 consid. 13.3, 129 II 470 consid. 6, 114 Ib 321 consid. 3, 113 Ib 39 consid. 4b, 112 Ib 531 consid. 3). 
Pour déterminer la valeur vénale, plusieurs méthodes sont possibles, telles que la méthode comparative (ou statistique) qui fixe la valeur des immeubles sur la base des prix effectivement payés pour des fonds semblables; la méthode fondée sur la valeur de rendement qui détermine le capital correspondant au revenu actuel de l'objet exproprié; la méthode régressive (ou rétrospective ou déductive) qui détermine la valeur d'un terrain en fonction du rendement qui pourra être obtenu après que des bâtiments auront été édifiés ou encore la méthode fondée sur la situation de l'immeuble (méthode hédoniste). La méthode statistique permet d'établir le plus sûrement le prix que serait prêt à payer un nombre indéterminé d'acheteurs intéressés sur le marché libre pour le bien-fonds en question (cf. ATF 122 I 168 consid. 3a), mais elle ne donne un résultat correct que pour autant que l'on dispose d'un nombre suffisant d'objets présentant des caractéristiques analogues (cf. ATF 122 I 168 consid. 3a). A défaut, les autres méthodes seront utilisées. Le résultat de l'application d'une méthode peut être aussi vérifié par une autre méthode. Dans certains cas particuliers, il n'est pas rare d'en combiner plusieurs pour arriver au résultat final (cf. ATF 134 II 49 consid. 15.1). La CFE - composée d'experts bénéficiant de compétences spécialisées - dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans le choix de la méthode. Elle peut même développer sa propre méthode du moment qu'elle respecte le droit fédéral (cf. ATF 138 II 77 consid. 3.1 et 6). 
 
4.2. Les parcelles de la Ville de Genève sont en l'occurrence colloquées pour partie en zone de construction 3, soit une zone destinée aux grandes maisons affectées à l'habitation, au commerce et aux autres activités du secteur tertiaire; cette zone comprend les régions dont la transformation en quartiers urbains est fortement avancée (art. 19 al. 1 de la loi genevoise d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire - LaLAT, RS/GE L 1 30). Les parcelles nos 1635, 1797 et 1947 forment un ensemble qui est soumis depuis 2001 au PLQ Contamines, lequel réserve les parties de terrains situés en 3ème zone à des constructions et installations d'utilité publique (école et préau) et les parties en zone de verdure à un espace libre ouvert au public (parc). En outre, la partie située en 3ème zone est également soumise à un plan d'utilisation du sol (PUS) prévoyant pour les parcelles concernées un minimum de logements (80%) et d'espaces verts (40%), cette réglementation ne s'appliquant toutefois pas à la transformation des équipements publics (art. 15A al. 3 LExt).  
 
4.3. S'agissant de la partie des terrains située en zone de verdure, le TAF s'est référé à son précédent arrêt (A-6933/2017) du 18 mars 2021 concernant notamment l'indemnisation pour une emprise définitive sur la parcelle n° 1947. S'agissant de la partie située en zone de verdure (uniquement concernée par l'emprise), le tribunal s'est fondé sur cinq transactions comparables (zones de verdure en ville de Genève) sur une période de dix ans faisant ressortir un prix moyen de 46,3 fr./m². Compte tenu du nombre restreint de transactions, les particularités des terrains ont été prises en compte, soit notamment le maintien de la zone de verdure à destination d'un parc (confirmée en votation populaire en 1997), et son caractère inconstructible malgré son emplacement en zone urbaine centrale. Le prix de 50 fr./m² fixé par l'instance d'estimation a ainsi été confirmé. Dans l'arrêt attaqué, le TAF s'en est tenu à ce montant pour la partie des parcelles nos 1635, 1797 et 1947 situées en zone de verdure et affectées en parc public.  
S'agissant de la partie située en zone de construction 3, le TAF n'a pas méconnu que celle-ci est en principe constructible. Toutefois, le PLQ limitait les possibilités de construire à des installations d'utilité publique telles que celles qui s'y trouvaient déjà (préau et école). L'application des prix pour du terrain non bâti en centre ville ne se justifiait donc pas et la méthode statistique était impraticable puisque seul l'Etat pouvait être amené à réaliser des constructions d'utilité publique de ce genre. La méthode fondée sur la valeur de rendement n'était pas plus praticable, l'immeuble ne dégageant aucun revenu. En définitive, le TAF s'en est tenu à la méthode hédoniste. Il n'a donc pas repris purement et simplement le montant arrêté dans son précédent arrêt pour la parcelle n° 3063 située sur le domaine public, mais s'est fondé sur les circonstances objectives découlant de l'ensemble de la réglementation applicable aux trois parcelles. La recourante se limite à affirmer que ses terrains sont constructibles, et qu'en tant qu'autorité chargée de la planification scolaire, il lui appartiendrait de procéder aux acquisitions nécessaires. Le prix à payer pour de telles acquisitions en d'autres endroits - par hypothèse en zone entièrement constructible, sans limitation - n'est toutefois pas déterminant. 
 
4.4. Quant à la parcelle n° 1990, elle se trouve, dans un secteur distinct du précédent, en bordure de la route de Malagnou. Elle consiste en une contre-allée de 9 mètres de large entre cette route et une barre d'immeubles, et est occupée par des places de stationnement et un trottoir; sa partie est sert en outre de chemin d'accès à l'école de Roches. Elle est entièrement affectée en 3ème zone de construction, sans PLQ. Contrairement à ce que soutient la recourante, le TAF n'a pas considéré qu'il s'agissait, à l'instar de la parcelle n° 3064 concernée par l'arrêt du 18 mars 2021, d'une parcelle du domaine public. Toutefois, il lui a attribué la même valeur de 50 fr./m² en raison de son utilisation actuelle (stationnement, trottoir, accès), comparable à celle d'une simple voie de desserte où les possibilités de construire, encore limitées par des servitudes de passage et d'empiétement, apparaissent d'emblée très restreintes, voire inexistantes.  
Sur le vu de ce qui précède, la valeur vénale de 50 fr./m² pour l'ensemble des parcelles a été fixée en tenant compte de tous les éléments disponibles et n'apparaît pas contraire au droit fédéral. Le recours de la Ville de Genève doit être rejeté. 
 
5.  
Dans leur recours, les CFF contestent le montant de la moins-value correspondant à l'emprise des servitudes (20%). Contrairement à ce que retient l'arrêt attaqué, ils avaient critiqué ce pourcentage de 20% en se référant à la décision de la CFE. En outre, dans son arrêt de renvoi du 3 juillet 2018, le TAF avait lui-même considéré qu'une dépréciation linéaire de 20% apparaissait à première vue élevée. S'agissant des parcelles n° s 1947, 1797 et 1635, les CFF relèvent que leur constructibilité est limitée par le PLQ à une école et un préau. Sur la parcelle n° 1990, de nouvelles constructions (galette commerciale) seraient très improbables: seule une construction basse non excavée ou la modification du profil de la rue seraient envisageables et ne seraient pas impactées par les servitudes. 
 
5.1. Le TAF a certes relevé incidemment que les CFF ne contestaient pas le pourcentage de 20% réclamé par la Ville de Genève (consid. 7.4). Il ne s'est toutefois pas fondé sur cette simple constatation, mais a repris dans le détail l'argumentation des CFF quant à la perte de valeur des parcelles (consid. 7.3.1 et 7.3.2) et a examiné sur le fond les prétentions de la Ville de Genève, en particulier la valeur vénale des droits expropriés. Dès lors, l'affirmation selon laquelle les CFF ne contestaient pas "en particulier" le pourcentage de 20% signifie que si les CFF contestaient le principe de toute indemnisation pour la valeur des droits expropriés, ils ne présentaient pas d'arguments à propos du taux de l'indemnité. Il ne se justifie donc pas de rectifier l'arrêt attaqué sur ce point.  
 
5.2. L'indemnité pour la constitution des servitudes a été estimée selon les règles applicables à l'expropriation partielle (art. 19 let. b LEx), soit par comparaison entre la valeur vénale des biens-fonds sans et avec les servitudes (méthode de la différence; ATF 141 I 113 consid. 6.5.1; 129 II 420 consid. 3.1.1).  
Le TAF a considéré que la perte de valeur pour les terrains grevés de servitudes était de 20%. Cela correspond à la pratique jurisprudentielle selon laquelle, en présence de restrictions d'utilisation en sous-sol - allant de 4,2 à 6,6 mètres selon les parcelles -, l'impossibilité d'exploiter le terrain dans sa profondeur doit être indemnisée pour une fraction de la valeur vénale (de 15% dans l'ATF 122 II 246 consid. 4b; de 10 à 20 % dans l'arrêt 1C_662/2021 du 17 février 2023 consid. 4.2, concernant des servitudes souterraines de même nature). Le fait que l'expropriée n'ait aucun projet concret d'utilisation de ses parcelles ne permet pas de lui refuser toute indemnisation pour perte de valeur de son terrain (ATF 122 II 246 consid. 4c). L'arrêt attaqué est, dans cette mesure, conforme au droit fédéral. 
 
6.  
Les CFF contestent enfin la dépréciation de la partie restante des terrains, estimée à 7,5% par le TAF. Ils relèvent que l'essentiel de la surface constructible non touchée directement par les servitudes ferroviaires concerne la parcelle n° 1947, soit 4'367 m² qui ne sont pas en zone de verdure inconstructible ni couverts par l'assiette de la servitude. Compte tenu de la possibilité de construire jusqu'à deux étages en sous-sol au-dessus de la servitude, le solde ne serait pas limité. Les parties constructibles des parcelles nos 1797 et 1635 non couvertes par l'assiette des servitudes sont directement attenantes aux surfaces constructibles de la parcelle n° 1947, de sorte que la zone à bâtir serait maintenue d'un seul tenant. S'agissant de la parcelle n° 1990, les CFF se réfèrent à leur argumentation concernant la moins-value de l'emprise des servitudes: les possibilités de constructions seraient très réduites. 
 
6.1. Selon l'art. 19 let. b LEx, l'indemnité comprend, en cas d'expropriation partielle d'un immeuble - ou de plusieurs immeubles dépendant économiquement les uns des autres -, le montant dont est réduite la valeur vénale de la partie restante. Dans le cas de servitudes souterraines, la suppression - ou la réduction - du droit d'utiliser le sous-sol peut également affecter la valeur de la partie restante de la parcelle. Sur ce point également, il y a lieu de reconnaître à l'instance d'indemnisation - tout comme au TAF, dont le pouvoir d'examen n'est pas limité sur ce point - un large pouvoir d'appréciation.  
 
6.2. Le TAF a considéré que la présence des servitudes limitait à un voire deux étages les constructions en sous-sol sur les parcelles n os 1947, 1797 et 1635. Même si l'emprise de la servitude occupe, sur la parcelle n° 1947, une surface triangulaire à l'écart du bâtiment existant, le droit d'utiliser le sous-sol se trouve manifestement limité sur le reste de la partie constructible du terrain. Cette atteinte au droit de construire doit être reconnue sans qu'il n'y ait à rechercher précisément de quelle manière un tel droit pourrait être exercé, ni quels seraient les projets concrets du propriétaire (ATF 122 II 246 consid. 4c). Le TAF s'est par ailleurs référé à l'arrêt précité dans lequel une diminution de 15% de la valeur de la parcelle a été reconnue en raison de particularités telles que la nécessité de construire des fondations particulièrement coûteuses, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence (cf. également l'arrêt 1C_662/2021 du 17 février 2023; moins-value fixée à 15%). L'estimation de la moins-value à 7,5% tient compte des exemples jurisprudentiels disponibles et des circonstances concrètes (la possibilité de réaliser deux sous-sols sur la parcelle n° 1947, l'absence de difficultés particulières liées aux constructions en sous-sol), et n'apparaît ainsi pas critiquable. Le même raisonnement est applicable aux deux autres parcelles du même secteur, pour la surface constructible hors assiette des servitudes, ainsi qu'à la parcelle n° 1990, que la servitude - qui limite les possibilités de construire à un seul niveau en sous-sol - traverse en son centre, compromettant toute éventualité de construction souterraine.  
Le grief doit donc lui aussi être écarté. 
 
7.  
Sur le vu de ce qui précède, les deux recours sont rejetés. Conformément à l'art. 66 al. 1 et 4 a contrario LTF, les frais judiciaires doivent être répartis par moitié entre les recourants, dont les conclusions sont écartées. Les dépens (art. 68 al. 2 et 3 a contrario LTF) peuvent être compensés. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Les causes 1C_483/2022 et 1C_486/2022 sont jointes. 
 
2.  
Les recours sont rejetés. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 8'000 fr., sont mis pour 4'000 fr. à la charge des Chemins de fer fédéraux CFF SA, et pour 4'000 fr. à la charge de la Ville de Genève. Les dépens sont compensés. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Commission fédérale d'estimation du 1 er arrondissement et au Tribunal administratif fédéral, Cour I.  
 
 
Lausanne, le 9 novembre 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Kurz